ANNEE 2023 : CENTENAIRE DE TROIS PERSONNALITES SENEGALAISES ET D’UNE INSTITUTION SCOLAIRE, CREUSET DE L’EXCELLENCE EN AFRIQUE
Il s’agit des trois figures emblématiques nées en 1923, une année historique, à savoir Valdiodio Ndiaye (avocat, homme politique) de Cheikh Anta Diop (scientifique, historien, anthropologue, homme politique) et d’Ousmane Sembène
Il s’agit des trois figures emblématiques nées en 1923, une année historique, à savoir Valdiodio Ndiaye (avocat, homme politique) de Cheikh Anta Diop (scientifique, historien, anthropologue, homme politique) et d’Ousmane Sembène (écrivain, réalisateur, scénariste connu pour ses positions militantes sur les questions politiques et sociales). L’année 1923 est également une date historique avec la création du Prytanée militaire de SaintLouis, une institution scolaire qui fait la fierté de l’élite africaine. Me Valdiodio Ndiaye, le Professeur Cheikh Anta Diop et le cinéaste Ousmane Sembène auraient vécu 100 ans s’ils étaient en vie en 2023 au même titre que le Prytanée militaire de Saint-Louis qui célèbre cette année 2023 son centenaire. C’est dire que l’année 1923 a vu naître au Sénégal des monstres sacrés qui méritent une attention toute particulière et une reconnaissance de la Nation. Dans cette série de publications en quatre parties, nous allons nous évertuer à visiter le passé héroïque de ces leaders, chacun dans son domaine respectif. Ce sera également le cas de ce temple du savoir le Prytanée militaire de Saint-Louis qui fait la fierté de tout un continent.
Pour ouvrir cette série d’hommages, nous allons évoquer dans le premier jet l’une des figures emblématiques de notre histoire politique, à savoir Me Valdiodio Ndiaye. Valy comme l’appelaient ses proches est avocat et homme politique sénégalais né officiellement le 7 avril 1923. Valdiodio Ndiaye est le fils de la Linguère Sira Mbodje issue de la lignée des Guelewars du Sine et du Saloum. Son père, Sa Balagnar Ndiaye est également un prince de la lignée des rois Ndiaye, une famille régnante dans le Saloum des profondeurs. Valdiodio Ndiaye a passé son enfance à Kaolack où il a fait ses études primaires avant d’aller poursuivre ses études secondaires au lycée Faidherbe de SaintLouis.
Contrairement à beaucoup d’étudiants de son époque, au moment de passer le baccalauréat Valdiodio Ndiaye n’obtiendra pas de sursis pour son service militaire et devra passer l’examen en candidature libre. Il est sorti major des épreuves du baccalauréat. Parmi ses promotionnaires, nous pouvons retenir Cheikh Anta Diop, Cheikh Fall et l’écrivain Birago Diop.
En 1947, Valdiodio Ndiaye s’inscrit en Droit et en Philosophie à la faculté de Montpellier. En Janvier 1951, il soutient sa thèse sur la citoyenneté. Une soutenance qui lui vaut la mention très honorable avec les félicitations du jury. Il rentre au Sénégal en compagnie de son épouse elle-même juriste de formation. De cette union sont nés quatre enfants dont l’aîné deviendra également avocat. En 1951, Valdiodio s’installe à Kaolack comme avocat et entre en politique pour être élu conseiller territorial en 1952. Pour Valdiodio Ndiaye, «la démocratie est un chœur immense où toutes les notes ont leur place, même les notes dissonantes» ; propos qui donne tout son sens à son engagement politique. En 1957, avec la loi cadre, il devient ministre de l’Intérieur du Premier gouvernemental du Sénégal formé par le Président du Conseil Mamadou Dia. De septembre 1958 à Mai 1959, il assume les fonctions de ministre de l’Education nationale ainsi que l’intérim de la Présidence du Conseil. Il devient de facto l’architecte avisé d’une difficile réforme administrative qui supprime les chefferies traditionnelles qui sont issues du milieu princier au Sénégal. Pour réussir son entreprise et sa mission, il entame de longues tournées à l’intérieur du pays pour des négociations avec ses parents membres de la chefferie traditionnelle. C’est ce travail très important qui a permis d’établir les bases destinées à consolider l’Unité Nationale au Sénégal.
En 1958, c’est en l’absence du Président Senghor et du Président du Conseil Mamadou Dia. Me Valdiodio Ndiaye, ministre de l’Intérieur chargé de l’intérim du Président du Conseil avait la lourde charge d’accueillir le Général De Gaulle dans le cadre de la tournée en Afrique de l’Ouest relative au référendum de septembre 1958 qui marque l’éclatement de l’Afrique Occidentale française.
Valdiodio Ndiaye, du haut de la tribune officielle, a bien précisé au Général De Gaulle que les peuples africains veulent l’Indépendance. Réponse du Général De Gaulle à travers son discours historique : «Je salue Dakar et le Sénégal lié depuis trois cents ans à la France et réciproquement. Je salue l’Afrique qui est libre qui veut la liberté. Je vois que Dakar est une ville vivante et vibrante. Alors si les porteurs de pancartes veulent l’Indépendance ; qu’ils la prennent.» Une réponse du Général De Gaulle diversement appréciée mais ce qui a plus retenu les attentions, c’est le discours historique et héroïque de Me Valdiodio Ndiaye qui a osé publiquement affronter le Général De Gaulle pour lui asséner de telles vérités.
Malheureusement et ironie du sort, commencent les signes précurseurs de la décadence de l’homme qui a marqué de fort belle manière l’histoire politique du Sénégal. En décembre 1962, le destin de Valdiodio Ndiaye bascule à travers des accusations mal fondées de complot contre l’Etat et tentative de coup d’Etat. Il fut arrêté en même temps que le Président du Conseil Mamadou Dia. Pendant son arrestation, son épouse Claire, ses quatre enfants et deux de ses neveux seront expulsés du Sénégal. Il sera interdit aux enfants de rendre visite à leur père emprisonnés dans une localité très éloignée de Dakar à savoir Kédougou. Valdiodio venait d’être condamné à 20 ans de prison ferme pour complicité et tentative de coup d’Etat. Pourtant à l’issue d’un procès marathon, le Procureur général Ousmane Camara, que Dieu lui prête longue vie !, n’a réclamé aucune peine. Du Procureur général Ousmane Camara, l’avocat émérite de Valdiodio Ndiaye, Me Abdoulaye Wade disait : «J’étais venu aujourd’hui ferrailler avec le Procureur général, le juge Ousmane Camara, mais heureusement que nous sommes tous les deux du même côté». Valdiodio Ndiaye et ses compagnons d’infortune tels Mamadou Dia et trois autres ministres se retrouveront à Kédougou pour purger leur peine.
Grâce à la mobilisation internationale de personnalités politiques et membres de la société civile défendus par les ténors du barreau comme Robert Badinter et celui qui est devenu le troisième Président du Sénégal à savoir Me Abdoulaye Wade, Valdiodio Ndiaye en compagnie de ses codétenus est enfin libre en 1974. Il aura donc passé 12 années de prison dans l’honneur et la dignité et s’en est allé une décennie plus tard en 1984. A sa sortie de prison, il transfère son cabinet à Dakar où était déjà installé son vieil ami Abdoulaye Wade. Son cabinet à Dakar dirigé aujourd’hui par son fils Guédel Ndiaye. Son neveu direct, Me Pape Sambaré Diop, fils de la sœur de Valdiodio. N’Guenar Ndiaye a aussi suivi des études en Droit en France à l’image de son oncle et est devenu notaire titulaire installé à Dakar. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles la styliste Collé Ardo Sow, épouse du notaire Sambaré Diop, s’est inspirée du prénom de la mère de Valdiodio Ndiaye, Linguère Sira Mbodje et a appelé son événement culturel Sira Vision.
Pour reparler de Valdiodio Ndiaye, son engagement politique a fait du personnage emblématique un valeureux homme d’Etat dont le nom est gravé à jamais dans les annales de l’histoire du Sénégal. Les hommes politiques actuels doivent s’inspirer de ce grand homme d’Etat digne et très engagé au service du pays à quelques encablures de l’élection présidentielle du 25 février 2024. Chapeau bas Me Valdiodio Ndiaye rappelé à Dieu le 5 mai 1984 à Dakar et inhumé à Kaolack, sa région d’origine.
À suivre, l’article sur l’une des figures emblématiques de l’histoire du Sénégal née en 1923, à savoir Cheikh Anta Diop avant Sembène Ousmane et la prestigieuse école du Prytanée militaire de SaintLouis.
Mbaye DIOUF