CHERS COMMISSAIRES, VOUS PERMETTEZ ?
C’est avec plusieurs heures de retard que nous avons pu regarder, ce matin, la vidéo du point de presse de la police nationale ; le ministre des télécommunications ayant décidé la veille, de nous priver d’un de nos principaux outils de travail : Internet
C’est avec plusieurs heures de retard que nous avons pu regarder, ce matin, la vidéo du point de presse de la police nationale ; le ministre des télécommunications ayant décidé la veille, de nous priver d’un de nos principaux outils de travail : Internet. Même si la notification et la justification de cette forfaiture sont intervenues après sa mise en œuvre, tel n’est pas l’objet de notre propos. Ici, il est question de cette sortie de la police qui nous laisse avec beaucoup plus de questionnements que de réponses. Mais saluons d’abord qu’elle ait enfin décidé à se prêter à cet exercice de prise de parole, ce n’est tellement pas fréquent sous nos tropiques qu’on se demande la motivation de celui d’hier. Mais on ne va pas faire la fine bouche : on en redemande, avec plus d’entrain. Car hier, en un tout petit quart d’heure, en français et en wolof, par deux responsables différents, avec quelques sombres projections, la police a rapidement expédié les sujets qu’elle voulait aborder. Comme un os à ronger envoyé le temps d’aller s’occuper d’autre chose. Comme un air de diversion. Circulez, plus rien à voir.
Sauf que ça ne marche pas comme cela, chers commissaires. Avec tout le respect qui vous est dû, nous attendions de vous davantage d’éléments pour éclairer notre lanterne sur une situation qui nous inquiète tous, que la répétition d’éléments de langages déjà balancés à profusion par des responsables politiques de la mouvance présidentielle. « Les manifestants sont infiltrés », « il y en a qui sont motivés par autre chose », « ce sont des scènes de pillages »… et tutti quanti. C’est enfoncer des portes béantes.
Chers commissaires, ce que nous attendions de votre sortie, au-delà des auto-glorifications, c’est une réponse aux accusations de tortures dans vos geôles et surtout, une tentative d’explication sur les citoyens utilisés en boucliers humains et violentés à coups de casques et de tête de fusil. C’est de nous dire par quelle logique un enfant a pu servir à vos hommes, de bouclier contre une pluie de pierres.
Chers commissaires, ce que nous attendions de votre précieuse sortie, c’était surtout une explication sur les troublants rapports de bons voisinage entre vos hommes et les supposés brigands dont vous avez justement projeté des extraits d’images lors de votre expéditif point de presse. Vous les soupçonnez d’être des malfaiteurs avec des armes de guerre et autres pistolets automatiques, certains avec une maîtrise qui vous interroge, d’autres avec une non maîtrise qui vous inquiète. Soit. Mais ce qui nous inquiète et nous interroge, nous autres pauvres civils, c’est la franche collaboration que l’on voit sur les extraits - des mêmes images - que vous n’avez pas diffusés, entre vos hommes et ces éléments non identifiés qui visent et tirent en direction des manifestants, les pourchassent avec vous, jusque dans leurs derniers retranchements.
Chers commissaires, ce que nous voulons savoir, au delà de l’identité de ces OTNI (objets tuant non identifiés), c’est pourquoi il est devenu si fréquent de voir vos troupes s’acoquiner avec des hommes armés de gourdins et de machettes, souvent à bord de pickups qui n’appartiennent pas aux forces de défense et de sécurité ?
Ce que nous voulons savoir et que nous attendions de votre sortie qui aurait dû durer beaucoup plus qu’un tout petit quart d’heure, c’est qui a tiré sur les 16 victimes officiellement recensées par vos soins ? Avec quelles munitions ? Si ce sont les vôtres, quelle est la procédure engagée ? Le cas contraire, que devrions-nous retenir ?
Chers commissaires, à Sacré-Cœur, lors du regrettable incendie contre le domicile de l’ancien ministre des Sports Matar Ba, des séquences de vidéos montrent un de ses proches, qui serait son fils selon des témoignages, accompagné d’autres civils armés, tirer maladroitement en direction de supposés assaillants, en étant à côté de forces de défense et de sécurité. Êtes-vous en sous-effectif au point de devoir vous accommoder de tels renforts ? Cautionnez-vous la présence de nervis dans votre tâche de maintien de l’ordre ? Êtes-vous, tout simplement, infiltrés comme le seraient les manifestants ?
Chers commissaires, malgré les infiltrations supposées dans un camp ou dans l’autre, le seul constat qui sied à ce jour est que toutes les victimes jusqu’ici dénombrées par vos soins, sont des civils. En passant, prompt rétablissement à votre brave collègue, Pierre Malou, qui, à vous croire, même en situation de légitime défense, aurait refusé d’utiliser son arme contre les manifestants. C’est ce que nous attendons de vous, chers Commissaires.