LE PARFAIT CÉLIBATAIRE AU PALAIS
Il manque à tout ce beau monde de la politicaille, ce supplément d’âme qui permet de regarder bien au-delà de son seul nombril, que l’on appelle en langage simple, la générosité
Tout le mal qu’on peut souhaiter à notre inestimable République, est qu’au moment de remettre les clés de la maison à son successeur, le Président Macky Sall se tienne devant celui que l’on a de moins mauvais sous nos cieux. Certes, au regard des ambitions qui entrent en ébullition ces derniers temps, j’avoue paniquer légèrement. Cette faune en train de revendiquer le droit de briguer nos suffrages ne relève pas du particulièrement brillant. A n’en pas douter, ce n’est pas franchement le gratin du gotha qui s’agite : ça manque de classe, de sourcil, de bouteille.
Ça confine plutôt à la racaille recyclée en mal de reconnaissance, au gagne-petit qui s’imagine la cervelle trop grosse, au rigolo qui se voit le minois trop irrésistible, au souffre-douleur enragé qui tient à solder ses comptes avec la planète.
Il manque à tout ce beau monde de la politicaille, ce supplément d’âme qui permet de regarder bien au-delà de son seul nombril, que l’on appelle en langage simple, la générosité. Cet altruisme qui vous vient du troisième œil, celui de l’esprit, et scrute l’infiniment petit de l’humain pour mesurer au nanomètre la détresse des nôtres. Ce regard qui voit le tressaillement des ventres affamés, la misère de l’analphabétisme et de l’inculture, les frissons des âmes oisives qui errent dans leur désœuvrement ; il pèse à vue le désarroi de ces pauvres hères en quête du gourou triomphateur de l’ennui, des vanités de l’existence, et donne une sorte de sens à leurs vies, qui leur évite d’embarquer dans un rafiot pour Barcelone par la magie d’une mer démontée.
Restons optimistes et osons croire que nous faisons le bon choix à la prochaine Présidentielle…
Et donc, le voilà, notre élu : un viscéral serviteur de l’Etat dont il connaît les ressorts, les cadavres secrets et l’âme. Port altier, démarche chaloupée, geste large, sourire ravageur et timbre cristallin, il nous promet la lune et, dans l’euphorie, nous y croyons.
Ce ne sera pas une première…
Seulement voilà, Son Excellence nage béatement dans le célibat. Ni veuf, ni impuissant, ni pédé : juste divorcé. Mauvaise pioche, erreur de jeunesse chèrement payée. Bref, la question de la Première Dame se pose avec plus d’acuité que sous les régimes précédents, durant lesquels chacun de nos despotes éclairés est sous la vigilante surveillance de sa sourcilleuse légitime. Même pas moyen de prendre, euh, un bol d’air durant les pauses…
Là, il faut manœuvrer, car un quinquennat sans Première Dame n’en est pas vraiment un.
Ça peut se jouer très serré car la concurrence se révèlerait rude. Mais la loi de la nature tranche net : la favorite est la sainte des saintes, Adjaratou, sa mère. Celle qui ne doute pas une seconde qu’aucune femme sur terre ne mérite son rejeton, comprenez la perfection faite humain. Elle a l’art, confinant au génie, lorsqu’il s’agit de pourrir la vie de toutes les vulgaires aventurières qui roulent des yeux et des hanches devant son demi-dieu.
C’est bien simple : elle trouve Monsieur l’incarnation de son Adn, beaucoup plus épanoui depuis son divorce.
Le hic : elle est un peu défraîchie pour accueillir au bras de son chérubin de Président, les chefs d’Etat qui viendront du monde entier se prosterner aux pieds de sa créature personnelle. Avec vingt ans de moins au compteur, le débat ne se poserait pas… Mais là, elle va devoir déléguer.
Il n’empêche, le futur Premier ministre, s’il veut durer, a intérêt à manier avec dextérité le superlatif quand il parle du Président à Adjaratou la Mère. Il lui en faudra, du vocabulaire… Qualité indispensable : les nerfs assez solides pour encaisser sans frémir les caprices d’une mégère acariâtre, sénescente, bipolaire. La totale…
S’il se cultive dans la science des étoffes en vogue, genre «Pirkheu», ou classiques, telles la dentelle de Calais, la soie, à la rigueur, le Jacquard, et qu’il hume les bonnes opportunités pour lui en offrir par malles remplies, c’est un plus. Penser à envoyer un lourd sautoir en or de vingt-deux carats peut sauver tout autant une carrière compromise.
S’il peut éviter de dire du bien de son défunt ex-mari, feu le papa du Président, qui la cocufie avant de la larguer pour plus jeune et plus apprêtée au temps des vaches maigres, ce sera un plus. Dans la réussite de Son Excellence le Fils à Maman, comme on dit, il vaut mieux privilégier «liguéy’ou ndèye» plutôt que «barké bâye».
Précision : si, par inadvertance, vous prononcez le nom de la «badieune» présidentielle, l’infernale «ndieuké» du temps des moutons rachitiques, qui lui en a fait baver de toutes sortes, ce n’est même plus votre carrière qui serait compromise mais votre vie, tout court. Il est de fatales erreurs que l’on regrette à jamais.
Ben non, Madame la Mère du Président n’est pas féministe pour un sou, elle a juste la rancune tenace.
Passons donc aux questions essentielles : à qui va-t-elle déléguer ses pouvoirs de Première Dame, Adjaratou Madame la Sainte Mère de Son Excellence le Fils Prodige ?
Faudra tous nous habituer aux formules alambiquées pour la nommer… A n’en pas douter, ce sera immanquablement à l’une de ses filles, les inévitables sœurs de Monsieur le Président, les ex-insupportables «ndieuké» à la traîtresse, les «badieune» à sa progéniture. Ça aurait pu être pire : elles ne sont que trois… Pause pipi.
L’aînée est exclue d’avance. Son amour irrationnel pour son traître de père et sa famille risque de ramener le clan paternel aux affaires. Madame la Sainte Mère de Son Excellence préfère un coup d’Etat mené par un caporal analphabète, plutôt que de partager le pouvoir avec l’ennemi.
La deuxième, la lumineuse salope, entremetteuse par vocation, passerait son temps à introduire dans le lit de Son Excellence, un échantillon de tout ce que le monde interlope des baisodromes recèle : les grandes, les grosses, les maigrichonnes, les naines, les claires, les sombres, les transsexuelles et même les «timpi-tampa»…
La troisième, la «thiât», pour laquelle l’argent est l’aphrodisiaque par excellence, passerait son temps à marchander les audiences officielles et les rendez-vous nocturnes.
En un mot comme en cent, si d’aventure Son Excellence souffrait d’un mal de dos inconvenant, ça ne pourrait vraiment compter sur personne autour de son auguste personne. Je lui recommanderais volontiers «Sweet Beauté», mais la maison n’est plus.
Chienne de République !