L’APOLOGIE D’OUSMANE SONKO
EXCLUSIF SENEPLUS - Pastef est l’expression d’un refus de la perpétuation d’un système néocolonial et d’un État piégé dans le paradigme néolibéral, incapable de répondre aux aspirations légitimes des populations
Dans son Apologie de Socrate, (défense de Socrate), Platon nous relate la mise à mort de Socrate par les citoyens d’Athènes, ce qui en fait, était une tentative futile de mise à mort de la philosophie.
Lors de son fameux procès pour « corruption de la jeunesse », Socrate conclut son plaidoyer en disant (nous rapporte Platon) « c’est cela qui me fera condamner si vraiment je suis condamné : non pas Mélétos ni Anytos, (les 2 plaignants) mais la calomnie et l’envie du grand nombre, qui ont déjà fait condamner beaucoup d’autres hommes de bien et qui, je pense, en feront condamner encore ; il n’y a pas à craindre que cela s’arrête à moi. » Les défenseurs de la justice et de la vérité qui suivront Socrate sont donc prévenus…
Socrate termine après sa condamnation à mort en reprochant aux juges qui ont voté pour ladite sanction d'avoir ainsi négligé leurs responsabilités et ruiné la réputation de la cité. Puis il montre aux juges ce qu'il estime être la vérité : s'il a perdu le procès, ce n'est non pas la faute des actes qu'il a commis, mais bien la faute des juges qui ont voté pour le condamner, car ils n'ont pas su porter un jugement juste.
Si le procès de Socrate fut l’un des procès politiques les plus connus, 2 500 ans d’histoire moderne ont vu défiler nombre de grandes figures dans les prétoires. De Jésus Christ à Nelson Mandela, de Jeanne d’Arc aux procès de Moscou et de Dreyfus à Mamadou Dia.
Denis Salas dans son Histoire de la justice définit le procès politique comme « un procès criminel d’un adversaire politique pour des raisons politiques. Ajoutons, pour compléter le tableau, que le juge est sous contrôle, la procédure purement arbitraire, la punition quasi certaine. L’usage de la justice permet avant tout d’éliminer des rivaux par une sorte de pédagogie de l’effroi. C’est le cas dans la monarchie absolue, les empires et les régimes totalitaires. Tout souverain, pour conforter sa toute-puissance, peut faire appel à cette force d’élimination et de dissuasion. »
Quid du procès d’Ousmane Sonko ? Il coche toutes les cases de la définition ci-dessus.
Est-il besoin d’élaborer ?
Ousmane Sonko est attrait devant la barre pour répondre d’allégations de menaces de mort et de viols répétitifs, ce dont il est acquitté, puis, par un tour de passe-passe il est sanctionné pour un délit pour lequel il n’était pas poursuivi.
Où est l’enquête ? Où est l’instruction ? Où sont les preuves irréfutables ? Où est le débat contradictoire ? De plus, on organise sa non-comparution en le séquestrant chez lui et en ne lui faisant pas parvenir de convocation, tout ceci bien entendu pour priver ses avocats de leur droit de faire appel, en le rendant contumax par force.
Régime totalitaire ?
Bien entendu, mais il faut y ajouter un qualificatif qui est incontestablement la marque de fabrique du régime de Macky Sall : l’incompétence ! Même quand il s’agit de monter un complot et un procès qui au moins respecte les formes !
Et après ça les tenants du pouvoir ont le toupet de gémir, dès que la rue gronde :« État de droit ! » ou « force restera à la loi !» (À dire vrai à destination des investisseurs étrangers et autres agences de notation.) Car nous Sénégalais savons que les arrestations massives et illégales se multiplient, que les prisons sont pleines, que 16 morts ont été déjà décomptés au moment où j’écris ces lignes (3 juin 2023), l’internet bloqué, les plateformes digitales suspendues, des chaines de télévision privées de signal et que les militants et cadres de Pastef sont pourchassés.
Comment en est-on arrivés là ?
La réponse est à chercher dans cette terrible déclaration de Macky Sall qui marquera à jamais l’histoire de la démocratie sénégalaise : « Je réduirai l’opposition à sa plus simple expression. » (Déclaration infâme s’il en est surtout venant de la bouche d’un président d’une République démocratique). Voilà le programme politique que le président sénégalais Macky Sall avait dévoilé à ses concitoyens lors d’une conférence de presse à Kaffrine le 16 avril 2015. Ce jour-là Macky Sall avait rendu public sa détermination à mener une guerre sans merci contre la démocratie en dépit des dispositions constitutionnelles garantissant les droits de l’opposition.
Après s’être débarrassé de Karim Wade et de Khalifa Sall il pensait qu’Ousmane Sonko serait une proie facile et procédait promptement à sa radiation de la fonction publique et en orchestrant une campagne impitoyable de diabolisation (la calomnie mentionnée par Socrate) :
Salafiste, wahhabite, terroriste, sécessionniste, sexiste, ethniciste etc. Et j’en passe !
Campagne accompagnée de brimades de toutes sortes, de violences physiques, d’interdiction de sortie du territoire, de séquestrations, de complots, etc. pour aboutir à ce verdict honteux, déclencheur d’une colère populaire prévisible.
Or mille mensonges ne résistent pas à une vérité : Ousmane Sonko est aujourd’hui l’homme politique sénégalais le plus populaire, avec ses qualités et ses défauts (nul n’est parfait), incarnant les espoirs d’une génération de plus en plus impatiente et à la tête d’un parti symbole de la montée en puissance d’une classe moyenne patriote et en demande de ruptures. Pastef est l’expression d’un refus de la perpétuation d’un système néocolonial et d’un État piégé dans le paradigme néolibéral, incapable de répondre aux aspirations légitimes des populations. Pastef est aujourd’hui le parti le mieux organisé avec une direction collégiale compétente et déterminée et qui au fil de ses combats suscite un espoir qu’il serait dangereux de crucifier.
En vérité ce n’est pas Sonko qui dérange mais plutôt le programme de gouvernement du parti. Il suffit de lire Solutions le livre programme signé par Ousmane Sonko et nous invitant au débat autour d’un diagnostic sans concession de l’État, de l’économie et de la société et proposant des solutions de ruptures qui forcément inquiètent tous ceux qui bénéficient et abusent du statu quo.
En le lisant et le relisant, j’y ai décelé une réincarnation de la pensée et de l’action de Mamadou Dia. Oui, Pastef s’appuie sur notre passé politique pour nous proposer une sortie de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons.
Oui Je suis Pastef. Oui je rejoins Pastef ce jour.
Quant à Macky Sall, il doit comprendre que le 3e mandat n’est pas un dû auquel il lui plairait de renoncer si on le lui demande « respectueusement ». Quelle arrogance ! Quelle cécité ! Il n’y a pas plus terrible fléau que l’injustice qui a les armes à la main.
Comme disait Platon dans Gorgias « le plus grand mal à part l’injustice serait que l’auteur de l’injustice ne paie pas la peine de sa faute »
Macky Sall devra être jugé d’une manière ou d’une autre et tôt ou tard !
Pierre Sané est ancien SG d’Amnesty International