DIOMAYE, LA VOIE DU COMPROMIS POUR LA REVISION DE LA CONSTITUTION ?
Lors du dernier Conseil des ministres, le président de la République a évoqué une prochaine révision de la Constitution. Va-t-il recourir à un référendum ou passera-t-il par l’Assemblée nationale ? Dans les deux cas, il aura besoin des députés de BBY
L’annonce par le chef de l’État, au Conseil des ministres de mercredi dernier, de la révision de la Constitution, intervient dans un contexte où les députés de l’Opposition et leurs collègues de la majorité se livrent une bataille autour de la tenue ou non de la déclaration de politique générale du Premier ministre à l’Assemblée nationale. Quelle lecture faut-il faire d’une telle déclaration du chef de l’État ?
Dans le communiqué du dernier Conseil des ministres, tenu ce mercredi 10 juillet 2024, le chef de l’État a demandé au Premier ministre et ses ministres concernés de lui proposer un calendrier de mise en œuvre de réformes du secteur de la justice en droite ligne du programme législatif du Gouvernement. Et d’ajouter que cet agenda législatif doit viser notamment la révision de la Constitution et des cadres spécifiques. Une déclaration qui a attiré l’attention de plus d’un puisqu’intervenant dans un contexte de guéguerre entre députés de l’ancien pouvoir encore majoritaires à l’Assemblée nationale, et leurs collègues soutenant le nouveau régime. Ce bras de fer a été engagé après les conditionnalités posées par le Premier ministre avant d’aller faire sa DPG devant la représentation nationale. Et depuis, le débat fait rage entre les deux camps qui ne se font pas de cadeaux, chacun s’appuyant sur des articles du règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui lui sont favorables et brandissant des armes politiques supposés pourvoir blesser l’autre. En effet, si les députés de Benno (ancienne majorité présidentielle) menacent d’abroger la loi permettant au chef de l’État de dissoudre l’Assemblée nationale et même de voter une motion de censure, leurs collègues de la mouvance présidentielle, eux, menacent de dissoudre l’institution parlementaire au plus tard le 12 septembre prochain, qui correspondra aux deux années de la présente législature. Dans le cadre de cette bataille, les députés de Benno ont boycotté le débat d’orientation budgétaire du ministre des Finances et du Budget. Ce en riposte au Premier ministre qui avait conditionné sa présence à l’Assemblée nationale à la modification du règlement intérieur, en menaçant de tenir sa Déclaration de politique générale devant un jury populaire.
Toutefois, un compromis semble avoir été trouvé puisque les députés de Benno ont, après avoir pourtant refusé toute modification de ce même règlement intérieur, décidé de voter la proposition de loi introduite par la députée du PDS Nafissatou Diallo. Laquelle permettra de rétablir dans le règlement intérieur de l’institution toutes les dispositions relatives à la fonction de Premier ministre. Lesquelles avaient été retirées dudit règlement intérieur lorsque cette fonction avait été supprimée par le président de la République sortant.
Le développement d’un pays c’est aussi la bonne marche de ses institutions. Pour ce qui est du nôtre, l’Assemblée nationale, qui en est la deuxième après l’Exécutif, est confrontée à une situation où la majorité qui y siège n’est pas au pouvoir. Une situation paradoxale qui voit les députés soutenant l’actuel président de la République être dans l’opposition au Parlement ! Dans un tel contexte, il y a lieu d’arrondir les angles pour éviter un blocage institutionnel dont les conséquences pourraient entraver la bonne marche du pays. C’est seulement en faisant preuve de cet état d’esprit républicain que nos autorités, aussi bien de l’exécutif que du parlement, parviendront à trouver un compromis pour se consacrer résolument à leurs missions de servir leur pays. Ainsi, après ce passage du communiqué du Conseil des ministres qui vise la révision de la Constitution, l’on peut se demander si finalement la majorité et l’opposition n’ont pas trouvé un compromis et enterré la hache de guerre. La majorité présidentielle souhaiterait pouvoir faire passer ses lois pour exécuter sa politique de développement économique et social et les députés de l’ancien régime, eux, rester dans l’hémicycle afin d’exister politiquement et de continuer à bénéficier des avantages.
Un compromis a-t-il été trouvé ?
Entre la sortie musclée du président du groupe parlementaire de Benno Book Yakaar, reprochant au Premier ministre de « fuir » le débat face aux députés, et celui du député du Pastef Guy Marius Sagna demandant à Ousmane Sonko de ne pas se présenter à l’hémicycle tant que le règlement intérieur de l’Assemblée nationale ne sera pas corrigé, il était nécessaire de trouver un compromis. Et l’annonce par le président de la République d’une révision de la Constitution peut être perçue comme un signe de décrispation. Les deux camps antagoniques ont-ils trouvé un terrain d’entente ? Que peut gagner chacun dans ce cas de figure ? Choisira-t-on la voie du référendum pour adopter cette constitution ou passera-t-on par l’Assemblée nationale pour le faire ? Dans tous les cas, l’Assemblée nationale, quoi qu’il en soit, devient incontournable. Si on en tient aux explications d’un ancien parlementaire «l’article 51 de la Constitution prévoit que le président de la République, après avoir requis l’avis du Président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, peut soumettre tout projet constitutionnel au référendum». Mais concernant l’initiative de la révision constitutionnelle, «il appartient concurremment au Président de la République et aux députés (article 103 de la C) a-t-il précisé. Et d’ajouter que le Premier ministre peut proposer au Président de la République une révision de la Constitution (2eme alinéa). Mais dans tous les cas de figure, le référendum (projet ou proposition de loi) doit obligatoirement passer par l’Assemblée nationale. Et dans le cas d’espèce, l’opposition y est majoritaire. Donc ce privilège doit être pris au sérieux ». Poursuivant, l’ancien député explique que «si c’est un référendum, l’Assemblée nationale examine d’abord le projet, le retourne au président de la République avant son organisation. Au cas où celui-ci préfère une révision de la Constitution, le projet passe toujours par l’Assemblée nationale pour un vote qui doit recueillir les 3/5 des suffrages exprimés pour être adopté. Ceci pour montrer comment l’institution parlementaire peut peser de tout son poids aussi bien pour le référendum que pour la révision constitutionnelle. Et de souligner qu’en 2001, Abdoulaye Wade avait organisé un référendum pour pouvoir dissoudre l’Assemblée nationale contrairement à Macky Sall qui, en 2016, a procédé par des modifications. Ce qui ne lui donnait pas ce droit de dissolution de l’institution parlementaire ».
En attendant d’en savoir plus, aussi bien la majorité présidentielle que celle de l’Assemblée nationale, chacune détient des armes pour gêner l’autre aux entournures. C’est peut-être ce qui fait que les deux parties ont finalement trouvé un compromis. Toutefois, la politique étant ce qu’elle est, il vaut mieux observer pour voir ce que nous réserve la suite.