SALE TEMPS POUR LES OPPOSANTS DE SONKO-DIOMAYE
Arrestations et convocations de journalistes, chroniqueurs et d’hommes politiques, On croyait que les vagues d’arrestations appartenaient au passé, un mauvais souvenir du régime de Macky Sall.
À un mois des élections législatives, le climat politique au Sénégal est tendu. L’incarcération d’opposants et de chroniqueurs se multiplie. L’arrestation de Cheikh Yérim Seck et du chroniqueur Kader Dia, suivie de la garde à vue de Bougane Guèye Dany, témoignent du resserrement de l’étau de la part des autorités.
On croyait que les vagues d’arrestations appartenaient au passé, un mauvais souvenir du régime de Macky Sall. Hélas, ce n’était qu’une illusion. Face aux multiples spéculations et aux dérives verbales des chroniqueurs et des politiques qui discréditent la parole gouvernementale, les autorités judiciaires, sans répit, ont décidé d’agir. Est-ce pour faire taire les voix dissidentes ou dissuader de prochaines diatribes contre les autorités et les institutions ? En tout cas, tout laisse à croire que le « Jubbànti » des opposants est en marche.
Cheikh Yérim Seck déféré au parquet
Le journaliste Cheikh Yérim Seck a été déféré, hier, au parquet pour diffamation et diffusion de fausses nouvelles. Lors de sa garde à vue mardi dernier dans les locaux de la Division spéciale de cybersécurité, il lui a été demandé d’apporter des éclaircissements sur les chiffres du gouvernement qu’il avait réfutés lors d’une émission sur la 7Tv, en déclarant que « seule la Cour des comptes est habilitée à certifier la gestion budgétaire du Sénégal et les chiffres officiels contrairement à ceux avancés par le Premier ministre Ousmane Sonko lors de sa conférence de presse avec les membres du gouvernement ». Il a soutenu n’avoir eu aucune intention de nuire à qui que ce soit. « Mon intention, purement journalistique, consistait à produire des faits étayés par des organismes habilités », avait-il dit aux enquêteurs. L’ancien journaliste de Jeune Afrique avait multiplié les apparitions dans les télévisions, livrant des analyses incisives et des commentaires sur la situation politique etsociale du pays, n’hésitant pas à lancer des piques contre le nouveau gouvernement. Le maître des exclusivités aurait-il divulgué des affaires sensibles, notamment dans le domaine de la politique ? Toutefois, Cheikh Yérim Seck a reçu le soutien de Reporter sans frontières (RSF) en Afrique subsaharienne. Sadhibou Morone a estimé qu’il « est quand même assez déplorable de voir les démons du passé ressurgir au Sénégal ». Selon lui, critiquer les autorités fait partie intégrante de la profession de Cheikh Yérim Seck. « Tous les jours, dans tous les pays du monde, des journalistes peuvent être amenés à faire cela dans l’exercice de leurs fonctions », a-t-il souligné.
Bougane Guèye Dany poursuivi pour diffamation et injures
Depuis l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye, Bougane Guèye Dany ne cesse de lancer des critiques acerbes à l’encontre des autorités. « Menteurs », « incapables » et « collecteurs de taxes », le président du mouvement Gueum Sa Bopp ne manquait aucune occasion pour vilipender le duo Sonko-Diomaye dès que l’opportunité se présentait. Tout laissait croire qu’il voulait se jeter dans la gueule du loup. D’ailleurs, il ne s’en cachait pas. Il semblait même vouloir être arrêté, à en juger par ses sorties médiatiques. Cherche-t-il à obtenir un capital sympathie ou à se positionner politiquement ? Tout porte à croire qu’il veut s’imposer comme le principal opposant du régime en place. « J’ai déjà préparé mon sac pour aller en prison », répétait-il souvent. Et nous y voilà. Il est maintenant dans le viseur de la justice. Après sept heures d’interrogatoire, le leader de Gueum Sa Bopp est poursuivi pour diffamation et injures.
Après sa convocation mardi, Bougane Guèye Dany a soulevé des questions sur les tensions croissantes entre le pouvoir et l’opposition à l’approche des élections législatives. Il n’a pas mâché ses mots en s’adressant au Premier ministre Ousmane Sonko : « Il veut utiliser la police, la gendarmerie et la justice en général pour régler des problèmes politiques », a-t-il déclaré sans hésitation, en soulignant que lui, Bougane, « ne se cachera pas derrière la jeunesse pour éviter de répondre à l’invitation des forces de l’ordre ». Allant plus loin, il a accusé le leader du PASTEF de vouloir éliminer Barthélemy Dias, un autre adversaire politique, dans un contexte marqué par une guerre de positionnement en vue des prochaines législatives. Bougane Dani Guèye a été placé en position de garde-à-vue. Il devrait être présenté au Procureur ce jeudi.
Kader Dia reste en prison et Diéguy Diop libre pour le moment
Le chroniqueur de la SenTV, Kader Dia, avait ouvert le bal cette semaine. Il a été convoqué par la Division spéciale de cybersécurité, suite à ses propos tenus lors d’une émission sur SenTV à propos des migrants retrouvés morts dans une pirogue au large de Dakar. A cette occasion, il a affirmé détenir un enregistrement audio dans lequel un candidat affirmait que des policiers leur demandaient de l’argent. Il a bénéficié d’un deuxième retour de parquet avant-hier mardi. Pendant que l’information sur la garde à vue de Cheikh Yérim Seck est largement commentée sur les réseaux sociaux, Diéguy Diop, responsable de l’APR, se trouvait dans les locaux de la Division des investigations criminelles jusqu’à 23h. Elle doit y retourner la semaine prochaine. L’ex-directrice de la Promotion de l’économie sociale et solidaire serait poursuivie pour détournement de 30 millions de francs CFA.
L’opposition indignée
La vague d’arrestations de journalistes, chroniqueurs et opposants a suscité des réactions parmi les membres de l’opposition. Tandis que certains dénoncent un climat de terreur, d’autres accusent le gouvernement d’instrumentaliser la justice à des fins politiques. Alioune Tine, membre de la société civile, a appelé au calme et au respect des principes démocratiques. Selon lui, il est essentiel que Bougane Guèye Dany et les autres acteurs politiques puissent préparer les élections législatives dans des conditions sereines : « Il faut laisser Bougane Guèye préparer les législatives avec sa coalition, comme tous les autres dirigeants politiques ». En ce qui concerne Kader Dia, il estime qu’il doit être libéré et reprendre son travail de journaliste. « Kader Dia, journaliste à SenTV, ne peut être emprisonné pour une chronique. Cela doit être réglé par un démenti. Kader Dia doit être libéré immédiatement pour retourner à sa rédaction », a tweeté le président d’Afrrikajom Center.
L’opposition n’est pas en reste par rapport à ces arrestations. La coalition Sàmm sa Kàddu a publié un communiqué mardi, exprimant sa ferme opposition aux convocations judiciaires de Bougane Guèye Dany par la Division spéciale de la cybersécurité. Cet acte, selon la coalition, est une manœuvre politique visant à déstabiliser leur mouvement à l’approche des élections législatives. Dans son communiqué, la coalition dénonce ce qu’elle considère comme « une provocation manifeste et une atteinte à la démocratie ». Elle souligne que ces actions ne sont pas dirigées uniquement contre un individu, mais qu’elles visent à intimider et à réduire au silence l’ensemble des membres de Sàmm sa Kàddu. Les leaders de la coalition appellent à une vigilance accrue de la part de l’opinion publique, tant nationale qu’internationale, concernant les menaces que représente le régime d’Ousmane Sonko et de Diomaye Faye pour les libertés fondamentales des citoyens sénégalais.