L’HOMME QUI A PROVOQUE LA GUERRE DE SECESSION DU BIAFRA AU NIGERIA
Ojukwu était un militaire et un homme politique nigérian. Il a été le chef de la guerre de sécession du Biafra, à la fin des années 1960
Ojukwu était un militaire et un homme politique nigérian. Il a été le chef de la guerre de sécession du Biafra, à la fin des années 1960. Licencié en histoire contemporaine à Oxford et diplômé de la Mons Officer Cadet School, il devient gouverneur militaire de la Région de l’est (Eastern Region) au Nigeria à partir de janvier 1966. Il proclame l’indépendance du Biafra le 30 mai 1967 et devient le chef militaire de la province sécessionniste.
Auparavant, il s’était installé dans l’État d’Enugu au sud-est du pays. Il se présente à des élections, notamment aux sénatoriales de 1983, mais n’est pas élu. De nouveau candidat à l’élection présidentielle de 2003, l’ancien chef rebelle biafrais est alors l’une des composantes majeures de l’opposition, avec son parti La Grande alliance pour le progrès (« All progressive grand alliance »). Ilse fait ensuite plus discret avant de mourir le 26 novembre 2011 à Londres, à l’âge de 78 ans.
La guerre du Biafra est une guerre civile au Nigeria qui s’est déroulée du 6 juillet 1967 au 15 janvier 1970 et a été déclenchée par la sécession de la région orientale du Nigeria, qui s’auto-proclame République du Biafra sousla direction du colonel Ojukwu.
Le blocus terrestre et maritime du Biafra par les troupes gouvernementales provoque, dans la région, une famine qui aurait entraîné la mort d’un à deux millions de personnes. Cette guerre est largement couverte par les médias étrangers, d’autant que le photojournalisme est en plein essor, et expose aux populations occidentales le dénuement du tiers monde. Une des conséquences de cette guerre est l’évolution de la doctrine de l’aide humanitaire qui prône la médiatisation intense des conflits et une ingérence directe pour venir en aide aux réfugiés, matérialisée par la création en 1971 de l’organisation caritative d’origine française Médecins sans frontières.
Le Nigeria, qui acquiert son indépendance en 1960, était alors le pays le plus peuplé d’Afrique avec 40 millions d’habitants. Il l’est toujours d’ailleurs. Une population divisée en 250 ethnies, dont les trois principales sont les Haoussas, les plus nombreux, majoritairement musulmans et vivant au nord ; les Yorubas, musulmans et chrétiens vivant à l’ouest et au sud-ouest ; et les Igbos (ou Ibos), majoritairement chrétiens et animistes, qui vivent au sud-est et détiennent la majorité des postes dans l’administration et les commerces.
Largement christianisés et alphabétisés par les missionnaires, lesIgbos ont été favorisés par l’administration britannique soucieuse de diviser le pays et mieux asseoir sa domination. De plus, la plupart des mines de charbon et des réserves de pétrole du pays sont situées à l’est du delta du Niger, où vit la majorité des Igbos. De 1960 à 1966, les deux partis politiques haoussa et igbo s’allient pour diriger le Nigeria, excluant de fait les Yorubas. Les autres ethnies, se sentant lésées à différents niveaux, s’opposent aux Igbos et les tensions montent jusqu’à atteindre un paroxysme en 1966.
Les Yorubas soutenaient jusqu’alors un parti réformiste à tendance progressiste, opposé au bloc conservateur des musulmans du Nord, l’Action Group. Ils mènent alors un coup d’État qui conduit à la formation d’un parti yoruba plus conservateur, le NNDP, et forment une alliance avec les Haoussas. Les composantes de cette nouvelle alliance politique excluent les Igbos du pouvoir et les menacent de leur confisquer leurs richesses, tirées notamment du pétrole.
Lors des élections de 1965, l’Alliance nationale nigériane (Nigerian National Alliance) des Haoussas, alliée aux membres conservateurs yorubas,s’oppose à la Grande Alliance progressiste unie (United Progressive Grand Alliance ou UPGA) igbo, alliée aux membres progressistes yoruba. L’Alliance nationale nigériane, menée par Sir Abubakar Tafawa Balewa, remporte la victoire avec une écrasante majorité (toutefois entachée par des soupçons de fraude électorale massive). Des officiers igbos à tendance gauchisante renversent alors le gouvernement et placent le général Johnson Aguiyi-Ironsi à la tête de l’État le 15 janvier 1966. Ironsi met fin le 24 mai 1966 au fédéralisme et renforce la domination de la capitale, mais les tensions s’attisent dans le pays. Une rébellion antiigbos éclate dans le Nord, déclenchant un exode massif vers la province de l’Est, et les massacres provoquent plus de 30 000 morts. Ironsi est assassiné le 29 juillet 1966 et un autre coup d’État instaure un gouvernement fédéral militaire. La junte, en majorité musulmane, place à la tête de l’État un officier chrétien, le général Yakubu Gowon, avec pour mission de rétablir la paix dans le pays avant de rendre le pouvoir aux civils. Mais dans le Nord du pays, en majorité peuplé de musulmans, les Igbos, ethnie chrétienne, sont victimes de massacres malgré les tentatives de Lagos de ramener le calme. Le général Gowon modifie les structures administratives du pays, ce qui suscite l’opposition des Igbos, qui perdent alors le pétrole, présent principalement à l’est du Delta et est exploité par les compagnies pétrolières Shell et British Petroleum (BP).
Odumegwu Emeka Ojukwu, le gouverneur militaire de la région de l’Est, fief des Igbos, refuse alors de reconnaître l’autorité de Yakubu Gowon et la tension monte entre chrétiens et musulmans, plaçant le pays au bord de la guerre civile. En janvier 1967, l’accord d’Aburi est proposé au Nigeria au terme d’une médiation ghanéenne. Il prévoit l’abandon de la division du pays en régions afin d’instaurer une République fédérale composée de douze États. Le général Gowon propose de son côté un nouveau découpage administratif qui priverait les Igbos de la grande partie des ressources pétrolières. Ojukwu rejette ces propositions et déclare que tous les revenus générés dans la région de l’Est seront réquisitionnés par le gouvernorat pour faire face au coût du déplacement des dizaines de milliers d’Igbos fuyant le Nord.
30 Mai 1967 : Ojukwu proclame l’indépendance du Biafra
Le 26 mai 1967, le Conseil consultatif de la région de l’Est vote la sécession de la région. Le 30 mai, Ojukwu proclame l’indépendance de la région, qui prend le nom de République du Biafra, avec Enugu pour capitale. L’armée biafraise compte alors environ 100 000 hommes. L’état d’urgence décrété au Nigeria le 26 mai 1967 permet d’instaurer des mesures policières visant à reprendre le contrôle du Biafra mais sans grand succès. Au début du mois de juillet, les forces fédérales franchissent la frontière biafraise et marchent sur Enugu : la guerre du Biafra commence. Au cours de l’été 1967, les forces biafraises contre-attaquent : ayant le contrôle des deux tiers des réserves de pétrole du Nigeria, Ojukwu tente de s’approprier le dernier tiers en traversant le Niger et en envahissant la région du Centre-Ouest, où se constitue une éphémère République du Bénin avec Benin City pour capitale (à ne pas confondre avec l’actuel Bénin, qui correspond à l’ancien Dahomey). Pendant quelques semaines, le Biafra semble même être en mesure de pousser ses incursions jusqu’à Lagos, la capitale du Nigeria.
L’armée fédérale repousse cette contre-offensive et prend peu à peu le contrôle des principales villes, tandis que le territoire du Biafra se réduit au fil des mois comme une peau de chagrin : Ogoja, Nsukka et l’île de Bonny tombent dès le 30mai 1967, Enugu le 28 septembre 1967 (capitale transférée à Umuahia), Port Harcourt et ses champs pétrolifères le 24 mai 1968, Umuahia le 22 avril 1969 (capitale transférée àOwerri) et finalement Owerri le 9 janvier 1970. Avec la chute de Port Harcourt le 24 mai 1968, le Biafra se trouve définitivement privé d’un accès à l’océan Atlantique. La stratégie d’étouffement des poches de résistance biafraise par l’armée nigériane conduit irrémédiablement à l’écrasement sanglant de la révolte. C’est alors qu’Ojukwu s’exile avant de revenir au pays après avoir bénéficié d’une grâce présidentielle. Mais c’est à Londres qu’il s’éteindra le 26 novembre 2011 à l’âge de 78 ans.