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2 décembre 2024
Développement
AFFECTATION À L'IFAN : LE SUDES RÉPOND AU SAES
Les éléments de la cinquième colonne essayent de détourner l'attention des véritables problèmes de gouvernance à l’UCAD. Ils montrent ainsi leur volonté de servir des intérêts crypto-personnels plutôt que ceux de la communauté universitaire - COMMUNIQUÉ
La section UCAD du SUDES/ESR dénonce une tentative de contournement illégal des procédures pour caser un ancien ministre à l'IFAN. Face aux "allégations fallacieuses" du Saes, elle réaffirme ses valeurs d'éthique et de défense des règles universitaires, à travers le communiqué ci-après :
"HALTE À L'OPÉRATION « SAUVER LES TRIPATOUILLEURS» DE TEXTES À L'UCAD !
Cher.e.s Camarades,
Dans une missive adressée à nos estimés collègues de l'UCAD, l'équipe dirigeante d'un syndicat, qui à notre grand regret, s'est positionné comme la cinquième colonne, a tenté de discréditer et de saboter la vive protestation de la section UCAD du SUDES-ESR contre la manœuvre du recteur pour caser un ancien ministre à l'IFAN en violation du décret 84-1184 du 13 octobre 1984.
Les auteurs de cette missive devraient avoir honte de qualifier de « rumeurs persistantes » et « d'informations non fondées » les faits que nous avons révélés et qu'ils n'hésitent pas, par ailleurs, à reprendre à leur compte.
La section UCAD du SUDES-ESR rappelle à la communauté universitaire les constantes factuelles de cette velléité d'instaurer à l'UCAD une exception de privilèges accordés à un enseignant alors que tou.te.s les enseignant.es, quels que soient leur rang, leur titre et leur grade sont d'égale dignité devant les textes de l'université.
En effet, les propos du porte-parole du recteur contradictoires à ceux de M. Ismaïla Madior Fall qui lui-même reconnaît avoir introduit une demande d'affectation à l'IFAN où il serait plus utile, pense-t-il, montrent à l'évidence que ces collègues syndicalistes avec leurs allégations fallacieuses et apocryphes dans cette affaire se sont fourvoyés. De plus, au nom de quelles règles et de quels usages, le recteur de l'UCAD prend-il les devants pour consulter le directeur de l'IFAN sans qu'il y ait de demande formelle comme l'a indiqué son porte-parole ? C'est cette immixtion tout autant incompréhensible qu'illégale du recteur dans un processus pourtant régi par des textes qui a alerté la section UCAD du SUDES/ESR. La procédure courait effectivement le risque d'être conduite illégalement. Les pseudos avant-gardistes n'ont visiblement pas vu venir la manigance ou s'en font complices de bonne foi.
En outre, quant à la prétendue politisation des enjeux universitaires, il est difficile de ne pas voir l'hypocrisie dans une telle déclaration. En accusant la section UCAD du SUDES/ESR de soulever des « délits d'opinion» et en préjugeant du caractère politique de sa protestation, les éléments de la cinquième colonne essayent de détourner l'attention des véritables problèmes de gouvernance à l’UCAD. Ils montrent ainsi leur volonté de servir sans discernement des intérêts crypto-personnels plutôt que ceux de la communauté universitaire.
La section UCAD du SUDES-ESR se félicite d'avoir tenu sa traditionnelle ligne de lutte et de défense des valeurs et de l'éthique professionnelle liées à la fonction d'enseignant et de chercheur sans partisanerie syndicale. Elle ne saurait transiger avec le louvoiement et la tortuosité syndicale.
En conséquence, la section UCAD du SUDES-ESR voudrait :
1. Exhorter l'ensemble de la communauté universitaire à rester solidaire pour faire barrage à toutes manœuvres illégales visant à déroger aux règles et procédures de notre université.
2. Inviter tou.te.s les camarades, quelle que soit leur affiliation syndicale à signaler toutes violations avérées ou présumées des textes de l'UCAD dont ils/elles ont connaissance.
3. Prier le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation de bien vouloir rappeler au recteur de l'UCAD dont le mandat arrive très bientôt à terme les principes élémentaires de bonne gouvernance."
par Ousmane Sy
BOUBACAR BORIS DIOP ET LES LANGUES : TOUT N’EST PAS FICTION
EXCLUSIF SENEPLUS - La lettre ouverte co-écrite avec Ngugi Wa Thiong'o laisse entrevoir une tendance sous-jacente à la hiérarchisation des langues sénégalaises, avec une mise en avant du wolof
Il est très difficile pour un passionné de lecture de résister à la plume et au style ô combien soignés de Boubacar Boris Diop. Lire cet homme procure un plaisir immense tant son cocktail est savamment bien dosé. Au-delà de ce style soigné et très souvent hautement intellectuel, il est naturel qu’on ne partage pas des fois ses positions, ses angles d’attaque et conséquemment ses conclusions.
Si la première partie de cette lettre a été dithyrambique à l’égard du destinataire, ce qui en fait peut relever d’un engagement politique, la seconde partie, par contre pose problème. Cette partie qui traite de questions et de planification linguistiques est à approfondir et à améliorer du fait qu’elle comporte en certains endroits des légèretés.
Au paraitre, elle serait bien teintée de subjectivités qui altèrent la rigueur scientifique et linguistique requise pour un tel sujet. Faire un plaidoyer pour les langues en soi est déjà une bonne chose mais la conception de l’organigramme des langues est malheureusement trahie par l’envie manifeste d’imposer le wolof comme langue officielle à la place du français.
La réflexion réfute sans ambages « toute hiérarchisation des langues » mais retombe aussitôt dans le même panneau. Le décret de 1971 avait élevé six langues (joola, mandinka,pulaar, serere, Soninke et wolof) au rang de langues nationales et pourtant malgré cette décision, la pratique linguistique aura plutôt penché pour une wolofisation tacite.
Une politique de laissez-faire qui permet sans décision administrative de donner tacitement tous les statuts à cette langue. Pour illustration, l’utilisation de nos langues dans nos médias officiels est éloquente à plus d’un titre quant à la volonté de faire du wolof la langue du travail. De fait, comme le montrent les articles de (D. C O’Brien) « the shadow-politics of wolofisation et de (Fiona Mc Laughin), Haalpulaar identity as a response to wolofisation, cette tendance à la hiérarchisation des langues entrainent des réponses communautaires. On est bien dans la hiérarchisation des langues depuis des décennies et la réflexion aurait pu relever cet état de fait, attirant ainsi l’attention du destinataire et décideur.
Le wolof est bien une lingua franca au Sénégal mais, selon les ères géographiques, nous avons encore d’autres lingua franca. Au Sud, le joola et un manding peuvent échanger en créole. Au nord, un soninke et wolof peuvent échanger en pulaar. On ne peut pas faire fi de toutes ses richesses.
Pour rappel, les recommandations du CNRF de 1983 parlaient déjà de la langue de la communauté dans un organigramme des langues à l’école qui faisait ni plus ni moins que le bilinguisme soustractif qui au fait ne promeut qu’une seule langue. La conception est bien celle-là : « la langue maternelle, d’abord. Et ensuite, disons le wolof. Ensuite, disons le swahili, le français, etc. ». On note bien la subtile et volontaire gradation vers le dessein caché. Ainsi, la réflexion part de la base des langues sénégalaises, (ce que nous partageons fort bien) mais dérive doucement vers un parti pris. A y voir de près, les autres langues ne seraient là que pour le décor. Cette conception pas loin de celle de 1983 rappelle le bilinguisme soustractif qui se résume à l’équation : L1 + L2 – L1 = ?
En effet, le wolof étant une langue maternelle, viendrait d’abord en tant que langue maternelle et ensuite reviendrait en vertu de quel statut ? Et pour quelle fonction ? Et que deviendront les autres langues nationales étant toutes celles codifiées avec les nouvelles dispositions constitutionnelles de 2001 ? Promouvoir les langues ne peut se limiter à les nommer et à les présenter pour un faire-valoir. Les promouvoir revient à les moderniser et à introduire au moins les six d’entre elles qui ont connu des études soutenues (Dr Sylla Yero 1991) dans divers domaines dont la linguistique et la production à l’école comme langues d’instruction. Le principe est d’introduire ces langues à l’école et de les y maintenir. Ce qui nous aiderait à avoir des enfants sénégalais aptes à parler au moins trois langues nationales. Cet effort qui serait renforcé de voyages d’immersion de petits locuteurs joola en pays serere et de petits locuteurs soninke en pays wolof, renforçant ainsi ce brassage culturel qui fait que le Sénégal est un havre de paix.
On voit apparaitre en filigrane dans la perception, le Sénégal (wolof) l’Afrique (le swahili) et le monde par d’abord le français. Thiong’o est Gikiyu voisin des luwo dans une région où le swahili est presque la grande langue de communication avec environ trente et soixante millions de locuteurs dont quinze pour langue première. Elle a un statut officiel dans quatre pays et au moins dans deux organisations. Le gikiyu ne s’est pas contenté de sa langue maternelle mais a suivi des principes autres que l’émotion et la subjectivité. Si nous parlons de l’Afrique, il est difficile que le mot langue soit au singulier d’une part. Et d’autre part, nous devons parler des langues africaines et point de nos langues maternelles. Même si la planification linguistique a des aspects politiques, il n’en demeure pas moins que l’arbitraire ne peut prévaloir dans ce contexte précis. Elle obéit tout au moins à une logique linguistique et sociolinguistique donc à des études soutenues sur lesquels se fondent un décideur sérieux. L’honnêteté intellectuelle de reconnaitre que le wolof est une lingua franca au Sénégal est celle-là qui nous met devant l’évidence de reconnaitre que, dans le cadre africain, le wolof n’est pas répandu. Force est de reconnaitre qu’en dehors des frontières de la Sénégambie et de la Mauritanie, le wolof reste une langue étrangère qui n’est parlée que par les ressortissants de la Sénégambie et de la Mauritanie dans une moindre mesure. Toutefois, le Sénégal a cette grande opportunité de compter parmi ses langues le mandinka et surtout le pulaar plus connu sous le vocable fulfude. On estimait déjà en 2010 le nombre de locuteurs à vingt-cinq millions de locuteurs (M. Barro 2010)[1] dans plus d’une vingtaine de pays avec des variétés dialectales mutuellement intelligibles. Ce n’est pas un hasard si nous avons aujourd’hui RFI mandenkan et RFI fulfulde. La toute nouvelle chaine Pulaagu sur le bouquet Canal+ passe des productions de plusieurs pays africains où le fulfulde est bien présent.
En Afrique de l’ouest, elles sont de loin les deux langues les plus transfrontalières et peuvent servir de moyens de communications dans tous les pays de cette région. En Afrique centrale, le fulfulde est très présent et constitue la langue véhiculaire dans le nord du Cameroun. Compte tenu de cette situation, le mandinka et le fulfulde occupent une place de choix pour figurer dans le cercle des langues de communication dans nos pays, notre sous-région et notre continent. Elles allient deux principes fondamentaux à savoir, le nombre de locuteurs et la répartition géographique. Ignorer ces données, c’est négligé un outil linguistique très important dans l’unification culturelle de l’Afrique si chère à Cheikh Anta Diop.
Ousmane Sy, ès-didactiques des langues, enseignant au lycée de Donaye Taredji.
La polygamie telle que pratiquée au Sénégal est une violence faites aux femmes et aux enfants. Elle déstabilise la famille et baisse leur qualité de vie surtout celle de la première femme, seul l’homme en tire profit. - ENTRETIEN AVEC AWA SECK
Awa Seck se revendique féministe radicale et s'oppose farouchement à la polygamie, une pratique encore répandue au Sénégal. Dans cet entretien avec Seneweb, elle dénonce les dérives de cette tradition et milite pour une réforme du Code de la Famille au nom de l'égalité entre les hommes et les femmes. Ses propos fustigent un système patriarcal injuste et appellent à une prise de conscience collective.
La polygamie, une pratique combattue autrefois par les féministes est en vogue au Sénégal. On voit de plus en plus, la nouvelle génération particulièrement les jeunes femmes instruites accepter les ménages polygames. Quelle lecture avez-vous par rapport à cette situation ?
La polygamie est la possibilité pour un homme, faire le choix, d’épouser plusieurs femmes si les conditions sont réunies, ce qui rare, pour ne pas dire impossible car aucun homme ne peut les remplir. À la base, la polygamie est annoncée seulement dans la sourate 4, An-Nisa au verset 3 qui parle des orphelins.
“ Il vous est permis d'épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais, si vous craignez de n'être pas justes avec celles-ci, alors une seule... Cela, afin de ne pas faire d'injustice (ou afin de ne pas aggraver votre charge de famille) c’est pour vous le moyen d'être aussi équitables que possible »
En islam, il est donc permis à l’homme d’épouser deux, trois ou quatre sous certaines conditions qu’il est bon de rappeler : concerter sa femme ; des revenus suffisants pour entretenir ses foyers ; les capacités physiques pour satisfaire sexuellement toutes les femmes; la maturité émotionnelle pour assurer l’équilibre des foyers; il n’est pas permis d’habiter avec ses épouses dans une seule maison sauf si elles sont d’accord ; l’équité
Aucun homme sénégalais ne les respecte !
Effectivement quand on parle de féminisme et de polygamie, les féministes ont toujours combattu et dénoncé l’horreur que vivent les femmes dans ces foyers.
On doit citer Mariama Bâ, féministe, qui dénonce l’horrible condition de la femme dans le mariage polygame et la place qui lui est réservée - ou pas - dans notre société.
Dans son célèbre son œuvre « Une si longue lettre » étudiée dans toutes les universités du monde, elle décrit si bien cette pratique contraire aux principes de l’islam : équité – égalité – justice.
Pionnière du féminisme décolonial au Sénégal, la génération des femmes nées dans les années 1920 comme nos mamans et grands-mères Awa Thiam, Caroline Faye, Marie Angélique Savané pour ne pas les citer a farouchement dénoncé et combattu la polygamie au Sénégal qui est une injustice et une violence.
Il est primordial de noter que ce n’était pas seulement les féministes qui s’opposaient à la polygamie telle que vécue par les femmes mais aussi nos aïeules qui l’acceptaient par contrainte (mariage forcé ou arrangé).
La nouvelle génération de femme, elle, choisit ce statut avec une autre forme de contrainte sociale (stigmatisation du célibat).
Malheureusement la polygamie est devenue une mode au Sénégal. En effet dans une société contemporaine où le mariage est vu comme une fin en soi pour les femmes et un choix pour les hommes, la polygamie est une option pour les femmes qui veulent coûte que coûte se marier pour répondre aux attentes de la société qui leur assène « taaru jigeen seuy » (la beauté de la femme réside dans le mariage). Peu importe ce qu’accomplit une femme : elle ne représente rien sans le mariage.
L’homme sénégalais qui est un éternel attentiste pour qui on doit tout faire devient une charge pour les femmes. Alors certaines choisissent plutôt un mariage polygame que le célibat. Elles partagent la charge que représente le mari. En réalité, les femmes utilisent, pour les plus aisées financièrement, les hommes contrairement à ce qu’ils peuvent penser.
En tant que féministe, est-ce que vous n'avez pas failli dans votre lutte contre la polygamie, si on voit aujourd'hui qu'elle est à la mode?
Pas du tout ! La lutte féministe est la lutte pour l’égalité homme-femme, de permettre à chaque femme d’être instruite pour éviter les mariages forcés, travailler pour s’assurer une liberté financière, choisir dans quel type de ménage vivre. Nous l’avons réussi parce que comme vous dites les femmes la choisissent même si la polygamie en soi est une discrimination envers la femme et ils n’y gagneront jamais.
Les femmes sénégalaises affirment partout qu’elles préfèrent être deuxième ou même troisième que d’être la première. C’est un choix motivé par des raisons bien tristes parce qu’en islam le mariage est le lieu où doivent s’épanouir deux êtres pour construire un bel avenir ensemble, un projet commun.
Vu que beaucoup d’hommes en monogamie sont infidèles, et qu’en polygamie la plupart abandonne la première femme soit totalement, émotionnellement ou sexuellement, les femmes modernes veulent être deuxième ou troisième pour ne pas faire les sacrifices faites par la première épouse.
La première femme bâtit les bases du couple et souvent galère, sacrifie études et carrières pour le mari au début du mariage. Mais dès que ce dernier a une position financière assez stable, il prend une autre femme qui elle, ne connaitra que l’aisance et les paillettes.
En revanche il est dommage de voir toutes ces femmes éduquées qui n’ont pas besoin d’être financièrement entretenues par un mari qui à cause de la pression sociale, choisir la polygamie.
La polygamie telle que pratiquée au Sénégal est une violence faites aux femmes et aux enfants. Elle déstabilise la famille et baisse leur qualité de vie surtout celle de la première femme, seul l’homme en tire profit.
Nous luttons contre les violences faites aux femmes tant que l’homme sénégalais ne respectera pas le seul verset qu’il connaît par cœur tout en ignorant ses devoirs d’époux, de père, les féministes continueront à lutter contre la polygamie.
Personnellement, vous êtes pour ou contre la polygamie ?
Je suis contre la polygamie qui est un choix sous condition et non une obligation. Si en islam l’homme peut épouser jusqu’à quatre femmes, il me donne aussi le droit de refuser la polygamie. L’islam est juste, il a libéré la femme et la vie du Prophète (PSL), seul modèle pour l’homme musulman est un exemple. Je considère qu’aucun homme ne vaut la peine qu’on se batte pour lui et rivaliser entre femmes. Je mérite mieux et plus. Je considère mon mari comme mon égal devant Dieu et en tant que tel j’ai le droit de refuser. Goru jeukeunte laniu wax, je suis jigenu jeukeunte
Au delà je trouve la polygamie malsaine, elle cause l’éclatement de la famille, l’épuisement émotionnel. L’imam Chaf’i et d’autres ont dit que la monogamie est meilleure, car elle est plus proche pour l’homme de l’équité. Être équitable est une chose très difficile pour l’homme et donc prendre plusieurs femmes est une porte dangereuse pour lui et sa famille.
Certains maris finissent par devenir agressifs et violents à l’endroit de certaines épouses et de leurs enfants (souvent la première), la dernière, étant la favorite-chouchoutée (ne dit-on pas niarel xaritu jeukeureum ?).
Tous les enfants issus de ménages polygames ont vu leurs vies déstabilisées, leurs mamans changer et pas en bien, la rivalité s’installer même si on veut nous faire croire le contraire.
Serigne Cheikh Al Makhtoum, mon guide spirituel rappelait lors de sa conférence du Mawlid 2007 que « polygamie ada la du dine. Yallah couple la créer ». Dieu a créé le couple partout dans le Livre Saint quand Il parle de nous Il précise : le couple.
La polygamie est une sunna destinée à créer un cadre pour les orphelins et certaines femmes. Les hommes sénégalais s’abritent derrière des justifications religieuses, en évoquant le seul verset du coran et le seul qu’ils connaissent bien, le seul qu’ils ne respectent pas et s’en réclament pour légitimer la façon dont ils traitent les femmes et les enfants sans en avoir les capacités. C’est une violation flagrante de la loi islamique !
Qu'est ce qui fait selon vous que la nouvelle génération précisément les femmes instruites acceptent de jouer le second rôle dans les foyers?
Le patriarcat a su manipuler la polygamie pour la normaliser. D’abord on nous disait qu’il y avait plus d’hommes que de femmes, alors que le dernier recensement a montré le contraire. Il a su faire porter aux femmes le combat en leur faisant croire que le mariage est nécessaire et que les hommes ne se marient plus à cause de la pénurie de mâles et qu’elles doivent accepter la polygamie. Notons que dans son dernier rapport qui date de 2023, L’ANSD (Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie) précise que 45% des mariages polygames sont plus pauvres que ceux monogames.
En réalité la polygamie empêche les jeunes hommes en âge de se marier d’épouser les femmes de leur génération, ils n’ont pas accès à ces femmes qui cherchent des hommes déjà établis, stables financièrement qui sont souvent plus âgés.
Les femmes en âge de se marier ne sont pas nombreuses, les hommes marient de très jeunes femmes et filles qui doivent encore rester à l’école qui plus tard deviendront une force économique. Malheureusement elles se retrouvent dans un foyer en train de faire la concurrence entre femmes.
Les hommes les manipulent pour tirer le meilleur de chacune.
D’un autre côté la polygamie facilite aux femmes veuves et divorcées de se marier parce qu’au Sénégal un homme divorcé avec des enfants peut épouser une fille jamais mariée mais une femme divorcée avec enfants ne doit pas. Pour ces dernières, c'est le seul moyen de refaire une vie de couple.
Le prophète Mohamed, PSL, est resté monogame pendant 25 ans et tous ses mariages qui ont suivi étaient tactiques, des alliances matrimoniales, raffermir les liens entre communautés rivales, royaumes. Aîsha a été la seule femme jamais mariée d’où la Sunna.
La pression sur les femmes vient de tous bords.
Polygamie avant et aujourd’hui ? Y a-t-il une révolution ou un changement de mentalité selon vous ?
Il n’y a aucune révolution à être dans un mariage polygame, cependant les femmes, en la subissant essaient de la rendre plus supportable grâce à leur indépendance financière. Le mari n’étant là que pour satisfaire leurs besoins sexuels, ce dernier a souvent montré sa préférence pour la nouvelle. D’ailleurs la awo est dite awo yaay. Elle n’est plus vue comme amante, partenaire sexuelle mais une mère pour son mari, et une sœur pour sa coépouse, pratique contraire à l’islam.
Pour un homme qui craint Dieu la pratique de la polygamie va devenir particulièrement difficile de nos jours pour des raisons économiques.
Avant elle était un avantage sociopolitique. Elle représente un apport économique, car la femme, par son travail, contribue à l'entretien du ménage. Dans la plupart des ménages polygames chaque femme prend en charge son foyer.
Une épouse peut parfois individuellement bénéficier, par son travail ou l’aide de sa parenté, de conditions de vie supérieures à celles d’autres noyaux du ménage.
En milieu rural, la première épouse allait jusqu’à proposer une seconde épouse à son mari pour alléger les charges du foyer.
Les femmes s’investissent au quotidien dans les travaux des champs pour subvenir aux charges de leur ménage. Le partage des tâches domestiques entre les coépouses est nécessaire et recherché par les femmes.
La polygamie permet à l’homme de faire proliférer sa descendance pour avoir une main-d’œuvre plus importante et d’espérer une prise en charge par ses enfants durant la vieillesse. Cela n’est plus possible aujourd’hui.
L’homme entretenu par ses femmes à la vieillesse prenait une jeune épouse qui a souvent l’âge de ses enfants pour s’occuper de lui. On les appelle les gardes malades car souvent elle se retrouvait jeune veuve. La jalousie y est très violente, les femmes exerçant des violences jusqu'au crimes sur les coépouses ou leurs enfants. Tous les jours ce genre de faits divers sont exposés. Cela fait légion dans ma région plus particulièrement à Touba. La redistribution inégale des ressources en est la cause, la femme qui a la chance d’avoir un travail ou l’aide de sa famille a de meilleures conditions de vie, les enfants de la coépouse sont témoins de tout cela.
La polygamie se maintient, la faiblesse des ressources financières ne constitue pas en soi un handicap pour les hommes à devenir polygame jusqu’à dire « duma tak cas social ». Les hommes sont plus matérialistes que les femmes. Ils cherchent une femme pour les entretenir parce qu’il est impossible d’avoir un travail, payer l’éducation des enfants qui est privée et subvenir aux besoins matériels de toutes les femmes.
Chez nous, la norme islamique est souvent bafouée par les hommes et avec légèreté.
Les hommes polygames peinent à satisfaire les besoins affectifs, matériels de leurs épousent et de leurs enfants ce qui va les affecter. D’ailleurs la polygamie est interdite à un homme qui n’a pas les moyens. Quel homme sénégalais le respecte ?
Votre position par rapport à la commission onusienne qui recommande l'interdiction de la polygamie parce qu'elle considère que cette pratique est une discrimination vis à vis des femmes ?
Je suis tout à fait d’accord, ce n’est pas contre l’islam qui n’a pas inventé la polygamie. Tout ce qu’il a fait, c’est d’y mettre des restrictions. La commission fait des recommandations en matière de droits de l’homme comme pour d’autres faits sociaux qui menacent l’équilibre familial, social et les droits des femmes libre aux États soucieux du bien-être de ses citoyen.nes de les mettre en place.
L’islam a posé des conditions pour la pratique de la polygamie qui est un choix si ces conditions ne sont pas respectées, il est interdit à l’homme de la pratiquer. Chaque pays peut la restreindre ou faire plus c’est à dire interdire carrément la polygamie.
C’est le cas de La Tunisie, pays musulman, son code des statuts personnels de 1957 interdit strictement la polygamie.
Il est interdit de contracter un second mariage avant la dissolution du premier. La majorité légale est à 20 ans, au Sénégal les filles sont discriminées 16 ans et 18 ans pour les garçons. A cet âge leur seule préoccupation devrait être les études et briser le cycle de la pauvreté.
Nous attendons vivement la réforme du code de la famille promise par le nouveau gouvernement sur l’âge légal du mariage et les droits des femmes.
La polygamie est considérée comme une discrimination par l’ONU, la commission des droits humains ainsi que par le comite pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Les Etats font bien des efforts sur la gouvernance, la démocratie pour recevoir des financements, ils peuvent le faire pour les droits des femmes, alors pour la polygamie, c’est possible et nécessaire.
Nous pouvons faire comme le Maroc qui ne l’a pas interdit mais le législateur marocain a instauré un système de contraintes pour contrôler la polygamie, limiter ses effets néfastes sur la société. Une enquête est menée. Son Code de la famille soumet la polygamie à l’obtention d’une autorisation. Il interdit la polygamie si l’injustice entre les deux épouses est à craindre ou si la première épouse a exprimé son refus dans l’acte de mariage.
Il dépend également des ressources financières du mari, de sa capacité à subvenir aux besoins de deux familles et de fournir un logement équitable aux deux épouses.
La capacité financière du mari à gérer un second foyer. La femme peut exiger la clause polygamique.
Il y a quatre écoles en islam hanafite, malékite, shafi’’ite et hanbalite et chacune d’elle a une position différente et valable. Dans le code sénégalais de la famille la femme peut par une clause de monogamie, exiger que son mari n’épouse pas d’autres femmes. Chez les malékites la clause monogamique ce n’est pas obligatoire mais recommandée.
La polygamie est un choix reconnu à l’homme qui a aujourd’hui des effets négatifs sur la société. Le pouvoir économique de l’homme pose d’épineux problèmes socio-économiques.
Les effets pervers de cette pratique sur la structure familiale amène l’ONU à dire que c’est une discrimination comme la Tunisie et le Maroc, le Sénégal devra le restreindre. Ce sera difficile vu que le nouveau gouvernement est un gouvernement de polygames.
Afin de poser les jalons un Conseil national pour la réforme du Code de la famille doit être mis en place pour discuter de toutes les discriminations légales et légalisées que subissent les femmes, les filles et les enfants sénégalais.
Awa Thiam a été la première à parler de la polygamie comme oppression. Dans son œuvre " La parole aux negresses publiée en 1972 elle dit " la polygamie est un fléau difficile à combattre...son maintien ou son abolition sera le fait des femmes. La foi en ces dernières à la possibilité de son enrayement, doublée d'un combat acharné et continu contre cette pratique oppressive pour elles, les amèneraient à une victoire."
Vous savez maintenant pourquoi les hommes sénégalais craignent d'avoir des femmes leaders !
DÉNONCIATION DES CONCLUSIONS DU DIALOGUE INTER-MALIENS
A l'issue de cette assise, il apparaît clairement que la paix et la réconciliation n'étaient pas la priorité des autorités, désireuses avant tout de prolonger leur pouvoir, estiment les parties signataires de la déclaration commune du 31 mars
Les masques sont tombés lors du "Dialogue inter-maliens", révélant le véritable objectif poursuivi par les autorités de transition : se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible. Les parties signataires de la déclaration commune du 31 mars dénoncent, à travers la déclaration ci-après, une duperie et appellent le peuple malien à se mobiliser pour un retour rapide à l'ordre constitutionnel.
*LES MASQUES SONT TOMBÉS*
En fin de journée du vendredi 10 mai 2024, les rideaux sont tombés sur le " Dialogue inter-Maliens"
Cet exercice, lancé à l'occasion du Nouvel an 2024, s'est avéré un piège, un traquenard, un immense filet (djô) lancé devant le peuple malien par les autorités en place qui s'accrochent au pouvoir, depuis bientôt quatre années.
Les parties signataires de la déclaration commune du 31 mars 2024 dénoncent vigoureusement la mascarade de dialogue inter-maliens, initiée par les Autorités en place et rejettent ses recommandations.
Au lieu de proposer une nouvelle architecture institutionnelle, à la fin d'une Transition qui n'a que trop duré, ces autorités ont inspiré une proposition de nouvelle prolongation de deux à cinq ans, donnant ainsi raison à ceux qui ont parlé d'une Transition à durée indéterminée, ignorant superbement les aspirations profondes des Maliens (eau, électricité, emploi des jeunes, cherté de la vie, fermeture des entreprises et chantiers, restriction des libertés publiques, mauvaise qualité des décisions de justice), pour se focaliser sur la prolongation de la Transition.
En effet, ceux qui ont juré, au lendemain de leur prise du pouvoir, qu'ils n'étaient venus que pour peu de temps, ceux qui, cherchant la compréhension des forces vives, ont déclaré en mai 2021 après la mise à l'écart du président Bah Ndaw «il ne reste plus que quelques mois », ont laissé tomber tous leurs masques: *ils veulent s'éterniser au pouvoir en prenant en otage le Mali et les Maliens*
Les masques sont tombés, parce que "le dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale, pour l'appropriation nationale du processus de paix" a été vidé de son contenu, détourné de ses objectifs initiaux.
L'exercice qui vient de se terminer n'a accouché d'aucune initiative malienne de paix et de réconciliation.
Ses recommandations, ne reflètant aucunement la volonté du peuple, risquent d'exacerber la crise politique nationale et de plonger notre pays dans une instabilité sociale sans précédent.
*En quoi les recommandations relatives à la prorogation de la durée de la transition, à la future candidature du colonel Assimi Goita, à l'affaiblissement et au musellement des partis politiques concourent-elles au rétablissement de la paix ? Pourquoi annoncer l'ouverture d'un dialogue avec les groupes armés à la fin du "Dialogue inter-Maliens" et non durant ce "Dialogue" ?* Les masques sont décidément bien tombés. L'objectif inavoué de cette vaste duperie est à présent connu : *le retour de la paix au Mali, qui manifestement n'était pas la priorité de ce "dialogue inter-Maliens", peut attendre*.
Les Maliens, des communes à Bamako en passant par les chefs-lieux de régions et la Diaspora qui ont participé de bonne foi à cette entreprise se rendent compte qu'ils ont été dupés.
En effet, les objectifs de ce dialogue, selon les TDR, étaient de "contribuer à la restauration de la paix, de la cohésion sociale et de la réconciliation nationale." Son initiateur principal, le président de la Transition, ne disait pas autre chose dans son message de nouvel an 2024 : « diagnostiquer les causes des conflits intra-communautaires et intercommunautaires afin de tracer une architecture de paix durable : recoudre le tissu social et renforcer le vivre ensemble ».
Ce dialogue, en définitive, qui était censé être un cadre fédérateur de toutes les forces vives de la Nation, afin d'identifier les sources des crises qui secouent le pays, de prévenir et gérer les conflits en valorisant des mécanismes de gestion endogène, *s'est révélé être un grotesque piège politique*, au regard de son déroulement, du contexte d'exclusion créé en amont des forces vives significatives, et de ses conclusions majeures d'avance.
En outre, les recommandations du "dialogue inter-maliens" qui vient de se terminer ne sauraient engager le peuple malien qui ploie sous l'insécurité et sous les difficultés quotidiennes, un peuple en proie aux difficultés d'une cherté de la vie sans précédent, un peuple qui est confronté aux conséquences des délestages de courant électrique auxquels les autorités ont démontré leur incapacité notoire à apporter un moindre début de solution.
Par ailleurs, la Constitution promulguée suivant le Décret n° 2023-0401 du 22 juillet 2023 dispose clairement en son article 37 que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants élus au suffrage universel direct ou indirect ou par voie de référendum. Aucune fraction du Peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice.»
Les participants à ce " dialogue " n'ayant pas été élus, ils n'ont ainsi parlé qu'en leur nom personnel. Dans aucune démocratie digne de ce nom, leurs "recommandations" ne sauraient avoir valeur exécutoire
C'est pourquoi, les parties signataires de la déclaration commune du 31 mars 2024 prennent à témoin l'opinion nationale et internationale sur les risques que court une telle démarche unilatérale et exclusive qui sème les graines d'un désaccord croissant entre les forces vives de la Nation et les autorités en place à un moment crucial de notre histoire.
Par conséquent, les parties signataires de la déclaration commune du 31 mars 2024 appellent le peuple malien, toutes les forces vives du pays, à l'intérieur comme dans la Diaspora, à se concentrer sur le seul combat qui permettra au Mali d'amorcer la sortie de la crise multiforme qu'il connaît : *le retour à l'ordre constitutionnel selon un calendrier fixé de façon consensuelle*
*avec une nouvelle architecture institutionnelle*
*En dehors de ce combat, point de salut* !
Toutes les Maliennes, tous les Maliens de Diboli à Tinzawaten, de Zégoua à Léré, doivent prendre leur part dans ce combat.
Ceux qui ont participé de bonne foi au soi-disant "Dialogue inter-maliens",
Ceux qui sont dans l'expectative depuis la prise du pouvoir par les cinq colonels en août 2020 et en mai 2021,
Ceux qui sont à l'extérieur du pays,
Toutes et tous, donnons-nous la main pour restaurer le Mali !
Les signataires
Ont signé :
M5-RFP MALI KURA (Fare Anka Wili, LDC, RpDM, MODEC, REPARE, FASODE, MOTEMA, ANKO
Mali Dron, EMa, EMK, MR-BAARA NI YIRIWA, ASSOCIATION LE CHANGEMENT, etc)
CADRE DES PARTIS ET REGOUPEMENTS POUR LE RETOUR A L'ORDRE CONSTITUTIONNEL
ESPERANCE NOUVELLE JIGUIYA KURA
COORDINATION DES ORGANISATION DE L'APPEL DU 20 FEVRIER 2023 POUR SAUVER LE MAL
FUMA (UNION-JEUNES LEADERS DE KATI - SOS PDFLCIS - PDPM - AMAJ - FMD - FIMDD
SEGOU-SIGUIDA TAGNÈ- MOUVEMENT 05 Étoiles)
MOUVEMENT WULI KI DJO MALI YE
ARP
YELEMA « Le Changement »
ADEMA- PASJ
PARENA
NEMA
PS YELEN KURA
FAC
VNDA
MSP
PDES
BENKAN (LE PACTE CITOYEN)
ALTERNATIF POUR LE MALI
MALI KO - YERE KO ÉTATS UNIS
par Cheikh Kasse
NOS LANGUES, À CONDITION QU’ELLES PARLENT FORTEMENT NOS IMAGINAIRES
EXCLUSIF SENEPLUS - Il y a un rapport idéologique à reconstruire avec sa propre langue : celle de sortir de la vision d’un Universel qui aplatit et détruit les divers cultuels, sociologiques, anthropologiques
Ces deux écrivains, dans leurs prescriptions, posent la centralité d’une langue dans la continuation anthropologique d’une communauté pour la sauvegarde de son imaginaire. C’est par la langue que l’essence d’une communauté se prolonge. Pourquoi il n’y a pas de mots wolofs pour désigner millions, milliards ? La réponse est dans l’absence de propension exagérée d’accaparement et de richesses au-delà des besoins de survie. Pourquoi le mot « mbok » signifie de nos jours « parents » alors qu’il est de la même famille que « bokk » qui veut dire : « se partager, ou ce qui est à tous » ?
Dans la réalité du carnage foncier sous le régime de Macky Sall, ce qui est agité contre son illégalité est une expression, ce qui est à tous, « li ñepp bokk ». La communauté dépose dans les mots le sens fort d’un en- commun. Dans les autres langues africaines, longtemps résilientes aux valeurs capitalo-libéralistes, il y a des traces - mémoires d’un en-commun tenace. Donc, l’enseignement et la pratique de nos langues prolonge leur lente et forte volonté de porter l’identité, les cultures, les imaginaires propres à nos sociétés africaines.
Donc, aujourd’hui, parler, écrire nos langues sont, certes, un palier important dans la reconquête de nos cultures, de notre souveraineté. Mais sont-ils suffisants pour ne pas parler la culture dominante de l’autre ?
Nous vivons dans ce que Patrick Chamoiseau nomme un monde-relié où règne, de nos jours, une domination furtive. Dans la domination brutale, l’injonction était de remplacer sa langue, sa culture par celles des dominateurs. Aujourd’hui, la domination furtive se fait par la cybernétique, les réseaux « sociaux ». Les centres dominateurs ont anesthésié les communautés. Patrick Chamoiseau décrit l’époque dans laquelle nous vivons en ces termes : /…/ La domination furtive ne s’oppose à rien. Ses forces uniformisantes naissent de puissances dématérialisées qui se moquent des vieilles armes. Je pouvais parler ma langue. Hisser mon drapeau. Clamer mon Dieu./…/ Je demeurais la proie de pouvoirs commerciaux : images, médias, finances, médicaments, consommation… Leurs points d’impulsion ne sont plus seulement des États-Territoires, mais, au cœur du cyberspace, des nodules d’interactions qui propagent des standards auxquels tu devrais adhérer.
Si nous sommes dans ce monde de domination furtive du capitalo-libéralisme, parler et écrire sa propre langue ne suffisent plus. Les valeurs standards (l’individu, l’atomisation même en étant en groupe, l’argent, la marchandise, le marché, etc.) passent aussi dans et par nos langues.
Il y a, à mon avis, un rapport idéologique à reconstruire avec sa propre langue. Et Chamoiseau dit qu’il y a lieu de dire contre et à l’endroit de la langue dominante : « Cette langue, c’est ma patrie. Cette langue m’a choisi ou j’habite cette langue. » Cette bifurcation te met en garde de la parler en l’infusant d’énormément de mots d’emprunt d’autres langues comme le français, le wolof, etc. Le présentateur de télévision, de radio, le discoureur dans sa propre langue refuse sciemment le processus de créolisation de leur-s langue-s par des langues dominantes (français, wolof, etc. Ce rapport idéologico- affectif est tout aussi une conscience de se défaire des normes standardisées propagées par la domination furtive qui sont les filets de notre déshumanisation. Alors que nos langues nous parlent autre pour nous rappeler la tradition de notre en-commun : « Nit nitëy garabam », ((traduit difficilement par l’homme est le remède de l’homme), la préservation de notre patrimoine identitaire : ku wacc sa ànd ànd bo dem fekko mu toj » (celui qui abandonne sa culture est sans culture ». Et beaucoup, beaucoup d’autres choses.
L’autre bifurcation fondamentale est le recentrage dans nos langues de nos imaginaires, de nos cosmogonies qui pourtant se démerdent encore par des grouillements païens, traditionnels parce qu’il y a le contrôle d’autres langues, d’autres croyances religieuses. C’est dans ce sens que la prescription de Boubacar Boris Diop et de Ngugi wa Thiong’ o de mettre aux programmes de nos classes les thèses de Cheikh Anta Diop, de traduire nos monuments littéraires en langues nationales pour que les traces-mémoires de nos traditions qui s’y trouvent participent de la re-fondation de notre identité. Césaire nous parle de ne pas nous en faire des clichés de racisme, populisme : « Ce n’est pas par haine des autres races que je m’exige bêcheur (arrogant) de cette unique race (les noirs). »
Dans ce monde-en-relation, des langues disparaissent sous l’œil joyeux des langues dominantes. Des cultures, des cosmogonies aussi par le processus de l’unité universalisante, donc par la négation ou l’uniformisation de ces divers. La bataille idéologique est de sortir de la vision d’un Universel qui aplatit et détruit les divers cultuels, sociologiques, anthropologiques. À ce niveau, la bifurcation se fait par une conscience d’être comme dit Édouard Glissant (écrivain nègre) l’oiseau de son propre divers qui vole vers d’autres lieux qui cherchent pourtant à imposer leurs divers derrière le masque de l’Universel.
C’est quoi le divers que chacune de nos langues doit porter ? Hélas, je cite encore Chamoiseau (oiseau de Cham, l’ancêtre des noirs brûlés par Dieu selon l’imaginaire européen mais principalement méditerranéen, Chamoiseau est un fils de descendants d’esclaves noirs de Martinique). Il écrit : « le divers est ce qui me densifie et me disperse, m’éloigne et me ramène, me nomme et me dilue, m’a précédé et me prolongera. » Le seul véhicule des divers d’une communauté qui entre en relation avec d’autres est sa langue. Et pour continuer ce que nous fûmes, « les fils aînés du monde », sans se faire absorber et sans le faire à d’autres, Édouard Glissant nous parle : « Maintenir notre lieu dans le monde pour signifier le monde entier. »
Dr Cheikh Kasse est Enseignant-chercheur en littérature orale.
Par Madiambal DIAGNE
LE CRASH D’UN VOL D’AIR SENEGAL, LA RANÇON DE NOTRE LAXISME
La compagnie Air Sénégal a pris le pli de louer des avions d’un autre âge et dont les conditions de contrôle et d’entretien techniques peuvent laisser à désirer ou lui ont échappé
Le grave accident survenu à l’aéroport Blaise Diagne de Diass, dans la nuit du 8 au 9 mai 2024, a fait de nombreux blessés et des dégâts matériels importants. Le bilan est lourd mais il s’avère quelque peu anodin, vu l’ampleur de la catastrophe qu’aurait pu provoquer un tel crash dans des circonstances d’un vol en haute altitude. Il y a lieu cependant de relever que cet incident, qualifié de minicrash dans le jargon des professionnels des transports aériens, n’en est pas moins un cas sérieux ; d’autant qu’il ne constitue guère une surprise pour les techniciens et de nombreux passagers.
On n’a jamais appris du naufrage du bateau «Le Joola»
Sur la plateforme de l’aéroport Blaise Diagne, tout le monde savait que le laxisme, qui est la règle dans toutes les opérations, ne pouvait pas manquer de provoquer un drame. Plus d’une fois, nous nous sommes fait l’écho de cette situation à travers ces colonnes et malheureusement, les responsables ne voulaient pas voir la réalité des choses et prenaient toute alerte comme un procès d’intention contre Monsieur X ou Madame Y. On a toujours récolté une bordée d’insultes. Le 20 novembre 2023, j’indiquais notamment : «Je m’étais résigné à cesser d’évoquer les misères et tribulations des passagers au niveau de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass (Aibd). J’ai baissé les bras, comprenant en fin de compte qu’il ne servait à rien de tirer la sonnette d’alarme, d’attirer l’attention, notamment celle des hautes autorités de l’Etat, sur les méfaits d’une exploitation laxiste à bien des égards et qui finira fatalement par dégrader la qualité de ce bijou qui a occasionné de très gros investissements au Sénégal. Les alertes ont toujours été prises avec une certaine désinvolture et les autorités et autres pontes ne semblent rien faire pour améliorer la situation ; encore que les responsables de l’aéroport prennent l’habitude, depuis toujours, de botter en touche, trouvant, derrière chaque dénonciation, on ne sait quel complot, cabale ou lugubre agenda. Seulement, le fait de fustiger les mauvaises pratiques qui ont libre cours, a fini par rendre difficiles quelques-uns de mes passages dans cet aéroport.»
Franchement, pour une fois, que personne ne verse dans le fatalisme ! C’est triste mais ce crash est la rançon du laxisme. Des esprits malins vont une fois de plus essayer de relier ce crash à l’incendie de l’usine de Patisen ou à un autre incident du genre pour invoquer des mains immanentes ou on ne sait quels mauvais esprits !
La compagnie Air Sénégal a pris le pli de louer des avions d’un autre âge et dont les conditions de contrôle et d’entretien techniques peuvent laisser à désirer ou lui ont échappé. On ne le dira jamais assez, la compagnie nationale devait être plus regardante sur l’état des appareils transportant des passagers et ainsi, n’aurait-elle jamais dû recourir à cet aéronef de Transair. Nul n’a non plus tenu compte de l’expérience ou de la qualité de l’équipage ou du passif de l’avion ou même du passif de Transair. On a encore en souvenir l’incident, le 17 décembre 2019, d’un avion de Transair dont un moteur avait pris feu au départ de Ziguinchor. L’incident a été minimisé. Transair laissait le soin à son chef d’escale à Ziguinchor de dire aux médias, ces quelques mots qui témoignent d’une désinvolture sidérante : «C’est juste que le pilote a mal démarré le moteur. Mais, dès qu’il s’en est aperçu, il a immédiatement coupé le moteur. Par mesure de prudence, les passagers ont été débarqués. Nous avons procédé à un contrôle. Mais vu que l’appareil a été mal démarré, il y a eu un problème au moteur. Ce n’est qu’un petit incident. Finalement, nous avons préféré faire venir des mécaniciens. Aussi, un autre appareil a été affrété pour acheminer les passagers vers Dakar.» On n’a pas connaissance de conclusions d’une enquête sérieuse sur cet incident et la compagnie a continué à faire voler le même avion.
L’accident d’avion de cette semaine est le fait d’un appareil de l’âge de ses pilotes, acquis auprès de la compagnie nationale roumaine Tarom, pour une bouchée de pain, d’autant qu’il ne pouvait plus voler dans le ciel européen pour cause de non-satisfaction aux normes sécuritaires. Son état était déplorable. Encore une fois, nous recyclons tous les rebuts d’Europe, avec des «venant de France» ou des «France au revoir» tels réfrigérateurs, véhicules, machines de toutes sortes et d’objets ou de vieux matériels hors service et comble, jusqu’aux avions, sans aucun égard pour la vie des passagers. L’hécatombe sur nos routes du fait de bus et autres véhicules dont la circulation est refusée en Europe, est déjà fort éloquente. N’a-t-on pas vu le véhicule du Président Macky Sall prendre feu en juillet 2019, à Nguéniène, au moment des obsèques du regretté Ousmane Tanor Dieng ? La rumeur avait voulu que la voiture avait été achetée en seconde main, mais on saura qu’elle avait été acquise neuve, même si elle avait fait l’objet d’une transformation par un opérateur belge. Le diagnostic et le rapport d’audit avaient révélé qu’une des plaques de la carrosserie a été surchauffée et avait entraîné un courtcircuit. La présidence de la République a été finalement remboursée après une longue procédure de 15 mois. Mais d’aucuns voulaient croire à des coups de «sorciers» ou autres pangols !
En effet, chaque gouvernement promettait dans ses professions de foi «plus jamais ça», après les innombrables drames de la route, et aucune leçon de sagesse n’a été tirée du naufrage du bateau «Le Joola» en septembre 2002, qui a été l’une des plus douloureuses catastrophes des transports maritimes de l’Histoire. L’Etat du Sénégal se permet d’acheter des hélicoptères d’occase qui tombaient comme des pierres, faisant de nombreux morts à Missirah (voir notre chronique du 8 octobre 2019) ou la société de transports publics, Dakar Dem Dikk, qui met des bus recyclés en circulation. Rien d’étonnant car le Président Abdoulaye Wade avait acheté un avion de commandement, un avion Airbus abandonné par son homologue français Nicolas Sarkozy. C’est donc le cas de ce Boeing de Transair, affrété par Air Sénégal pour un vol en direction de Bamako. On se rappelle la série de pannes ayant cloué des avions loués dans de nombreux aéroports africains. Le cas le plus burlesque est celui d’une panne survenue à Douala, en janvier 2024, où les passagers étaient laissés en rade pendant plus de deux jours. L’avion manquait d’une pièce et un autre avion a été affrété pour aller récupérer les passagers et l’équipage. Mais ce deuxième avion tombera en panne et restera lui aussi cloué à Douala. Il avait alors fallu prélever une pièce de l’un des avions pour pouvoir faire décoller l’autre.
Les dégâts occasionnés par le crash du vol HC 301 (nom du code du vol DakarBamako) sont incommensurables. Un tel incident vous ruine ou abime une image d’une compagnie aérienne. Le crash fait de gros dégâts. Des sociétés européennes ont commencé à blacklister Air Sénégal et des passagers, plus d’une centaine de voyageurs prévus sur le vol Dakar-Paris dans la nuit du 9 au 10 mai 2024, s’étaient déportés sur le vol concurrent d’Air France. La saignée risque de se poursuivre, le temps que des conclusions d’une enquête permettent de rassurer la clientèle. Les polices d’assurances idoines auraient été souscrites et Air Sénégal ne devrait pas avoir de crainte de ce point de vue pour couvrir les sinistres.
4 milliards de pertes par mois ! Est-ce perdu pour tout le monde ?
Il s’y ajoute une certaine frénésie observée pour la location des appareils appartenant particulièrement à Transair. On notera qu’il est courant que la compagnie nationale loue pour plusieurs rotations en une journée, des avions de cette compagnie privée. Mieux, tous les vols intérieurs en direction de Saint-Louis sont effectués systématiquement avec ses aéronefs. Mais à chaque fois, de nombreux passagers ont eu à déplorer des situations de frayeur en vol. Les procédures d’affrétement ne sont pas toujours respectées. Des affrétements sont faits sur un simple coup de fil téléphonique, sans les contrôles techniques et de maintenance nécessaires. On invoque à chaque fois des urgences et cela a fini par devenir la règle. Trois avions d’Air Sénégal sont au sol dont un avion ATR cloué à Nouakchott, un avion cloué à Diass et un autre A330 qui effectuait le vol sur New York. Tous ces avions ont des problèmes de moteurs et attendent d’en trouver de nouveaux.
Des avions sont affrétés pour des destinations internationales, structurellement déficitaires. Pourquoi s’obstiner à poursuivre à perdre de l’argent de la sorte ? Sans doute que ce n’est pas perdu pour tout le monde. Air Sénégal se fait renflouer tous les mois à hauteur de 4 milliards sur le budget de l’Etat du Sénégal. Tel est le montant prévu dans la Loi de finances 2024, mais des sources proches du ministère des Finances indiquent que les perfusions dépassent largement ce seuil budgétaire. C’est comme un défi de garder la compagnie en vol. Soit ! Seulement qu’est-ce qui interdirait alors un audit des coûts et des opérations ?
Un projet de fusion Air Sénégal-Transair en péril
La situation de concurrence entre Air Sénégal et Transair semblait montrer à quel point il fallait harmoniser les interventions. Les deux compagnies desservent Ziguinchor quotidiennement et sont également en concurrence sur les lignes vers Praia, Conakry et autres. Le Directeur général d’Air Sénégal, Alioune Badara Fall, du temps où il officiait comme Conseiller technique au ministère des Transports aériens, préconisait l’idée de la création d’une filiale d’Air Sénégal appelée Air Sénégal Express. La gestion serait confiée aux dirigeants de Transair. Le modèle voudrait par exemple que la flotte de Transair soit acquise et repeinte aux couleurs de la filiale et s’occuperait de la desserte intérieure et des vols de proximité. Air Sénégal se déploierait sur les autres destinations et travaillerait à rationaliser ses coûts d’exploitation. En effet, précise un expert, «certaines lignes peuvent être très rentables comme le Dakar-Abidjan, alors que les lignes déficitaires provoquent un gap énorme dans l’exploitation, d’où toutes les difficultés de la compagnie nationale». Le schéma, porté jusqu’ici par le Directeur général d’Air Sénégal, aurait séduit le patron de Transair, Alioune Fall (curieuse homonymie me dirait-on). Il reste à savoir si ce crash et l’état de cette flotte ne vont pas le compromettre définitivement. Certaines sources affirment que les nouvelles autorités sénégalaises auraient adoubé le projet calqué sur le modèle de la Royal Air Maroc avec sa filiale Royal Air Maroc Express ou d’Air France avec sa filiale Hop. Au demeurant, les relations de proximité entre le Premier ministre et la compagnie privée auraient pu aider à matérialiser cette idée. En effet, Ousmane Sonko avait choisi de ne prendre que des vols de Transair sur l’axe DakarZiguinchor du temps où il était dans l’opposition. Cette préférence a pu laisser nourrir la rumeur d’une proximité des dirigeants de Transair avec les dirigeants de Pastef. Est-ce cela qui expliquait le fait que le régime de Macky Sall n’encourageait pas trop les activités de Transair ? Il reste qu’il appartiendra au gouvernement de se montrer intransigeant pour situer les responsabilités dans cet accident et engager toutes mesures qui permettront d’éviter qu’Air Sénégal ne continue d’être un gouffre à milliards.
Post scriptum : Bravo à Diomaye et Sonko de ne pas persister dans l’erreur
Les autorités gouvernementales ont très vite pris la mesure des dégâts que pouvait provoquer la mesure annoncée le 28 avril 2024 par l’architecte Pierre Goudiaby Atepa, de suspension unilatérale des chantiers de construction sur la Corniche de Dakar. C’est ainsi que le tandem Diomaye-Sonko a fini par autoriser les promoteurs et autres propriétaires à poursuivre leurs travaux. On doit les féliciter pour cette humilité et les encourager à plus de vigilance quant à des conseils a priori désintéressés, mais qui pourraient avoir des relents de conflits d’intérêts ou de petits règlements de comptes. En effet, un des plus grands promoteurs immobiliers frappés par la mesure de suspension des chantiers nous a confié son étonnement devant cette mesure brutale, après qu’un proche du nouveau régime n’a pas pu lui imposer de lui confier un marché de suivi de ses chantiers
par Alymana Bathily de SenePlus
OMAR BLONDIN DIOP, IN MEMORIAM, ENCORE
EXCLUSIF SENEPLUS - Témoignage de l'engagement et des intuitions géniales de ce compagnon trop tôt disparu. Une figure majeure mais trop peu connue de la lutte anticoloniale
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 12/05/2024
Samedi 11 mai 2024, 51e anniversaire de son assassinat. Je n’arrive pas à parler de mort tout simplement, même si on n’en a toujours pas établi les circonstances.
Les éditions Jimsaan de Felwine Sarr ont saisi la date. Pour se joindre à la cérémonie d’hommage et de prières que la famille et les amis d’Omar organisent chaque année, en ce jour. Pour aussi présenter au public la biographie écrite par un jeune historien franco-canadien de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Florian Bobin, sous le titre « Cette si longue quête ».
J’ai été invité par Felwine Sarr pour parler de notre héros avec l’auteur, en compagnie de Dr Dialo Diop, frère cadet d’Omar et pour répondre aux questions du public.
J’ai souligné qu’Omar Blondin Diop avait été un intellectuel de haut vol, ce dont on ne parle pas assez. Ce qui n’est pourtant pas étonnant puisqu’il avait été formé dans les établissements d’élite français : lycée Montaigne, lycée Louis Legrand puis École Normale Supérieure de Saint Cloud.
J’ai rappelé qu’il projetait de soutenir une thèse sur Spinoza dans le sillage de son professeur Louis Althusser qui avait ouvert la voie à la recherche sur la relation entre le jeune Marx et Spinoza. Ce qui fera école plus tard en France et partout en Europe. Mais à l’époque, quand Omar s’y intéressait, le sujet ne faisait pas encore l’objet de recherches.
J’ai fait référence aussi à deux intuitions intellectuelles fulgurantes d’Omar : celle relative à son « projet de théâtre urbain » et celle sur la musique et sa consommation. A propos de son projet de théâtre, il écrivait : « Notre théâtre sera celui de la vie … ». « Rétablir le contact avec le peuple à partir de son expérience quotidienne, de son histoire et de son langage… », était un autre mot d’ordre de son manifeste.
J’ai suggéré que cette intuition d’Omar semblait avoir résonné comme en écho auprès de Ngugi Wa Thiogo qui allait expérimenter quelques années plus tard, au début des années 1970, avec ses collègues de l’Université de Nairobi, le Théâtre Itinérant Libre.
« Le vrai langage du théâtre africain ne se trouve qu’auprès du peuple, surtout de la paysannerie, dans sa vie, son histoire et ses combats », écrira l’écrivain kenyan.
L’autre intuition intellectuelle étonnante d’Omar est esquissée dans ce texte intitulé « Esthétique de la destruction outre atlantique. Du développement de la nouvelle musique populaire » qui date de juillet-décembre 1968. Il l’introduit ainsi : « de la musique, on peut dire ce qu’Arthaud disait de la drogue, certains s’en servent pour guérir, d’autres pour en jouir… ».
Il y a encore ceci : « la musique pop est donc une entité hybride : elle est à la fois une industrie (mass-medium) et un lien culturel où on rencontre des individus qui se caractérisent par la communauté d’âge… ». Suivent des pages lumineuses sur « la mise en condition du public par les mass media », la filiation de la musique pop avec le rock n’ roll et le rythm and blues, la création du « public » et de « l’audience ».
On croirait entendre Stuart Hall et les théoriciens des media studies de l’Université de Birmingham qui pourtant, ne feront école qu’à partir des années 1980. L’un des mérites du livre de Florian Bobin, c’est d’avoir révélé toutes ces fulgurances intellectuelles d’Omar. D’autant que l’introduction de Boubacar Boris Diop a très bien mis l’homme en perspective.
Au sortir du panel, j’ai pourtant ressenti une certaine frustration avec l’impression de n’avoir pas dit l’essentiel sur mon compagnon. Comme toujours quand je parle de lui. Je me suis dit que j’aurais dû dire seulement qu’Omar Blondin Diop était en fait comme nous tous de cette génération qui a eu autour de vingt ans à la fin des années 1960. Nous ressentions tous cette humiliation de laissés pour compte de l’histoire que le lycée et l’université nous rappelait insidieusement. La révolution était pour beaucoup d’entre nous le seul horizon, le seul espoir.
Omar était seulement plus renseigné sur la réalité du monde, plus structuré, plus intelligent donc plus conscient de la domination et du racisme de la France et de l’Occident, et plus meurtri. Plus sensible et plus courageux certainement. C’est cela qui explique son destin d’étoile filante.
PAR THOMAS DIETRICH
IL N'Y A PAS DE BASE SECRÈTE FRANÇAISE AU BÉNIN
La télévision publique du Niger a utilisé (et tronqué) un de mes reportages pour faire croire qu’il y aurait une base secrète de militaires français au nord du Bénin. Macron ne déstabilisera pas le Niger depuis une base secrète au Bénin qui n’existe pas
La télévision publique du Niger a utilisé (et tronqué) un de mes reportages pour faire croire qu’il y aurait une base secrète de militaires français au nord du Bénin.
Sauf qu’il y a plusieurs problèmes :
1. Mon reportage au nord du Bénin date de janvier 2023, soit six mois avant le putsch contre Mohamed Bazoum. Les militaires français présents à Kandi n’avaient donc pas pour objectif de déstabiliser le pouvoir nigérien, à l’époque très francophile. Les soldats hexagonaux sont de plus partis de Kandi en février 2023, quelques semaines après mon reportage.
2. Il n’y avait pas de base secrète française à Kandi, et à ma connaissance il n’y a en a toujours pas. Nos soldats étaient casernés dans un coin du camp militaire béninois de Kandi. Là où les autorités béninoises et françaises ont probablement menti, c’est sur le rôle de ces militaires sur place. Officiellement, on a fait croire que ce n’étaient que de simples instructeurs. En réalité, les soldats français ont également fait de l’opérationnel contre les djihadistes, main dans la main avec l’armée locale. Et ça c’est problématique, car les opinions publiques devaient en être informées.
Clairement, Macron ne déstabilisera pas le Niger depuis une base secrète au Bénin qui n’existe pas. Mais cela ne doit pas nous faire oublier que Paris a été prêt à tout pour reconquérir son influence perdue au Niger. Macron a voulu envoyer nos commandos remettre Bazoum au pouvoir (cf Jeune Afrique). Et certains réseaux français ont favorisé,
en août dernier, la création de la rébellion de Rhissa Ag Boula, un ancien bras droit de Bazoum.
Il faut également s’interroger sur les liens très étroits de Paris avec l’autoritaire Patrice Talon, des liens qui eux, ne sont pas une fake news. La France fournit du renseignement et du matériel militaire au régime béninois, officiellement pour lutter contre le terrorisme, mais aussi pour garder le Bénin dans le pré-carré français. Comme l’a révélé Africa Intelligence, l’entreprise hexagonale Atos va même envoyer des drones et un avion surveiller le nord du pays (et donc la frontière avec le Niger), pour le compte de l’armée béninoise, le tout sur financement de l’Union européenne.
Ce que je viens d’écrire ne plaira sans doute pas aux propagandistes des deux camps. Mais même si elle doit prendre l’escalier, la vérité finira par arriver.
La télévision publique du #Niger a utilisé (et tronqué) un de mes reportages pour faire croire qu’il y aurait une base secrète de militaires français au nord du #Bénin.
Sauf qu’il y a plusieurs problèmes :
1. Mon reportage au nord du Bénin date de janvier 2023, soit six mois… pic.twitter.com/jImaPR4NSu
Le Premier ministre sera célébré le 18 mai à Paris pour son leadership. Lors d'une remise de trophée à Paris, l'Union Internationale des Journalistes Africains entend mettre en lumière le parcours de cet homme politique qui inspire les jeunes du continent
(SenePlus) - Le Premier ministre Ousmane Sonko se verra remettre le 18 mai prochain à Paris le Trophée Myriam Makeba de l'Union Internationale des Journalistes Africains (UIJA), a annoncé l'organisation dans un communiqué de presse.
Cette distinction vise à mettre en lumière l'engagement d'Ousmane Sonko «en faveur du développement économique, social et culturel de son pays, ainsi qu'à encourager les créateurs, les inventeurs, les penseurs et les bâtisseurs africains qui partagent sa vision et son dévouement», selon les termes du communiqué.
«Dans un contexte où l'évolution socio-politique de l'Afrique est marquée par l'émergence d'une nouvelle génération imprégnée de valeurs telles que le bon sens, le sérieux et une vision novatrice du développement économique, le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, incarne parfaitement cette dynamique», souligne le texte.
Pour les membres du jury de l'UIJA, cité dans le communiqué de presse, «l'héritage et le message de Myriam MAkeba, icône panafncaniste et humaniste, résonnent de manière particulière dans ce paysage en mutation du continent africain. Ses idéaux de solidarité, d'unité et de progrès inspirer les jeunes leaders africains comme Ousmane SOnko, qui oeuvrent pour un avenir meilleur pour leur pays et pour l'Afrique dans son ensemble.»
C'est donc «avec conviction et reconnaissance» que le trophée portant le nom de la chanteuse et militante sud-africaine décédée en 2008 sera remis à Ousmane Sonko lors de cette cérémonie qui se tiendra le 18 mai prochain à Paris, selon l'UIJA. L'événement célébrera les réalisations du Premier ministre et soulignera l'importance de soutenir les talents émergents en Afrique.
HABIB BEYE, DE LA RÉVÉLATION À L'AMBITION DÉVORANTE
Du franc-parler à l'arrogance, il n'y a parfois qu'un pas que l'ex-international sénégalais semble prêt à franchir. Tout juste libéré de ses fonctions au Red Star, l'ancien capitaine de l'OM clame haut et fort se sentir "prêt pour la Ligue 1"
(SenePlus) - Dans un entretien avec le quotidien sportif L'Équipe vendredi 10 mai 2024, Habib Beye, tout juste libéré de ses fonctions d'entraîneur au Red Star après trois saisons réussies, s'est livré sans détour sur son avenir et ses ambitions. L'ancien consultant vedette de Canal+ entend bien poursuivre son ascension fulgurante dans les bancs de touche.
"Je me sens prêt à aller en Ligue 1", a lâché celui qui fut capitaine de l'OM par le passé, revendiquant une "ambition très élevée". Une déclaration forte qui en dit long sur les nouvelles aspirations de l'entraîneur de 46 ans.
Derrière le verbe haut se cache pourtant une véritable métamorphose chez Beye. "Je suis devenu un réel manager", avoue l'intéressé, qui se décrit comme "devenu autocentré" lors de sa carrière de joueur. "Quand tu deviens entraîneur, il faut te centrer sur les autres, prendre soin de 26 joueurs et de ton staff."
Un apprentissage que le technicien semble avoir parfaitement négocié, à en croire les "messages de remerciement" de ses anciens joueurs qui l'ont particulièrement touché. "Ma plus grande fierté, elle est là", lâche Beye avec une émotion à peine contenue.
Humilité et arrogance, un subtil équilibre
Pourtant, l'homme n'est pas du genre à se décrire comme un naïf débutant. Bien au contraire, son assurance et sa confiance en luitranchent avec les poncifs habituels des jeunes entraîneurs en devenir. "Beaucoup des nouveaux entraîneurs n'ont pas beaucoup d'expérience non plus. Mais bizarrement, j'ai l'impression que cette question-là, on se la pose beaucoup avec moi", relève-t-il avec une pointe d'agacement.
La raison ? Selon Beye, son image médiatique pèserait sur la perception de ses réelles capacités à diriger une équipe au plus haut niveau. "Parce que je suis consultant Canal+ et que les gens font toujours un rapport entre 'OK, c'était un homme de télé qui a pris une équipe de National et l'a fait monter. Mais il ferait mieux d'aller faire deux piges en L2 pour aller en L1'."
Une remise en cause que le principal intéressé balaie d'un revers de manche : "Aujourd'hui, je l'assume, je me sens prêt à aller en L1 et je l'ai démontré dans mon travail."
Un discours offensif pleinement assumé, qui détonne dans le milieu feutré du football français. "Mon métier m'a amené à prendre des positions, sur des sujets parfois très sensibles. Il est difficile aujourd'hui d'avoir un avis tranché sans être perçu comme un donneur de leçons", philosophe Beye.
Vers un choc des ambitions ?
Justement, ses prises de position assumées sur des sujets sociétaux comme le ramadan font debat. "Quand je m'exprime sur le ramadan ou le carême, c'est quelque chose de vécu. [...] Je ne parle pas de choses que je ne vis pas", se défend le Francilien.
Un engagement de tout instant que Beye assume pleinement, persuadé que cela ne devrait pas lui fermer de portes. "Il y a un dirigeant qui peut se dire aussi : 'Ce garçon a une intelligence sur ce sujet qui me plaît'", veut croire celui dont le verbe haut pourrait pourtant refroidir certains décideurs.
Qu'importe, l'ancien consultant affiche la couleur sans trembler : "Je n'ai pas dit à mes conseillers : 'Messieurs, en dessous du top 10, vous ne me parlez pas de ce qu'il se passe'. Ça n'aurait pas de sens." Seul un "vrai projet" de jeu constituerait un frein à ses ambitions pour le technicien qui se plaît à être "à contre-courant" des idées reçues.
Un petit pas pour sa carrière naissante d'entraîneur principal, mais un bond de géant pour ses rêves les plus fous ? Beye ne masque en tout cas pas son désir d'un jour rallier l'Olympique de Marseille, son club de cœur dont il fut le capitaine : "Si l'OM m'appelle, mais j'y vais en courant ! Je n'ai aucun problème à le dire."
Reste à savoir si les prétendants sauront convaincre ce ambitieux qui carbure à la remise en question permanente : "Ce ne serait pas un échec de ne jamais entraîner l'OM, ça voudrait dire que la rencontre n'a jamais eu lieu." Chez Beye, l'ambition ne connaît décidément aucune limite.