UNE MARGARET THATCHER SÉNÉGALAISE
Celle qu’ une partie de la presse a affabulée du surnom de «dame de fer » retrouve le chemin du pouvoir, après une traversée du désert depuis 2014 - Mais qui est cette «Mimi » ? Retour sur l’incroyable parcours de la nouvelle présidente du CESE
Le 14 mai 2019, le président de la république Macky Sall nommait Aminata touré dite Mimi présidente du Conseil économique social et environnement (CESE), en remplacement de Aminata Tall. Ainsi, l’ancien Premier ministre a inscrit une nouvelle page dans le roman de sa vie en devenant la quatrième personnalité de la république. Celle qu’ une partie de la presse a affabulée du surnom de «Dame de fer » en référence à l’ancienne chef du gouvernement britannique disparue retrouve le chemin du pouvoir, après une traversée du désert depuis 2014. Mais qui est cette «Mimi »? retour sur l’incroyable parcours de la présidente du Conseil économique social et environnemental (CESE).
Elle a le même caractère trempé et le même tempérament bagarreur que Margaret Thatcher, Premier ministre britannique (1979-1990). Elles ont aussi comme dénominateur commun d’être nées au mois d’octobre : le 12 octobre 1925 pour Mme Thatcher et le 13 octobre 1962 pour Mme Touré. Entre les deux, 37 ans d’âge de différence. Elles ont eu à occuper les mêmes fonctions de Premier ministre. Là s’arrête la comparaison ? Non. Elles ont le même charisme. Tout le monde reconnaît qu’elles sont : intelligentes, déterminées, ambitieuses. Ce qui les rap- proche davantage, c’est qu’elles sont surtout des femmes à poigne à qui on a donné le sobriquet de «Dame de fer ». L’appellation dérange, on ne sait pourquoi, certains proches de la nouvelle présidente du CESE. Mais, on a du mal à croire que derrière cette grande dame, teint noir, lèvres rougies, petits yeux rieurs, sourire avenant, se cache une «Dame de fer». «C’est injuste de vouloir en faire une dame de fer. Elle incarne la fermeté dans un gant de velours », rétorque un de ses proches. A Dakar, tout comme à Kaolack, elle a laissé l’image d’un garçon manqué toujours en jean, t-shirt et sa coiffe d’Angéla Davis. Mimi est fidèle en amitié. Elle a horreur de la trahison. C’est aussi une femme généreuse, mais elle ne gaspille pas son argent. «Ce n’est pas la Sénégalaise qui va déverser des billets d’argent sur les têtes des griottes », dit-on.
Chantre de la traque des biens mal acquis
Méticuleuse et ordonnée par contre, elle a géré avec courage les dossiers judiciaires explosifs à la Chancellerie, l’un des ministères les plus exposés du début du règne de Macky Sall : Affaire de la traque des biens mal acquis pour laquelle Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade et d’autres grands dignitaires libéraux ont connu les affres de la prison ; affaire Cheikh Béthio Thioune, poursuivi pour le double meurtre de Médinatou Salam. Ensuite, il y a eu les dossiers des journalistes : Cheikh Yérim Seck et Tamsir Jupiter Ndiaye poursuivis respectivement pour viol et actes contre nature (homosexualité), sans conter l’épineux dossier Hussein Habré réfugié au Sénégal, depuis 1990 et poursuivi pour crimes contre l’humanité. Ces dossiers ont fini par la révéler au grand public. Avec le sentiment qu’elle menait, le combat de sa vie, Mimi Touré est montée plusieurs fois au créneau pour croiser le fer contre les libéraux qui n’ont pas ménagé leurs attaques contre elle. Ce n’est pas pour rien qu’elle a été le ministre le plus médiatisé du gouvernement Abdoul Mbaye. Sans en être le porte-parole, elle a souvent agi comme tel contre vents et marées. « Fondamentalement, elle croit à la communication. Durant tout son parcours professionnel, c’est quelqu’un qui a toujours parlé aux populations. Elle pense que toute entreprise qui n’est pas comprise par les gens qu’elle sert est vouée à l’échec », témoigne, un militant de l’Alliance pour la République qui la fréquente depuis plus de trente ans.
Militant précoce
Elle a été la deuxième femme chef du gouvernement dans l’histoire politique du Sénégal, après Mame Madior Boye (2001- 2002). Cette fille de médecin décédé, il y a quelques années et d’une mère sage-femme qui est encore en vie, a vécu une enfance heureuse. Mais, souvent mouvementée, du fait des multiples déplacements de son père. C’est ainsi qu’elle a débuté sa scolarité, à Tambacounda, avant de venir faire la 6 eme au lycée Gaston Berger de Kaolack. Dans la capitale du Saloum, contrairement aux filles de son âge qui sont plus préoccupées à jouer au Roméo et Juliette, l’adolescente de 14 ans découvre les idées de gauche et la politique. «J’ai débuté mes activités politiques à l’âge de 14 ans à Kaolack, où, je fus beaucoup influencée par mon professeur d’histoire et de géographie, Ismaéla Diagne », confiait-elle à des journalistes. Elle a d’abord milité au Mouve- ment pour le socialisme (MSU) de feu Mamadou Dia, ancien président du Conseil (Premier ministre).
Ce militantisme précoce à gauche a développé chez elle son sens du leadership. Pour autant, cela ne l’a pas empêchée d’être brillante à l’école où elle truste les premières places. De retour à Dakar, où elle est née, ses parents l’inscrivent au lycée Van Vollen-hoven , devenu lycée Lamine Guèye de Dakar où est scolarisé les enfants de l’élite de l’époque. En 1981, elle est lauréate du prestigieux Concours général et décroche, la même année son baccalauréat. Elle s’envole, alors pour Grenoble en France pour des études en management d’entreprise, de droit et d’économie. Parallèlement à ces études, elle milite dans les mouvements de gauche, notamment à la Ligue communiste des travailleurs (LCT). En France, toujours, elle fera sa rencontre de son premier mari, Oumar Sarr, coordonnateur du Parti démocratique sénégalais, (PDS) avec qui , elle a une fille, Dior, diplômée en santé de l’université Yale. De retour au Sénégal, elle débute sa carrière comme chargée de marketing et de la communication à la Société des transports du Cap vert (disparue). Parallèlement, elle continue son militantisme à gauche. Elle se rapproche de Landing Savané dont, elle deviendra, la directrice de campagne à la présidentielle de 1993. Puis, elle est recrutée à l’Association sénégalaise pour le bien être familiale (ASBEF) comme chargée de pro- grammes, en matière de santé de la reproduction.
Carrière onusienne
En 1995, elle débute une carrière dans le système des Nations unies qui la conduira dans de nombreux africains comme le Burkina et la Côte d’Ivoire. Le couronnement de cette brillante carrière de fonctionnaire internationale sera un poste de directrice des droits humains au siège du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), à New York. « Après 2003, je me suis concentré sur ma carrière onusienne à New York », soutenait- elle dans les médias. Une carrière à laquelle, elle mettra volontairement un terme en 2010 pour soutenir le projet politique de Macky Sall. Entre les deux, le courant est vite passé. D’ailleurs, le candidat de la coalition Macky 2012 fera d’elle sa cheftaine de cabinet, pendant cette période de braise. Là, elle a montré toute l’étendue de son talent de chef d’orchestre. Car, la suite, on la connaît.
Un bonheur ne venant jamais seul, Aminata Touré devient Madame Coulibaly. Pour l’heure, celle qui s’apprête à monter au perchoir du CESE tient à l’écart sa famille de la politique. Ses enfants ne font pas la Une des pages people des journaux. Où va-t-elle s’arrêter après le ministère de la Justice, la Primature et aujourd’hui, le CESE ? Ces détracteurs lui prêtent d’autres ambitions. «Ce n’est pas quelqu’un qui cherche, le pouvoir pour le pouvoir. Ce qu’elle veut, c’est de remettre le pays dans le sens du respect des droits humains et réussir sa mission », tempère un de ses amis. Une chose est sûre, à 57 ans aucun homme ou femme politique n’a pris sa retraite. Le roman de Mimi et le pouvoir ne fait que commencer...