BARTH’ VISE ET FAIT MOUCHE
Je confirme que Bougane est un otage politique. Les Sénégalais se rendent de plus en plus compte qu’ils ont été manipulés. Depuis mars 2024, nous n’avons pas de réelle politique contre le chômage -Une autre voie est possible, et c’est la nôtre
Barthélemy Dias, maire de Dakar, par ailleurs tête de liste de la Coalition «Samm sa kaddu» pour les Législatives anticipées, estime qu’ils sont prêts à diriger le pays, dans le cadre d’une cohabitation, si les électeurs leur font confiance le 17 novembre prochain. Pour «faire face aux menaces qui pèsent sur l’harmonie sociale», il appelle à «une autre voie», celle qu’incarne sa coalition. Le maire de Dakar veut imposer une cohabitation inédite au pouvoir Pastef.
Vous avez été choisi pour conduire la liste «Samm sa kaddu». Quel est votre état d’esprit à la veille du démarrage de la campagne électorale ?
J’ai été effectivement choisi par la Coalition «Samm sa kaddu», composée de plusieurs leaders de partis politiques, pour diriger la liste. C’est pour moi un honneur que j’apprécie à sa juste valeur, et je remercie tous ceux et celles qui m’ont fait confiance. Je rappelle que nos listes aux scrutins majoritaire et proportionnel sont composées de personnalités qui ont fait leurs preuves dans les domaines d’activités où elles interviennent : partis politiques, organisations de la Société civile, acteurs économiques, associations et mouvements organisés de jeunes et de femmes… Je leur rends hommage d’ailleurs pour l’esprit d’ouverture, la solidarité et le courage dont elles font preuve depuis le début.
Dans quelques jours, ce sera le début de la campagne électorale. J’aborde cette étape avec beaucoup de sérénité, parce que nous allons à un rendez-vous qui a un rapport avec la vérité. La campagne sera un moment de clarification pour les Sénégalais. Notre pays traverse des moments de doute existentiel qui font que personne n’a plus de certitudes sur l’avenir. L’image et l’expression les plus utilisées sont que notre bateau n’a plus de capitaine, faute de boussole et de repères fixes. Les Sénégalais se rendent compte de plus en plus qu’ils ont été manipulés et entraînés par la force des choses dans une voie sans issue. Le plus surprenant, c’est l’hypothèque que l’on fait peser sur la cohésion et l’unité nationales, rudement mises à l’épreuve presque tous les jours par des déclarations dangereuses, comme s’il y avait quelque part un désir de revanche sur le Sénégal. Je laisse aux psychologues et aux sociologues le soin de nous expliquer le pourquoi de certains comportements qui ne sont pas adaptés à notre volonté commune de vivre ensemble dans la paix et l’harmonie. C’est encore pire dans le pilotage des politiques publiques. Les nombreuses erreurs commises en sept mois de pouvoir ont mené le pays dans l’impasse et ont fini de conforter les Sénégalais dans l’idée qu’ils se sont trompés. J’ai une philosophie et une approche de la vie assez singulières. Pour moi, le mensonge et la manipulation ne mènent à rien, dans la vie politique comme dans la vie quotidienne. La vérité finit toujours par triompher. Personnellement, on ne me prendra jamais à défaut sur ces questions de principes et de valeurs.
Au-delà de dénoncer certaines postures comme vous le faites, qu’est-ce que vous comptez proposer aux Sénégalais lors de cette campagne électorale ? Pourquoi devraient-ils voter pour votre coalition ?
Nous comptons dire la vérité à nos compatriotes. Leur dire que les conditions de vie très difficiles qu’on leur a imposées ne sont pas une fatalité. De ma position en tant que maire de Dakar, je vois la précarité se diffuser dans nos ménages. Je rencontre beaucoup de personnes qui me confessent leurs difficultés à joindre les deux bouts, des pères et mères de famille qui ont de plus en plus de problèmes pour nourrir leurs enfants. Pour preuve, l’essentiel des courriers que je reçois est constitué de demandes d’aide pour le paiement du loyer, de secours, de prises en charge dans les hôpitaux ainsi que des requêtes de bourse scolaire. C’est la notion-même de dignité humaine qui est mise à mal dans notre pays depuis sept mois à cause des politiques hasardeuses, des choix économiques qui font des victimes par milliers. Je pense à nos vaillants industriels, aux chefs d’entreprise, aux acteurs du secteur informel et aux différentes catégories socioprofessionnelles dont les activités ont cessé de se développer. Il est inutile de revenir sur les déclarations qui heurtent la sensibilité de nos populations, des diplomates installés dans notre pays, ainsi que celle de nos partenaires techniques et financiers. Tout compte fait, il nous faudra reconnaître cette réalité vertigineuse : le pouvoir actuel ne fait rien, absolument rien de sérieux pour écarter les menaces qui pèsent sur la survie des individus, des entreprises et de notre Nation en général. Mais vous avez raison : nous ne nous arrêtons pas aux constats. Nous irons à la rencontre des Sénégalais pour leur dire clairement qu’il est possible de sortir de l’impasse à condition de faire le bon choix le jour du scrutin et de ne pas laisser leur avenir entre des mains inexpertes.
Une autre voie est possible, et c’est celle que nous incarnons avec la Coalition «Samm sa kaddu» dont le contrat de législature sera soumis aux Sénégalais. Nous ne comptons pas rester les bras croisés face à la crise qu’ils ont installée dans le pays, ainsi que toutes celles qui risquent de survenir si nous commettons l’erreur de leur donner une majorité à l’Assemblée nationale. Pour cela, il faudra instaurer une cohabitation afin de rééquilibrer le rapport de force et d’inverser cette tendance destructrice.
Mais est-ce que vous pensez que notre pays est prêt pour une cohabitation qui serait une grande première ?
Rien ne justifie que l’on continue à faire confiance au président de la République, à son Premier ministre et à son gouvernement, dès lors qu’ils nous mènent à une impasse, comme je l’ai dit tantôt.
La crise dans laquelle nous sommes, était prévisible du fait de l’avalanche de promesses non tenues, tant en matière de choix économiques et sociaux qu’en matière de gouvernance. Les premiers actes posés sont tout au contraire annonciateurs d’une dictature.
Si les Sénégalais nous donnent la majorité à l’Assemblée nationale, nous formerons un gouvernement d’union nationale dont l’une des missions premières sera de rétablir les grands équilibres macro-économiques, de ramener la paix et l’harmonie sociale dans notre pays.
Vous pensez que la cohésion nationale est menacée ?
Vous avez récemment suivi les sorties de piste des nouvelles autorités, notamment le débat sur le port du voile, ainsi que les déclarations malveillantes et désobligeantes à l’endroit des guides de nos confréries religieuses. Le Sénégal a toujours été à l’abri de ces dérives qui minent la cohésion sociale et la stabilité de notre Nation. Je m’étonne d’ailleurs que l’auteur des discours aussi subversifs sur nos confréries soit toujours dans l’espace présidentiel.
A supposer que vous ayez la majorité absolue à l’Assemblée nationale, est-ce que le président de la République est obligé de choisir un Premier ministre de votre camp ?
Il va de soi que si nous gagnons, le président de la République n’aura d’autre choix que de se tourner vers nous pour nommer un Premier ministre, qui se chargera ensuite de former son gouvernement. C’est une question de bon sens et de logique. Je pense d’ailleurs que c’est la meilleure chose qui puisse arriver à notre pays. Il faut expérimenter le concept de gouvernance concertée qui permet à toutes les parties prenantes de se concerter et d’échanger sur la marche du pays.
En cette période d’incertitudes et de grands dangers que le nouveau pouvoir fait courir à la stabilité et à l’harmonie nationales, la cohabitation est une chance inespérée. C’est pourquoi il faut se retrousser les manches, aller rencontrer les Sénégalais et leur expliquer qu’ils ont entre leurs mains le pouvoir de mettre un terme au désordre que le nouveau pouvoir a installé dans ce pays. Avec mes colistiers, je m’y emploierai de toutes mes forces pour que le pays retrouve le chemin de la paix et de la quiétude qu’il n’aurait jamais dû quitter.
Ousmane Sonko a récemment affirmé que tous les chiffres sur les indicateurs économiques ont été falsifiés pour masquer la gravité de la situation de notre pays. Il a notamment indexé l’ancien président de la République, Macky Sall, et ses anciens ministres des Finances. Qu’en pensez-vous ?
Ceux qui ont été cités n’ont qu’à répondre de leurs actes si les accusations sont avérées. Je dis bien si les accusations sont avérées, parce qu’ils nous ont habitués à des accusations grotesques et fantaisistes dont le seul soubassement est de manipuler les populations. Tout le monde sait que les tenants du pouvoir sont à la recherche d’arguments de campagne et tous les moyens sont bons, pourvu que l’objectif politique recherché soit atteint. Je ne partage pas cette manière de faire de la politique. Un homme d’Etat respectueux de la séparation des pouvoirs et de sa parole aurait dû laisser les corps de contrôle faire normalement leur travail. Tout ce tintamarre nous renseigne sur le fait que la politique politicienne revient en force dans notre pays, au détriment du sérieux et du sens des responsabilités. Il n’est donc pas étonnant que notre pays s’enfonce de jour en jour dans la crise, avec des conséquences ravageuses sur le bien-être des populations.
Pour en revenir à votre contrat de gouvernance, qu’est-ce que vous proposez ?
D’abord, il faut rapidement se pencher sur les conditions de vie des populations qui se sont davantage dégradées durant ces sept derniers mois. Il faut prioriser le bien-être des populations, refuser que des gens puissent continuer de souffrir parce qu’ils n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins primaires. Nous voulons ériger la dignité humaine au rang de priorité, et cela passe par de nouvelles lois beaucoup plus adaptées. Des initiatives sociales seront prises, à l’exemple de celles que nous mettons en œuvre à la Ville de Dakar. Il faudra des politiques plus hardies et davantage ciblées, capables de répondre à la demande sociale. Personne ne doit être laissé en rade.
Depuis mars 2024, nous n’avons pas connaissance d’une réelle politique contre le chômage.
La question du chômage des jeunes sera examinée et traitée avec la même détermination. Il y a un vrai basculement que les données issues du dernier recensement de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) mettent en lumière. Les trois-quarts de la population sénégalaise ont moins de 35 ans et l’âge médian se situe désormais à 19 ans. Autrement dit, les populations de 0 à 19 ans constituent la moitié de la population sénégalaise, estimée à un peu plus de 18 millions. L’observation des tendances de fond, démographiques et sociales montrent une population très jeune soumise à un «effet stock» qui perturbe la morphologie et l’homogénéité de la pyramide des âges, avec une base élargie et un sommet effilé. Cet état de fait a accentué le désœuvrement ainsi que le désespoir des jeunes, qui prennent d’assaut les pirogues à la recherche d’un avenir meilleur. Nous sommes tous témoins ces derniers temps de grandes tragédies à l’échelle humaine.
Nous avons une émigration du désespoir accentuée par les nouvelles autorités qui procèdent à des licenciements abusifs et à l’arrêt des activités économiques dans certains domaines tels que le Btp.
Il faut un cadre de référence globale qui offre plus de lisibilité et une approche pragmatique des problèmes de jeunesse. Je suis d’accord que si nous ne prenons pas en charge cette catégorie d’âge, nous risquons de passer complètement à côté.
Vous avez donc la solution au problème ?
Je ne suis pas dans la démagogie. Il faut tenir un langage de vérité aux jeunes, et non profiter de leur détresse pour leur vendre des rêves chimériques.
Notre philosophie est qu’il faut avoir une démarche claire vis-à-vis de cette catégorie d’âge. Toutes les initiatives qui seront prises en la matière le seront avec la jeunesse pour l’impulsion des réformes nécessaires.
Notre pays regorge de talents et d’expertises reconnues au-delà de nos frontières. Il faut s’ouvrir à toutes les intelligences, éviter de s’enfermer dans le sectarisme et mobiliser toutes les énergies pour la recherche de solutions négociées et partagées. Personnellement, je crois au partage, à l’ouverture vers l’autre, parce que pour diriger efficacement un pays comme le nôtre, il faut être à l’écoute.
Comment appréciez-vous ce qui s’est passé à Bakel ces derniers jours ?
Vous me permettez d’abord d’avoir une pensée pieuse pour les populations de Bakel, de Matam, de Kanel, de Kidira et de Podor, qui sont dans le désarroi. Je dénonce avec vigueur le manque de réactivité des autorités qui auraient dû agir dès les premières alertes, en déployant les moyens nécessaires pour prévenir ce drame. Je dis bien drame, parce que des familles entières ont perdu tous leurs biens, des villages et des hameaux ont été emportés par les eaux.
Notre coalition, «Samm sa kaddu», a estimé nécessaire de se déplacer pour leur apporter assistance. C’est en cours de route que le président Bougane Guèye Dany a été arbitrairement arrêté par les Forces de l’ordre, et les autres leaders brutalisés. Ceci constitue une violation flagrante des droits et libertés individuels et collectifs. Nous exigeons sa libération immédiate et sans conditions.
Nous sommes décidés à ne plus accepter que la Justice soit instrumentalisée pour des raisons purement politiciennes.
Un des leaders de votre coalition, Bougane Guèye Dany, est détenu à Tambacounda, attendant son procès. Vous avez soutenu que c’est une prise d’otage d’un adversaire politique par le pouvoir. Qu’est-ce que vous comptez faire pour sa libération ?
Bougane Guèye est un candidat aux élections législatives dont la campagne démarre dimanche prochain. A ce titre, il doit bénéficier de toutes les libertés garanties par la Constitution pour battre campagne aux côtés de ses colistiers. Nous avons déjà organisé une conférence de presse pour dénoncer cette forfaiture, pour que les Sénégalais sachent que c’est une affaire strictement politique. Je confirme encore que Bougane Guèye est un otage politique. Son arrestation procède d’une logique de sabotage du scrutin. Le président de la République et son Premier ministre font tout pour fausser l’esprit des Législatives du 17 novembre prochain afin d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale. Nous sommes au courant des stratégies déployées pour déstabiliser notre liste, parce qu’ils savent que la Coalition «Samm sa kaddu» est l’avenir du Sénégal. Nous comptons saisir l’ensemble des chancelleries africaines et occidentales pour porter toutes les informations nécessaires à leur attention. Elles sont témoins des dérives en cours, des atteintes aux libertés publiques et de la violation des règles du jeu démocratique. Les tenants du pouvoir ont violé le Protocole additionnel de la Cedeao en organisant des élections sans initier le dialogue avec les partis politiques.
Une campagne d’information et de sensibilisation sera également menée auprès de la Société civile pour qu’elle soit plus vigilante face à cette situation.
Le Pur a démenti les allégations faisant état du retrait de ses membres de votre coalition. Quels commentaires en faites-vous ?
Effectivement, le Pur a démenti ces informations. Il a réaffirmé son ancrage dans la Coalition «Samm sa kaddu». Je profite d’ailleurs de l’occasion pour manifester toute ma sympathie et mon estime pour Serigne Moustapha Sy. Il a consenti des efforts énormes pour la victoire éclatante de notre coalition au soir du 17 novembre prochain.
Vous savez certainement que depuis que nous avons confectionné notre liste, nous assistons à des opérations visant à saborder nos bases. Ce qu’on peut appeler l’affaire Déthié Fall est la dernière en date. C’est la première fois, si ma mémoire ne me trompe pas, qu’un Premier ministre reçoit une personne d’une liste concurrente à grand coup de publicité et de communication. Pour moi, c’est un bon baromètre et une mesure de l’état d’affolement des tenants du pouvoir, qui savent qu’ils vont laisser des plumes dans ces élections législatives. C’est pourquoi ils procèdent à des tentatives de débauchage de maires et d’élus locaux. Je peux vous assurer qu’ils se trompent de stratégie. La majorité silencieuse, qui détermine au final le résultat du scrutin du 17 novembre prochain, attend le moment venu pour se prononcer, comme elle sait le faire. La transhumance qu’ils sont en train de promouvoir est la preuve qu’ils ne respectent pas leur parole, parce qu’ils avaient promis qu’une fois au pouvoir, ils allaient mettre fin à ces pratiques.
Il y a de cela quelques semaines, vous avez présenté un bilan à mi-mandat aux populations de Dakar pour votre gestion de la mairie. Cette obligation de transparence que vous vous donnez au niveau de la municipalité, influera-t-elle sur votre dynamique au Parlement, pour contrôler du mieux l’action du gouvernement ?
Ce que nous sommes en train de faire à la mairie doit faire tache d’huile. Dans tous les cas, c’est ce que les populations attendent de nous. La redevabilité est une obligation pour tous ceux qui prônent une bonne gestion. Il faut savoir rendre compte, et c’est ce que nous avons fait tout dernièrement à la Ville de Dakar. En particulier, le bilan à mi-mandat nous a permis de rencontrer les populations et de leur dire : voilà comment l’argent de vos impôts a été utilisé. Il faut le reproduire partout, dans toutes les sphères de la vie publique. J’espère que la prochaine Assemblée nationale jouera sa partition dans le contrôle de l’action gouvernementale. Si nous sommes majoritaires au Parlement, nous veillerons à ce que ce sacro-saint principe d’une République normale soit respecté pour que l’Assemblée nationale soit véritablement à sa place.