LES MAUX DES EPILEPTIQUES
Manque de spécialistes, rupture et cherté des médicaments, préjuges, recours tardif aux soins. L’épilepsie est devenue un problème de santé publique au Sénégal.

Le service neurologique de l’hôpital de Fann de Dakar a organisé une journée portes ouvertes dans le cadre de la commémoration de la journée mondiale de lutte contre l’épilepsie. Il s’agit de permettre aux patients, aux familles et au public de découvrir ce qu’est l'épilepsie ; les modalités de prise en charge et d'exploration afin d'améliorer la prise en charge et l'accompagnement des patients.
Maladie du cerveau qui se manifeste essentiellement par des crises multiples et variables. Mais elle est plus connue sous une crise généralisée tonico-clonique chez le patient qui, en cours d'une activité normale, tombe, tout son corps tremble, les membres supérieurs, les membres inférieurs, les muscles du visage et il a de la mousse qui sort de sa bouche et parfois il peut perdre des urines.
L’épilepsie est devenue un problème de santé publique au Sénégal. Secrétaire générale de la ligue sénégalaise de lutte contre l'épilepsie, Pr Soda Marième Diop estime que c'est la crise la plus fréquente, la mieux connue, mais il existe beaucoup d'autres formes de crise d'épilepsie. « Alors lorsque le patient n'est pas traité, les crises peuvent entraîner une dégradation des fonctions cérébrales, c'est-à-dire chez l'enfant des troubles cognitifs, un défaut de maturation et de croissance cérébrale. Donc on va avoir un enfant qui va présenter un déficit cognitif, c'est-à-dire des troubles mentaux qui seront des conséquences de ces crises d'épilepsie. On remarque que c'est une maladie qui atteint plus l'enfant. Oui, c'est une maladie de l'enfant essentiellement, elle est plus fréquente chez l'enfant, mais on la retrouve également chez les adultes et il faut savoir que les causes chez l'enfant et chez l'adulte sont différentes», a souligné Pr Soda Marième Diop. Interpellée sur le nombre de personnes souffrant d’épilepsie, elle indique que depuis 2005, l'épilepsie est passée de la sixième place des consultations à la deuxième place. «Nous organisons chaque année des caravanes dans les régions du Sénégal, nous rencontrons les patients que nous avons diagnostiqués et traités. Près de 5 000 patients étaient épileptiques sans le savoir. Ils ont été découverts au cours de ces caravanes là. Pour dire qu'il y a eu une augmentation notable, en tout cas, le nombre de patients épileptiques diagnostiqués et suivis».
CES CAUSES QUI PEUVENT PROVOQUER UNE EPILEPSIE
Pr Soda Marième est largement revenue sur les causes de l’épilepsie. «Si vous prenez des femmes en âge de procréer qui tombent enceinte et qui doivent accoucher, un suivi, une surveillance, une gestion optimale de l'accouchement de toute cette périnatalité peut permettre d'éviter ces causes liées aux anomalies de l'accouchement et de la grossesse. Il faudra éviter la survenue d'accidents vasculaires cérébraux, par exemple, qui sont des causes secondaires. Il faudra éviter les traumatismes crânio-encéphaliques en limitant les accidents de la voie publique, en prenant des précautions de ce genre chez les sujets jeunes, étant donné qu'on peut avoir une prédisposition et ne pas le savoir», a-t-elle soutenu. Et d’ajouter : «maintenant avec l'apparition des smartphones, la télé, les ordinateurs, ces interactions qui sont sans cesse menées, on peut enseigner aux plus jeunes, aux enfants, aux adolescents, à avoir une meilleure maîtrise de leur emploi du temps, du temps d'exposition, de sorte qu'on peut prévoir certaines crises qui pourraient survenir liées à la fatigue, liées à une dette de sommeil excessive etc. Donc, c'est une prise en charge globale».
En outre, elle affirme qu’il y a une stigmatisation importante qui entoure cette maladie. «C'est lié à la sorcellerie, des esprits malins, de mauvais esprits, alors que ce n'est absolument pas le cas. Ce n'est pas une maladie liée à la sorcellerie, aux sorciers, aux diables, aux djinns, que sais-je, et elle n'est absolument pas contagieuse. Ce n'est pas parce qu'on a un malade épileptique, qui est en train de faire une crise, la salive qui sort de sa bouche nous touche ou ses urines, on aura la maladie», précise-t-elle. Elle profite de l'occasion pour lancer un appel aux autorités parce que les médicaments qui sont utilisés dans le cadre du traitement des épilepsies coûtent cher. « Ils sont disponibles mais ils coûtent très cher et comme c'est un traitement à long terme le coût peut être très important. Quand il s'agit des médicaments d'urgence, ils ne sont absolument pas disponibles au Sénégal. Malheureusement il n'y a que quelques patients qui ont les moyens pour se procurer de ces médicaments à l’étranger », dit-elle. A l’en croire, le médicament le plus utilisé est le phénobarbital, il ne coûte pas cher mais il y a des ruptures. «Ce médicament, il ne coûte pas cher, le coût mensuel du traitement est autour de 1000 francs. Mais ce médicament est constamment en rupture alors qu’il est essentiel dans la prise en charge parce qu'il soigne pratiquement toutes les formes de crise que ce soit chez l'enfant ou chez l'adulte. Il y a des produits qu'on utilise dans certaines formes chez l'enfant, la boîte de 30 comprimés elle est à 45 000, vous imaginez il faut deux comprimés par jour donc la boîte fait la moitié du mois, c'est un budget énorme», se désole-t-elle. L’universitaire invite les autorités à faciliter la formation des techniciens électroencéphalogrammes «parce que l'exploration essentielle pour poser le diagnostic d'une épilepsie c'est l’électroencéphalogramme».
80% DES EPILEPTIQUES NE SONT PAS DIAGNOSTIQUES
Pour sa part, le neuropédiatre et neurophysiologue, Pr Adjaratou Dieynaba Sow révèle qu’en Afrique, 80% des épileptiques ne sont pas diagnostiqués et 80% n'ont pas accès au traitement. «Dans ces cas de figure, en dehors de certaines spécificités, il y a 80% des formes d'épilepsie de l'enfant qui sont guérissables à terme. Après deux ans de traitement bien mené, avec des explorations électro-encéphalographiques, on peut déclarer une guérison et un suivi sur plusieurs années avant de libérer l'enfant. C'est ce qu'on appelle la guérison», dit-elle.