DE GRÂCE, NE ME DITES PAS QUE JE SUIS UNE FEMME
Je me retrouve toujours prise dans un environnement qui me refuse de m’exprimer en tant qu’être humain préoccupé par autre chose que la place de la femme dans la littérature africaine, la situation de la femme dans un foyer polygame, etc.
Les thématiques autour de la femme restent encore aujourd’hui des sujets récurrents. Qu’est-ce qu’être une femme au 21ème siècle ? Cela rime à quoi ?
Rendue officielle en 1977 par les Nations Unies, la journée de la femme, célébrée le 8 mars, chaque année, nous invite à réfléchir à la manière de mieux impliquer les femmes dans les problématiques liées à la vie de tous les jours. La crise climatique pour cette année, la santé publique pour l’année dernière, des thèmes relatifs à l’égalité entre hommes et femmes, pour les années précédentes.
Qu’en est-il de la vision de la femme par elle-même ? Sommes-nous obligées d’attendre que l’on vienne nous dire comment combattre les injustices qui nous sont faites par une société volontairement organisée de façon inéquitable par des hommes et pour des hommes ? Qu’est-ce qui fait que nous sommes des femmes, excepté les attributs physiques qui sont les nôtres, dont nous devons seulement nous servir dans des circonstances dans lesquelles ils nous apportent un plus face aux hommes ? J’aime répondre à ceux qui me réduisent à ma condition féminine que je suis d’abord un individu doté d’un cerveau, fait de boyaux, d’os, de sang et d’eau comme n’importe quels homme ou femme avec qui j’ai en commun le partage de la même sphère humaine.
Être dotée d’une poitrine, fait-il de moi un être incapable d’avoir son propre point de vue quant à la manière dont le monde doit fonctionner ?
Régulièrement sollicitée pour des conférences, des tables rondes, d’autres rencontres plus ciblées avec un public collégien, lycéen, en prison ou auprès d’associations de familles issues de l’immigration, je suis toujours frappée par la constance des thèmes qui me sont proposés, parce qu’on me cantonne à n’être qu’une femme. D’origine africaine. Musulmane. Ces trois caractéristiques censées me définir, je me retrouve toujours prise dans un environnement qui me refuse de m’exprimer en tant qu’être humain préoccupé par autre chose que la place de la femme dans la littérature africaine, la situation de la femme dans un foyer polygame, l’avenir de la femme dans une communauté musulmane, l’excision, le contrôle des naissances, mes ambitions littéraires par rapport à mes consœurs écrivaines non africaines, et j’en passe.
Au même titre que son continent, la femme africaine suscite la même passion chez ceux qui la réduisent à une vision obsolète produite par des préjugés longtemps véhiculés sur elle et plus largement sur toutes les femmes du monde. Être femme n’est pas plus ni moins qu’être un homme avantagé par des décorations physiques naturelles, celles-ci n’altérant en rien sa légitimité dans la conduite des affaires publiques, politiques, économiques et sociales.
Dans la lutte contre toute forme de violence envers tout être humain, quel que soit le genre qu’on lui attribue. Bien évidemment, tout ceci reste ma façon de me projeter dans un monde qui ne me conçoit pas comme je me conçois moi-même. Aucune femme n’étant pareille à une autre, certaines d’entre nous, par volonté ou parce qu’élevées dans un espace qui les a façonnées de telle sorte qu’elles se refusent tout droit de se mesurer à un homme, réfutent l’idée même d’aspirer à autre chose que ce qui leur est laissé. Ce sont celles-là les ennemies des femmes, car ce sont elles qui, par l’éducation qu’elles dispensent à leurs filles, en font de futures femmes opposées à tout changement de l’ordre établi par des hommes. Une question reste ouverte : naît-on femme ou le devient-on par la force des choses ?
Khadi Hane est écrivaine