CES BRAVES SAGES QUI NE SE TROMPENT JAMAIS
Les Sénégalais doivent choisir entre 19 candidats dont certains ne méritaient pas d’être là tout en étant privés de la possibilité de porter leur choix sur d’autres dont le Conseil a jugé qu’ils ne méritaient pas de solliciter leurs suffrages
Tous aux urnes le 24 mars prochain et que le meilleur gagne ! Le meilleur ? Heu… en tout cas le bienheureux qui aura eu la chance non seulement de figurer dans la liste définitive proclamée par le Conseil constitutionnel en janvier dernier mais aussi de recueillir la majorité des suffrages des Sénégalais. Ils étaient 20 happy few, 20 candidats à figurer sur cette sainte liste mais l’un d’entre eux, une femme, a été rattrapée par sa double nationalité et a dû renoncer d’elle-même à se présenter à l’élection présidentielle. D’elle-même car qu’il soit compris et entendu que les sept prétendus « Sages » du Conseil constitutionnel ne peuvent pas se tromper. D’ailleurs, ils ne se trompent jamais. Ils sont comme le Pape dont l’infaillibilité constitue un des dogmes de l’Eglise. Ainsi, même lorsqu’il est apparu clairement que cette candidate démissionnaire en fin de compte avait effectivement une double candidature, et avait donc fait un parjure en faisant sa déclaration sur l’honneur, les membres du Conseil constitutionnel sont restés droits dans leurs bottes et escarpins et fait comme si de rien n’était en rendant leur décision suite au recours introduit par des députés et des candidats validés pour contester le report des élections. Les prétendus « Sages », donc, dans leur décision demandant au président de la République d’organiser la présidentielle « dans les meilleurs délais » avaient en même temps dit qu’elle devait se faire, cette élection, avec les 20 candidats figurant sur la liste qu’ils avaient validée. Ce bien que sachant parfaitement qu’une candidate avait avoué avoir deux nationalités ! Il en faut visiblement beaucoup plus pour ébranler nos braves « Sages » dans leurs certitudes. Des « Sages » responsables de tout le bazar que nous vivons actuellement pour avoir invalidé avec une légèreté déconcertante et une injustice révoltante un candidat, Karim Meïssa Wade en l’occurrence, qui avait pourtant prouvé avant qu’ils ne statuent qu’il avait renoncé à sa nationalité française ! Mais apparemment nos « sages » ne voulaient rien voir, rien entendre ni rien comprendre, KMW devait être éliminé, un point c’est tout !
De la même façon, et puisqu’ils sont infaillibles, c’est être bien optimiste, voire prétentieux, que de leur demander de réexaminer certaines candidatures auparavant retoquées par eux. Voire d’accepter un report de la présidentielle jusqu’au mois de juin. Drapés dans leur dignité outragée par des accusations de corruption portées contre deux d’entre eux et gardant un chien de la chienne du président Macky Sall coupable d’avoir encouragé ses députés à approuver la commission parlementaire chargée d’enquêter sur leurs vilenies, les « sages » ont donc entrepris de se venger de lui, depuis lors. En le désavouant systématiquement y compris quand il prend des mesures qui vont dans la bonne direction comme ses tentatives de rouvrir le processus électoral, à tout le moins de donner une seconde chance à des candidats injustement recalés par le Conseil constitutionnel — lequel, répétons-le, ne se trompe jamais ! — dont le logiciel de vérification des parrainages a fait des ravages. Or, les Sept ont à ce point commis des bêtises que le processus, franchement, méritait d’être corrigé. Sur ce point, le président Macky Sall a 1000 fois raison ! Hélas, on assiste à une formidable conjuration contre lui qui est le fait des magistrats du Conseil soudain considérés comme des héros et soutenus par des ONG aux financements douteux, une société civile politique, une opposition haineuse, une communauté internationale complotiste. N’en jetons plus.
Comme les Inquisiteurs face à Galilée
Revenons à nos Sept qui n’ont pas eu la curiosité de vérifier la sincérité des déclarations sur l’honneur faites par les candidats préqualifiés à l’issue de l’étape des parrainages s’agissant de leur situation fiscale. Pas plus qu’ils n’ont cherché à savoir si tous ces candidats parlaient et écrivaient couramment la langue française. C’était trop leur demander ! Eux, ce qui les intéressait, c’était d’éliminer Karim Wade et ils l’ont fait. Pour le reste, n’allez pas demander au bon Dieu sa barbe. Et puis, après avoir arrêté leur liste immuable, ils sont allés se laver les mains comme l’avait fait le procurateur romain Ponce Pilate qui avait condamné à mort Jésus Christ. Sauf que ce dernier avait ressuscité le dimanche de Pâques ! Et Karim Wade aussi, qui sait… Encore une fois, leur liste de candidats, c’est comme les Tables de la loi remises par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï en feu et sur lesquelles sont gravées les dix commandements. Les noms des 19 candidats sont gravés dans la pierre comme lesdits commandements. Circulez, il n’y a rien à modifier, les décisions du Conseil constitutionnel sont insusceptibles de recours. Même si ce sont des conneries… Ça nous rappelle Galilée obligé par le tribunal de l’Inquisition, pour sauver sa vie, à abjurer sa découverte selon laquelle le Soleil est au centre du système solaire et aussi que la terre tourne sur elle-même. Il avait murmuré tout bas la phrase restée célèbre : « et pourtant, elle tourne ! » Ce qui avait été considéré comme une hérésie par les inquisiteurs de l’époque est pourtant devenu une vérité scientifique admise universellement ! Comme les Sept « sages » de notre Conseil constitutionnel, les braves inquisiteurs avaient la science infuse et ne pouvaient pas se tromper.
Les Sénégalais sont donc obligés de choisir entre 19 candidats dont certains ne méritaient vraiment pas d’être là tout en étant privés de la possibilité de porter leur choix sur d’autres dont le Conseil constitutionnel a jugé qu’ils ne méritaient pas de solliciter leurs suffrages. Ce quand bien même ils sont beaucoup plus représentatifs que la plupart des privilégiés qualifiés par Badio Camara et sa camarilla. Par leur volonté, un parti aussi grand que le Pds n’aura pas de candidat. Mais puisque le dernier mot leur revient, y compris lorsqu’ils se trompent lourdement comme c’est le cas pour cette élection présidentielle, il ne reste plus aux moutons de Panurge que nous sommes que de se rendre docilement aux urnes le 24 mars prochain. Ce tout en sachant que leurs choix seront tronqués ou truqués par la volonté de nos braves et infaillibles prétendus « sages » du Conseil constitutionnel… Mais au fait, notre Youssou Ndour national ne disait-il pas que « Nit ku dul juum aamul ? » Il aurait pu ajouter : « ludul wa Conseil constitutionnel » !
PS : Au moins 16 des 19 candidats validés par le Conseil constitutionnel sont vent debout contre toute reprise du processus électoral. Normal : ils craignent qu’en cas de repêchage de Karim Wade et, surtout, d’Ousmane Sonko, ils ne récoltent que des miettes. C’est humain.