L’AMBIGUÏTÉ DU PRÉSIDENT SALL
EXCLUSIF SENEPLUS - Cet ordre moral qui régit tout, qui aurait permis au peuple de tout faire pour se relever de ses difficultés fût sans doute le plus absent de la sortie médiatique de Macky Sall, le soir du 31 décembre

Lors de son entretien avec la presse, le président Sall a donné quelques explications, pour le moins surprenantes à plus d’un titre, sur son silence à propos du troisième mandat. Tels furent ses propos : “Si je dis que je ne serai pas candidat à un troisième mandat, les gens ne vont plus travailler”. Cette phrase, surprenante et grave, appelle quelques remarques :
La première remarque est que le président laisse entendre maintenant qu’il a la possibilité de dire s’il sera candidat ou pas, alors qu’il avait déjà dit urbi et orbi que la constitution ne lui permettait pas de se présenter, qu’il ne pouvait donc pas être candidat et que c’était un faux débat. Serait-il revenu sur ses intentions ? Ce glissement sémantique perceptible le laisserait penser. Soudain, quelque chose qui était inscrit hors de sa portée, car inscrit dans la constitution, revient dans la sphère de sa décision, du possible. Il peut dire oui ou non s’ il sera candidat, il avisera plus tard. On ne serait alors point surpris que plus tard, qu’il soit candidat à sa propre succession.
La seconde remarque procède de l’ immaturité qu’il prête à ses ouailles : “ils ne travailleront pas si je leur dis que je ne serai pas candidat à un troisième mandate !”, infantilise ceux qu’il appelle à ses côtés pour gouverner avec lui. Ses ministres ne savent-ils pas qu’ils sont nommés pour servir et que ne pas travailler n’est pas une option quelles que soient les circonstances dans lesquelles se projette le president ? Comment voudrait il que ses compagnons se comportent comme des hommes responsables si lui même ne les prend que pour des “enfants” dignes d’être surveillés ?
Enfin, il nous dit : “ Si je dis que je serai candidat, les opposants ne vont pas me lâcher, il y aura des marches partout et ce sera une polémique sans fin...” Cela ne traduirait-il pas sa peur du people ? Paradoxe pour un homme élu avec une majorité confortable quelques huit mois plus tôt.
Cette position de ni oui ni non est une façon de ménager la chèvre et le chou et de reculer aussi tard que possible sa sortie de l’ambiguïté. Le président Sall aime garder les cartes en main. C’est sa nature profonde de situationniste qui veut cela. Garder en tout temps les options ouvertes car les situations changent. C’est en cela qu’il est fin politicien. Il a cette patience d’attendre que n’ont pas les autres.
L’autre sujet qui m’a fait réagir fût sa cinglante réponse au journaliste qui évoquait le fait que son parti n’était pas structuré – ce que du reste son responsable des structures dit à qui veut l’entendre – comme une cause de la récente cacophonie au sommet de l’État. D’un revers de main, il a balayé cette hypothèse. Son parti est structuré, en tout cas suffisamment structuré pour avoir gagné toutes les élections auxquelles il a fait face. Il y a un président, lui même, des comités et un secrétariat exécutif national. Circulez il n’ y a rien à voir. Pour lui, la cause serait ailleurs. La foire d’empoignes à laquelle nous avons assisté, médusés avec son lot de révélations de scandales et de graves accusations jamais proférées dans une république, ne serait que des manifestations d’amour mal exprimées en son endroit (sic) et ne traduirait qu’une malencontreuse réaction, au demeurant compréhensible, de ses “enfants” face à son manque de considération. Ses “enfants” recherchent son attention et lui le “père” n’a pas le temps. Il travaille.
Voila ce que nous dit en substance le president !
L’ordre moral dont se préoccupe le peuple en cette circonstance est relégué au second plan.
Cet ordre moral qui régit tout, qui aurait permis au peuple de tout faire pour se relever de ses difficultés fût sans doute le plus absent du débat.
Tidiane Sow est coach en Communication politique.