LA DÉMOCRATIE PRISONNIÈRE DE SES VIEUX DÉMONS
Pour Jean Charles Biagui, l'arrestation de Bougane n'est que le symptôme de la persistance d'une culture administrative répressive héritée de la colonisation. Le reflet d'un système où les forces de sécurité continuent d'arbitrer les rivalités politiques
Selon l’Enseignant chercheur en Sciences politique à la faculté des Sciences politiques et juridiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, la situation de regain de tension que vit actuellement le Sénégal en cette période de pré-campagne des législatives anticipées du 17 novembre prochain s’inscrit dans les « logiques de l'activité politique qui sont toujours les mêmes ». Interpellé par Sud quotidien sur l’arrestation de Bougane Gueye qui sera jugé le 30 octobre prochain en flagrant délit, Jean Charles Biagui a indiqué qu’« il est très peu probable que ce dernier puisse transformer cette situation en gain politique même s’il adopte une posture de victime ».
La situation de regain de tension que vit actuellement le Sénégal en cette période de pré-campagne électorale des législatives anticipées du 17 novembre prochain s’inscrit dans les « logiques de l'activité politique qui sont toujours les mêmes ». L’avis est de l’Enseignant chercheur en Sciences politique à la faculté des Sciences politiques et juridiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Jean Charles Biagui. Interpellé par Sud quotidien sur l’arrestation du leader du mouvement « Gueum Sa Bopp », Bougane Gueye pour « refus d’obtempérer et rébellion » à la suite d’une « altercation » avec des Gendarmes de la Brigade de Bakel le samedi 19 octobre dernier, Jean Charles Biagui tout en regrettant cet incident soutient qu’il est tout à fait compréhensible.
En effet, selon lui, nonobstant les évènements que le Sénégal a vécu ces dernières années, on est encore loin de « l’avènement d'une culture politique démocratique qui prendra non seulement du temps » mais aussi « nécessitera une longue maturation »
« Nous sommes dans une configuration où malheureusement les forces de sécurité et les juges arbitrent souvent les rivalités entre acteurs politiques. C'est ce que j'appelle la judiciarisation du champ politique sénégalais. Cette réalité n'est pas forcément le produit d'une injonction des autorités politiques. Il s'agit de l'expression d'une culture politique, d'une culture administrative. La Police, la Gendarmerie, la Justice, l'Administration s'inscrivent dans une perspective répressive héritée de la colonisation », a-t-il souligné.
Poursuivant son analyse, le Maître de Conférences assimilé au département des Sciences politiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar a toutefois tenu à exprimer son désaccord de cette intervention de cette perspective répressive héritée de la colonisation. « Si sous Macky Sall nous avions régulièrement dénoncé les arrestations tous azimuts de leaders politiques et de leaders sociaux, nous n'allons pas aujourd'hui justifier l’arrestation d'un politique pour des raisons qui ne s'imposent pas dans une démocratie libérale. La culture politique doit changer et évoluer vers une banalisation des stratégies pacifiques des hommes politiques. La Police et la Gendarmerie devraient davantage s'occuper de l'insécurité dans nos villes et dans nos villages et arrêter de suivre les agendas des hommes politiques pour chercher la petite bête qui justifierait leur convocation devant la Justice », a-t-il marteler.
Par ailleurs, à la question de savoir « à qui profite cette situation ? », l’Enseignant chercheur au département des Sciences politiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar n’est pas allé par quatre chemins avant de déclarer. « S’il y a surtout un perdant dans cette situation, c'est la démocratie sénégalaise. Elle a beaucoup plus besoin de débats et de saines contradictions que d'invectives, d'insultes, d'actions répressives. Cela dit, nous estimons que c'est toujours improductif pour un régime de justifier les stratégies de victimisation des hommes politiques ou des leaders d'opinion ».
Pour conclure, l’Enseignant chercheur à la faculté des Sciences politiques et juridiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar a toutefois tenu à faire remarquer malgré le tollé que cette arrestation a suscité notamment dans les réseaux sociaux, il est très peu probable Bougane puisse transformer cette situation en gain politique même s’il adopte une posture de victime. Et pour cause justifie-t-il. « Bougane Gueye a perdu beaucoup de temps. Il avait l'occasion de s'affirmer comme un leader antisystème comme il se définit lui-même en soutenant la candidature de Diomaye Faye. Mais, Monsieur Gueye a manqué de constance à une période où, il fallait faire un choix clair entre les aspirations du peuple au changement et celles d'une minorité de conservateurs. En géopolitique, les spécialistes insistent sur l'importance pour un acteur d'évaluer ses forces et ses faiblesses dans la détermination de ses modalités d'action. Bougane Gueye, Khalifa Sall, Barthélémy Dias n'ont malheureusement pas compris cette réalité ».