DROIT DE RÉPONSE À JEAN-CHRISTOPHE RUFIN POUR UN SÉNÉGAL LIBRE
EXCLUSIF SENELUS - Ce sont toujours les hommes courageux et debout qui sont combattus. Nous refusons l’idéologie des forces impérialistes qui veulent nous imposer leur schéma au mépris de nos vies
Dans un article publié dans le journal Le Parisien, daté du 22 septembre 2024, Jean-Christophe Rufin parle de la situation politique du Sénégal, notamment à la suite de la dissolution de l’Assemblée Nationale sénégalaise voulue par son Excellence le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye et son gouvernement.
Cet article intitulé “Avis de tempête sur le Sénégal” est une intoxication informationnelle qui va à l’encontre des principes républicains qui sont les nôtres. L’idéologie qui est sous-tendue est que le gouvernement du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye est un dissident qui veut anéantir la position de la France. Il est ajouté que le premier ministre, Ousmane Sonko, utilise une “rhétorique populiste” pour rompre les liens historiques avec la France. Tout ceci est un tissu de mensonges.
Le peuple sénégalais n’est pas contre le peuple français. Il dénonce simplement les forces impériales qui continuent de fabriquer un récit qui les arrange et qui voudrait détourner une révolution démocratique par une autre version fabriquée, celle d’un cataclysme terroriste, inspirée des juntes militaires des pays voisins. Quand ces pays, et les peuples souverains, font face à des coups d'État institutionnels depuis des années, ils reprennent simplement les commandes de leur pays qui ont été défigurées par des attentats orchestrés par des intérêts impérialistes. Beaucoup de français, très engagés pour la liberté de parole, ont même apporté leur soutien au Pastef et ont organisé des manifestations contre l’emprisonnement d’Ousmane Sonko, avec une soif inconditionnelle de justice pour le peuple sénégalais. Non, Monsieur Jean-Christophe Rufin, le peuple sénégalais ne veut pas détruire les liens historiques et les attachements humains qui existent entre la France et le Sénégal.
Monsieur Jean-Christophe Rufin, connaissez-vous la situation politique du Sénégal depuis 2021, sous le régime de Macky Sall ? Oui, vous la connaissez ! Et vous faîtes semblant de l’ignorer pour faire avancer vos pions qui relèvent d’une géopolitique dépassée, inhumaine et injuste.
Depuis 2021, le Sénégal a été mis à feu et à sang par un groupe d’hommes et de femmes avides de pouvoir. 80 jeunes ont été assassinés, 2000 jeunes ont été emprisonnés. Macky Sall a instrumentalisé la justice pour empêcher les citoyens de se mobiliser. Il a alerté les médias pour faire croire à l’international que l’opposition sénégalaise relevait de groupes terroristes. Mensonge ! Qu’avez-vous fait, monsieur Jean-Christophe Rufin, quand l’ex-président Macky Sall a trafiqué la Constitution pour repousser les élections ? Nos campagnes électorales manipulées par d’autres intérêts que les nôtres ? C’était une véritable lutte politique, exténuée par tant de manipulations, qui a été décimée par des hommes et des femmes corrompus et indignes de gouverner.
Par son vote au Pastef, le peuple sénégalais a arraché une révolution démocratique. Malgré les mutilations de nos valeurs, le peuple sénégalais est debout ! Je vous rappelle aussi ce qui signifie le nouveau mouvement gouvernemental et ce qu’il incarne : les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité. Ce sont pour ces hommes que les Sénégalais ont voté en toute liberté !
Mais comme l’histoire se répète ! Ce sont toujours les hommes courageux et debout qui sont combattus. Il y a tant d’exemples : Cheikh Anta Diop, neutralisé parce qu’il a revendiqué une Afrique sûre d’elle-même et armée de sciences. La voix du peuple, celle des écrivains, des intellectuels engagés est toujours minorisée au profit d’une intoxication permanente. Il y en a assez des attitudes néo-coloniales, des parasites de l’Humanité.
Où étiez-vous Monsieur Jean-Christophe Rufin lors des affrontements entre le peuple et les nervis du gouvernement ? Où étiez-vous lors des mouvements, des signatures et des pétitions contre le régime de Macky Sall, où étiez-vous Monsieur Jean-Christophe Rufin ? Qu’avez-vous fait de vos luttes et de vos missions humanitaires ? Quelles véritables sincérités avaient-elles ? Où étiez-vous quand le peuple sénégalais se faisait massacrer par des hommes sans foi ni loi ? Où étiez-vous ?
Aujourd’hui, nous sommes encore face à des hommes comme vous qui nous rappelle notre histoire douloureuse, les traumatismes de l’esclavage, de la colonisation et du néo-colonialisme. On se souvient des assassinats de Patrice Lumumba au Congo démocratique et plus proche de nous encore celui de Thomas Sankara au Burkina Faso. On voit aujourd'hui les mêmes mécanismes de déstabilisation. Au XXIe siècle, il est honteux de diaboliser et de freiner tout un peuple. Laissez-le assumer sa démocratie par un vote délibérément révolutionnaire !
Je vous rappelle également que si les pays du Sahel sont tous désarmés, c’est à la suite de l’assassinat en Libye de Mouamar Kadhafi, orchestré par l’Occident.
Par ailleurs, je me pose des questions profondes, non seulement quant à votre légitimité à vous positionner sur la politique sénégalaise, tout comme je remets en cause votre engagement littéraire. Vous avez obtenu le Prix Goncourt en 2001 et vous êtes membre de l’académie française depuis 2008. Ce n’est pas l’idée que je me fais de la France, de ses belles lettres et de ses Lumières, Monsieur Jean-Christophe Rufin. Si les hommes, les écrivains, les intellectuels sont honnêtes, ils devraient vous désavouer et vous combattre.
Mon engagement est toujours le même, Monsieur Jean-Christophe Rufin, celui de l’indépendance et de la dignité de nos terres. C’est pourquoi je proclame, au nom du peuple sénégalais qui a le droit de décider, en son âme et conscience, de l’avenir de son pays :
Nous refusons l’idéologie des forces impérialistes qui veulent nous imposer leur schéma au mépris de nos vies. Nous refusons l’intoxication des médias qui diffusent des informations calomnieuses et mystifiées. Et tous ceux qui réduisent la révolution démocratique du Sénégal à une action partisane du chaos. Nous ne voulons plus d’une orchestration politique qui soit décidée par le capital financier, au mépris des enfants qui ne vont pas à l’école, avec arrogance pour celles et ceux qui vivent avec un euro par jour ; avec indifférence à l’égard des populations qui n’ont pas accès à la santé élémentaire parce que des hommes ont décidé de détourner tout l'argent nécessaire à la survie d’un pays. Nous ne voulons plus voir des centaines de noyés dans l’océan atlantique car ils n’ont pas d'autres choix. Ce sont des homicides organisés délibérément chaque jour, si rien ne change. Oui, Monsieur Jean-Christophe Rufin, nous refusons que l’on décide pour nous-mêmes.
Et nous disons oui aux hommes de courage qui, après des batailles meurtrières, ont su gagner la confiance des Sénégalais en proposant une gouvernance alternative et non pas ce que vous nommez une insurrection anti-démocratique.
Aucune existence n’est supérieure à une autre, rappelle la Charte du Mandé, l’engagement du Kouroukan Fouga. C’est sur cette promesse que nous voulons, nous le peuple sénégalais, retrouver les soleils de nos libertés, tous les soleils de nos libertés.
Amadou Elimane Kane, enseignant, poète écrivain franco-sénégalais.