Amadou Ba clôt le débat. Ceux qui présagent des nuages entre lui et le président de la République prêchent dans le faux. C’est lui-même qui le dit. Invité de l’émission Jury du dimanche (JDD), de ce dimanche, 29 décembre 2019, le ministre des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l’Extérieur s’explique. « Vous n’auriez pas m’invité en tant que ministre des Affaires Etrangères s’il y avait un seul nuage entre le Président et moi. Ce n’est pas possible », répond-t-il.
Amadou Bâ de rappeler : « Nous sommes dans une République. Le chef de l’Etat nomme aux fonctions civiles et militaires. Hier, il a décidé de m’appeler à ses côtés comme ministre des Finances, aujourd’hui, il m’a nommé ministre des Affaires Etrangères, demain Dieu seul sait ce qu’il va faire ».
Pour le ministre, l’une des caractéristiques de haut fonctionnaire, comme il l’est, « c’est d’être loyal en toute circonstance ». Poursuivant, Amadou Ba, qui reconnait en Macky Sall un guide, n’a pas manqué de souligner la nature de leurs relations. « La qualité de nos relations est excellente. Je pense avoir le privilège d’être l’une des personnes les plus proches du président de la République. Il ne m’aurait pas mis ministre des Affaires Etrangères s’il n’avait pas confiance en moi. Le ministre des Affaires Etrangère est, par excellence, le ministre qui est toujours avec le Président », souligne-t-il, niant, dans la foulée, toute connivence avec l’ex Directeur des Sénégalais de l’Extérieur, Sory Kaba, limogé de son poste suite à sa position tranchée sur l’impossibilité pour le président Macky Sall à briguer un 3e mandat en 2024.
AUDIO
OBJECTION AVEC MOUSTAPHA KASSE
L'économiste et doyen honoraire des universités, est l'invité de Baye Oumar Guèye
Moustapha Kassé, économiste et doyen honoraire des universités, est au micro de Baye Omar Gueye de (Sud Fm) dans l'émission Objection.
AIR SÉNÉGAL EN ZONE DE TURBULENCES
Tombée dans les travers de l’overbooking, la nouvelle compagnie nationale laisse ses passagers à quai. En l’espace d’une semaine, près de 150 passagers ont été abandonnés à Barcelone et à Madrid
Tombée dans les travers de l’overbooking, la nouvelle compagnie aérienne sénégalaise, Air Sénégal Sa, laisse ses passagers à quai. En l’espace d’une semaine, la compagnie dirigée par Ibrahima Kane a abandonné près de 150 passagers à Barcelone et à Madrid, avant d’affréter d’autres appareils ou de faire recours à d’autres compagnies pour rattraper le coup. Un ensemble d’impairs imputable à une direction qui tatonne et occasionne d’énormes pertes.
La nouvelle compagnie aérienne sénégalaise Air Sénégal Sa traverse des moments pénibles. Ce bébé de 3 ans à peine se rapproche du précipice, si les mesures idoines ne sont pas prises. En effet, il est noté des irrégularités dans son top management qui font tâche. Selon des sources dignes de foi, l’entreprise ne respecte presque plus ses engagements de transporter tous ses clients sur toutes les lignes ouvertes. Résultat des courses : beaucoup d’irrégularités et d’impairs qui font que les passagers trinquent.
Pas plus tard que samedi dernier, 75 passagers d’Air Sénégal Sa ont été laissés à quai, à Barcelone, pour cause de surbooking. La direction générale, pour rattraper le coup et respecter ses engagements a dû envoyer un A319 pour aller les chercher. Mais elle a récidivé cinq jours plus tard. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Air Sénégal Sa est encore tombée dans les mêmes travers de l’overbooking. Et c’est le même vol que la dernière fois, le Hc405 Dss-Mrs-Bcn-Dss en l’occurrence, qui a laissé derrière lui 33 passagers à Marseille et 35 autres à Barcelone, pour un total de 68 passagers laissés à quai. Pour aller les chercher, Air Sénégal Sa a fait appel à une autre compagnie qu’elle a affrétée. Ces impairs de gestion ne sont, en effet, que la face visible de l’Iceberg.
Cafouillage
Le cafouillage et le tâtonnement notés au plus haut niveau de la direction générale pèsent sur les orientations et causent beaucoup de désagréments et de pertes énormes. Habituée à mettre la charrue avant les bœufs, l’équipe directionnelle a ouvert une ligne sur le Nigeria. Alors que les lignes vers Abuja et Lagos ont commencé à être vendues depuis 3 mois, la direction générale n’a même pas encore pris la précaution d’attendre d’avoir l’autorisation. Conséquence : le Nigeria a refusé de donner les droits pendant 10 jours et quand ses autorités ont consenti à le faire, elles ont refusé la 5e liberté à la compagnie Air Sénégal Sa. Ce qui fait que ses vols s’arrêtent à Accra. De là, elle affrète chaque jour une compagnie nigériane, Arik notamment, pour convoyer ses passagers sur Lagos. Déjà, plus de 150 000 $ sont payés, rien que pour les affrètements. ‘’Il y a tellement d’incongruités, d’anomalies au niveau commercial et exploitation, qu’il faut arrêter cela et très vite’’, fulminent des sources.
Pourtant, jusqu’à un passé récent, tout semblait aller dans le meilleur des mondes possibles dans cette entreprise. Récemment, la compagnie aérienne sénégalaise a signé un protocole d’accord (MoU) pour 8 Airbus de type A220-300 à Dubaï. ‘’De nouveaux appareils qui viendront en remplacement progressif des ‘‘avions monocouloirs actuellement utilisés dans le réseau ouest-africain de la compagnie et seront parfaitement adaptés pour certaines routes européennes’’, annonçait un communiqué parvenu à ‘’EnQuête’’.
‘’Ces nouveaux A220 vont contribuer à améliorer notre compétitivité, grâce aux économies de carburant et d’ouvrir, de manière rentable, de nouvelles routes vers l’Europe et l’Afrique de l’Ouest. Tout en offrant à nos passagers une expérience et un confort exceptionnels’’, avait déclaré le directeur général de la compagnie, Ibrahima Kane, lors de la signature de ce MoU qui s’est tenue en présence du ministre du Tourisme et des Transports aériens Alioune Sarr, d’Ibrahima Sory Sylla, Ambassadeur du Sénégal aux Emirats arabes unis, et du directeur commercial de la compagnie Airbus, Christian Scherrer.
"NUL N'EST AU DESSUS DE LA LOI"
Lors d'un point de presse avec son homologue équato-guinéen, Alassane Ouattara s'est prononcé pour la première fois sur la dite « affaire Guillaume Soro ». Il assure que la loi sera appliquée
Lors d'un point de presse avec son homologue équato-guinéen, Alassane Ouattara s'est prononcé pour la première fois sur la dite « affaire Guillaume Soro ». Il assure que la loi sera appliquée.
Le président Alassane Ouattara a mis en garde samedi contre toute tentative de déstabilisation de la Côte d'Ivoire, allusion à l'affaire Guillaume Soro et avertissement à tous les candidats à la présidentielle de 2020.
« Nul ne sera autorisé à déstabiliser la Côte d’Ivoire, a déclaré le président ivoirien.Le droit sera appliqué à tous, candidat ou pas. Et les candidatures ne sont pas encore ouvertes par la commission électorale indépendante. Et même si c’était le cas, nul n’est au-dessus de la loi. Aussi bien les anciens présidents, les présidents d’institution, le président de la République que tous les autres. »
« Nous sommes des citoyens et nous sommes responsables devant les juridictions, a-t-il encore souligné. Les députés ne sont pas au-dessus de la loi. Ils ne peuvent pas être poursuivis dans le cadre de l’exercice de leur fonction. Mais quand ils sont mêlés à la déstabilisation de ce pays, ils doivent faire face à la rigueur de la loi. »
Guillaume Soro est accusé par la justice d'avoir fomenté « une insurrection civile et militaire » pour s'emparer du pouvoir, ce qu'il nie. Il a tenté de revenir en Côte d'Ivoire lundi, après six mois à l'étranger, mais son avion a fait demi-tour vers l'Europe, où il se trouve actuellement.
Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, Guillaume Soro se défend de chercher à déstabiliser la Côte d'Ivoire. Il réfute les accusations dont il fait l'objet. « C'est ridicule. Je suis en France depuis six mois et jusqu'alors aucun mandat n'avait été émis contre moi. Et subitement, alors que je suis dans le ciel pour arriver à Abidjan, il tombe ! », accusant ainsi le président Alassane Ouattara « d'instrumentaliser la justice pour écarter un candidat sérieux à l'élection présidentielle ».
par Cherif Ben Amar Ndiaye
REWMI, DEVENIR UN PARTI DE MASSE OU PÉRIR
Le mutisme médiatique du chef commence à devenir improductif - Si la parole d’Idy est d’or, son silence est de plomb - C’est l’heure des affirmations positives et constructives, pour larguer les amarres et quitter le port des incertitudes
Le parti d’Idrissa Seck est arrivé à son point critique. Après trois échecs successifs de notre leader à l’élection présidentielle, il nous faut pour dissiper le désenchantement et éviter la désespérance, entrer dans la mue de notre mouvement vers un grand parti de masse. Un impératif que d’être un levier-propulseur de notre champion vers le palais ! Depuis toujours Idy a été, est encore la locomotive du parti. Il est temps maintenant que les chevaux tirent le carrosse.
Le mutisme médiatique du chef commence à devenir improductif. Une stratégie en rupture totale par rapport aux postures d’avant. Positionnement qui lui avait permis, par la force et la puissance de son verbe, à se camper comme l’opposant radical au système corrosif Wade-Macky qui perdure dans une sorte de démocratie perfide au grand dam des populations. La communication du parti est orpheline de ses fils déserteurs (Abdourahmane et Thierno), malgré les embellies parlementaires de Déthié portées comme un lourd fardeau. Car comment porter la parole de quelqu’un qui ne parle pas ? C’est aussi le joug des intellectuels du parti qui ne peuvent vendre l’image d’un politicien muet. Si la parole d’Idy est d’or, son silence est de plomb. Ce silence mystique ou stratégique de « Ndamal Kadior » a néanmoins le mérite de découvrir l’arbre qui cache la forêt, du moins qui cache le désert du parti.
Idrissa Seck est incontestablement la figure emblématique de son parti mais également la figure de proue. Le parti c’est Idy ! C’est son aura consensuelle, sa force de frappe médiatique et sa solide base électorale (Thiès-Touba). « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Que représente Rewmi à Dakar, à Kaolack, à Saint Louis, à Ziguinchor…etc ? A part Thiès quelle grande municipalité est-il en mesure de gagner. Les élans de sympathie et d’adhésion convergent toujours vers Idy le charismatique ou Idy le mythique et non vers le parti. Idy nous montre l’horizon et nous regardons son index pointeur. Aujourd’hui qu’un nouveau front de l’antisystème et un nouveau pôle de victimisation et de rédemption émergent dans la reconfiguration du paysage politique, nous nous enfermons dans la temporisation politique. Autrement dit pendant que la maison prend feu, nous regardons ailleurs. Il est temps d’inverser la tendance. Le parti Rewmi doit porter Idy et non Idy de continuer à porter le parti !
Il est indispensable dorénavant de créer les conditions, les voies et moyens de susciter ou de promouvoir partout dans les territoires et terroirs du pays, de véritables leaderships locaux. Le général Idy doit lâcher et lancer la cavalerie pour conquérir un grand nombre de mairies et implanter des députés partout. Les talents ne manquent pas dans le parti, ils ne demandent qu’à s’investir dans les localités et à servir le pays. Le nouveau temps politique exige que l’on transcende l’image d’un parti de cadres et d’intellectuels, pour mieux incarner, par notre force de proposition, l’image de défenseur du peuple sans verser dans le populisme et la démagogie. Défendre le peuple en étant maire ou député en nombre rangé et visible aux côtés des populations et de leurs préoccupations. Le contexte politique exige des parades aux débordements sur notre gauche comme sur notre droite, dans une situation où les deux grands partis politiques prépondérants de notre histoire récente (PS et PDS) connaissent un déclin de phase terminale. La nature ayant horreur du vide, le terrain dégarni par ces partis en perdition ne restera pas longtemps en friche, d’autres que nous commencent à les mettre en jachère. Les jeunes pousses politiques représentent la cible privilégiée de nos concurrents. Bien visé, car les jeunes constituent la bombe démographique de demain donc les enjeux politiques futurs. Que fait Rewmi en leur direction ? Les mouvements des jeunes doivent être érigés en fer de lance du parti, avec des structures renforcées et des moyens conséquents pour impulser sa massification indispensable. De même que les « borrom moussor » tant vantée mais dont l’énorme potentiel n’est pas exploité à suffisance. Par leur biais, jeunes et femmes, statistiquement prédominants dans la population, le parti devrait connaître son apogée rapide.
Toutefois, essentiellement et fondamentalement, Rewmi se doit de trouver éperdument une solution à sa disette d’argent. Les ressources financières sont la condition sine qua non de la conquête du pouvoir. Le nerf de la guerre pour se préparer et se retrouver finaliste du deuxième tour d’une élection présidentielle. Les déterminants des votes dans un Sénégal de pauvreté et de misère, sont beaucoup liés aux relations sonnantes et trébuchantes entretenues avec les électeurs. Le nier c’est du déni de la réalité socio-culturelle sénégalaise où les « diaxal, ndawtal, téranga … » sont plus attentionnés que les promesses électorales. Les campagnes de mobilisation sont très onéreuses et représentent les handicaps décisifs de l’opposition face au pouvoir qui utilise allégrement et impunément les deniers publics pour les achats de conscience et les miroirs aux alouettes. Un second impératif que de doter le parti de ressources pour financer son développement ! Toute une palette de solutions expérimentées ailleurs, existe pour combler ce gouffre le plus urgemment possible.
Par ailleurs, une incohérence majeure perdure dans le parti et il est impérieux d’y remédier nécessairement : La diaspora de Rewmi est passée au fil du temps de mère gestatrice (MSIS) à talon d’Achille de Rewmi. Les dernières élections présidentielles ont vu le parti reculer dans l’électorat des sénégalais de l’extérieur, par rapport aux partis petits frères et concurrents. Alors que ses structures dans la diaspora sont les mieux organisées et les plus dynamiques. Mais elles ne jouissent pas de toute la considération qu’elles méritent. La démobilisation gagne ses rangs au profit d’autres partis qui accordent plus de crédit en termes d’attentions militantes. Une négligence malheureuse, involontaire ou pas, mais dommageable car la diaspora activée à bon escient pourrait se révéler fructueusement comme la sève nourricière du parti.
Les enjeux politiques de l’heure sont pressants et capitaux pour que les dirigeants de Rewmi les prennent à bras le corps et leurs apportent des réponses cruciales. Ils nécessitent d’en finir avec les rustines et les rafistolages du « circuler y a rien à voir ». L’heure est grave et le parti a mal et a besoin de sang neuf. C’est l’heure des affirmations positives et constructives, pour larguer les amarres et quitter le port des incertitudes ; Un Congrès extraordinaire s’impose ! Pour lancer les chantiers d’un grand parti de masse, afin de remobiliser les troupes, de redynamiser le parti, de redéfinir les nouvelles orientations et que notre champion fixe le cap ! 2024 c’est demain !
Cherif Ben Amar Ndiaye
Rewmi France
SERIGNE SALIOU MBACKÉ, UN FIN ÉDUCATEUR PARTI IL Y A 12 ANS
Il est sans doute l’un des dignes héritiers de Serigne Touba, parmi les plus connus de la jeunesse. Doté d’une sagesse “hors du commun”, ce dignitaire de Touba réussira à mener une vie remplie de bonnes œuvres
Serigne Saliou Mbacké est sans doute l’un des dignes héritiers de Serigne Touba, parmi les plus connus de la jeunesse. Doté d’une sagesse “hors du commun”, ce dignitaire de Touba réussira à mener une vie remplie de bonnes œuvres. Il consacrera notamment sa vie à veiller sur l’éducation des enfants.
De son vrai nom Salihou Ibn Ahmadou, Serigne Saliou Mbacké est venu au monde à Diourbel en 1915. Il devient le 5e Khalife des mourides, succédant à Serigne Abdou Khadre Mbacké en 1989. Il bénéficiait d’une grande aura dans cette communauté et dans le monde musulman.
Il participera fortement à la construction de la grande mosquée de France, dont le coût était estimé à 300 millions de F Cfa. Il sera également à l’origine de la refection de la grande mosquée de Touba entre 1995 et 1998. En plus de ces projets, Serigne Saliou Mbacké a fortement œuvré pour l’obtention du terrain qui abrite aujourd’hui la mosquée de Massalikoul Djinan.
Il a par ailleurs, mis en œuvre un plan de viabilisation des terrains d’environ 100.000 parcelles et un réseau d’électrification dans la ville de Touba. De même, des canalisations ont été construites pour une meilleure évacuation des eaux de pluie, dans la ville sainte de Touba.
Son influence dépasse largement le cadre religieux. Il s’est aussi fait sentir à travers différentes médiations dans le milieu politique, pour le maintien de la paix au Sénégal. D’ailleurs ses prêches et allocutions au cours des événements religieux laissent apparaitre en lui un homme de paix et de consensus. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu le nom de “Borom Yeurmandé”.
Le culte du travail
Grand producteur sur l’échiquier national Serigne Saliou Mbacké possède des champs étendus: Ndiouroule , Ngott, Ndiapandal. En plus de ces surfaces, le saint homme était le propriétaire de Khelcom , qui est bâti sur une étendue de 45000 hectares. En effet, Khelcom est le plus grand périmètre champêtre qu’une personnalité religieuse ait jamais possédé au Sénégal. Cet espace accueille ainsi, chaque année des milliers de saisonniers, durant la campagne de récolte.
Serigne Saliou, un fin éducateur
L’éducation fut la principale occupation de Serigne Saliou Mbacke; en atteste ses sites ou les enfants étudient : Gott, Ndiouroul , Ndiapandal, Ndokaa, Khelcom. Dans ses écoles, l’enseignement du Coran et le travail (Tarbiya) étaient associés.L’apprentissage du travail chez les jeunes leur confère la conscience qui permet à l’homme de s’accomplir, d’être utile à lui même, et à la communauté. Quand à l’éducation, elle a pour but dans ces Daaras de faire connaître aux jeunes disciples le sens de la vie, les règles de comportement dans la société, les normes spirituelles et morales dont l’observation assure en chacun la sauvegarde de son humanité. L’accent est également mis sur les sciences religieuses car pour Serigne Saliou, la foi en Dieu est la principale dimension de l’homme.
Cette entreprise d’éducation qui s’adressait à des milliers d’élèves était entourée du plus grand soin de la part de Serigne Saliou qui y consacrait d’énormes ressources, donnant ainsi le signe d’un engagement personnel, profond.Serigne Saliou, l’ami des enfants disparu le 28 Décembre à Touba, à l’âge de 92, laissant le monde de l’éducation orphelin à jamais.
PAR Loup Viallet
POURQUOI L'ÉCO SERA PIRE QUE LE FCFA
Pour que la future monnaie unique soit réellement au service des économies africaines, il faut que la future union monétaire corresponde à un marché commun ouest-africain - Mais depuis 25 ans, l’intégration régionale s’est essoufflée
On dit que c’est une réforme historique. Annoncée samedi 21 décembre dernier depuis Abidjan par les présidents Français et Ivoirien, la création de l’éco dès l’année prochaine en remplacement du sulfureux franc CFA semble constituer un nouveau moment fort de la coopération monétaire franco-africaine. Soixante-quatorze ans après sa création sous la période coloniale et 25 ans après la dernière grande réforme de son fonctionnement, le franc CFA n’a pas suffi à sortir du sous-développement les économies qui l’ont en partage. Malgré bien des évolutions, sa permanence dans les relations franco-africaines depuis la colonisation alimente des ressentiments et des soupçons à l’endroit de l’ancienne métropole, en Afrique comme en France.
Au-delà du changement de nom de la monnaie africaine, la réforme de la coopération monétaire franco-africaine portant création de l’éco est-elle à la veille de transformer les relations entre la France et ses anciennes colonies ? Les mesures portées par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara sont-elles de nature à accroître l’autonomie des États-membres de la future union monétaire ?
Pourquoi les décisions avancées par les présidents Macron et Ouattara ne permettront pas l’autonomie de la politique monétaire de la future zone éco.
D’abord, le rapatriement dans la Banque Centrale d’Afrique de l’Ouest des devises centralisées à Paris ne signifie pas qu’avec la création de l’éco, les autorités africaines vont pouvoir déterminer librement le taux de change de leur nouvelle monnaie. En réalité les États-membres de la future union monétaire seront encore très loin d’avoir parachevé leur autonomie financière.
En effet, le recouvrement de leurs devises placées en garantie à Paris (environ 5 milliards d’euros) ne correspond pas à une valeur telle qu’ils disposeront d’une capacité financière suffisante pour protéger leur nouvelle monnaie des variations fortes issues des diverses pressions que leurs économies traversent déjà, c’est-à-dire les conséquences du réchauffement climatique, l’appréciation ou la dépréciation du dollar, les crises politiques et militaires, la crise de la demande ou de l’offre. Ce sont d’ailleurs ces éléments qui rendent vulnérable et aléatoire la valeur des autres devises du continent africain, qui ne bénéficient pas d’un cours fixe accroché à celui d’une grande monnaie internationale.
Ensuite parce que le Conseil des Gouverneurs de la Banque centrale peut choisir de maintenir, en période de croissance forte, une politique monétaire restrictive et donc de ne pas utiliser cette nouvelle manne comme un moyen de relance mais plutôt comme une manière de maîtriser l’inflation. On observait déjà cette tendance à la thésaurisation en 2014, lorsque le niveau des réserves légales détenues par la BCEAO était de 30% supérieur à celui exigé par les traités. Il y a donc fort à parier que cet afflux (limité) de devises dans les comptes d’opérations de la Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest n’aura pas un effet substantiel sur le financement des économies de la zone éco. De ce point de vue, le problème en Afrique subsaharienne ne se situe d’ailleurs pas tant du côté de la monnaie ou des réserves disponibles que du côté de la solvabilité des demandeurs de prêts et du manque de confiance des institutions financières à leur égard, ce que la réforme éco ne réglera pas.
Au même titre que la centralisation d’une partie des réserves en devises des États de la zone franc dans les livres de comptes du trésor français, la présence de représentants français dans les conseils d’administrations de la monnaie africaine constitue une contrepartie à la garantie de convertibilité du franc CFA en euros par la France dans le système actuel. Cette participation, sans pouvoir de veto pour les représentants français depuis la réforme de 2010, pouvait être perçue comme un héritage colonial, mais aussi comme un gage de crédibilité et de transparence. La réforme de l’éco entend les supprimer définitivement plutôt que d’accroître la présence d’experts internationaux (et pas seulement Français) dans les institutions monétaires africaines ainsi que le proposait récemment le président Béninois Patrice Talon.
Pourquoi la création de l’éco ne constitue pas le meilleur chemin pour faire progresser l’autonomie financière et l’autonomie politique des États d’Afrique de l’Ouest.
Le système de l’éco va donc accorder une autonomie factice à la nouvelle monnaie africaine puisque, malgré la disparition du compte d’opérations, la stabilité de l’éco sera encore assurée par l’extérieur. Cependant, cette fois, la garantie française sera accordée sans contreparties du côté africain. Le nouveau système monétaire ne permettra donc pas de régler l’un des plus grands défauts du système précédent, soit la « servitude volontaire » (NUBUKPO) ou « l’état d’esprit de facilité et d’irresponsabilité » (DIARRA) de certains décideurs de la zone franc, qui se reposent sur l’assurance de convertibilité illimitée de leur monnaie pour ne pas chercher à équilibrer leurs balances extérieures ou conduire les réformes nécessaires au parachèvement de leur intégration économique régionale.
Or, pour que la future monnaie commune « éco » soit réellement un instrument au service des économies africaines, il faut que la future union monétaire corresponde à un marché commun ouest-africain. C’était le projet de l’UEMOA, fondée en 1994 entre les huit pays d’Afrique de l’Ouest concernés aujourd’hui par l’éco, sur le constat qu’il fallait doubler l’union monétaire ouest-africaine d’une union économique qui permette la création d’un marché commun unifié dans lequel la monnaie pourrait agir comme moteur. Mais force est de constater que depuis vingt-cinq ans, la construction de l’UEMOA a montré ses limites et l’intégration régionale s’est essoufflée considérablement pendant la dernière décennie : son budget communautaire et ses politiques régionales sont en baisse, sa TVA régionale est un échec, son union douanière a été remplacée par celle de la CEDEAO, ses échanges intra-communautaires stagnent en volume et en valeur. Dans ce contexte, la perspective d’un élargissement de la zone monétaire actuelle à d’autres États-membres, présentée comme une condition de la création de l’éco, risque de compromettre sérieusement un processus d’intégration déjà à la peine à huit États.
Une réforme précipitée, qui supprime les symboles de la contestation du système actuel mais en amplifie les défauts ;
La garantie française peut constituer un avantage comparatif si elle permet aux États qui en bénéficient de l’utiliser comme une assurance de stabilité monétaire et de sécurité économique le temps de construire leur propre autonomie financière, jusqu’à pouvoir enfin s’en passer. Ce n’est pas la direction que prend la coopération franco-africaine avec la création de l’éco, qui plutôt que de renforcer leur unité, va accélérer le morcellement économique des États d’Afrique de l’Ouest, tout en développant leur dépendance financière envers la France, qui se trouvera plus que jamais garante de leurs déficits et soupçonnée de contribuer à nouveau à l’affaiblissement d’une partie de l’Afrique.
Les présidents Français et Ivoirien pensent peut-être tenir, avec la réforme de l’éco, une victoire politique à même de servir leurs intérêts respectifs. D’un côté, cette annonce pourrait constituer un argument électoral massif pour le président Ouattara à dix mois des élections présidentielles ivoiriennes. De l’autre, le président Macron veut sans doute réussir la double prouesse de faire tomber un symbole anti-Français sans rompre la coopération monétaire franco-africaine. Il semble pourtant que la création de l’éco ne soit pas la meilleure réponse possible et constitue même un compromis pire que le précédent : la disparition des symboles gênants liés au franc CFA ne suffira pas à combler les graves défauts de la nouvelle coopération monétaire. La victoire sera de courte durée.
Loup Viallet est spécialiste de l'économie politique de l'Afrique contemporaine. Rédacteur du blog "Questions africaines" : https://questionsafricaines.wordpress.com.Il contribue régulièrement dans Les Echos, Mondafrique, Les Yeux du Monde, Conflits. Ses analyses ont donné lieu à des conférences en France (à l'ESSEC) et en Côte d'Ivoire (à l'École Supérieure de Commerce et des Affaires de Côte d'Ivoire ainsi qu'à l'Institut de Formation Sainte-Marie d'Abidjan).
PAR Jean-Baptiste Placca
LE FRANC CFA VEUT-IL SURVIVRE PAR L'ÉCO ?
Très sincèrement, il est aussi vain que prétentieux d’espérer qu’un pays comme le Nigeria viendrait se ranger sous cette bannière d’un CFA réaménagé. Le Ghana n’accepterait pas davantage de se mettre derrière un eco « made in Uemoa »
Alors que l'Afrique de l'Ouest attend sa monnaie commune, la disparition annoncée du franc CFA sème la confusion. Comme si la zone franc cherchait une planche de salut à travers l'eco.
Présentateur : Samedi dernier, le 21 décembre, vous évoquiez les « certitudes d’espérance » par rapport à l’avenir de l’Afrique. Et quelques heures plus tard, à Abidjan, le chef de l’État ivoirien, aux côtés de son homologue français, annonçait la fin du franc CFA et la naissance de l'eco, la monnaie ouest-africaine. On parle là d'une revendication de l’opinion publique africaine. Peut-on dire qu’une espérance vient d’être comblée ?
Non, hélas ! Non. Et c’est d’autant plus regrettable que la phase dans laquelle on semble s’engager donne une désagréable impression de précipitation, comme si l’on avait voulu court-circuiter la naissance du véritable eco. Les fondements de cet eco semblaient clairs, pourtant, et les peuples commençaient même à intégrer son avènement dans leurs rêves de sursaut de l'Afrique.
Lancer un eco arrimé à l’euro, avec une garantie de la France, n’était, en rien, le projet ouest-africain annoncé par lequel les peuples de la sous-région, particulièrement ceux de l’actuelle zone franc, espéraient renouer avec leur destin et le vivre pleinement. Très sincèrement, il est aussi vain que prétentieux d’espérer qu’un pays comme le Nigeria viendrait se ranger sous cette bannière d’un CFA réaménagé. Le Ghana n’accepterait pas davantage de se mettre derrière un eco « made in Uemoa » (Union économique et monétaire ouest-africaine).
Mais c'est chez les « francophones » - appelons-les ainsi - que l’on entend de plus en plus de voix s’élever contre l’annonce d'Abidjan pour souhaiter que les chefs d'État de la Cédéao reprennent rapidement l’initiative, pour enrayer une cacophonie qui pourrait s’avérer néfaste. Le continent est prêt pour des avancées audacieuses. Et il serait coupable de briser cet élan, par manque de cohésion. C’est de l’avenir des peuples qu’il s’agit.
Il n’empêche, l'Uemoa est la seule zone organisée, le seul modèle possible pour l’eco.
Construire un modèle de sérieux, de rigueur monétaire, n’est pas au-dessus de la sous-région. Le Ghana a des cadres extrêmement compétents. Le Nigeria aussi, et ils sont nombreux au plus haut niveau, aux États-Unis et ailleurs. La Côte d’Ivoire compte des cadres formés dans les meilleures universités et écoles de France, des États-Unis et d’ailleurs, et il en est de même dans chacun des autres États.
Nul ne peut donc faire à l’Afrique l’affront d’imaginer qu’elle manque de profils pointus pour tous les compartiments, toutes les spécialités que requiert une monnaie crédible. Mais pour avancer sur des bases saines, il faut démarrer dans la clarté. Abidjan, pour tout dire, a été un faux-pas, fâcheux, mais pas irréversible. Et ce n’est pas avec des annonces comme celle-là que l’on fera taire les critiques contre le franc CFA, ou un quelconque succédané qu’on en extrairait.
Le dirigeant ivoirien était pourtant dans son rôle. Est-ce bien sérieux de lui demander de renoncer à ses prérogatives ?
Les enjeux actuels portent sur le destin de quelque 350 millions d’âmes et dépassent les considérations personnelles. La Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest ronronnait et semblait avoir atteint ses limites. Cet eco, nom tiré de la moitié du sigle anglais « ecowas » de la Cédéao, était une occasion rêvée. Le leadership véritable tient à la capacité de chacun à ne pas gâcher cette opportunité historique.
Un analyste ouest-africain (francophone) a résumé les enjeux en des termes on ne peut plus clairs : « L’intégration est notre seule chance, dit-il. Elle est très, très importante. Il ne faut pas laisser les intérêts politiques du moment de quelques chefs d’État, ou même de quelques États, saper sa marche vers l’intégration, qui est la seule opportunité pour les pays de l’Afrique de l’Ouest, comme de l’Afrique centrale, et des autres régions, pour constituer une masse critique d’expertises, au plan économique, et mutualiser les forces, les énergies et les ressources, pour peser sur l’échiquier international. »
L’Afrique a 60 ans, dans trois jours. On ne peut plus se permettre de rater des rendez-vous avec l’histoire. Car cette monnaie peut être une étape cruciale vers une refondation du panafricanisme. L’Afrique de l’Est créera sa monnaie. L’Afrique australe se rangera derrière l’Afrique du Sud et son rand. Même l’Afrique centrale pourrait nous surprendre.
Il ne faut pas oublier que dans le compte d’opération jusqu’ici logé dans les livres du Trésor français, cette zone de l’ancienne Afrique équatoriale française représentait les deux tiers, et l’Afrique de l’Ouest n’abondait que pour un tiers.
Même au sein de l’Uemoa, les Africains avaient observé, ces dernières semaines, quelques dissonances entre Alassane Ouattara et Mahammadou Issoufou.
Le chef de l’État nigérien est sans doute le plus au fait de ce qu’est censé être l’eco, puisque depuis plus de cinq ans, c’est à lui et à son homologue ghanéen, John Dramani Mahama, que les chefs d’État de la Cédéao avaient confié la charge de réfléchir à cette monnaie commune. On ne peut plus tergiverser à une étape aussi cruciale.
LA CÔTE D'IVOIRE PRISONNIÈRE DE SES CHEFS
Les accusations de complot portées contre l’opposant Guillaume Soro rappellent que le logiciel politique ivoirien n’a guère évolué depuis vingt ans
Le Monde |
Cyril Bensimon |
Publication 28/12/2019
Triste Côte d’Ivoire. C’était il y a vingt ans tout juste. Le 24 décembre 1999, un « père Noël en treillis » faisait irruption dans la vie des Ivoiriens. Le général Robert Gueï, un officier ayant poussé dans l’ombre du père de la nation, Félix Houphouët-Boigny, venait de chasser du pouvoir Henri Konan Bédié, un autre héritier du « Vieux ». Une mutinerie de soldats mécontents s’était transformée en coup d’Etat. A Abidjan, on dansa le mapouka malgré les trois cents morts du putsch et les pillages. Les leaders de l’opposition d’alors, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, exclus des dernières élections, se félicitèrent plus ou moins ouvertement de la chute d’un régime dont la trace principale avait été la promotion de l’ivoirité, une forme de préférence nationale appliquée au contexte si particulier de ce pays.
Vingt ans et une guerre de près d’une décennie plus tard (2002-2011), la Côte d’Ivoire n’en a pas fini avec les complots réels ou supposés, les petites manœuvres en coulisses pour prendre ou conserver le pouvoir et une vie politique confisquée, peu ou prou, par les mêmes personnalités qui ont mené le pays vers l’abîme. A dix mois de la présidentielle d’octobre 2020, les jeux ne sont pas faits mais les cartes à disposition n’ont guère changé, chacune espérant trouver l’association qui lui permettra de remporter la mise.
Fréquentations infréquentables
Dans cette partie où l’expérience a montré que toutes les alliances sont possibles, Guillaume Soro, « le nouveau venu », pensait être le plus habile. N’est-ce pas lui qui fut le premier artisan de la chute de Laurent Gbagbo, lorsque le plus roublard des politiciens de la place utilisait tous les stratagèmes pour conserver son fauteuil présidentiel après l’élection perdue de 2010 ? S’il n’a que 47 ans, l’ancien chef rebelle s’est tracé à la hache un parcours au sein des institutions ivoiriennes : premier ministre de Laurent Gbagbo puis d’Alassane Ouattara, président de l’Assemblée nationale. De quoi vanter dans le même temps l’expérience et la jeunesse lorsque l’on se déclare candidat à la magistrature suprême. Mais voilà, Guillaume Soro ne semble pouvoir s’empêcher d’envisager des coups tordus, de s’entourer de fréquentations infréquentables.
Après la publication d’écoutes téléphoniques en 2015 qui le mettaient en cause dans la tentative de coup d’Etat ratée quelques semaines plus tôt au Burkina Faso, son vrai faux retour à Abidjan, quatre ans plus tard, vendredi 23 décembre, a été l’occasion, pour le pouvoir ivoirien, de sortir un autre enregistrement compromettant. M. Soro y assure auprès de ses interlocuteurs avoir ses hommes « positionnés un peu partout » en vue de profiter d’« une insurrection populaire ». Dans le tourbillon des accusations, Afoussiata Bamba, l’une de ses proches, reconnaît que ces propos ont bien été échangés avec Francis Perez, un patron de salles de jeux en Afrique et « une barbouze »française, mais que la bande a été coupée et remonte à 2017. L’aveu est destiné à prouver que les accusations du pouvoir sont purement opportunistes et n’ont pour seul but que d’« écarter Guillaume Soro de la course à la présidence ». Il renseigne néanmoins les Ivoiriens sur les méthodes que le mis en cause est prêt à employer pour satisfaire son ambition depuis qu’il a compris qu’Alassane Ouattara ne lui offrira pas sa succession.
« S’il y va, j’y vais »
L’affaire ne grandit pas non plus le pouvoir en place. Avant son élection en 2010, Alassane Ouattara avait promis de restaurer l’indépendance de la justice. Le mandat d’arrêt international lancé contre Guillaume Soro pour « complot contre l’autorité de l’Etat » le 23 décembre, les accusations de « détournement de fonds publics » concernant l’achat de la villa qu’il occupait depuis près de dix ans, les incarcérations d’une quinzaine de ses proches, dont des députés, ne peuvent cependant que renforcer le sentiment que le pouvoir judiciaire exécute la volonté du palais. « Qui est fou ? », comme il se dit à Abidjan, pour croire que le procureur de la République n’avait d’autre choix que de lancer ces poursuites. Dans le petit jeu des accusations mutuelles, l’ex-chef de la rébellion a d’ailleurs fait savoir qu’il « ne reconnaît qu’une seule déstabilisation, celle du 19 septembre 2002 pour le compte de l’actuel président de la République, M. Alassane Dramane Ouattara ». Il avait jusqu’ici toujours déclaré le contraire, mais la vérité du moment est la meilleure à entendre et revenir sur sa parole ne semble plus être un motif de disqualification.
Il en va de même pour le président Ouattara qui, à la veille de sa réélection en 2015, avait exclu toute possibilité de briguer un troisième mandat du fait de la révision constitutionnelle qu’il venait de faire adopter. Mais aujourd’hui, « pour empêcher ceux qui ont détruit le pays de revenir au pouvoir » comme le dit une source à la présidence, le chef de l’Etat laisse poindre la possibilité de concourir en 2020. Il aura alors 78 ans. Soit huit ans de moins qu’Henri Konan Bédié, « un jeune comme les autres » selon sa propre appréciation, avec lequel il semble avoir noué un étrange pacte négatif : « S’il y va, j’y vais. »
La candidature du « Sphinx de Daoukro » n’est pas encore formelle mais vingt ans après sa chute, celui-ci n’a jamais fait le deuil du fauteuil que tous ses successeurs se sont montrés « indignes » d’occuper. Dans les instances de son parti, la relève attend depuis longtemps et se prépare à attendre encore. « Nous sommes pris en otages, mais, dans lacommunauté Akan où un chef ne désigne pas son successeur et où la base de notre électorat est communautaire, il est suicidaire de contester Bédié », explique un jeune plus si jeune d’un ancien parti unique, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), où « les cordons de la bourse restent entre les mains du patron ».
Nostalgie amnésique
Dans les rangs du parti de Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), gare également à celui qui ose contester la figure du chef. L’avenir de l’ancien président, aujourd’hui en résidence surveillée à Bruxelles, est jalonné de points d’interrogation : en aura-t-il fini de ses affaires judiciaires devant la Cour pénale internationale (CPI) avant la fin juillet, date limite du dépôt des candidatures ? A-t-il le souhait, la santé, la volonté de se lancer dans une nouvelle bataille électorale ? Une chose est sûre : l’homme continue de faire l’unanimité chez ses partisans et de créer la peur chez ses adversaires. « S’il le peut et s’il le veut, il sera notre candidat naturel », dit Laurent Akoun, le vice-président du FPI, tout en reconnaissant « cette tendance mortifère à l’hyperpersonnalisation de la vie politique ». « Dans la conscience collective, il a développé une sympathie de martyr. Qu’il soit candidat ou pas, il demeure une menace bien plus grande qu’Henri Konan Bédié. Un mot d’ordre de sa part représentera 20 % de l’électorat », se désole un responsable important du parti au pouvoir (RHDP).
Près de neuf ans après son transfert devant la CPI, « la popularité de Laurent Gbagbo reste intacte, même si ses années de pouvoir ont été catastrophiques. Son populisme lui a permis de construire un lien fusionnel avec le peuple », constate le sociologue Francis Akindès. Le souvenir de la brutalité de ses sbires, de l’ultranationalisme brandit comme un étendard au motif que la guerre avait été « imposée de l’extérieur » s’est dissous dans une nostalgie amnésique.
« La société ivoirienne a peur de revivre ce qu’elle a vécu, mais elle n’a pas renouvelé son logiciel politique. Ouattara, Bédié et Gbagbo sont des icônes communautaires. Or nous sommes toujours sur une rhétorique tribale et dans un système “grand-frériste” qui vassalise les jeunes et les empêche d’afficher une ambition. Cependant, il existe désormais une très grande fracture avec la classe dirigeante qui sait qu’elle doit partir, mais ne sait pas trouver les modalités d’un bon départ », analyse M. Akindès, pointant pour preuve de cette désaffection grandissante les moins de 4 % d’inscrits sur les listes électorales parmi les 18-24 ans.
« On est l’un des seuls pays de la région à n’avoir jamais connu de transition démocratique et pacifique, reconnaît piteusement une figure politique ivoirienne. C’est à la fois une frustration pour notre génération et une humiliation pour notre pays. »
L'AFRIQUE TOUJOURS EN QUÊTE DE SON MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT
Près de soixante ans après la grande vague des indépendances de 1960, où en est l'Afrique subsaharienne ? Démographie, croissance, pauvreté, inégalités...Le continent reste à la recherche de son modèle de développement
Près de soixante ans après la grande vague des indépendances de 1960, où en est l'Afrique subsaharienne ? Démographie, croissance, pauvreté, inégalités...Le continent reste à la recherche de son modèle de développement, crucial pour répondre aux besoins d'une jeunesse avide d'avenir.
Mais comment mesurer le chemin parcouru?Les experts soulignent la difficulté de décrire avec précision l'évolution d'un continent qui demeure un "désert statistique".
Par exemple, "huit pays africains seulement disposent d'un système d'enregistrement des naissances couvrant au minimum 90% de la population, et trois seulement d'un système d'enregistrement des décès couvrant au minimum 90% de la population", relève la Fondation Mo Ibrahim dans son rapport 2019 sur la gouvernance en Afrique.
Puisés dans les bases de données des grandes institutions internationales, quelques indicateurs, forcément partiels, permettent toutefois d'esquisser un tableau.
UN MILLIARD D'HABITANTS
Portée par les progrès de la médecine, en dépit des épidémies de sida, du paludisme et de la tuberculose, l'espérance de vie en Afrique subsaharienne a progressé de 20 ans ces soixante dernières années, selon la Banque mondiale (BM).Sa population s'est envolée: 227 millions d'habitants en 1960, plus d'un milliard en 2018, le double en 2050, selon les projections.Nigeria, Ethiopie et République démocratique du Congo (RDC) forment le trio de tête.
C'est aussi le continent le plus jeune au monde.En 2015, plus de 60% des Nigériens avaient moins de 20 ans, selon les Nations unies.
Depuis les années 60, "le changement le plus spectaculaire est l'irruption d'une jeunesse désoeuvrée", explique à l'AFP le sociologue camerounais Francis Nyamnjoh."Une population jeune, prête à exploser à tout moment parce qu'elle a faim de libertés politiques, faim d'opportunités économiques et d'accomplissement social".
Une jeunesse en déshérence qui peut constituer une proie facile pour les groupes armés, notamment jihadistes, quand elle ne tente pas une émigration clandestine souvent mortelle, vers l'Europe en particulier.
PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS
La part de la population vivant sous le seuil de pauvreté (moins de 1,90 dollar US par jour) est passée de 54,7% de la population en 1990 à 41,4% en 2015, selon les dernières données disponibles de la Banque mondiale.
Mais cette moyenne masque d'énormes écarts d'un pays à l'autre, entre le Gabon (3,4% de la population en 2017) et Madagascar (77,6% en 2012).
"Les inégalités inter-pays sont aussi élevées qu'en Asie et les inégalités intra-pays aussi élevées qu'en Amérique latine, où des paysans sans terre coexistent avec d'énormes propriétaires fonciers", estime l'économiste togolais Kako Nubukpo.
Pour Christophe Cottet, économiste de l'Agence française de développement (AFD), "on mesure très mal les inégalités.Il n'y a notamment aucune donnée sur les inégalités de patrimoine, alors que c'est fondamental en Afrique".
MÉGALOPOLES ET CAMPAGNES
Lagos, Kinshasa...Les dernières décennies ont vu pousser les mégalopoles africaines, souvent ceinturées de bidonvilles d'une pauvreté extrême, mais aussi de très nombreuses villes moyennes.
Plus de 40% des Africains vivent désormais en zone urbaine, contre 14,6% en 1960 (BM).En 1960, seules deux métropoles africaines - Le Caire et Johannesburg - comptaient plus d'un million d'habitants.D'ici 2030, il y en aura une centaine, selon le cabinet McKinsey.Deux fois plus qu'en Amérique latine.
Mais cette urbanisation ne rime pas forcément avec exode rural.
"La part de la population urbaine continue à croître mais ça ne veut pas dire que les campagnes se dépeuplent, c'est l'Afrique entière qui se peuple.Les villes à un rythme un peu plus élevé que les campagnes.Il y a aussi un problème de chômage en ville en Afrique donc les gens n'ont pas tellement intérêt à migrer vers les villes", juge Christophe Cottet.
ECONOMIE : "20 ANS DE PERDUS"
L'économie du continent a connu une phase d'expansion jusqu'au début des années 80, puis une période de crise de deux décennies (crise de la dette, politiques d'ajustements structurels…), avant une "renaissance" dans les années 2000.
En témoigne l'évolution en dents de scie du Produit intérieur brut (PIB) par habitant en dollars constants: 1.112 USD en 1960, 1.531 en 1974, 1.166 en 1994 et 1.657 en 2018 (BM).
Des statistiques à nuancer, car elles "couvrent le secteur enregistré, officiel" et non "l'économie réelle", largement informelle, souligne l'économiste Jean-Joseph Boillot, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
"Si on fait le bilan sur 60 ans, il s'est passé quelque chose de grave en Afrique: on a perdu 20 ans. Mais il ne faut pas nier ce qui est en train de se passer maintenant qui est plus positif", observe Christophe Cottet.
"En mettant l'accent sur le court terme au détriment des investissements en matière d'éducation, de santé, de formation, les programmes d'ajustements structurels du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale ont cassé la dynamique de développement", déplore aussi Kako Nubukpo, auteur de "L'urgence africaine, changeons le modèle de croissance".
UN MODÈLE À INVENTER
Faiblement industrialisée, avec un secteur agricole prédominant et une récente émergence du tertiaire, l'Afrique cherche donc encore son modèle de développement.
"On n'est pas sortis du modèle colonial.Au fond, l'Afrique reste productrice et exportatrice de matières premières", du cacao à l'uranium."Et elle importe ses propres matières premières transformées", épingle Kako Nubukpo."C'est patent sur le coton: 97% de la fibre de coton africaine est exportée sans transformation.Or, c'est au moment de la transformation de la matière première que se créent la valeur et les emplois".
Pour Jean-Joseph Boillot, "l'Afrique est encore en phase de recherche d'un modèle économique de développement".
"Il y a très peu de développement d'industries locales.Cela ne peut se faire que par une protection industrielle très forte du continent, mais il est taraudé par les grandes puissances pour continuer le libre-échange.Les Chinois, les Indiens et les Occidentaux veulent pouvoir continuer d'y déverser leurs produits", juge l'auteur de "Chindiafrique, la Chine, l'Inde et l'Afrique feront le monde de demain".
GOUVERNANCE
"Nos responsables politiques doivent faire beaucoup plus pour défendre les intérêts des Africains, pour s'affirmer dans leurs relations au reste du monde", estime Francis Nyamnjoh.
Pour Kako Nubukpo, "l'Afrique ne se développe pas parce qu'elle est prise au piège des rentes et les premiers rentiers, ce sont les dirigeants africains.Il faut promouvoir la démocratie, des élections libres et transparentes pour avoir des dirigeants légitimes qui aient à cœur l'intérêt général, ce qu'on n'a absolument pas".
Parmi les quarante pays jugés les plus corrompus au monde en 2018, 20 étaient en Afrique subsaharienne, selon l'indice de perception de la corruption de Transparency international.