LA SEMAINE OÙ LA PAROLE DU PRÉSIDENT CONTREDIT SA SIGNATURE
Le chef de l’Etat mériterait presque qu’on lui tire le chapeau bien bas, s’il n’avait pas fixé par écrit, avec sa signature en bas de page, la date de la Déclaration de politique générale au 13 septembre 2024
Le bras de fer entre le Groupe parlementaire Benno bokk yaakaar et l’Exécutif n’en finit pas de nous épater. Après la journée des longs couteaux au terme de laquelle les députés, d’une courte majorité, renvoient au président de la République sa copie en ne votant pas la dissolution du Conseil économique et du Haut-conseil des collectivités, ne pas s’attendre à des représailles relève de la naïveté : on se vexerait comme un pou pour moins que ça.
Et donc, sans surprise, Bassirou Diomaye Faye sort le sabre et décapite les deux institutions, en attendant de les dissoudre dans un décret acide. Aminata Mbengue Ndiaye et Abdoulaye Daouda Diallo ont beau se faire tout petits pour qu’on les oublie, le chef de l’Etat les envoie tout de même au chômage.
Ça, c’est fait
Jusque-là sur la défensive, mais ragaillardi par le camouflet administré au patron de l’Exécutif, le Groupe Bby, depuis le pupitre de l’Assemblée nationale, par la voix de son président Abdou Mbow, passe à l’offensive ; comprenez une motion de censure pour faire tomber le gouvernement Sonko. Lequel a l’outrecuidance de les snober depuis sa nomination. Il n’envisage pas de se présenter devant cette Assemblée-là pour sa Déclaration de politique générale. D’abord, parce que son Règlement intérieur ne lui convient pas ; ensuite, parce qu’il n’a sans doute pas envie de faire face à Coura Macky, par exemple, qui pourrait lui poser des questions désobligeantes sur sa santé précaire, entre autres soucis strictement privés.
Alors que l’on s’achemine vers une sanglante guerre des tranchées, ne voilà-t-il pas que le président de la République saisit l’Assemblée pour examiner quelques sujets à controverses dont, ô divine surprise, la fameuse Déclaration de politique générale…
Les députés, tout guillerets, s’empressent de lui en fixer la date, le 11 septembre 2024. C’est vrai que cette Dpg et les débats qui s’ensuivront pourraient se comparer à une attaque terroriste sur les tours Pastef. Les honorables conspirationnistes viennent surtout de pêcher une information fraîche comme un poisson du jour : le Conseil constitutionnel autorise le président de la République à dissoudre l’Assemblée nationale dès les premières lueurs du 12 septembre 2024.
Curieusement, le président Bassirou Diomaye Faye fixe la date de cette Dpg, qui nous fait passer par toutes les émotions, au vendredi 13 septembre 2024.
A croire qu’ils ne sont pas superstitieux, ces bons messieurs de l’Exécutif…
Et donc, comme il fallait ne pas s’y attendre, le 12 septembre 2024, soirée inoubliable, dans son adresse à la Nation, le président de la République annonce froidement la dissolution de l’Assemblée nationale. Bien entendu, ce qui reste des 54% de l’électorat de mars 2024 exécute des sauts de cabri à l’annonce de la bonne nouvelle.
Il faut dire que cette quatorzième législature, qui démarre en septembre 2022 sur les chapeaux de roue, est un p’tit bijou d’hérésie démocratique. Ça monte sur les tables, exhibe son caleçon en public, confisque des urnes en plein vote, bastonne des femmes enceintes, pleurniche pour des voitures…
Bref, Bassirou Diomaye Faye siffle la fin de la récréation pour cette garderie d’adultes qui nagent béatement en pleine immunité parlementaire.
Le chef de l’Etat mériterait presque qu’on lui tire le chapeau bien bas, s’il n’avait pas fixé par écrit, avec sa signature en bas de page, la date de la Déclaration de politique générale au 13 septembre 2024. Récapitulons : dans son courrier, le chef de l’Etat annonce la tenue de la Dpg, et dans son discours, il l’efface du programme. La parole présidentielle qui contredit sa signature, ce sont les fondements de la République qui en tremblent encore.
Autre souci : par le même discours, le président de la République envoie son dauphin constitutionnel au chômage… Rien ne nous indique, à présent, en noir sur blanc, qui prend sa place dans le dispositif républicain. En clair, si demain le président Bassirou Diomaye Faye est empêché, la République ne peut désigner personne de légitime pour lui succéder dans l’immédiat.
On voit mal des gens sérieux tirer de sa grasse matinée un nouveau chômeur pour l’installer à la présidence et lui demander d’organiser en soixante jours une présidentielle. Le temps qu'Amadou Mame Diop se brosse les dents et débarbouille le visage, enfile son pantalon, sa chemise et sa veste avant de nouer cravate, on sera soit en 2029, soit dans un autre monde tout à fait inédit.
Bien sûr, il y aura toujours quelque personnage à la science infuse pour interpréter, péremptoire, les textes de la Loi fondamentale. Certes, mais le flou artistique autorise également tout et n’importe quoi.
Je me pose sans doute trop de questions, mais il y a un souci, contraire à l’esprit de la République, dans la non-conformité entre la parole et la signature présidentielles.
Vous l’aurez deviné : la colle est posée à l’intention du Conseil constitutionnel.
Durant cette semaine décidément pas comme les autres, également, Bby constate la montée en puissance de Mimi Touré ; cette fois-ci, elle émerge du côté de Bassirou Diomaye Faye dont elle est le dernier Haut-représentant.
Dans son style inimitable, Mimi crache le feu sur ses nouveaux ennemis, ses anciens compagnons de bamboula. Ils seraient des «Adou Kalpé» qu’il faut traquer sans répit ni pitié.
En un mot comme en cent, le défunt régime de Macky Sall est une association de malfaiteurs qui fait ripaille, douze interminables années, sur le dos du contribuable. La figure de proue de cette innommable fiesta serait Amadou Bâ qui, précise-t-elle, a été son ministre des Finances.
Problème : Mimi Touré, dès la Présidentielle de 2012, est des Vip de la République…
Directrice de campagne victorieuse, elle passe ministre de la Justice et traque impitoyablement les prédateurs du régime Wade, sous l’œil bienveillant de Macky Sall qui en aura grassement bénéficié. Mais lui, il n’est pas comme les autres : c’est un repenti…
En dépit de son zèle à pourchasser du malfrat, son butin est maigrichon : il n’y a que Karim Wade à attendre son destin sur la paille humide d’un cachot. Pour la récompenser de tant d’abnégation, Macky Sall en fait son Premier ministre en remplacement de ce mollasson de Abdoul Mbaye.
Un faux pas aux locales met un terme prématuré à son ascension. Qu’à cela ne tienne, Mimi Touré ne manque pas de ressort et de coffre. Sa traversée du désert finit avec un retour dans le giron présidentiel comme une sorte de madame sait-tout-faire. Ensuite, la revoilà aux premières loges, comme directrice de campagne de Macky Sall pour le second braquage de la République en 2019.
Rebelote : son candidat passe encore les doigts dans le nez.
Pour ses bons et loyaux services, Mimi Touré atterrit à la présidence du Cese. Son passage à la tête de cette institution, devenue entre-temps inutile et budgétivore aux yeux de ses nouveaux patrons, hérisserait le poil des sourcilleux agents de l’Ige, lesquels ont le mauvais goût d’aller y fouiller ses états de service.
Virée pour céder la place à Idrissa Seck, elle n’a pas le temps de bouder longtemps que Macky Sall, qui sait parler aux femmes, la ramène sous sa coupe avec pour mission la conquête du Parlement. Mimi déploie alors son zèle habituel à passer à la moulinette ses adversaires dont Ousmane Sonko, auquel elle précise en public que les rendez-vous à Sweet Beauté ne relèvent pas de ses attributions.
La coalition qu’elle mène tambour-battant arrive en tête aux Législatives, mais n’a cependant pas la majorité absolue.
Dilemme…
Amadou Mame Diop hérite du perchoir de l’indéboulonnable Moustapha Niasse et Mimi Touré claque la porte en rappelant à Macky Sall qu’il ne peut pas briguer un troisième mandat. Ça tombe bien, le Président sortant renonce officiellement à sa candidature. Ça ne calme pas Mimi Touré qui en fait tant que Bby et Wallu, les obligés de… Karim Wade, la virent comme une malpropre du Parlement.
Voilà pourquoi c’est avec un plaisir gourmand qu’elle salue la dissolution de l’Assemblée nationale, qui serait une honte démocratique.
Ce n’est qu’un début : elle va déployer tous ses talents et toute l’énergie des néo-convertis pour faire jeter en prison tous les prédateurs de nos maigres richesses, qui ont l’honneur d’être ses compagnons de fortune de 2012 à 2023.
La mémoire courte et l’indignation sélective sont sans doute le secret de ses sept vies…
Plus marrante est la sortie du ministre en charge de l’Assainissement, qui explique les inondations et la détresse des sinistrés par ce que cet hivernage figure au passif du défunt régime. Traduction : selon la météo, l’hivernage estampillé «Projet, jub, jubal, jubanti» est prévu pour août prochain.
On ne s’ennuiera pas durant les cinq prochaines années…
Mon indécrottable sens de l’humour n’empêche pas une légitime inquiétude au sujet de notre très colorée ministre des Affaires étrangères dont la fracassante sortie en Russie, géant mondial du blé, sur l’amour immodéré des Sénégalais pour le pain, me fait craindre le pire à l’avenir. Il ne faudrait pas envoyer Madame Yassine Fall dans les pays gros producteurs d’hévéa, l’arbre à caoutchouc, tels que le Brésil ou le Liberia : elle serait capable de déclarer devant la presse étrangère son soulagement de signer des accords d’importation directe du latex parce que les Sénégalais, ces polygames dératés, abusent du préservatif.