UN VOYAGE INITIATIQUE POUR L'ALTERITÉ...
Peut-on imaginer logiquement des sociétés sans revendications, oppositions, révoltes, des sociétés d'où les dissensions, les dissentiments, les discordes ont été enfin arrachés, des sociétés où le consensus règne souverain, sans accrocs ou anicroches ?
Peut-on imaginer logiquement des sociétés sans revendications, oppositions, révoltes, des sociétés d'où les dissensions, les dissentiments, les discordes ont été enfin arrachés, des sociétés où le consensus règne souverain, sans accrocs ou anicroches ?
Les constructeurs de cités idéales sont fermement persuadés que les individus, isolés dans leurs calculs et rendus ennemis par l'antagonisme de leurs intérêts ne parviendraient jamais à constituer une véritable communauté sans l'adhésion originelle, inconsciente avant d'être consciente, de tous à des principes identiques, en vue du bien, de l'intérêt de tous, pour l'identité, pour la stabilité et pour le bonheur de la communauté.
Une société peut-elle vivre dans les dissensions ?
Une société harmonieuse est nécessairement une société aux croyances et aux valeurs communes, c'est-à-dire une société de consensus. Cependant d'aucuns pensent que l'essentiel n’est pas d’arriver nécessairement à un consensus, mais bien d’être heureux au-delà de nos différences et de nos différends. Mais comment être heureux, sans aplanir nos différends et transcender nos différences par... un consensus ?
C'est la grande question existentielle car malgré l’amour et la compréhension qui peut exister entre humains, ils n’arriveront jamais à décortiquer et résoudre tout ce qui les oppose ! Eh oui, de par nos différences sexuelles et culturelles, de nos ambitions personnelles, il est tout à fait normal de ne pas être constamment en phase. L’idéal, ne serait-il pas de se mettre d’accord pour vivre avec des désaccords à vie ? Mais est-ce humainement possible ?
Le chemin initiatique de l'altérité
Le joug qui relie deux êtres humains tout comme une paire de bœufs, fait avancer le couple vaille que vaille, sur le sentier de la vie. C'est un chemin initiatique qui est long, et ne peut s'effectuer qu'aux prix d'efforts personnels. C'est une ascension à pieds de montagnes enneigées ou escarpées où l'oxygène se raréfie un peu plus à chaque pas. Il faut, comme le dit Rabelais, croquer l'os, pour enfin atteindre la substantifique moelle.
Effectuer le voyage initiatique que l'altérité nous propose en « s’emportant avec soi » est-il une hérésie ? En effet, le dogmatisme qui fige l'esprit et qui tue, s'installe dans l'esprit de l'homme qui désire évacuer la contradiction et veut une « cohérence » ici et maintenant. Evacuer, c'est fuir, c'est déraper dans la facilité. C'est laisser le sens s'échouer dans la signification. Ce qui se ferme meurt spirituellement. Il faut pour avancer dans le voyage veiller à entretenir la porosité des limites, permettre les brassages, les échanges, l'écoute, les passages. C'est maintenir le « possible », c'est à dire s'attendre sans cesse à être déconcerté, bousculé, étonné par les expériences insoupçonnées qui nous attendent sur le chemin.
La métamorphose du voyageur initié
« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux ». (Marcel Proust). La vigilance attentive est la forme nécessaire pour purifier le cœur, voir ses défauts et s'en corriger. Avoir un comportement bienveillant à l'égard de ce qui est « autre », telle est la métamorphose du voyageur initié. Il cesse d'avoir peur de l'imprévu. Il aime l'imprévisible. Il accepte le possible dans sa plénitude.
Alors il devient bienveillant et serein. Il cesse d'être agressif. Il peut enfin être fraternel. Et poursuivre sa route avec les autres, ses frères. Tout changement d'état, quel qu'il soit, est à la fois une mort et une naissance, selon qu'on l'envisage, d'un côté ou de l'autre.
Quand par chance, on a atteint ce dernier stade du nivellement, je crois que cela s'appelle la sagesse, ...à moins que ce soit La Vieillesse ? Ma mère aimait à dire que "avec l'âge, on se déhale..." Et à ce stade, même si nous ne partageons pas le même monde, nous pouvons toutefois nous entendre formellement, c’est-à-dire juridiquement parlant, sur le droit d’être en désaccord sur la légitimité de l’ordre institué.