TERRES NOURRICIERES
De quoi vit le monde rural, une fois l’hivernage terminé ? Autant les pluies soulagent et réconfortent, autant la saison sèche hante les esprits dès qu’elle s’installe.
De quoi vit le monde rural, une fois l’hivernage terminé ? Autant les pluies soulagent et réconfortent, autant la saison sèche hante les esprits dès qu’elle s’installe.
En parcourant l’intérieur du pays on s’aperçoit de la diversité des tableaux, des paysages changeants, de la baisse des rythmes, de l’intensité des échanges (trocs et marchandages).
Certains greniers se vident assez vite compte tenu de la consommation effrénée des récoltes de céréales et de l’écoulement d’une partie dans les marchés hebdomadaires, carrefours de transactions en hausse constante.
Cette brève photographie ne répertorie pas l’univers rural peuplé d’autres acteurs de fraîche reconversion qui portent en bandoulière leur nouvelle fierté d’appartenance.
D’autres encore, fuyant l’épouvante urbaine, se réfugient dans les enclos ruraux, la nouvelle frontière de l’épanouissement, de la tempérance, de l’harmonie, du naturel et de l’authenticité.
Ici la nature répond bien de son nom propre : faune et flore se conjuguent, sécrétant une phénoménale symphonie qui laissent pantois les nouveaux arrivants dotés d’une culture de destruction très prononcée.
La ville consomme et détruit. La campagne absorbe et restitue. Ces deux espaces de vie ne s’opposent pas frontalement mais les humains qui les habitent les ont si imprégnés de leurs modes de vie typés au point de singulariser des identités remarquables.
Le contraste est saisissant et frappant à la fois. Que perdent les campagnes en accueillant ces nouveaux venus bardés de certitudes ?
En hivernage, lorsque les paysans ont fini de scruter le ciel, s’ensuivent les tâches pénibles sur fond d’une longue période de dèche et de soudure. Donc de manque permanent voire de déficit chronique.
Seuls ceux qui le vivent, l’appréhendent quand s’épuisent les ressources alors qu’aucune panacée ne s’offre à eux comme recours ou secours.
Fonctionnant au jour le jour, ils ne parviennent pas à intégrer la prévision dans le quotidien. Si bien que les retournements de conjoncture les frappent au portefeuille et dans la grange. En se tarissant, la ressource les expose à une précarité certaine et ils vivent alors d’expédients et s’en réduisent à ces moyens pour se tirer d’embarras.
Les nouveaux ruraux, qui ne le sont que de nom, et qui les rejoignent dans ces aires de vie, s’organisent mieux et se prémunissent contre les aléas.
Désormais, ils appartiennent au même espace mais s’en démarquent par des traits de comportements acquis en ville et maintenus en campagne pour les commodités qu’ils offrent et le confort qu’ils procurent.
L’aisance accentue la différence et creuse le fossé au détriment des populations rurales dont le sort, au demeurant peu enviable, n’inspire qu’indifférence alors qu’ils affrontent d’avantage une paupérisation.
A mesure que s’étendent les habitats et les mouvements, le foncier agraire se rétrécit : moins de superficies cultivables, extensions des vergers (fermiers du du dimanche), appauvrissement des sols et assèchement progressif des terres jadis arables et riches en oligo-éléments. Les pourtours de l’aéroport Blaise Diagne de Diass démontrent à suffisance cet envahissement et l’extinction de l’authenticité rurale à mesure que la modernité pénètre les enclos familiaux.
Neufs mois de désœuvrement et trois mois d’activités agricoles, ce scénario est à abandonner pour privilégier d’autres alternatives. Il est heureux de constater que le maraîchage s’introduit peu à peu entre les deux saisons.
La formule séduit plus de monde. A ces activités traditionnelles, l’agriculteur ajoute la dimension maraîchage même si les vocations ne sont pas les mêmes.
Après tout, une diversification des sources de revenus favorise une stabilité dans le milieux paysans que les politiques ne devraient négliger aucunement.
Les saisons de pluies se suivent sans se ressembler. Compte tenu de ces aléas difficiles à cerner et à maîtriser, la cohérence dicte aux pouvoir publics la nécessité d’associer maraîchage et agriculture afin de produire plus et mieux dans une approche de sécurité et de sûreté alimentaires.
Le Kenya réussit bien cette formulation sans toutefois provoquer d’antagonisme entre maraîchers et agriculteurs. Leur complémentarité jugule les pénuries, lutte à la fois contre les pratiques inflationnistes et les bradages si les prix rémunérateurs sont promus.
Que mille zones de maraîchage éclosent, rien de mal ! Pourvu que légumes, fruits et fleurs inondent les marchés afin de réconcilier les Sénégalais avec les labels de terroirs.
Numériquement, ils constituent une force et représentent un poids.
Électoralement cela pèse. Indéniable. L’ébullition dans le monde rural renseigne sur l’engouement que suscite cette présidentielle inédite et singulière à plus d’un titre.
L’effet moutonnier ne carbure plus. Les électeurs des contrées lointaines ne sont plus perçus comme du bétail électoral « taillable et corvéable à merci » !
Autres temps, autres seigneurs terriens…
Ils sont de plus en plus conscients de leur prépondérance pour revendiquer une autonomie de pensée, de jugement et d’action.
Le vote paysan sera déterminant dans le scrutin attendu dimanche 24 mars.
Les marchés transversaux (loumas) absorbent quantité de produits
du cru issus de nos terroirs. Leur complémentarité et les différences de maturation sont des facteurs décisifs pour placer le monde rural au cœur des politiques prioritaires de développement.
Faut-il le dire à haute et intelligible voix : le désœuvrement a un coût. Il pourrait être corrigé en dégageant des perspectives appuyées sur les opportunités déjà mentionnées. Le maraîchage est ce gisement.
A l’échelle du pays, une géographie de cette activité génératrice de revenus conséquents, peut changer le visage du monde rural avec des ambitions plus affichées selon les spécificités des régions.
La meilleure façon de contourner un tel capital humain immobilisé, consisterait à appuyer les efforts consentis par les pionniers.
Ces derniers s’en sortent bien. Toute leur production trouve preneurs, tandis que les marchés sont assez approvisionnés. Ce qui augure d’une embellie dans les années à venir.
De Potou au Niombato, du Walo au Sine, sans compter les terres irrigables du Nord, l’existant peut flatter les volontés si l’Etat se décide à inverser le cours des choses.
Autrement dit, en intensifiant le soutien au monde rural qui a besoin de rompre les chaînes de son enfermement.
En clair, l’intérieur du Sénégal commence à enchanter les Sénégalais portés par ces nouvelles frontières qui se profilent.