LE DIAGNOSTIC DE DR FARBA LAMINE SALL
Faiblesse de la surveillance et absence de médecins aux jours féries, coût élève des soins, absence de médicaments…
L’association sénégalaise des administrateurs des services de santé (Asass) a organisé un panel sur la performance dans les établissements publics de santé. Il s’agit de poser un regard critique sur les performances des structures sanitaires.
L’Etat du Sénégal avait initié une réforme hospitalière en 1998 afin que les structures soient plus performantes. 25 ans après, les mêmes maux demeurent dans les hôpitaux. D’où le panel de l’association sénégalaise des administrateurs des services de santé pour échanger sur la question. Expert à l’Organisation mondiale de la Santé, (Oms), Dr Farba Lamine Sall a fait une présentation sur la problématique de la performance des établissements publics de santé : enjeux et perspectives. Le constat est qu’il y a une persistance des récriminations des populations par rapport aux difficultés d’accès. «Il y a une mauvaise condition d’accueil et de prise en charge des urgences, particulièrement en dehors des heures de travail et des jours fériés à cause de l’absence de médecins. On ne trouve pas de médecins dans les structures sanitaires en jour férié et c’est grave», regrette Dr Farba Lamine Sall qui dénonce le manque de médicaments et le poids des ordonnances dans les hôpitaux. «On note une faiblesse des surveillances en dehors des heures de travail et des jours fériés, mais aussi l’absence d’empathie, de communication des prestataires et de l’administration de l’hôpital, le coût élevé des soins, l’insalubrité des chambres et des toilettes», dit-il.
Un autre aspect qui inquiète l’expert de l’Oms est la plainte quasi continue des professionnels de santé par rapport à leurs conditions de travail et leur traitement. Une insatisfaction doublée d’une incompréhension des politiques, relève l’expert.
Hormis ces insuffisances, selon lui, il y a des enjeux à prendre en considération comme la réduction du coût de la santé pour les populations. «Il faut réduire les évacuations sanitaires vers l’extérieur car cela nous coûte énormément d’argent. Nous devons capturer la demande solvable par l’hôpital public au risque de la voir s’orienter vers le privé, sinon les hôpitaux risquent de rester avec les patients qui ne peuvent pas payer», prône Dr Sall. Il préconise la systématisation de l’audit de la qualité des soins y compris celui des décès. «Il faut obtenir de la direction générale des établissements de santé un rapport annuel sur l’état de l’hôpital au Sénégal», soutient-il. En ce qui concerne les perspectives, Dr Farba Lamine Sall suggère l’institution d’une gestion rigoureuse et transparente de la file d’attente en consultation et asseoir une organisation qui limite le temps d’attente.
PR BARA NDIAYE : «LES HOPITAUX FONCTIONNENT AVEC UNE SUBVENTION DE L’ETAT QUI EST MODIQUE»
Pour sa part, le doyen de la faculté de médecine, de pharmacie et d’odontologie de l’Ucad, Pr Bara Ndiaye, estime que depuis la réforme de 1998, les hôpitaux sont devenus plus performants. Selon lui, la performance est une dynamique qu’il faut renforcer car les patients sont exigeants. «Les hôpitaux du Sénégal fonctionnent certes, avec des difficultés, mais il y a des efforts qui ont été faits pour aller dans le sens de l’amélioration de la qualité des soins et de la gouvernance. On peut parfaire pour être plus performant», indiquie-t-il. Le problème, selon lui, c’est d’abord le manque de moyens. «Les hôpitaux fonctionnent avec une subvention de l’Etat qui est modique par rapport aux besoins. L’essentiel des ressources des hôpitaux proviennent des prestations qui sont faites. La subvention de l’Etat devrait être revue à la hausse pour satisfaire les besoins des patients», soutient-il. A en croire Pr Bara Ndiaye, les structures sanitaires disposent de moyens qui ne sont pas utilisés à bon escient. « Si on dispose de contrat qui lie l’Etat et les hôpitaux avec l’obligation de mettre à leur disposition des moyens matériels, financiers et des ressources humaines, on pourrait évaluer les objectifs qu’on leur a assignés», indique-t-il.
MOUSSA SAM DAFF, PRESIDENT DE L’ASASS : «Ce qu’un patient vient chercher à l’hôpital, c’est d’être soulagé»
«Nous parlons de la problématique de la performance dans les établissements publics de santé parce que nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt le président de la République qui est revenu à trois reprises sur la question, lors des réunions du conseil des ministres», a précisé d’emblée le président de l’Asass, Moussa Sam Daff. A cet effet, il était nécessaire, à ses yeux, audelà de ce que la tutelle, de discuter sur la performance. «C’est une sorte de diagnostic pour voir les points à améliorer et dégager les pistes de solution afin réduire les écarts entre la qualité perçue par les usagers et ce que l’on est en train de faire», ajoute M. Daff. Le président de l’Asass, par ailleurs Directeur de l’hôpital Dalal Jamm, souligne que la question de la performance est multidimensionnelle à savoir le leadership, l’accueil, la qualité des soins et le financement. «C’est à nous de voir où se trouve le problème. Cette activité vient à son heure. Nous nous sommes mis à la place du patient. Cela va nous permettre de voir les failles de nos structures hospitalières et y apporter des solutions», dit-il. Revenant sur la réforme hospitalière, M. Daff estime que 25 ans après, elle a produit beaucoup de résultats positifs même s’il reste du chemin à faire. «Beaucoup de personnes pensent qu’il faut réformer, mais on doit réformer quelque chose qui arrive à son terme et qui a montré ses limites. Aujourd’hui, il faut appliquer la réforme dans toute sa rigueur pour avoir une gestion centrée sur le patient. Il faut que la réforme aille jusqu’à son terme. Il y a des éléments de la réforme qui ne sont pas mis en œuvre et il faut avoir le courage d’y aller parce que les réformes parfois sont impopulaires», affirme-t-il. M. Daff révèle que depuis la réforme hospitalière, les ressources dans le plan d’investissement sectoriel ont connu une hausse considérable. «Il faudrait voir pourquoi l’usager n’est pas satisfait malgré tous les investissements. Nous avons revisité la question de la maintenance hospitalière, les draps, la salubrité, l’hygiène et l’accueil. Car ce qu’un patient vient chercher à l’hôpital, c’est d’être soulagé. D’avoir un interlocuteur, être respecté et pris en charge de la manière la plus correcte tout en gardant sa dignité. Donc, cela doit être dans la tête du Directeur mais aussi du conseil d’administration et des services», souligne M. Daff