LE CERCLE VICIEUX DE LA CORRUPTION
«Aucune rupture n’est possible dans un environnement de corruption endémique ». Depuis sa prise de fonction, la lutte contre la corruption semble être un défi majeur pour le président de la République
«Aucune rupture n’est possible dans un environnement de corruption endémique ». Depuis sa prise de fonction, la lutte contre la corruption semble être un défi majeur pour le président de la République.
Une préoccupation martelée à longueur de discours et qui apparaît à l’aube de cette nouvelle année comme une orientation qui va structurer, de bout en bout, son action politique. Mais discours et les bonnes intentions ne sont pas toujours suffisants pour bousculer les habitudes. Le Président en est certainement conscient en décidant de donner plus d’épaisseur à cet axe central de sa gouvernance.
Les quatre lois sur la transparence et la bonne gouvernance, « bientôt soumises à la représentation nationale », devront y aider. Elles portent sur la protection des lanceurs d’alerte, la réforme de l’organe de lutte contre la corruption, l’accès à l’information et la déclaration de patrimoine. La généralisation de la déclaration de patrimoine à tous les agents de la fonction publique, « sans exception », est, à ce titre, une avancée majeure malgré l’ampleur de la tâche. La lutte contre la corruption est un enjeu central dans la gouvernance de notre pays.
Depuis plusieurs années, les scandales de détournements de fonds et de malversations publiques ont défrayé la chronique. Les autorités sénégalaises ont, certes, multiplié les initiatives pour éradiquer ce fléau, mais l’effort semble encore insuffisant face à la persistance de la corruption dans certains cercles de pouvoir et au sein de la société. C’est donc une bataille de longue haleine qui attend les nouveaux dirigeants. Le Sénégal a fait des progrès notables dans la lutte contre la corruption depuis la création, en 2012, de l’Office national de Lutte contre la corruption (OFNAC).
Cet organisme a permis de mettre en lumière plusieurs affaires de corruption, notamment dans la gestion des marchés publics et des ressources naturelles, et a contribué à la mise en place de mécanismes de transparence. Notre pays est également signataire de conventions internationales contre la corruption, telles que la Convention des Nations unies contre la corruption et la convention de l’Union africaine. Sur le terrain, l’Ofnac a ainsi joué un rôle important en menant des enquêtes, en publiant des rapports et en recommandant des actions correctives.
Des personnalités publiques ont été épinglées pour des actes de corruption, donnant l’impression que les autorités sont déterminées à changer les choses. De même, des réformes, comme la mise en place d’un code des marchés publics. Cependant, malgré ces avancées, la question de la lenteur des enquêtes et de l’impunité reste au cœur des critiques. De nombreuses affaires de corruption, notamment celles impliquant des personnalités politiques influentes ou des proches de l’ancien pouvoir, semblent se terminer en eau de boudin.
Les poursuites sont souvent perçues comme incomplètes, voire entravées, par des pressions politiques et des manœuvres d’intimidation. Le cas emblématique de toutes ces personnalités, accusées de détournement de fonds dans la gestion de la Covid, montre bien la difficulté d’aller au bout des affaires, même lorsqu’elles sont médiatisées. Système clientéliste Au-delà des mesures institutionnelles, le principal obstacle à la lutte contre la corruption réside dans le système politique et économique du pays, profondément marqué par un clientélisme encore très ancré. Dans le cadre de ce système, les relations personnelles et les réseaux de soutien politique prennent souvent le pas sur la transparence et l’intégrité.
L’interconnexion entre les élites politiques et économiques crée un climat où la corruption devient une pratique courante, parfois même perçue comme une norme, indispensable pour naviguer dans le monde politique. Les campagnes électorales, qui sont souvent financées par de grandes fortunes privées, alimentent ce cercle vicieux. Le phénomène du « Sénégal Inc. », où les affaires privées se confondent avec les affaires publiques, est un exemple parfait de cette porosité. Dans ce contexte, les accusations de corruption ne manquent pas, mais elles se heurtent fréquemment à des structures de pouvoir difficile à démanteler.
La grande affaire du président de la République sera certainement de transformer cet État d’impuissance en un véritable État de droit où tous sont soumis à la loi. On l’entend bien : « Si nous voulons le changement, nous devrons résolument être prêts à nous réformer nous-mêmes, dans nos comportements face au bien public, et dans notre manière de servir la collectivité ». Le chemin est encore long et parsemé d’embûches, mais une grande volonté politique peut permettre de renverser cette dynamique et de créer un environnement où la transparence, la justice et la bonne gouvernance deviennent les normes et non les exceptions.