DE L’ABROGATION
L’abrogation était une promesse de campagne, et majorité acquise on veut passer à l’action. Soit ! Abroger oui, mais aller jusqu’au bout. Qu’est-ce à dire ? Notre pays n’est pas forcément enfermé dans l’unique choix de réveiller les démons
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J’aime lire. J’aime lire dans le silence, le soir, au cœur de la nuit, moment propice pour une lecture idéale. La littérature, en son expression la plus haute, m’apparaît, par excellence, comme une instance qui pense le monde et dit aussi son histoire. J’aime lire les classiques et les relire. J’utilise à dessein le préfixe de réitération car convaincu que les classiques sont toujours à relire. Il y a quelques jours, souvenirs de mes joies livresques, j’ai repensé au sort de ces jeunes enfants livrés à eux-mêmes sur une île déserte, cherchant en vain à fonder une société. Handicap majeur, ils n’avaient pas avec eux, en eux, la connaissance du passé pour les aider dans leur noble tâche. Voici résumé le thème du livre «Sa majesté des Mouches» du grand écrivain britannique William Golding.
Oui, qui n’a pas de mémoire n’aura pas d’avenir, et il est bon de toujours rappeler aux jeunes générations que tout avenir se construit en fonction d’un passé où l’on trouve des références pour se projeter plus loin. Et d’ailleurs, Le Coran, notre Saint-Livre, en sa Sourate «Le Très Haut», ne nous dit-il pas qu’il faut sonner le rappel car il est bon de se souvenir ?
Et passant du sacré au profane, je puis dire que parmi les œuvres qui ont défini l’alphabet de mes connaissances et de mes émotions, il y a certes L’aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane, des écrits de Léopold Sédar Senghor, de Aimé Césaire, de Jacqueline de Romilly, la plus grande helléniste de France et référence mondiale dans sa discipline, dont j’ai recueilli, au soir de sa vie, les ultima verba, objet de mon livre d’entretien avec elle, mais aussi quelques écrits de Fiodor Dostoïevski.
Dans Les Frères Karama-zov, l’auteur russe a mis dans la bouche d’un de ses héros : «Nous sommes tous coupables de tout, et de tous devant tous et moi plus que les autres.» S’entremêlent dans ce récit questions existentielles, libre arbitre, responsabilité, culpabilité, violence et vulgarité.
L’être vivant murit et vieillit, sa voix, un jour, entrera fatalement dans le silence. Mais au-delà de cette voix qui s’éteint, la parole demeure. Voilà pourquoi la sagesse nous recommande de tourner sept fois la langue avant de parler. La parole est fondatrice. La parole de paix crée les conditions de la paix et entretient l’entente, la cohésion sociale, la concorde nationale. La parole violente génère la violence, et dans nombre de cas, malheureusement, elle est continuée par d’autres qui la relaient, qui vont plus loin et la traduisent en actes. La parole première, si elle n’est pas entièrement responsable, est, à tout le moins, indiscutablement, co-responsable.
L’année dernière, sur proposition du président de la République, l’Assemblée nationale avait voté une loi d’amnistie motivée, nous a-t-on dit, par le souci d’apaiser le climat politique et social, et celui de renforcer la cohésion nationale et consolider le dialogue national. L’amnistie, dans notre pays et ailleurs dans le monde, hier, aujourd’hui et demain, a été, est et restera, parmi d’autres, par-delà adversités, tensions et déchirures politiques, une voie responsable pour apaiser, aplanir et réconcilier afin de permettre aux sociétés désireuses d’aller de l’avant d’ouvrir une nouvelle page vers des lendemains adultes. C’est par cette voie de lucidité et de réalisme, de générosité et de pardon que beaucoup de peuples ont surmonté leurs épreuves majeures, leurs troubles et convulsions pénibles pour s’éviter les affres de la division et d’une catastrophique descente aux enfers.
Comprendre, faire comprendre en servant humblement mais fidèlement l’idéal indestructible de la construction d’une mémoire collective au service de notre pays, c’est ce qui m’anime en écrivant ces lignes, je n’ai aucune autre motivation que celle-là.
Or donc, je suis, avec mon ami et «Gamou» le juriste Benoît Ngom, le premier Sénégalais à avoir rencontré Nelson Mandela après sa sortie de prison au terme de ses vingt-sept pénibles années de captivité. Quelques semaines après sa libération, au cours de nos échanges à Johannesburg, nous l’avons invité au Sénégal, ce qu’il a tout de suite accepté. De retour au pays, nous avions rendu compte au président de la République de l’époque. Nelson Mandela, qui n’avait pas encore rédigé ses mémoires, nous avait longuement parlé du Sénégal, de Senghor, de la première rencontre entre libéraux blancs et militants de l’Anc tenue à Dakar et de réconciliation. Il avait un sens extraordinaire de l’histoire et une claire conscience de sa responsabilité dans la construction d’une nouvelle Afrique du Sud post-apartheid. Homme d’exception, porteur des stigmates d’une longue série d’épreuves accumulées tout au long de son noble combat héroïque et douloureux contre un abominable et éhonté système raciste et violent, il m’était apparu comme la sérénité incarnée. Il était doté d’une mémoire phénoménale. Il nous avait restitué jusque dans le détail, ses échanges avec le président Senghor, la crise d’asthme aiguë qui avait terrassé son compagnon Olivier Tambo au palais de la République et sa prise en charge par le médecin personnel du chef de l’Etat.
Evoquant des discussions avec Senghor, il nous avait dit leurs désaccords sur Umkoto we sizwe, la lutte armée que l’Anc allait déclencher et pour laquelle il effectuait une tournée africaine pour lever les fonds destinés à la financer. Il se souvenait de Gabriel d’Arboussier et m’avait demandé s’il était encore en vie. Senghor l’avait fait venir un moment pour l’impliquer et lui confier le suivi d’un point important sur lequel ils avaient trouvé un accord. En présence de Benoît Ngom et de Barbara Masekela, futur ambassadrice de l’Afrique du Sud en France et aux Etats-Unis, et sœur du grand trompettiste Hugh Masekela qui fut un moment le mari de ma regrettée amie Miriam Makeba, Mandela évoqua des échanges avec Senghor qui l’interrogeait sur Chaka Zulu pour enrichir ses connaissances et étoffer son écriture poétique. Jeune lycéen, j’ai été très lié à Makeba et à son mari Stokely Carmichael, ancien leader des Black Panthers. Ils m’écrivaient régulièrement pour me dire leur affectueuse amitié et pour m’encourager et me pousser dans mes études. S’en souviennent encore mes amis le Colonel Ismaël Pascal Thiam -condisciples, nos baccalauréats sont de la même fournée-, le grand cinéaste Ousmane William Mbaye -nos adolescences s’étaient confondues dans le creuset du Club Africa avec Aziz Dieng, la culture toujours chevillée au corps, ma sœur Daba Fall, avant ses années Gembloux, Dr Cheikh Ly et tant d’autres dont certains aujourd’hui disparus. Je m’incline pieusement devant leur mémoire.
A Dakar, dernière étape de sa tournée avant son retour et son arrestation, Mandela n’obtint pas de l’argent, mais un solide et puissant soutien politique, des passeports diplomatiques et l’ouverture à Dakar d’un Bureau régional de l’Anc entièrement pris en charge par le Sénégal. Le président Senghor, en talentueux chef d’orchestre, battait déjà la mesure vers l’âge d’or de notre diplomatie longtemps portée au niveau ministériel par des hommes et une femme qui, avec nos brillants ambassadeurs et leurs remarquables et dévoués collaborateurs, dans une belle et dynamique synergie, ont donné à la voix d’un petit pays sans grandes ressources un écho planétaire. Et les années ont passé, et aujourd’hui, malheureusement, nous en sommes à laudator temporis acti, nostalgie et éloge des tempos anciens.
J’ai bien connu le Dr Alexander Boraine qui, avec Frederik Van Zyl Slabbert, lui aussi mon ami, fut l’un des architectes-clés de la transition de l’Afrique du Sud. Les deux m’ont fait l’amitié de venir chez moi, à Dakar, à ma table, partager mes repas avec Benoît Ngom et quelques de mes proches. Alex Boraine, aux côtés de Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix, a co-présidé la commission Vérité-Réconciliation. Je ne remercierai jamais assez Le Seigneur pour ces rencontres, ces inoubliables moments d’échanges enrichissants, ces amitiés nouées avec de si grandes figures de l’Histoire dont je ne parle pas souvent. Aujourd’hui, avec le recul qu’offre le temps qui s’écoule, je ne saurais vraiment penser sans angoisse à la confiance et à l’amitié qu’ont eues pour moi ces êtres de qualité. Des expériences précoces de la vie qui m’ont aidé à mieux comprendre la vie et aussi à surmonter quelques généreuses illusions sur elle.
Je reste convaincu que ce qu’elles m’ont donné, ce que ces hommes et femmes m’ont offert ne m’appartient pas. Les souvenirs attachés à cette émouvante prodigalité sont encore dans la fraîcheur d’une mémoire qui faillira un jour. Alors, pendant que je le peux et pour ne point être indigne d’eux, il me faut faire ce que je peux et donner le plus généreusement possible, partager le plus fidèlement possible pour faire du passé, non point table rase, mais la racine du futur et une source d’enrichissement. Des largesses du destin qui m’ont édifié sur des femmes et des hommes de haute altitude, des êtres de grande et profonde sagesse, avec un sens émouvant du devoir et du dépassement, et tous dévoués à l’intérêt collectif dans un amour sans bornes pour leurs pays.
En pensant à eux, comment ne pas penser à quelques hautes et attachantes figures, des hommes de grande valeur, de vaste culture, de vrais patriotes irréductibles construits sur un socle de vertus et habités par un amour viscéral pour leur patrie à laquelle ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Ils ont noms Mamadou Dia, Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye, Cheikh Anta Diop, Aboubakry Kane, Mody Niane, Abdoul Aziz Wane (ingénieur Centrale Paris), Kéba Mbaye, Amadou Mahtar Mbow, pour ne citer que ceux-là parmi tant d’autres. Leurs sacrifices, le don de leur personne, leur engagement au service du pays et de sa construction ont puissamment contribué, à divers moments de la vie de notre pays et notamment à des heures sombres, troubles et douloureuses de son histoire, à passer le pont fragile et étroit des batailles et antagonismes aigus de la politique, lui évitant ainsi de sombrer dans les abîmes de ces crises sans fin qui ont plongé bien des pays mille fois plus lotis que le nôtre dans l’effroi d’un interminable chapelet de misère chronique.
Dans un passé très récent, le Sénégal a traversé des moments très difficiles. La violence éruptive a détruit, brûlé, pillé, saccagé, ruiné et tué dans une ardeur et une rage sans précédent. Quelques mois auparavant, sans abus de langage et sans risque d’être contredit par un esprit juste, force était de constater que notre pays n’était plus dans une logique de maintien de l’ordre, mais plutôt dans celle de l’impérieuse et salvatrice urgence du rétablissement de l’ordre. Il ne faut jamais se lasser de rappeler que la paix, ainsi de la santé, seul celui qui la perd en connaît le prix et la beauté. La Paix, par des actes posés, relève d’une construction au quotidien.
Qui n’a pas de mémoire n’aura pas d’avenir. Il est un temps pour tout. Il est un temps pour jeter les pierres, il est un temps pour ramasser les pierres ; il est un temps pour faire la guerre, il est un temps pour faire la paix, nous enseigne L’Ecclésiaste, de la Sainte Bible. Toutes les sociétés ont besoin de paix pour se construire et aller de l’avant. La paix ne se réduit pas seulement à une absence de belligérance, de conflit et de guerre. Fruit d’un équilibre fragile et toujours précaire des forces, la paix se construit jour après jour dans la poursuite d’un ordre voulu. Le développement et la prospérité des peuples sont les garants de la paix, et la paix est une condition sine qua non du développement.
Dans la vie en général, et surtout dans l’espace politique, il n’y a pas seulement que les principes qui comptent, il y a aussi la manière de les servir. Il ne suffit pas de se proclamer juste pour être un juste. Ma conviction est profonde que pour mériter le nom de juste, il ne suffit pas seulement d’avoir une fois servi une cause juste, il faut plus et beaucoup plus. Et ce qui frappe le plus en ces temps encore incertains, c’est l’effroyable perversion de l’idée de justice chez des hommes qui continuent de vouloir s’en croire les champions parce qu’ils sont disposés à exterminer toute forme d’injustice, mais qui sont toujours oublieux de la leur propre. Pour un esprit libre qui s’efforce de voir les choses dans une optique autre que celle de la rage politicienne, il est évident que notre pays est aujourd’hui dans une urgence autre que celle d’interminables querelles politiciennes et de règlements de comptes qui ne feront que l’enfoncer dans un cycle de crises sans précédent, de déchirures douloureuses et regrettables, avec à la clé un mortifère surplace existentiel.
Hier, conquête du pouvoir, aujourd’hui, il est acquis. Et on doit l’exercer pleinement et en toute responsabilité, et son bon exercice passe indubitablement par le maintien des acquis positifs, la correction des erreurs du passé, l’obligation de punir ce qui doit l’être sans cruauté inutile ni faiblesse coupable, réparer les injustices en se tenant dans la posture du réparateur juste et surtout se mettre au travail pour améliorer, et comme promis, transformer radicalement le sort de l’ensemble du peuple sénégalais. Et il est donc question, et surtout il est temps, d’arrêter l’énorme inflation des débats aporétiques.
Le Sénégal est notre bien suprême ; il est à un tournant décisif de sa marche dans l’histoire et dans le temps du monde. Il vient d’entrer dans le cercle très surveillé des pays producteurs de denrées hautement stratégiques et fera donc l’objet de mille attentions, pour ne pas dire de mille et une convoitises. Les froids spécialistes du chaos, féroces félins ingénieux dans l’art de la turbulence à leurs intérêts profitables, par l’odeur de nos biens alléchés, rôdent déjà autour de nous. Mais si nous savons «rester un peuple uni sans couture», comme nous y invite notre chant national, vaines seront toutes leurs tentatives, car «concordia civium murus urium» : la concorde entre citoyens, voilà la muraille des villes, et j’ajouterai que cette concorde est la forteresse protectrice de notre pays.
Notre cher Sénégal est, «nolens volens», bien au-dessus de tous ces mots et formules par lesquels nous aimons passer pour légitimer nos stériles agissements. Le Sénégal d’abord et seulement ensuite tous ces concepts que sont : liberté d’opinion et d’expression, équité, reddition des comptes, très importants, disons-le haut et fort, qui toutefois, osons aussi le dire, haut et fort, ne vaudront rien, absolument rien, si le pays n’est pas en paix, stable et solidement uni dans le respect et la pluralité des idées, opinions et orientations politiques de ses différentes composantes. Il n’est point besoin de rappeler que le Sénégal, notre cher pays, est une donnée transcendante qui ne saurait être traitée ou gérée à l’aune d’intérêts claniques. Il est la seule donnée permanente ancrée dans la vocation de donner un abri paisible à tous ses enfants, orgueilleux d’être différents mais heureux d’être ensemble dans une maison pour tous parce que construite avec la pierre de chacun. Le Sénégal se subordonne absolument tout, il prime sur tout et vaut donc tous les sacrifices, tous les consensus et sursauts en vue de raffermir son pacte d’éternité avec l’avenir. Je le crois profondément, et c’est avec cet horizon de l’intérêt national supérieur que j’ai lu la pertinence de la loi d’amnistie.
Or donc, on veut l’abroger. Soit ! On veut abroger une loi qui, au Sénégal, dans un pays déchiré après un cycle infernal de violences, de troubles, de dégâts terribles, avait contribué à pacifier un espace agité et à organiser une consultation électorale alors porteuse de tous les dangers, mais finalement apaisée.
En son temps, bien que soit rare ma parole publique sur ces questions, usant de mon droit d’avoir une opinion et un avis sur ce qui concerne un pays dont je suis citoyen, j’avais écrit un texte intitulé : Eviter le vicieux piège de l’Occident. Un proche me l’avait reproché, estimant que ma plume ne devrait point sortir de la sphère littéraire, quand un autre, de moi inconnu, y était allé avec son «Hamidou Sall qui se croit malin». Peut-être, aurait-il préféré que je me crusse idiot ? Dans ce texte, je m’en étais pris à des médias et pouvoirs occidentaux qui, oubliant de balayer devant leurs portes, et faisant aussi plaisir à certains, s’étaient octroyé le droit de déverser un déluge de feu sur notre pays. J’avais rappelé à cet Occident prédateur, si prompt à la flagellation, qu’il a longtemps versé le sang des humanités pour se frayer un chemin chaotique dans la marche de l’histoire du monde, enfermant ainsi dans une nasse dont ils ont encore du mal à sortir, bien des peuples dont le seul tort est celui de vouloir prendre leur destin en main. J’avais montré que l’Occident et ses médias de service n’étaient nullement qualifiés pour nous donner des leçons et qu’ils n’avaient pas le droit de dresser des Sénégalais contre d’autres Sénégalais.
J’avais décrit un Occident qui indique le droit chemin mais qui serpente par des voies et des voix obliques, sinueuses et tortueuses, au gré de ses seuls intérêts. Et d’ailleurs, depuis leurs exigences, leurs leçons de démocratie et de respect de normes, de calendriers et autres diktats, que s’est-il passé chez eux et ailleurs, notamment dans certaines parties du monde où ils ont de gros intérêts ? Actualité brûlante, comment se comporte cet Occident dans ce qui se passe dans la partie-Est d’un grand pays de l’Afrique centrale. Contracter, se ravitailler et commercer avec un pays subitement passé premier producteur d’un produit qu’il ne produit pas et dont on sait pertinemment comment il se le procure, et vouloir tranquillement s’obstiner à nous donner des leçons de rectitude morale et de bonne gouvernance… Quel magnifique exploit !
Et retentit en nous la voix de Aimé Césaire, l’enfant d’une violence indicible de l’histoire, mais lumineux fruit de la terrible vomissure des bateaux négriers, quatre siècles durant, qui, dans son Discours sur le colonialisme, nous dit qu’une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. Et Sénèque, philosophe romain, de nous dire que «ce que tu veux enflammer chez les autres doit d’abord brûler en toi».
Mais revenons à l’abrogation, non sans rappeler d’abord qu’un sage adage, bien de chez nous, enseigne qu’en Afrique rien ne se gâte si à son sujet il y a eu suffisamment de paroles.
Parlons donc !
L’abrogation était une promesse de campagne, et majorité acquise on veut passer à l’action. Soit ! Abroger oui, mais aller jusqu’au bout. Qu’est-ce à dire ? Il est donc question de retirer la loi votée par une Assemblée souveraine et accepter de revenir à la situation antérieure. Comme on le sait, la loi d’amnistie est sans préjudice des droits des tiers, mais si elle est abrogée, que fera-t-on des droits acquis par certaines personnes à la suite de sa promulgation ? Question importante et centrale qui ne peut, en aucun cas, justice oblige, être occultée.
Aller jusqu’au bout de l’abrogation, c’est remettre tout sur la table, dire le Droit, rien que le Droit, aller au bout des enquêtes jadis ouvertes, déterminer les coupables et les punir selon la loi.
Abroger, à mon humble avis d’humble citoyen, c’est accepter tout d’abord la mise en place d’une commission d’enquête indépendante composée de Sénégalais compétents et connus pour leur hauteur, leur vertu et leur attachement viscéral à la défense et à la sauvegarde de l’intérêt général. Oui pour la mise en place d’une équipe indépendante et pluridisciplinaire qui comprendra des compétences issues de la Société civile, de la Magistrature, du Barreau, des organisations syndicales, du secteur privé, des chefs religieux et coutumiers…
Pour mener à bien sa mission, cette commission devra disposer d’éléments fiables issus du renseignement et de la surveillance du territoire, et comprendre des gendarmes, des militaires, des policiers qui ne sont plus en activité et dont l’expertise est avérée et les états de service reconnus. Pour des raisons évidentes, et dans le seul but de renforcer son indépendance, cette commission devra être hors du contrôle et de l’autorité des actuels ministres de l’Intérieur, des Forces armées et de la Justice, qui ne peuvent être juges et parties. Mais, et c’est encore ma conviction, notre pays n’est pas forcément enfermé dans l’unique choix de réveiller les démons et d’endurer des ténèbres. Il peut aussi, j’en suis persuadé, faire le pari de nouveaux soleils et, dans le silence des passions et la mise en avant de la raison, tendre résolument la main à un avenir meilleur de la Nation, pour la Nation.