LES FAMILLES DES VICTIMES DECUES
C’est une grande déception que les familles des victimes ont ressentie au sortir du procès du double meurtre de Médinatoul Salam.
Les sentiments ont été partagés après le délibéré du verdict du procès de l’affaire dite de Médinatoul Salam. Si les familles des victimes ont refusé de se prononcer, pour avoir été déçues d’une justice « à la solde des nantis », l’avocat de la partie civile, Me Khassim Touré, par contre, se réjouit d’avoir eu gain de cause. Et pour la défense, le verdict du procès est amer.
C’est une grande déception que les familles des victimes ont ressentie au sortir du procès du double meurtre de Médinatoul Salam. Les proches parents et amis des deux victimes, Bara Sow et Ababacar Diagne, ont refusé de parler à la presse au sortir de la salle d’audience. Pendant que la presse faisait des interviews, Moussa Sow, le frère de Bara, avait le téléphone scotché à l’oreille alors que les autres membres de la famille ne cessaient de rouspéter contre la décision prise par la chambre criminelle. «Au Sénégal, faire appel à la justice, c’est peine perdue ; surtout lorsqu’on est faible. On fait semblant de rendre justice, mais ce n’est qu’une parodie pour calmer les ardeurs», rouspète un jeune, visiblement très frustré.
Evitant la presse à tout prix, il va demander à Moussa Sow de ne pas accorder une interview aux journalistes. De même que Ndèye Penda Fall, la mère d’Ababacar Diagne qui, après une brève concertation avec des membres de sa famille, a demandé d’être excusée. Mais Me Khassimou Touré tempère en ces termes : «Il faut d’abord rendre grâce à Dieu qui nous a permis de vivre ces moments historiques». Avant de poursuivre : «Nous avons assisté aujourd’hui à une bonne et saine application de la règle de droit; le droit a été dit et bien dit, les coupables ont été condamnés. Ce n’est pas l’argent qui nous intéresse, quel que soit le montant qui serait alloué, même si c’était le franc symbolique. Nous avons aujourd’hui un sentiment de soulagement, un sentiment d’humilité ; un sentiment de satisfaction parce qu’ils ont été sauvagement tués. Ils ont été ensevelis comme des Tutsis ; mais le tribunal dans son impérium, après avoir écouté toutes les parties et le ministère public qui a joué sa partition conformément aux règles de l’art, ce tribunal a décidé du sort des uns et des autres. Le tribunal a fait un tamis», estime l’avocat de la partie civile.
Pour Me Touré, arriver à faire condamner le tout-puissant guide des Thiantacounes est une «décision satisfaisante».Et même si certains condamnés font appel, l’avocat de la partie civile promet qu’il ne va pas lâcher prise. « Nous serons encore là. Nous allons poursuivre ce dossier jusqu’au bout. Ce qui m’intéresse, c’est que la voix des parties civiles soit entendue et à l’occasion de ce procès, la voix des parties civiles a été entendue et c’est l’essentiel. En définitive, la règle de droit a été dite et bien dite. Nous avons gagné le procès, c’est évident, mais pas de triomphalisme béat. Nous avons gagné dans l’humilité. Nous garderons toute notre modestie parce que nous continuons à pleurer nos morts. Aucun centime, aucun montant ne peut remplacer les vies d’Ababacar Diagne et deBara Sow. Mais pour l’essentiel, la décision qui a été rendue est une bonne décision pour les parties civiles parce qu’il y a aussi bien sanction privative de liberté que sanction pécuniaire», ajoute-t-il.
LA DEFENSE S’OFFUSQUE
Pour la défense, le verdict a été une déception totale. Selon Me Dieng, un des membres du pool d’avocats, le guide des Thiantacounes ne doit pas être condamné à 10 ans de travaux forcés, du moment qu’il a été acquitté du délit d’association de malfaiteurs. «Je relève avec l'assistance que Cheikh Béthio Thioune a été acquitté du chef d'association de malfaiteurs. Ce qui veut dire qu'il n'y a jamais eu de sa part une entente préalable avec d'autres en vue de commettre des crimes ou des délits. Ensuite, Cheikh Béthio Thioune a été acquitté par le tribunal du chef de recel de malfaiteurs. C'est à dire qu'il n'a pas essayé de soustraire les concernés dans cette affaire à l'action de la justice. Comment ces 2 décisions d'acquittement peuvent cohabiter avec une complicité de meurtre, même si c'est un meurtre simple et non un meurtre avec acte de torture et de barbarie ? Comment deux décisions d'acquittement peuvent cohabiter avec la complicité de meurtre et la complicité de la non dénonciation de crime. A mon avis, la lecture qu'on peut faire de cette décision est que peut être quelque part, en respectant son droit, le juge a mal appliqué les dispositions du code de procédure pénale. J'ajoute, et il l'a dit, que compte tenu de son âge, il n'y aura pas d'exécution de la contrainte par corps.
Mais pour moi, cette décision n'est pas satisfaisante», regrette Me Dieng. C’est pourquoi l’avocat soutient que le condamné Cheikh Béthio dit Cheikh va fouler le sol sénégalais dès qu’il se sentira mieux pour se présenter devant la barre, afin que le tribunal revienne sur sa décision. «Cheikh Béthio Thioune a été jugé par contumace. La procédure de contumace ne m'autorise pas à exercer le droit d'appel. Mais, croyez le bien, Cheikh Béthio Thioune qui est malade, hospitalisé, reviendra immédiatement au Sénégal dès que sa santé le lui permettra et ensemble, devant le peuple sénégalais, nous démontrerons son innocence. Parce que, sauf considération subjective, nous estimons que sa culpabilité n'a jamais été prouvée en l'espèce. Cheikh Béthio Thioune est un homme pacifique et il ne devait pas être condamné à 10 ans de travaux forcés», rassure son conseiller juridique.