CHARLES-EMILE CISS OU LES RAISONS D’UN COMBAT DON QUICHOTTESQUE
Une chose est sûre : depuis son limogeage, la Direction de la Solde est gérée avec une très grande compétence par une dame, administrateur civil comme lui, qui fait le job avec beaucoup de professionnalisme et à la très grande satisfaction de ses chefs
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Les lendemains de guerres victorieuses sont pleines de héros imaginaires aux exploits méconnus et pour cause car n’existant que dans les têtes de ces vantards qui, si ça se trouve, s’étaient cachés durant les combats ! L’Histoire, quant à elle, regorge de Tartarin de Tarascon qui prétendent avoir tué des lions alors qu’ils avaient pris la fuite. Dans le domaine politique, au lendemain de changements de régimes, on voit apparaître subitement sur le devant de la scène des « résistants » méconnus qui jurent leurs grands dieux avoir été victimes des régimes précédents du fait de leur opposition aux politiques qu’ils menaient, de leur patriotisme, de leur dénonciation des pratiques qui avaient cours etc. Ou du soutien qu’ils apportaient aux nouvelles autorités lorsque celles-ci, dans l’opposition, étaient persécutées ! Notre pays n’échappe pas à la règle où, depuis le 24 mars dernier, plein d’individus surgissent du néant pour dire qu’ils étaient persécutés par le régime du président Macky Sall. Un régime dont ils faisaient partie pourtant et où ils jouaient souvent des rôles qui n’étaient pas accessoires. De la même façon qu’à l’accession au pouvoir du président Abdoulaye Wade on avait vu déferler d’étranges « sopistes de la première heure » pourtant inconnus au bataillon de vrais combattants wadistes des années de braises, de prétendus « Mackyistes de lait » ont fleuri à partir de 2012. Ce alors que lorsque l’ancien président de l’Assemblée nationale traversait le désert nul ne les avait jamais vus nulle part sur le front. C’est la même chose depuis le 24 mars…
Un de ces héros sortis du bois, qui soutient avoir ferraillé vaillamment contre le défunt régime et été victime de sa lutte intrépide contre les pratiques maffieuses qui avaient cours durant les « Sall » années, c’état assurément Charles-Emile Ciss. Ce chevalier blanc, ce héros sans peur et sans reproche, sabre au clair, serait allé courageusement à l’assaut du crime financier organisé mettant hors d’état de nuire les satrapes et autres sangsues qui mettaient sous coupe réglée la Direction de la Solde. Cette structure stratégique et névralgique gère les salaires de nos centaines de milliers de fonctionnaires c’est-à-dire ce qu’ils ont de plus vital, de plus essentiel et de plus intime aussi. Les différents directeurs qui se sont succédé à sa tête ont toujours été des tombes. Nul ne les a jamais vus s’exprimer sur ce sujet particulièrement sensible y compris bien après leur départ à la retraite car ils savent ce que devoir de réserve veut dire. L’exception qui confirme la règle de la discrétion, c’est, donc, Charles-Emile Ciss. A coups d’audits, de contrôles, de vérifications confiés la plupart du temps à des cabinets privés, ce héros serait parvenu à nettoyer les écuries d’Augias des Finances, à chasser les prévaricateurs et à ramener de l’ordre dans la maison. C’est bien simple d’ailleurs, les nombreux cafards débusqués à la Direction de la Solde par les vérificateurs de la Cour des Comptes, c’est à sa sagacité que ces derniers le doivent. Car, sans lui et l’excellent travail qu’il avait mené, ces nigauds de vérificateurs n’auraient rien trouvé. Une action rédemptrice qui ne pouvait pas plaire à tout le monde. D’où les nombreux ennemis qu’il s’était créés à l’immeuble Peytavin siège du ministère des Finances. Mais alors pourquoi un tel héros qui a fait un travail aussi admirable a-t-il été viré comme un malpropre de la Direction de la Solde ?
C’est au lendemain des alternances politiques, on vous l’a dit, qu’apparaissent les héros méconnus, les résistants imaginaires, les Tartarin de Tarascon. Charles-Emile Ciss, donc, surgit brusquement en pleine lumière et s’épanche dans les médias pour expliquer à quel point sa guerre farouche contre les pratiques qui avaient cours à la Direction de la Solde lui avait valu d’être éjecté de son fauteuil. Et c’est au fond en raison de sa probité candide, sa croisade contre le Mal, sa défense farouche des deniers de la Nation que des chefs que tout ceci dérangeait ont eu sa tête. Après son limogeage, ce responsable de la coalition Benno Bokk Yaakar (BBY) a claqué la porte pour essayer d’abord de se présenter à la présidentielle. N’ayant pas pu obtenir le nombre de parrains requis, il s’est accroché au wagon de la coalition « Diomaye Président ». Et à présent que celle-ci a gagné, il faut bien que ses nouveaux dirigeants soient au courant des excellents états de service présumés de l’ancien Directeur de la Solde ! Et le récompensent à la hauteur du combat qu’il dit avoir mené contre le régime tombé le 24 mars dernier.
Un appel de phares en direction de Sonko-Diomaye !
En quelque sorte, un appel de phares en direction du président Diomaye Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko. Toute la question est de savoir si ces sorties intempestives dans la presse sont la meilleure manière de se signaler à l’attention des nouvelles autorités de ce pays. Surtout venant d’un fonctionnaire à la langue bien pendue.
Quitte, encore une fois, à inventer des exploits imaginaires pour mieux se mettre en valeur. Car, expliquent ses anciens collègues et chefs, contrairement à ce qu’il avance, la Direction de la Solde n’a jamais été ce Tonneau des Danaïdes que décrit Charles-Emile Ciss. Elle a toujours été régulièrement auditée, au moins une fois par mois, et les dysfonctionnements éventuels corrigés sans tambour ni trompettes. Il n’est pas rare, explique-t-on, que l’ordinateur vire par erreur un salaire deux fois, ce qui est détecté immédiatement et un ordre de recettes d’un montant correspondant émis. Cela ferait même partie de la routine de ce service. Mais là où le combat de notre chevalier Bayard devient haineux, c’est lorsqu’il invente des choses et prétend par exemple que l’ancien ministre des Finances, Moustapha Ba, l’un des rares de l’ancien régime dont la gestion est unanimement saluée, aurait mis dans le fichier des fonds communs des prostituées et des laveurs de voitures ! A ce niveau, ce n’est plus de la dénonciation, c’est de la calomnie venant encore une fois d’un fonctionnaire que le sens des responsabilités qu’il exerçait devrait pousser à la boucler ! Car il se trouve que, sur ce point précis des fonds communs, et sur d’autres aussi sans doute, notre brave Charles-Emile Ciss, raconte des histoires.
D’après nos investigations, le fichier du fonds commun est établi par les chefs de services qui notent leurs collaborateurs dont ils établissent par ailleurs le temps de présence par trimestre. La part de chaque agent est déterminée suivant son coefficient hiérarchique (grade),son temps de présence et sa note. Les fichiers établis sont approuvés par le secrétaire général ou le directeur de cabinet du ministre ainsi que par le directeur général ou le Coordonnateur du Trésor. Après quoi, le montant revenant à chaque agent est viré sur son compte bancaire. Il est bien précisé que l’intégration d’un agent sur le fichier doit être justifiée par sa note d’affectation et sa prise de service ! Allez savoir dans ces conditions comment est-il possible d’y intégrer des prostituées ou des laveurs de voitures… Par contre, insiste-t-on, c’est par charité que le chevalier blanc Ciss n’a pas été remis à la disposition de son administration d’origine, vu qu’il est un administrateur civil, pour lui permettre de continuer à bénéficier des…fonds communs. Vous avez dit non ayants droit ?
Charles-Emile Ciss, un manager modèle ? Ses collègues rigolent et font état d’une mauvaise gestion des ressources humaines marquée par le départ d’une vingtaine de collaborateurs, y compris des cadres, lorsqu’il dirigeait la Direction de la Solde. Il y… Soldait des comptes ? Ils parlent aussi de recrutements tous azimuts, d’envolée des contrats de services et prestations intellectuelles, de dérives dans la gestion des statistiques sur la masse salariale etc.
Une chose est sûre : depuis son limogeage, la Direction de la Solde est gérée avec une très grande compétence par une dame, administrateur civil comme lui, qui fait le job avec beaucoup de professionnalisme et à la très grande satisfaction de ses chefs. Mais aussi, et surtout, dans une très grande discrétion. Car le silence est d’or pour un fonctionnaire surtout s’il s’occupe de choses aussi sensibles que les salaires de tout le monde !