AUX AMIS DU SÉNÉGAL QUI NOUS PARLENT
L’attraction qu’exercent sur la jeunesse les discours démagogiques des acteurs d’une radicalité sans programme alternatif crédible doit être prise en compte pour un retour rapide aux fondamentaux démocratiques et républicains
Le 14 juin 2023, des journalistes, avocats et défenseurs des droits de l’homme, Togolais pour la plupart, adressent une lettre ouverte à maître Sidiki Kaba, ministre des Forces armées du Sénégal, dans laquelle on peut lire le commentaire que leur inspirent les événements malheureux survenus chez nous 13, 12 et 11 jours plus tôt. En voici, pour l’essentiel, la teneur : « Nous sommes profondément indignés, préoccupés et très inquiets de la reculade à l’allure vertigineuse du niveau de la démocratie et des droits de l'homme en République du Sénégal, qui était considérée en la matière comme l'un des modèles en Afrique subsaharienne. » Les titres que portent les signataires (voir la liste complète à la fin de ce texte) expliquent à eux seuls leur grand intérêt pour lesdits événements. Persuadé que le ministre répondra mieux que nous à l’interpellation directe dont il a fait l’objet, nous nous contentons juste ici d’un rapide tour d’horizon à l’attention de frères africains dont nous considérons l’initiative comme celle d’amis du Sénégal.
Il convient, tout d’abord, d’invoquer, à la suite des signataires, la démocratie sénégalaise pour préciser que l’exemplarité du modèle auquel elle correspond a toujours eu une explication simple. Pour sa vitalité et sa pérennité, les acteurs politiques sénégalais du pouvoir et de l’opposition ont toujours considéré, pour plusieurs raisons liées surtout à leur haut niveau d’études et de formation politique et à leur très haute idée de l’intérêt supérieur de la jeune nation sénégalaise, que la compétition politique est d’abord une compétition programmatique permettant aux citoyens, au terme des campagnes électorales, d’exprimer leur souveraineté sans que ne soient remises en cause les institutions au début et à la fin des processus démocratiques. À cela, s’ajoute, en cas de nécessité, le recours, comme c’est le cas depuis le 30 mai 2023, au dialogue inclusif pour trouver les consensus aptes à garantir au système politique sénégalais la solidité, la stabilité et la durabilité dont il a besoin. Il suffit de rappeler le nouvel équilibre inédit et inattendu à l’Assemblée nationale des forces politiques du pouvoir et de l’opposition au sortir des élections législatives du 31 juillet 2022 - 83 députés d’un côté et 82 de l’autre - pour écarter toute idée d’essoufflement du système ou de renoncement aux vertus de « l’exception sénégalaise ».
Histoire de dire, aux honorables signataires de la lettre ouverte, que la dernière crise dont ils font état et celle de mars 2021 qui la précède ont des similitudes frappantes qui renvoient toutes à une explication commune. Une partie de l’opposition sénégalaise revendique une radicalité faite de violence verbale, d’injures, de menaces non voilées sur les réseaux sociaux, d’appel à l’insurrection et à l’affrontement entre les manifestants et les Forces de défense et de sécurité (FDS) dont l’observation des directives républicaines de la hiérarchie et le professionnalisme ont permis d’éviter ce qui aurait été présenté comme un basculement monstrueux dans un climat de non droit aux conséquences désastreuses. À cela s’ajoute le saccage systématique de biens publics et privés, la paralysie organisée du transport de personnes et de marchandises visant à mettre à genoux le tissu économique préservé de haute lutte dans un contexte international encore marqué par la dernière pandémie et la guerre en Ukraine.
Dans sa chronique du lundi, datée du 5 juin 2023, le président honoraire de l'Union internationale de la Presse Francophone (Upf), le journaliste Madiambal Diagne, souligne la participation aux dernières manifestations de « rebelles indépendantistes et autres forces obscures » dont plusieurs centaines « avaient pris d’assaut, avec armes et bagages, les bateaux pour rallier Dakar » lieu choisi des scènes inouïes de violence et de saccage au nom d’un « ultime combat » pour le renversement annoncé du régime. Les auteurs identifiés de tels actes, mis hors d’état de nuire, ne peuvent être présentés comme des prisonniers politiques. Le délit d’opinion politique n’existe pas au Sénégal. L’injure publique et la diffamation sont d’une toute autre nature punie par la loi.
Au regard de ce rappel non exhaustif, les journalistes, avocats et défenseurs des droits de l’homme, signataires de la lettre ouverte, constatent avec les citoyens sénégalais, tous pris de court, que quelque chose d’autre se joue dans l’esprit des auteurs d’attaques massives se réclamant d’une forme d’opposition aux antipodes des dispositions constitutionnelles de la République indépendante du Sénégal, des principes de la souveraineté nationale et de la démocratie auxquels le peuple sénégalais et les amis du Sénégal en Afrique subsaharienne demeurent profondément attachés sur la voie - cas du Sénégal - de l’émergence dans la solidarité.
Perçue, par le destinataire principal Maître Sidiki Kaba, les autres membres du gouvernement du Sénégal et l’opinion en général, comme un moyen normal et salutaire d’appel à plus de discernement et de retenue dans le maintien de l’ordre en cas de crise grave, la lettre ouverte des journalistes, des avocats et défenseurs des droits l’homme transcende la personne du ministre des Forces armées de la République du Sénégal, interpellant par la même occasion le gouvernement du Sénégal pour lui demander de tirer au clair les entorses gravissimes au maintien de l’ordre et au respect des droits de l’homme auquel le Sénégal ne saurait déroger sans perdre sa place enviable de locomotive politique dans une sous-région ouest africaine en proie à d’anciens et nouveaux phénomènes de déstabilisation. Ces derniers hypothèquent, si rien n’est fait, l’exploitation des importantes ressources gazières et pétrolières au profit de la frange la plus jeune et la plus nombreuse de la population sénégalaise.
L’attraction qu’exercent sur la jeunesse les discours démagogiques des acteurs d’une radicalité sans programme alternatif crédible doit être prise en compte pour un retour rapide aux fondamentaux démocratiques et républicains pour lesquels les signataires s’investissent tous les jours dans le but de promouvoir une Afrique toujours plus démocratique et plus prospère au bénéfice des Africains où qu’ils se trouvent sur le continent et dans la Diaspora.
Il est souhaitable, pour finir, de nouer un partenariat avec divers collectifs de bonne volonté comme celui des journalistes, avocats et défenseurs des droits de l’homme, signataires de la lettre ouverte adressée au ministre des Forces armées. Il ne fait aucun doute qu’au moment où la Justice est conspuée par toute l’aile radicale de l’opposition sénégalaise, les auxiliaires de justice ont une partition à jouer au contact de justiciables profanes pour que soient mieux comprises les décisions de justice qui divisent la société au nom de laquelle elles sont prises. À cette importante contribution attendue des avocats, s’ajoute inexorablement celle des défenseurs des droits de l’homme dont l’implication pédagogique dans la formation politique des jeunes, membres ou non de partis politiques, contribuerait à atténuer la crise de la représentation dont pâtit la démocratie représentative partout dans le monde. Quant aux journalistes dont le métier est d’informer juste et vrai, il est important de rappeler que la modération du débat contradictoire d’intérêt général doit être assurée loin de tout parti pris massif et dévastateur pour la démocratie et l’égalité des chances des candidats à l’occasion des compétitions électorales.
Ont signées la lettre ouverte :
Me Célestin Kokouvi G. AGBOGAN, Avocat au Barreau du Togo, Président LTDH /TOGO
M. Bacary GOUDIABY, Journaliste et Écrivain, Président du Collectif des Sénégalais de la Diaspora en France/SÉNÉGAL
M. Monzolouwè B. E. ATCHOLI KAO, Président de ASVITTO/TOGO
M. Emmanuel H. SOGADJI, Président de la LCT/TOGO
M. Abdou Khafor KANDJI, Membre de la Coordination du Mouvement Y’EN A MARRE/ SÉNÉGAL
M. Serge Martin BAMBARA (Smockey), Porte-parole du Mouvement Balai Citoyen/BURKINA-FASO
Mme Houefa Akpedje KOUASSI, Journaliste blogueuse/TOGO
M. Ferdinand Mensah AYITE, Journaliste/TOGO
M. Zeus Komi AZIADOUVO, Journaliste et Écrivain/TOGO
M. Alphonse D. DIEDHIOU, Administrateur Afrique Solidarité ABSL/SÉNÉGAL
M. Laya DJONABAYE, Plate-Forme de Concertation de la Diaspora/TCHAD
M. Kuassi Cisco AMEGAH, Porte-parole du MED/Mouvement EHA-DZIN-Diaspora TOGO
Me Alexis IHOU, Avocat au Barreau de Lille/ Diaspora TOGO
Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D, Professeur de droit et Avocat/Guinée
M. Sylvain AMOS, Journaliste, Radio Kanal K et Avulete en Suisse, Diaspora TOGO
Me Raphaël N. KPANDE-ADZARE, Avocat au Barreau du TOGO, PCA MCM/TOGO