LA MODE DE L'ÉCLAIRCISSEMENT TUE LA PEAU
Les cancers de la peau gagnent du terrain au Sénégal, particulièrement chez les jeunes, sous l'effet de la dépigmentation galopante. Les dermatologues réclament une loi pour mettre fin à la commercialisation des produits en cause
Les cancers cutanés dus à la dépigmentation sont en train de faire des ravages dans notre pays. a cet effet, l’association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle (Aiida), en partenariat avec l’association des journalistes en santé, population et développement (Ajspd), a tenu une session de formation à la dépigmentation cosmétique volontaire et ses complications. Les dermatologues réclament une loi interdisant la vente de ces produits.
Une alerte rouge sur les produits de dépigmentation. Car les cancers cutanés font des ravages au Sénégal. Selon le Pr Fatoumata Ly, dermatologue à l’hôpital Dalal Jamm, il faut accentuer la sensibilisation et la prévention sur les cancers cutanés. «Tous les patients que nous avons consultés lors des quatre derniers mois sont décédés. Il faut une prévention par le diagnostic précoce parce que malheureusement, les patientes viennent à un stade tardif où les médecins ne peuvent rien faire. Les patientes dépensent beaucoup d'argent pour la chimiothérapie et la chirurgie et malheureusement, au bout du compte, elles décèdent. La mortalité ces quatre derniers mois est presque de 100% sur toutes les patientes qui ont été admises dans nos services», révèle-t-elle. A l’en croire, il y a eu un décret interdisant la vente de ces produits dépigmentants sur le marché au Sénégal mais on attend toujours une loi. «Aujourd'hui, il nous faut cette loi parce que ces produits sont en train de faire des dégâts dans notre société. Les patientes qui ont eu des cancers à cause de ces produits ont le regret de leur vie. Une peau noire non dépigmentée fera exceptionnellement un cancer de la peau parce que nous avons une mélanine», dit-elle.
Les cancers cutanes s’attaquent aux jeunes garçons qui depigmentent leurs levres et parties intimes
Pour sa part, Dr Awa Fall dermatologue déplore la dépigmentation des lèvres et des parties intimes. «Nous recevons chaque jour des cas de cancers localisés au niveau de la lèvre surtout chez les jeunes garçons où le phénomène est devenu une tendance chez ces ados. Il faut savoir que les dermocorticoïdes ou l’hydroquinone sont des produits très dangereux pour la peau. Donc, imaginez qu’on les mette sur des lèvres qui sont une partie sensible ou sur une partie intime, mais c'est la catastrophe», regrette-telle. Aujourd'hui les gens, selon elle, vendent des produits soi-disant spéciaux pour la dépigmentation des lèvres. «Je voudrais attirer l'attention des populations sur la dépigmentation chez les hommes.Nous notons de plus en plus aussi des hommes qui viennent se faire consulter à l'hôpital parce qu'ils ont des complications à cause d'un produit qu'ils utilisent pour rendre leur peau plus claire», annonce-t-elle. Selon la blouse blanche, certains le font à dessein pour avoir une peau plus claire par contre, d'autres utilisent des savons qui les rendent clair sans le savoir. «Il s'agit par exemple des savons à base de carotte. Tout récemment, nous avons fait une étude dans laquelle nous demandions aux patients quel est le lait de corps ou de savon qu'ils utilisent quotidiennement. Et à notre grande surprise, beaucoup de messieurs disent qu'ils utilisentle savon carotte ou le savon à base de citron», révèle Dr Awa Fall. Et ce sont des produits dépigmentants, insiste-t-elle, parce qu’il s’agit d’acides de fruits. «Donc les hommes qui se dépigmentent sans le savoir, c'est une occasion de leur dire que certains savons qu'on trouve dans les toilettes sont des produits dépigmentants», prévient la blouse blanche. Cependant, indique-telle, «ce ne sont pas des savons utilisés par le grand public ; souvent ce sont des savons que les femmes utilisent pour éclaircir leur peau. Ce sont des produits dépigmentants qui contiennent des dérivés mercuriels. Et lorsqu'on les met sous la douche, on expose même les enfants qui vont dans la douche pour utiliser ces produits».