VIDEOAMY COLLÉ DIENG A VENGÉ LES SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Combien de fois Youssou Ndour a-t-il mis des Sénégalais en transe ou déclenché des frissons chez nous tous ? Lors du Grand Bal du 31 décembre 2020, c’est Amy Collé, sa « fille », qui nous venge en l’« emmenant chez Ardo »
Ce texte fait suite au visionnage de la vidéo YouTube du duo Youssou Ndour-Amy Collé Dieng extraite du Grand Bal du 31 décembre 2020.
Youssou a laissé une bonne place à Amy Collé (à partir de 5 min 23). Le résultat est un chef-d’œuvre de mbalax. En l’examinant de près, on y découvre des réactions émotionnelles ou instinctives insoupçonnées et croustillantes.
Mbaye Dieye Faye, l’homme jovial, nous montre qu’il est très sensible. Il avait les larmes dans la voix en évoquant les décès récents de Balla Gaye et de Doudou Seck. Youssou Ndour, majestueux dans la première partie, a tremblé de tout son corps au moment où Amy Collé lui faisait des éloges (à partir de 7 min 34, sur 1 seconde). C’est comme s’il avait reçu une décharge électrique. À partir de 8 min 00 et sur une période de 45 secondes pendant laquelle Amy Collé le compare au meilleur des étalons d’une course de chevaux, on dirait un homme en transe qui ne sait plus où il met les pieds.
Combien de fois Youssou a-t-il mis des Sénégalais en transe ou déclenché des frissons chez nous tous ? Cette fois-ci, c’est Amy Collé, sa « fille », qui nous venge en l’« emmenant chez Ardo ». Assane Thiam et Jimmy sont les rares qui sont au courant du « traitement » infligé à leur boss par Amy Collé. Je crois qu’il le leur a avoué par autodérision ; Youssou ne peut pas manquer d’humour avec ses musiciens dont certains sont devenus des « potes » de plus 40 ans de vie commune.
Mbaye Dieye Faye
Mbaye Dieye Faye est un as de l’animation. Il a étalé toute sa classe. Il sait créer la bonne ambiance. Il a accueilli Amy avec des compliments et l’a soutenue durant toute la chanson avec des « ndeysane » et des « lahilaha ihlala ». Il sait recadrer en y mettant la manière. Il demande gentiment à Amy de se dresser face à la caméra, car le monde entier est en train de la regarder.
On note chez Mbaye Dieye une grosse sensibilité ; à un moment, l’émotion lui a étranglé la voix. C’est quand il a évoqué le nom d’Ibou Ndiaye Niokhobaye en rendant hommage aux deux disparus (Balla Gaye et Doudou Seck). Il s’est ressaisi très vite en tendant la perche à Youssou Ndour. Quand il dit « ndeysane » ou « lahilaha ihlala », je crois qu’il exprime sincèrement un sentiment d’admiration.
Youssou Ndour
Youssou Ndour, l’artiste planétaire, mêle art et efficacité. C’est un artiste leader. Il a une très belle voix et il sait puiser dans le répertoire musical traditionnel wolof, qui est très riche. Dans ce titre, on retrouve des classiques : « Socé Demba Majiguène, Thieyacine Demba ak Mar », « Bismilahi ñoo ngi door ree », « Gawlo Jamm nga yendo, jamm nga fanane ».
Très rigoureux, dès l’entame de la prestation d’Amy, il lui indique du doigt de se mettre face à la caméra. On voit également que c’est d’une main de maître qu’il supervise le travail collectif. Il donne des directives précises, suivies par les membres de l’orchestre.
Je crois qu’il a été touché par les éloges d’Amy Collé. Celle-ci a commencé en rappelant son identité et les liens historiques qui les lient. À 7 min 28 précises, elle entonne dans une envolée sublime : « Majiguèèèène Ndouuuur, Ndeye Soxnay sa yaye » ; Youssou met sa main gauche sur son nez, comme par pudeur ou kersa. Lorsqu’elle ajoute « Elimanay sa Baye », il tremble de tout son corps pendant une seconde, entre 7 min 34 et 7 min 35. C’est peut-être cela qu’Elhadji Mansour Mbaye appelle « yaram bouy daw ». Pour masquer cela, il se met à danser. À partir de 8 min 00, Amy Collé est toujours dans sa lancée élogieuse, entrecoupée d’un vrai solo des trois percussionnistes, en comparant Youssou Ndour au meilleur des étalons. Sur une période de 45 secondes à partir de 8 min 00, on dirait un homme en transe qui ne sait plus où il met les pieds. Il ne danse pas, il ne marche pas, il titube.
À 9 min 00, Youssou s’entretient avec Assane Thiam et Jimmy Mbaye. Sans pouvoir l’attester avec certitude, je crois qu’il leur a dit que la petite l’a vraiment touché (qu’elle l’a emmené chez Ardo). Ces derniers commencent à rigoler, mais vers 9 min 07, au moment où Amy entonne « Ndeye Soxna Mboupay sa yaye », Assane et Jimmy se tordent de rire, comme pour dire : « Mais elle va le tuer… ».
Le cas échéant, ce monsieur serait d’une grande maturité, car accepter sa vulnérabilité et en rire avec les autres est simplement un signe de sagesse. À partir de 9 min 23, on note une reprise en main de la situation par Youssou Ndour. Cela également est une marque d’élévation : je tombe, mais je me relève vite. L’homme dont Néneh Cherry disait qu’en l’écoutant, elle avait la chair de poule, est aussi vulnérable que nous tous.
À partir de 10 min 08, Amy étale une autre dimension de son art. Elle y reprend « Ndeye Soxna Mboup moy sa yaye kou la ci way nga contane ». Jimmy Mbaye acquiesce comme pour dire : « Tu ne sais même pas combien tu as raison ». Elle y évoque également son amour du Prophète. Là, Youssou est au comble du bonheur (voir la position à 10 min 39). Et toujours dans la même lancée, et de façon très affectueuse, elle entonne : « Yaye sama Baye, so mané wayal ma waye ».
Mais vers 11 minutes, il s’est passé quelque chose qui mérite l’attention. Amy entonne « Art bi dafa yatou lol… » ; Youssou devait assurer les chœurs, mais rien ne sort du micro. Est-ce une étreinte émotionnelle ? Est-ce un problème du micro ? Est-ce le souhait de la star planétaire de laisser le maximum de place à Amy Collé ? Je penche plus pour un problème technique, car le micro s’active subitement quelques minutes plus tard. Jimmy Mbaye, comprenant la difficulté sur les chœurs, s’adresse aux choristes pour leur demander d’élever la voix.
Amy Collé Dieng
Amy Collé Dieng est une muse poussée par son côté émotionnel visiblement très développé, sa sensibilité et un lyrisme exceptionnel. Sa voix est magnifique, puissante, touchante et on sent qu’elle est complètement connectée à son cœur. Elle est une fan inconditionnelle de Youssou et dans ce duo (ou trio), en s’appuyant sur cette chanson, « Léteuma », elle fait l’éloge de son idole. Le résultat est époustouflant et très émouvant. Elle est incontestablement la star sur ce son et c’est certainement ainsi que Youssou l’a voulu.
Elle est accueillie comme une reine par Youssou et Mbaye Dieye Faye. Elle est authentique, naturelle et son corps est en accord parfait avec la musique du début à la fin. Quand elle lance son « Majiguèèèène… », tout son corps accompagne l’expression vocale. Idem quand elle lui indique son attachement au Prophète. Ne dit-elle pas que le vrai amour est éternel, sinon ce n’est pas de l’amour ? Tout cela dégage une beauté exquise.
Il lui est très difficile de respecter cette consigne de se mettre face à la caméra, car elle se soucie plus du moment agréable qu’elle est en train de passer devant son idole. Mais aussi, on est plus à l’aise en face d’une personne à qui on adresse des éloges. La réplique qu’elle apporte à Mbaye Dieye Faye, qui lui demande de se mettre en face de la caméra, est simplement belle, touchante, et subtile : « Wayé Diakarlo ak mome damay nekh ».
On aurait dû trouver une autre caméra qui serait fixée sur Youssou et dont l’image serait derrière les autres caméras. Amy aurait été beaucoup plus à l’aise. Les téléspectateurs sénégalais seront indulgents, car ils comprendront certainement la position d’Amy. On aurait dû également lui procurer le type de micro que porte Mbaye Dieye. Amy est très expressive et elle a besoin de tout son corps pour chanter. Voyez sa position à 9 min 54, les deux mains sont soulevées ; on dirait qu’elle est au sommet du bonheur.
Très contente à la fin, elle l’a exprimé ainsi : « Kou contanoul contanna nax mangi fi ci Youssou Marie Sene ». Je crois que c’est la note la plus touchante de ce duo. Youssou montre son admiration en soulevant la main gauche. Il l’avait fait quand Amy Collé entonnait son : « Eéééééhhhh, Eééééééh deglou lene ma… ». Il m’est très difficile d’interpréter la réaction de Youssou lorsqu’Amy Collé lançait son « Fassou narou gor ». Il a soulevé les deux mains comme pour s’adresser à l’orchestre, histoire de mettre en valeur la voix d’Amy. Mais est-ce simplement cela ? Mbaye Dieye Faye montre son admiration en disant « ndeysane » ; Youssou l’exprime en soulevant la main.
Commentaires/Enseignements
Nous avons assisté à une séance épique entre deux ndananes qui se vouent une admiration réciproque. Sur YouTube, les auteurs des commentaires apprécient cette prestation et magnifient la voix sublime d’Amy Collé. Youssou est une super star reconnue, un géant de la musique mondiale, l’homme des trois générations. C’est pourquoi les esprits se sont focalisés surtout sur Amy et nombreux sont ceux qui demandent à Youssou d’aider cette fille qui est une valeur sûre de la chanson sénégalaise.
Je crois que ce serait une bonne idée de recruter Amy Collé au sein du Super Étoile, en lui offrant un cadre où elle pourra s’exprimer et étaler tout son art, avec des engagements de production régulière (en duo ou en solo) et la possibilité de monter son orchestre personnel d’ici quelques années. Elle pourra compléter sa formation d’artiste sous l’aile protectrice de son mentor et gagner en maturité et en capacité de leadership. Ce serait un excellent cadeau que Youssou ferait au peuple sénégalais, voire au monde entier.
Pourquoi Youssou est-il l’homme des trois générations ? C’est qu’il fait de belles synthèses de sonorités entre ce qu’il y a de mieux dans notre répertoire musical traditionnel et la musique moderne. Le talent artistique ne suffit pas. Youssou est un leader éclairé. Il a cet art de mettre en place des écosystèmes générateurs de valeur. N’ayant plus rien à prouver, il lui revient maintenant de léguer progressivement son patrimoine musical aux plus jeunes, au grand bonheur des mélomanes du monde entier.
J’ai visionné la vidéo à plusieurs reprises sans avoir la certitude sur tous mes propos. Nous sommes des humains, sujets à l’erreur, mais nous sommes également des humains, sujets à la transe et à l’extase depuis la nuit des temps. Et quand notre sensibilité est touchée, chacun l’exprime à sa façon. Les uns pleurent de joie, d’autres ne tiennent plus sur leurs jambes, il y a également ceux qui se dépouillent de tout ce qu’ils ont (argent, bijoux, etc.).
Youssou avait l’habitude de se placer du côté de « l’arroseur ». Cette fois-ci, c’est lui qui est « arrosé » par une fan inconditionnelle qui, peut-être, n’a même pas conscience de ce qui s’est passé. Elle pense qu’elle est la plus heureuse. C’est certainement le cas au niveau de la durée. Amy était toute rayonnante du début à la fin. Mais Majiguène Ndour a atteint des pics de joie dans cette vidéo. Ayant accumulé près de 45 ans d’expérience, il a plus d’une corde à son arc. Je parie que ce titre l’a énormément marqué ce 31 décembre 2020.