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17 février 2025
Développement
PAR Thierno Alassane Sall
AVEC LES MISES EN ACCUSATION SÉLECTIVES, ON EST MAL PARTIS
À quoi sert la Cour des comptes, au budget conséquent et aux pouvoirs importants, si ce n’est pour n’agir de manière sérieuse que sur commande ? Le Sénégal dispose-t-il de contrôleurs vraiment autonomes ?
Le rapport de la Cour des comptes sur l’état des finances publiques conforte ceux qui, comme nous, à la République des Valeurs, avons régulièrement exprimé, de manière insistante, des réserves motivées, tant par des articles de presse qu’à travers des déclarations à l’Assemblée nationale ou en d’autres instances, sur la sincérité des informations livrées par le gouvernement.
Il apparaît au grand jour que notre administration fonctionne presque comme celle du Zaïre sous Mobutu ou de la République Centrafricaine sous Bokassa.
Si ce carnage, érigé en finalité de la gouvernance, a pu prospérer, c’est bien parce que les règles les plus élémentaires applicables aux finances publiques ont été allègrement violées par plusieurs échelons censés assurer les contrôles a priori. Les responsabilités doivent être situées à tous les niveaux, tant publics (directions et services concernés des finances et du budget) que privés (banques), et les sanctions les plus élevées appliquées.
Il reste que ce rapport suscite une incrédulité chez nombre de citoyens, car la Cour des comptes a, de manière régulière, donné le quitus au gouvernement : la dernière fois en date concerne l’exercice 2022. Le projet de loi de règlement 2023 avait même été inscrit à l’ordre du jour de la dernière session extraordinaire de la 14e législature, avant d’être retiré in extremis, pour des raisons encore plus évidentes aujourd’hui.
La question qui se pose est de savoir à quoi sert la Cour des comptes, au budget conséquent et aux pouvoirs importants, si ce n’est pour n’agir de manière sérieuse que sur commande ? Existe-t-il donc, dans ce pays où les risques liés au dérapage des finances publiques sont élevés, comme en de nombreux pays d’Afrique, des instances de contrôle a posteriori vraiment indépendantes ?
Cette question se pose également pour l’Assemblée nationale, qui a voté à l’aveugle les lois de règlement, sans jamais se donner les moyens de soulever le couvercle de la marmite gouvernementale, qui exhalait déjà des odeurs sulfureuses. Il est temps, comme je l’ai demandé il y a quelques jours à l’Assemblée nationale, que cette institution se réinvente et s’approprie la plénitude de ses missions constitutionnelles.
Autrement, ce rapport n’aura servi que de faire-valoir à une commande du nouvel exécutif, qui, naturellement, n’acceptera pas de faire preuve de la même transparence lorsque le temps viendra de solder ses propres comptes. Déjà que, pour la gestion du régime passé, un tri sélectif des dossiers se déroule sous nos yeux. Des personnalités ayant accepté de se rallier au nouveau régime bénéficient d’une coupable clémence, alors même que des rapports de corps de contrôle les incriminent.
Tant que tous les présumés fautifs ne seront pas traités avec le même battage médiatique et la même rigueur judiciaire, la justice n’aura pas été exercée. L’histoire des deux premières alternances nous apprend en effet que la traque des biens mal acquis s’est souvent soldée par des règlements de comptes à grand fracas, sans que les deniers réputés détournés n’aient été recouvrés.
Cette fois également, avec les mises en accusation sélectives, on est mal partis.
par Abdoul Aziz Diop
DES ORIGINES DE L’IDENTITÉ TRANSGRESSIVE ET DE SES ÉRUPTIONS
Sorti de son dilemme, la Cour des comptes a-t-il fait sortir le citoyen lambda du sien depuis cinq mois au moins ? Seuls les vrais patriotes, loin des jeux politiques, oseront dire : « Place aux besoins du peuple, non à la vengeance politique ! »
Depuis le 2 avril 2024, il ne se passe rien dans les allées du pouvoir et au sommet de l’État qui devrait surprendre ou estomaquer les justiciables que nous sommes tous. Deux dates, pas plus, suffisent à nous rappeler qu’ayant fait semblant de n’avoir rien vu et entendu, nous serions plus honnêtes avec nous-mêmes en trouvant « normal » aujourd’hui ce que nous considérions comme « normal » en août 2016 et mars 2021 pour n’avoir été qu’un petit nombre à nous indigner par la parole et l’écrit.
Le 29 août 2016, le « décret portant révocation sans suspension des droits à pension d'un fonctionnaire » stipule en son article premier que « Monsieur Ousmane Sonko, Inspecteur des Impôts et des Domaines principal de 2e classe 2e échelon (…) est révoqué sans suspension des droits à pension pour manquement à l'obligation de discrétion professionnelle prévue à l'article 14 de la loi n°61-33 du 15 juin 1961 ». L’alinéa 1 dudit article est on ne peut plus claire puisqu’« indépendamment des règles instituées dans le Code pénal en matière de secret professionnel, tout fonctionnaire est lié par l’obligation de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les documents, les faits et informations dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ».
À son actif et à sa décharge, le législateur fait interpréter la disposition explicite par différents codes dont le Code général des Impôts et des Domaines auquel le fonctionnaire révoqué était tenu de se conformer dans l’exercice de ses fonctions. Que dit le Code ? En son alinéa 1 l’article 601 du Code général des Impôts et Domaines fait savoir expressément que « sous réserve de l’obligation qui leur est imposée par le Code de procédure pénale, les agents des Impôts et des Domaines intervenant dans l’assiette, la liquidation, le contrôle ou le recouvrement des impôts, droits, taxes et redevances, sont tenus, dans les termes de l’article 363 du Code Pénal, de garder secrets les renseignements de quelque nature qu’ils soient, recueillis dans l’exercice de leur fonction ».
Ce n’est que « lorsqu’une plainte régulière a été portée par l’Administration contre un assujetti et qu’une information a été ouverte, [que] les agents des Impôts et Domaines sont déliés du secret professionnel, vis-à-vis du juge d’instruction qui les interroge sur les faits faisant l’objet de la plainte ». À supposer que le révoqué ne s’était pas imprégné de tout ce qui est dit plus haut, Ousmane Sonko aggrave son cas à la parution de son livre intitulé « Solutions : Pour un Sénégal nouveau » (Compte d’auteur, 2018) dans lequel (Chapitre II), il dit accueillir sa « radiation » avec « soulagement car, écrit-il, j’avais moi-même entrepris le projet de sortir de l’Administration qui, après quinze ans (…) devenait une contrainte pesante pour mes activités politiques, du fait du corset de sujétions ». Celui qui aurait dû démissionner, préféra une première opération transgressive grâce à laquelle il accéléra son ascension dans un contexte où le calme plat céda la place à la surenchère politique correspondant, en quelque sorte, à une demande d’agitation démocratique par l’opinion à quelques mois de l’élection présidentielle de février 2019.
La suite, bien connue, se passa de commentaire jusqu’à la survenue, le 2 mars 2020, du premier cas de Coronavirus au Sénégal. Le pays venait de rentrer dans le tourbillon de la pandémie de Covid-19. L'état d'urgence assorti d'un couvre-feu nocturne de 21H00 à 05H00 est instauré le 5 janvier 2021 pour les régions de Dakar et Thiès où se concentre la grande majorité des contaminations. La mesure est reconduite pour un mois le 20 janvier. Le samedi, 20 février 2021, le gouvernement du Sénégal annonce une prolongation pour un mois du couvre- feu nocturne. En clair, cela veut simplement dire qu’à compter du 20 février 2021, et ce jusqu’au 20 mars 2021, interdiction est faite aux populations des régions de Dakar et de Thiès de circuler de 21H00 à 05H00. En droit facile, le but de la mesure avait été de permettre aux Forces de défense et de sécurité (FDS) de protéger les populations de la grave crise sanitaire à laquelle faisait face le monde entier. C’est le moment choisi par Ousmane Sonko pour sortir nuitamment de chez lui, violant le couvre-feu et attestant par là même du second acte transgressif d’où découlent les déferlements de violences sans précédent de mars 2021 et de juin 2023.
À deux reprises, la violation de la loi égale pour tous dévoile l’identité transgressive d’un opposant politique encore loin du contrôle du pouvoir. Celui-ci lui tomba entre ses mains en avril 2024 puis, en guise de renfort politique, en novembre 2024 quand furent connues les tendances lourdes du scrutin législatif anticipé du 17 novembre 2024.
Pour obtenir la majorité écrasante dont il ne se sert depuis le début de la quinzième législature que pour lever l’immunité parlementaire des députés de l’opposition, Ousmane Sonko démarre prématurément sa campagne électorale par un point de presse pour informer l’opinion nationale et internationale des dérives et errements financiers dont les gouvernements de l’ancien président Macky Sall sont déclarés coupables par le Premier ministre, le même homme. Énième transgression de la loi qui fait que « la responsabilité de la Cour des Comptes est de réaliser l’audit du rapport sur la situation des finances publiques produit par le gouvernement, conformément au Code de Transparence dans la Gestion des Finances publiques et à la loi organique n°2012-23 du 27 décembre 2012 sur la Cour des Comptes ».
Mais jamais auparavant, la Cour des comptes n’a fait face au dilemme cornélien, l’obligeant à choisir entre le gouvernement en validant son rapport et le Premier ministre Ousmane Sonko dont les chiffres sur le déficit public, l’encours de la dette (principal augmenté des intérêts) et la disposition des ressources publiques en général par l’État faussaire du Sénégal ont déjà fait le tour du Sénégal, des zones UEMOA et CEDEAO, du reste de l’Afrique et du monde, rendant notre pays intérieurement, bilatéralement et multilatéralement infréquentable à la suite d’une cascade de dégradations sans précédent. Résultat des courses : le 12 février 2024, la Cour des comptes fait buzz, et pour longtemps encore, en démultipliant dont son rapport d’audit les griefs faits à notre administration faussaire par le nouveau chef même de ladite administration. Sorti de son dilemme, la Cour des comptes a-t-il fait sortir le citoyen lambda du sien depuis cinq mois au moins ? Pas du tout à l’analyse !
Le grand dilemme citoyen
Lorsque le rapport d’audit de la Cour des comptes nous est tombé entre les mains, nous avons parcouru les pages qui feront encore faux et mauvais débat jusqu’à la fin du mois de février 2025 au moins, en consultant la table des matières. Stupéfié par ce que nous avons lu, nous en faisons l’économie en cinq images dont celle de la page de garde dans un post publié sur notre page LinkedIn et intitulé : « La Cour des comptes a parlé : la messe et la prêche sont dites. » Déception au bout de 19 heures : pas plus de 1344 impressions, attestant du faible intérêt pour le post.
Constatant l’absence des signatures du président de la Chambre des Affaires budgétaires et financières de la Cour et du Greffier à la fin du rapport de la haute juridiction, nous en faisons état dans un deuxième post publié sur le même réseau professionnel LinkedIn. Explosion : plus de 18319 impressions au bout de 19 heures comme pour dire à qui veut l’entendre que dans cette affaire Ousmane Sonko, suspecté de mensonge d’État et considéré comme structurellement incompétent, ne peut en aucun cas avoir gain de cause. N’en déplaise à la très consciencieuse, la très compétente et la très respectable Cour des comptes.
Frappé de stupeur, l’enseignant, homme politique exceptionnel et ancien député Samba Diouldé Thiam écrit, dans un court article publié dans les colonnes de Le Public Quotidien, daté du 13 février 2025, que « la Cour a rendu une copie conforme. J'avais déjà exprimé les hypothèses qui attendaient cette Très Honorable Dame (TDH) prieuse et veilleuse sur l'usage des ressources publiques : contredire Sonko qui n'avait aucune qualité politique légale pour rendre public l'état de nos finances ou le [conforter] ». La sentence de notre magnifique aîné dans la vie et en politique, Samba Diouldé Thiam - cet homme bien - se passe de commentaire : « On ne vous en veut pas, simplement notre pays continue d'avoir très mal, la haine du vaincu vaut bien la peine que l'on punisse le Sénégal, en dégradant sa belle gueule d'exception sénégalaise. » Titre explicite de l’article : « La Cour des Comptes a produit un document commandité publiquement par le Premier ministre et maître du destin des sénégalais(es). »
« Maître du destin des sénégalais(es) » ! Pas autant que cela à notre grand soulagement. C’est que la croissance exponentielle (voir courbe en illustration d’article) des impressions, dans un post demandant à la Cour des comptes de faire signer son rapport d’audit en ligne sur son site par son président de chambre mandaté et son greffier, en dit long sur le ras-le-bol prématuré d’une opinion désabusée.
Des origines d’une identité transgressive aux instants du grand désaveu populaire de la transgression permanente, bien malins sont celles et ceux, mus par le seul amour du Sénégal, loin des tracas et combines politiciennes, qui sauront se faire entendre en disant simplement : « Stop, c’est le temps du Sénégal qui a faim et soif et non de la justice des vainqueurs ! »
Par Henriette Niang KANDE
CUPIDON A-T-IL (ENCORE) RATÉ SA CIBLE ?
En amour comme en politique, les promesses sont une constante. Ces petites phrases magiques qui électrisent les urnes, font briller les yeux, émouvoir les cœurs. Mais, comme disait si bien Charles Pasqua, "les promesses n'engagent que ceux qui y croient"
Aujourd’hui c’est la Saint-Valentin… Un grand moment (ce n’est pas le seul bien sûr !) pour (re) déclarer son amour. Mais, ce jour peut être également, l’occasion de se poser, sans téléphone, ni distraction pour discuter. Discuter vraiment pour ranimer la flamme avant qu’elle ne devienne un tas de cendres froides. Dans une romance démocratique, eh bien, c’est pareil. Parce qu’un couple, c’est comme un jardin. Si on ne l’arrose pas, il devient un terrain vague
Depuis toujours, comme les hirondelles annoncent le printemps, les promesses (amoureuses ou électorales) fleurissent. Les candidats rivalisent d’imagination pour séduire leur cible, qui, naïve mais fidèle, se laisse prendre au jeu ou retourne aux urnes à chaque scrutin, quand il s’agit d’élections. Une fois installés les élus, qu’ils soient du cœur ou politiques semblent atteints d’une mystérieuse amnésie : les promesses s’évaporent plus vite qu’un verre d’eau en plein désert. Mais qu’importe, quelques années plus tard, on remet ça !
En politique, une fois le bulletin glissé dans l’urne, la magie opère… dans l’autre sens. Les engagements sont vite oubliés, et les électeurs, mi-amnésiques, mi-résignés, attendent patiemment le prochain tour pour se faire rejouer la même comédie. Finalement, on se dit que c’est un peu comme les soldes : on espère toujours faire une bonne affaire, mais on repart souvent avec un produit défectueux.
Souvenez-vous, il y a onze mois, c’était l’euphorie. Des files d’électeurs devant les bureaux de vote, des débats animés dans les grand’ places, sur les plateaux de télévision, sur les affiches ou les tags peints aux murs, il n’y avait que des déclarations d’amour. « L’avenir, c’est nous » ! « Changement ! «, « Rupture » ! « Oust, les voleurs de la République ». Les électeurs, lassés des vieilles figures et des rengaines habituelles, avaient cru en ce souffle nouveau. Ils ont voté comme on tombe amoureux : avec le cœur et un soupçon d’aveuglement. Il y a presqu’un an, le gouvernement et une très grande partie des électeurs formaient un joli couple, plein d’espoirs et de belles intentions. Aujourd’hui, on pourrait croire que Cupidon avait une flèche en plastique.
La lune de miel avait commencé par une rotation synchrone : 54% d’électeurs parfaitement alignés. Mais voilà, qu’un certain frémissement s’invite, révélant des zones d’ombre. Le décalage du romantisme s’amorce : hier passion, aujourd’hui discussion sur les choix. Court-on le risque de l’effacement de la pleine lune de miel des premiers jours, pour assister à … une éclipse et à la désillusion ?
Il faut dire que onze mois, c’est à la fois très long et très court. Suffisamment long pour commencer à regretter certaines décisions ("Pourquoi j’ai choisi ce type ? Il ne mérite pas mon vote"), mais trop court pour que la fameuse clause de "c’est moi, pas toi" fasse son entrée dans les discours. Il n’a pas fallu longtemps pour que le vernis commence à craquer. Le premier signe ? Les petites cachotteries. Les réunions à huis clos, les décisions prises en douce, en faveur des « enfants d’avance » (doomu jiitlé) ou de leurs familles, sécurisés par une ceinture d’immunité, et indemnisés ou secourus (c’est selon), qui se sont « sacrifiés » pour que le Projet-mariage soit célébré, légalisant un arbitraire de faveurs dispensées selon des critères où le lancer de cocktails-molotovs et la bave aux lèvres ont importé davantage que la compétence. Oubliant (ignorant plutôt, par manque de culture générale) cette recommandation de Chamfort : « il faut être juste avant d’être généreux ». Il y en a un à qui on avait reproché d’avoir mis le coude sur des dossiers « sensibles ». Concernant ceux d’aujourd’hui, ce sont des corps qui sont affalés sur des dossiers, les couvrant entièrement de leurs corps et d’une totale discrétion. Passons surles relations « incestueuses » à travers des conventions, entre deux ministères d’un même gouvernement. Les citoyens, jusque-là patients, ont commencé à lever un sourcil en voyant l’émergence vestimentaire et économique, de quelques-uns qui enflent, donnant l’impression que le pays a donné naissance à un « nouveau modèle de baudruches ». Puis les annonces contradictoires sont arrivées, comme un mauvais jeu de ping-pong..
Prenons le cas de Soda Marème, citoyenne impliquée. Lors des lives, et autres prises de parole de son leader, elle était sous le charme de ce « guerrier qui n’avait peur de rien ni de personne » et qui avait tout pour plaire : une belle éloquence, des slogans accrocheurs et une collection de casquettes qui donnaient envie de lui faire confiance. « Je l’ai écouté et je me suis dit : « Ça, c’est un homme pour qui je pourrais voter les yeux fermés. Son discours lumineux éclairait même le soleil. C’est la raison pour laquelle, même quand le « complot » a fait qu’il n’a pas pu être candidat, j’ai voté sans sourciller pour celui qu’il nous avait indiqué. Eh bien, je n’aurais pas dû ! », soupire -t-elle devant le fond d’un bol de thiébou dieune, qui ne l’était que de nom. Car depuis l’élection, le « guerrier » semble avoir oublié une promesse sur deux, et le « takko inattendu », qui tenait la chandelle sans jamais avoir pipé mot, est dépassé parles « mesures ambitieuses » devenues « complexes », et manque d’oxygène pour cause de « marge de manœuvre » étroite.
En amour comme en politique, les promesses sont une constante. Ces petites phrases magiques qui électrisent les urnes, font briller les yeux, émouvoir les cœurs. Mais, comme disait si bien Charles Pasqua, « Les promesses n'engagent que ceux qui y croient ». Une formule d’une vérité crûment ironique, un clin d’œil aux désillusions que la réalité réserve souvent à nos espoirs les plus fous. Alors, pourquoi continue-t-on d’y croire ?
Promettre, c’est un peu comme vendre un produit miracle. Ça ne coûte rien, c’est facile à emballer et, surtout, ça fait rêver. Prenez un politicien, par exemple. Lorsqu’il vous promet des loyers et les produits de grande consommation en baisse, une éducation gratuite pour tous et la fin des enchevêtrements mécaniques autour des ronds-points de Dakar, il sait très bien qu’il est en train de peindre un arc-en-ciel dans le ciel gris des soucis quotidiens. Mais, au fond, il se dit que personne n’irait probablement pas lui demander des comptes une fois élu ou nommé. C’est là toute la beauté de la promesse : elle est fugace, éphémère, et son expiration est toujours bien trop floue pour être contrôlée.
Et nous, pauvres récepteurs de ces déclarations enivrantes, que faisons-nous ? Eh bien, nous croyons. Pourquoi ? Parce que l’espoir est un antidote puissant à la morosité ambiante. Nous croyons toujours mordicus, que cette fois-ci, ce sera différent. Que la nouvelle mesure économique nous rendra riches. Que le formulaire à remplir sur le site d’un ministère ou d’un service public nous aidera enfin à voir notre projet financé. Nous croyons, parce que croire est une gymnastique mentale qui permet de supporter le poids de nos déceptions passées.
Le hic, c’est que les promesses ont un ennemi juré : la réalité. Celle-ci a une fâcheuse tendance à venir poser ses gros sabots sur nos rêves les plus doux. À ce moment-là, la belle promesse se transforme en un souvenir évasif, voire en une blague entre amis : « Tu te souviens quand ils avaient dit qu’ils allaient résoudre les problèmes en deux mois ? ». (Rires gênés). Mais, attention, n’accablons pas trop vite ceux qui promettent : ils avaient peut-être sincèrement envie d’y croire eux aussi ! Il parait que cela s’appelle le « syndrome du regret démocratique », un mal qui touche en général les citoyens dès que leurs élus commencent à prendre des décisions. C’est un classique.
Alors, que faire ? Arrêter de croire en tout ? Certainement pas. Mais peut-être adopter un soupçon de scepticisme, ce petit recul salvateur qui permet de prendre les choses avec une pointe de légèreté. Et si, un jour, quelqu’un promet monts et merveilles, on a le choix. Soit répondre avec un sourire complice : « Je t’ai entendu… mais laisse-moi voir poury croire vraiment ». Soit appliquer ce vieux dicton qui enseigne qu'il ne faut pas tirer sur une ambulance. Mais quand les brancardiers en profitent pour faire des bras d'honneur à la portière, on aurait tort de se gêner… On le leur rend. Tout simplement. Parce, si malgré tous les efforts, l’amour est en soins palliatifs, la plus belle preuve de maturité est de reconnaitre que c’est fini. Même si, lors de prochaines élections, il reste toujours qu’on peut tomber en amour de candidats pleins de promesses qu’ils oublieront six mois après !
Une chose est sûre. Il y en a ce soir, à l’image de Soda Marème, qui préfèreront rester célibataires. Ce 14 février s’annonçant sous le signe d’un diner en tête-à-tête …avec un malaise.
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LA GRANDE RÉFORME DES FINANCES PUBLIQUES
"Chaque franc dépensé devra être justifié". Le gouvernement a dévoilé ce jeudi, un plan de transformation radicale de sa gouvernance financière, allant de la digitalisation au contrôle renforcé, en passant par la responsabilisation individuelle
(SenePlus) - Suite à la publication d'un rapport critique de la Cour des comptes sur la gestion de la dette et du déficit budgétaire pendant la présidence de Macky Sall (2019-2024), le ministre des Finances sénégalais Cheikh Diba a présenté ce jeudi 13 février 2025 un vaste programme de réformes visant à redresser la gouvernance financière du pays.
Dans une déclaration qui marque un tournant dans la gestion des finances publiques sénégalaises, le ministre a dévoilé un plan structuré autour de trois axes majeurs, témoignant d'une volonté de transformation profonde du système.
Le premier axe concerne le renforcement du contrôle budgétaire et la modernisation des processus. "Cette modernisation permettra d'améliorer la qualité et la fiabilité des données financières, de faciliter leur accessibilité et d'assurer la sincérité des comptes publics", a souligné le ministre Diba. Une innovation majeure sera l'introduction d'un système d'information intégré pour la gestion des finances publiques, accompagné par la nomination d'un agent comptable dédié au suivi des projets financés sur ressources extérieures.
Le deuxième volet de la réforme s'attaque à la gestion de la dette publique, un point particulièrement sensible relevé dans le rapport de la Cour des comptes. "Le retour à l'orthodoxie en matière de gestion de la dette par une centralisation des fonctions de négociation, d'utilisation et de gestion de la dette publique" constituera le pilier de cette transformation, selon les termes du ministre. Cette centralisation vise à résoudre les problèmes liés à la dispersion actuelle des compétences dans l'administration de la dette.
Le troisième axe met l'accent sur la transparence et l'efficacité. Une innovation significative sera "l'instauration d'une déclaration de responsabilité personnelle de tous les agents impliqués dans la production de l'information financière", a précisé le ministre.
Dans un discours empreint de gravité, le ministre Diba a insisté sur l'importance historique de ces réformes : "Il ne s'agit pas d'un simple exercice de constatation, mais du début d'une transformation profonde et irréversible de la gouvernance financière au Sénégal". Il a notamment souligné que "chaque franc dépensé doit désormais être justifié" et que "chaque engagement budgétaire doit être optimisé".
"Nous devons cette rigueur aux Sénégalais. Nous devons cette transparence à nos partenaires. Nous devons cette exemplarité à l'histoire", a-t-il conclu.
LE MALAISE CHEIKH DIBA
Son silence prolongé sur l'audit des finances publiques, alors même qu'il en a été l'interlocuteur principal auprès de la Cour des comptes, soulève des interrogations. Le ministère des Finances voit son pouvoir décisionnel se réduire
Le ministre des finances et du Budget a été le principal interlocuteur de l’équipe de la mission d’audit de la Cour des comptes sur les finances publiques sur la gestion 2019-2024. Malgré les révélations du Premier ministre, Cheikh Diba s’est jusque-là gardé de commenter en tout cas publiquement la gestion du régime précédent avec qui il a collaboré.
Silence radio! Jamais un ministre des Finances au Sénégal n’a été en retrait sur un dossier qui concerne les finances publiques. Malgré cette polémique qui tient le Sénégal en haleine depuis le 26 septembre 2024 avec l’annonce du Premier ministre qui, lors d’une conférence du Gouvernement, avait révélé des « maquillages de chiffres » par le pouvoir sortant, Cheikh Diba a brillé par son silence. Il s’est jusque-là gardé d’évoquer le sujet. En tout cas, pas en public. Pourtant le Sénégal l’attendait sur l’état des lieux des finances publiques commandité par le régime en place qui venait juste d’égrener 5 mois au pouvoir. Car, il a eu à occuper sous le régime de Macky Sall, l’influente direction de la Programmation budgétaire au ministère des Finances. Mais, en lieu et place de l’argentier de l’Etat, c’est le chef du gouvernement qui s’y est collé. Cheikh Diba n’était même pas à la table du gouvernement qui se livrait, selon les termes du Premier ministre, à un exercice de vérité. Ousmane Sonko était accompagné de « l’alter égo » du ministre des Finances et du Budget en l’occurrence le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr.
Ousmane Sonko était aussi entouré des ministres de la Justice et de l’Enseignement supérieur. Cette absence qui ne cesse de soulever de questions traduit-elle un malaise ? La prééminence du ministère des Finances au sein du gouvernement semble se rétrécir de plus en plus. En effet, le Premier ministre l’a dépouillé d’une de ses missions. Ousmane Sonko a décidé de centraliser toutes les dépenses d’investissements. Désormais, toutes les dépenses de l’Etat doivent être validées par le locataire du petit Palais.
Vers un isolement progressif de Cheikh Diba
Toujours est qu’il a été le principal interlocuteur de la Cour des comptes pour l’élaboration de l’audit. D’ailleurs, c’est Cheikh Diba, par ses services, qui a préparé le rapport qui a été envoyé, le 18 septembre 2024, à la Cour pour certification. C’est pourquoi, après la publication du rapport d’audit, le ministre des Finances et du Budget sera encore attendu. Va-t-il briser le silence aujourd’hui lors de la conférence de presse annoncée par le gouvernement ?
En tout cas, cité par le chroniqueur de Walfadjri, Pape Sané dans un scandale portant sur 8 milliards de Fcfa, il a, devant l’Assemblée nationale, tenue une sortie qui s’apparente à des adieux. En tout cas, en attendant qu’il soit blanchi par la Justice, les révélations portées contre lui jurent d'avec les principes sur lesquels le régime en place s’est engagé. D’ailleurs, lors d’une sortie, quelques jours après son installation, le chef de l’Etat avait appelé les membres du Gouvernement à « être irréprochables ».
« Si l’un d’entre nous, en toute responsabilité et en toute connaissance de cause, décide, dans l’intimité de son bureau, de transgresser, il ne peut entraîner personne dans une solidarité gouvernementale. Ce n’est pas notre rôle et nous devons tous le comprendre. Ce sont des choix et ils doivent être assumés par leurs auteurs», avait fait valoir le Président Bassirou Diomaye Faye. En tout état de cause, le ministre des Finance semble être à l'étroit dans ce gouvernement où il est plus perçu comme un résidus de l'ancien régime.
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
CHEIKH ANTA DIOP, UN BATISSEUR
EXCLUSIF SENEPLUS - La constitution d’un État africain continental permettra de mettre à terre la mascarade des indépendances. C’est une proposition concrète pour faire de l’Afrique le continent majeur du 21ème siècle
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 13/02/2025
Un État fédéral, un des leviers de la renaissance africaine
Les travaux de recherche de Cheikh Anta Diop présentent toujours une réflexion d’une étonnante actualité pour notre monde contemporain. L’unité africaine reste au cœur de nos interrogations pour bâtir l’épanouissement de notre continent.
Dès 1952, Cheikh Anta Diop posait la question de la création d’un État fédéral d’Afrique noire qu’il associait étroitement au panafricanisme dans une démarche scientifique, politique, historique et culturelle.
Compte tenu des enjeux planétaires et en nous appuyant sur les écrits et la pensée de Cheikh Anta Diop, nous exposerons les raisons de bâtir un État fédéral d’Afrique noire constituant ainsi un des axes de la renaissance africaine.
Pour cela, il est important dans un premier temps de dresser un schéma historique de la formation du monde noir pour ensuite décliner les ressources stratégiques et politiques du continent africain.
Origine et histoire du monde noir
L’expérience scientifique a démontré que l’Afrique est le berceau de l’humanité et que les peuples africains, partis de la région des grands lacs, se sont glissés dans le bassin du Nil. « Aux temps proto-historiques, ils créèrent la civilisation soudanaise nilotique et la civilisation égyptienne. »
Ainsi, les peuples africains ne sont pas issus d’autres peuples mais représentent bien la première civilisation du monde. La puissance des empires d’Afrique est à cette époque éclatante, l’opulence des cités commerçantes révèle un luxe incroyable. Les habitants étaient des « africains authentiques noirs » et la culture négro-africaine a rayonné dans le monde avec une vitalité insufflant des visions religieuses et philosophiques issues de l’Égypte pharaonique.
L’éclatement de ces empires s’opère d’abord au 16ème siècle par l’arrivée des Portugais puis au 19ème siècle avec l’occupation de l’Afrique par l’Europe entière.
Il est aujourd’hui possible, par les travaux des chercheurs, de relire l’histoire de l’Afrique, d’exhumer l’organisation sociale, administrative, judiciaire, les conditions d’enseignement, la technologie, les mœurs, les coutumes pour restaurer la conscience historique.
L’unité de l’histoire ainsi reconstituée peut mener le peuple africain à une unité géographique, économique, philosophique, sociale et culturelle.
L’unité linguistique
Un autre aspect important à souligner est l’unité que représentent les langues africaines par leur système linguistique.
Au moment des grands empires, les langues africaines constituaient le corpus d’échange de l’administration au commerce, l’arabe étant, même après l’islamisation, une langue religieuse et intellectuelle. Avec l’arrivée de l’Europe au 19ème siècle, les langues africaines ont été marginalisées.
Pour parvenir à construire un État fédéral africain, sur la base d’une unité historique, économique et géographique, il faudra reconstituer notre unité linguistique, en faisant le choix de langues africaines appropriées tournées vers la modernité et les piliers de notre culture.
Prenons l’exemple du Sénégal, nous avons pu démontrer la parenté qui existe entre le wolof, le sérère, le peulh et le diola. L’étude des lois linguistiques démontre que l’unité est plus récurrente que les particularismes de chaque langue. Cela repousse tout micro-nationalisme et rassemble au lieu de diviser.
Un autre argument qui a son importance, et les dirigeants doivent s’en préoccuper de manière urgente, la majorité des populations ne maîtrisent pas les langues européennes, considérées comme les langues officielles des États. Ainsi, les populations sont injustement marginalisées sur les questionnements d’ordre institutionnel, politique et démocratique. C’est en cela qu’il est urgent de faire émerger les langues nationales.
Le moment venu et une fois fait le choix d’une langue africaine adaptée, celle-ci devra être enseignée dans le secondaire, dans le supérieur, les manuels rédigés dans cette même langue, devenant ainsi un support fondamental de notre culture moderne.
Pour parvenir à cette unité linguistique, les chercheurs africains, appuyés par les États et leurs dirigeants, doivent mener des activités de recherche efficientes, refusant la facilité intellectuelle et œuvrer pour la renaissance culturelle et linguistique du continent noir.
Unité politique et fédéralisme
Pour en finir avec les micros-États dictatoriaux, éphémères, affaiblis par les intérêts personnels des dirigeants, le continent africain doit entamer « son destin fédéral ». Construire des liens fédéraux, c’est abandonner les liens artificiels des anciennes colonies. Le cas de l’Afrique de l’Ouest représente un potentiel économique majeur, supérieur à la France et à l’Angleterre réunies. Proposons une voie concrète pour mener à une fédération des États africains en réponse à la souveraineté locale qui est une constitution déséquilibrée issue de la colonisation.
Choisir une gouvernance fédérale permettrait de sauvegarder les intérêts particuliers des régions et l’unité africaine.
Bien que l’Occident dise le contraire, l’Afrique est un continent de vide démographique. Le continent doit se repeupler car il possède des sources d’énergie naturelles, des matières premières et des vivres suffisants pour nourrir et entretenir sa population.
Pour délimiter les frontières de cet État fédéral noir, on peut naturellement s’inspirer des frontières historiques des anciens empires africains et en particulier de la situation géostratégique de l’Afrique de l’Ouest.
La nouvelle stratégie
La constitution d’un État africain continental moderne permettra de mettre à terre la mascarade des indépendances qui n’a créé que de la division entre les régions.
Les responsables politiques et les intellectuels doivent être en mesure de dégager des perspectives pour l’Afrique et ce de manière désintéressée et sincère. Être honnête intellectuellement, moralement et animé d’un idéal dégagé de sa propre réussite sont les conditions nécessaires à la réalisation d’un État fédéral d’Afrique noire.
Bicaméralisme
S’appuyant sur notre histoire et celle de l’Égypte pharaonique en particulier, il faut redonner à la femme « une place de choix » et l’associer à la direction des affaires sociales et politiques. Restaurer le bicaméralisme ancestral sur une base moderne, c’est redonner à notre patrimoine culturel un mode efficace de l’élément féminin au service des nations.
Les sources d’énergie
Celles-ci sont nombreuses et présentes un peu partout sur le continent. S’appuyant à la fois sur les mines naturelles et les technologies, elles placent l’Afrique noire au centre énergétique du monde : l’énergie hydraulique, l’énergie solaire, l’énergie atomique avec la présence de gisements importants d’uranium, l’énergie éolienne et l’énergie marémotrice.
Telles sont les ressources énergétiques de l’Afrique noire. Leur utilisation par les africains eux-mêmes et en transformant les matières premières que possède le continent, « permettrait de faire de l’Afrique noire un paradis terrestre. »
La concentration des sources d’énergie permet de dégager huit zones naturelles à vocation industrielle : le Congo, le Gabon, le Nigeria et le Cameroun, le Ghana et la Côte d’Ivoire, la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia, la zone tropicale (Sénégal, Mali, Niger), le Soudan nilotique, les Grands lacs, l’Éthiopie, le bassin du Zambèze et l’Afrique du sud
Pour mener à bien l’exploitation de ces ressources et les échanges intercontinentaux, il est également capital de construire et de développer des axes de communication solides (routes, réseaux autoroutiers, voies de chemin de fer, liaisons aériennes, équipements importants pour les transports maritimes : cargos, pétroliers, bananiers).
Un dernier point essentiel pour la renaissance du continent est la formation exigeante des cadres techniques. Il est indispensable de placer les cadres africains dans des conditions de réussite et de responsabilités. De même qu’il faut s’attacher à l’entretien durable de nos constructions et de nos infrastructures, dans un environnement dynamique de développement et d’investissements fiables.
Nous appuyant sur les données historiques, sociales, culturelles et politiques du continent, il est important de comprendre que cette construction du développement continental doit être envisagée dans un esprit d’unité fédérale des États. Les avancées momentanées des micros-États ne constituent pas une force suffisante face aux enjeux stratégiques, économiques et politiques mondiaux.
Cette analyse de la situation du continent africain représente le cœur du développement pour une meilleure connaissance de notre patrimoine, de nos ressources, de nos potentiels, pour le moment toujours assiégés par les puissances occidentales.
Ce n’est pas une utopie de croire à la construction d’un État fédéral d’Afrique noire dans le cadre de la renaissance africaine, c’est une proposition concrète pour faire de l’Afrique le continent majeur du 21ème siècle.
Bibliographie :
Diop, Cheikh Anta, Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique noire, éditions Présence Africaine, Paris, 1974 (réédition).
par Abdoulaye Sène
LA PÊCHE ARTISANALE FACE AU MIRAGE PÉTROLIER SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - GTA-Ahmeyim et Sangomar caractérisés par des études d'impact lacunaires. L’exploitation des hydrocarbures, présentée comme levier de croissance, reste une chimère pour les communautés locales, sans garanties pour la pêche
Pêche artisanale en mer, pétrole et gaz offshore au Sénégal : illusions et perspectives de développement
L’Afrique de l’Ouest est favorisée par des conditions climatiques et écologiques exceptionnelles dotée de zones marines et côtières les plus poissonneuses du monde. Les eaux maritimes y ont une grande productivité biologique du fait de phénomènes de remontée des eaux profondes riches en nutriments à la base de la chaîne alimentaire marine. L’abondance de ressources halieutiques est ainsi une des caractéristiques majeures de la région.
L’espace couvert par les sept (7) États membres de la Commission sous-régionale des pêches[1] (CSRP) est de 1,6 millions de km2 et le littoral s’étend sur près de 3500 kms. La population totale de ces États avoisine 32 millions d’habitants dont 70% vivent près de la côte. La pêche dans ces pays est un secteur de la plus grande importance, en constituant le quart de l’activité économique. Elle pourvoit à la création d’emplois, à l’alimentation et aux exportations des pays de la sous- région.
Selon l'ONU et la FAO, la plupart des grandes ressources halieutiques sont déjà largement surexploitées. Les spécialistes prédisent, qu’au rythme actuel, il n’y aura plus de poisson dans le monde en 2048. Il faut exercer la pleine souveraineté et prendre des initiatives hardies au niveau des Etats de la sous-région et dans les organisations régionales de gestion des pêches.
La situation de la pêche maritime artisanale
Un ensemble de pratiques de pêche remettent en cause la survie de la pêche maritime artisanale : chalutage, pêche des petits poissons pélagiques (pêche minotière), pêche INN et la surexploitation des ressources halieutiques démersales et hauturières.
Le poisson au Sénégal constitue plus de 70 % des apports en protéines animales. Cependant, la pêche artisanale, qui joue un rôle crucial dans la sécurité alimentaire du pays, est menacée par de multiples facteurs : les ressources sont mises à mal par la prolifération des pirogues, l’augmentation de l’effort de pêche et l’insuffisance des moyens de contrôle de l’État notamment l’installation croissante d’usines de fabrication de farines et d’huiles de poisson. Ce contexte met en péril les moyens de subsistance des communautés côtières. De Saint-Louis à Kafountine, en passant par Dakar et Kayar. De ce fait, les communautés locales se mobilisent.
A la faveur de l’industrie gazière et pétrolière, les pêcheurs artisanaux réclament l’érection d’une zone tampon transfrontalière avec la Mauritanie. Si les pêcheurs artisanaux à Sangomar et Jatara font des incursions dans les zones des plateformes pétrolière et gazière, ce n’est pas pour pêcher des petits poissons pélagiques.
La pêche INN
La pêche sénégalaise voit ses ressources halieutiques s’épuiser rapidement. Cette raréfaction s’explique par plusieurs facteurs : l’augmentation de la demande mondiale de poisson, des accords de pêche avec des pays tiers, une surexploitation et une pêche non réglementée (INN).
La pêche est en crise depuis 1990 dans la sous-région en raison de la surpêche, une exploitation abusive par les pêcheurs artisans, les pêcheurs industriels mais surtout la présence très inquiétante de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (Pêche INN). « En Afrique de l’Ouest, la pratique de la pêche INN est désastreuse et destructive pour l’économie maritime et l’écosystème de la région. Il faut le voir pour le croire. Les bateaux restent en mer durant des années et ne vont jamais dans les ports de la sous-région. Ils effectuent des transbordements illégaux de leur pêche à d’autres bateaux, bénéficient de l’avitaillement et des rotations d’équipages en mer. (Tafsir Malick NDIAYE, 2010) ».
La pêche INN est très organisée et ne respecte aucune législation des Etats côtiers. Les bateaux pirates développent impunément leurs activités, ils échappent toujours au contrôle. Les Etats n’ont pas les moyens d’asseoir une véritable police des pêches et que les eaux sous leur juridiction ne sont pas surveillées.
« Les chalutiers attrapent tous les poissons disponibles sans considération d’espèces protégées ou de normes de sécurité. Ils détruisent les filets des pêcheurs artisans locaux, cassent leurs pirogues et mettent leur vie en danger. Ils détiennent des filets lourds qui vont draguer l’océan détruisant l’habitat marin mais surtout les nurseries pour les juvéniles ; ce qui empêche les poissons de se reproduire. (T. M. Ndiaye, 2010) »
En matière de la loi sénégalaise, les ressources halieutiques des eaux sous juridiction constituent un patrimoine national. Le droit de pêche dans les eaux maritimes sous juridiction sénégalaise appartient à l’Etat qui peut en autoriser l’exercice par des personnes physiques ou morales de nationalité sénégalaise ou étrangère. La gestion des ressources halieutiques est une prérogative de l’Etat.
L’obligation de débarquement s’avère être une arme redoutable dans la lutte contre la pêche illicite.
L’aquaculture et les usines de farine de poisson
Les petits poissons pélagiques qui constituent l’essentiel de l’alimentation des Sénégalais, sont massivement transformés en farine de poisson, ce qui aggrave la surexploitation des ressources. En effet, entre 3 et 5 kg de poisson produisent 1 kg de farine de poisson. Ainsi, les ressources halieutiques, au lieu d’être destinées à l’alimentation humaine locale, partent vers les élevages de poissons carnivores et d’autres animaux comme les volailles ou les porcs dans des fermes d’élevage à l’étranger. Il y a un véritable boom de l’aquaculture à l’échelle mondiale (Chine, Norvège et Turquie), qui entraîne une demande accrue de farines de poisson, issues principalement de petits poissons pélagiques comme les sardinelles.
L'aquaculture constitue une réponse aux besoins croissants de poisson et à la surpêche. En 2022, 94,4 millions de tonnes de poissons et animaux de mer sont issus de l'aquaculture, un chiffre en augmentation régulière alors que les chiffres de la pêche de capture restent globalement stables autour de 92 millions de tonnes. Les trois principaux exportateurs sont la Chine continentale (12 %), la Norvège (8 %) et le Vietnam (6 %)22.
L'aquaculture reste dépendante de la pêche dans la mesure où 11 % de la masse des poissons sauvages pêchés dans le monde servent de nourriture aux poissons d'élevage.
L'aquaculture est présentée comme une réponse aux besoins croissants de poisson et pour mettre fin à la surpêche. Le boom de l’aquaculture à l’échelle mondiale, notamment en Chine, en Norvège et en Turquie, entraîne une demande accrue de farines de poisson, issues principalement de petits poissons pélagiques comme les sardinelles.
En augmentation constante depuis le début des années 2000, la production aquacole a dépassé la production halieutique pour la première fois en 2022, représentant près de 51 % de la production totale de produits de la mer, selon les chiffres de l’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) figurant dans le rapport sur la situation mondiale des pêches et de l’aquaculture (2024).
La part de l'aquaculture dans la production totale d'animaux aquatiques a augmenté de 4% en 1970 à 51% en 2022. L'Asie concentre 70% de la production en 2016. Un peu plus de la moitié (57,7 %) des fermes sont en eau douce et élèvent des carpes et des tilapias. L’aquaculture fait aussi de l’élevage marin (saumon, thon, daurade, mollusques et crevettes) et la production de plantes aquatiques.
L'aquaculture, qui est préconisée par l’industrie et les pouvoirs publics, est une solution illusoire et une fausse promesse. D’abord, elle a besoin des ressources halieutiques comme aliment pour nourrir sa production, ensuite son coût économique, social et environnemental n’est pas viable pour se substituer à la pêche maritime artisanale. C’est une illusion de voir l’aquaculture nourrir les populations sénégalaises. C’est seulement un complément à la pêche maritime artisanale devant la surpêche et la surexploitation des ressources halieutiques. C’est la pleine souveraineté sur nos mers qui peut permettre à la pêche maritime nationale (artisanale et industrielle) de remplir sa fonction d’alimentation des populations sénégalaises.
Les qualités nutritionnelles du poisson d'élevage sont parfois inférieures à celles du poisson sauvage, comme c'est le cas du saumon d'élevage, qui contient souvent moins d'oméga-3 que le saumon sauvage.
L'aquaculture a contribué au développement ou à la circulation de maladies qui sont redoutées des aquaculteurs en raison des pertes qu'elles peuvent occasionner.
La pêche minotière
Il faut signaler la présence de la pêche minotière dans nos côtes ; la pêche minotière est une pêche industrielle et artisanale intensive destinée à alimenter les filières industrielles par des petits poissons pélagiques (alevins et juvéniles) de faible valeur commerciale, que l'on transformera en farines et huiles de poisson principalement pour l'aquaculture. La pêche minotière se pratique avec des filets à petites mailles qui capturent de grandes quantités de poissons, principalement de petits pélagiques ; elle n'est pas sélective. Sa zone de prédilection est le Chili, Pérou, Chine, Japon, États-Unis, Danemark. Elle compense l'effondrement des stocks de poissons sauvages d'intérêt commercial.
La pêche minotière, par opposition à la pêche alimentaire, est spécialisée dans la capture d’espèces transformées en farines, en huiles par les usines de réduction. On l’appelle aussi « pêche à finalité industrielle » (Carré, 2006). Elle est pratiquée artisanalement sous la forme de « pêche migrante » entre le Sénégal et la Mauritanie.
Cette « pêche migrante » est le fait de la pêche minotière artisanale et industrielle que les accords de pêche bilatérale entre le Sénégal et ses voisins favorisent. Après le chalutage qui a dévasté les habitats et les fonds marins, c’est autour de la demande minotière de ravager les petits poissons pélagiques. Ces espèces sont capturées par la senne tournante de la pêche migrante et de la pêche industrielle étrangère.
Il faut arriver à la réduction drastique de l’effort de pêche des sennes tournantes ; il faut réviser les accords de pêche Mauritanie-Sénégal jusqu’alors réservés exclusivement aux sennes tournantes.
Quant au Sénégal, les captures des petits pélagiques fluctuent selon les années et avoisinent les 300 000 tonnes en moyenne sur la période 2009 – 2018 avec une tendance linéaire à la hausse. La production la plus faible a été enregistrée en 2010 avec 266 900 tonnes alors que la plus élevée fut en 2016 avec 339 900 tonnes.
« Les gouvernements mauritanien, sénégalais et gambien doivent soutenir l’élimination de la capture de poissons sauvages à des fins d’alimentation aquacole et animale. Toute aquaculture dépendante de poisson sauvage ne devrait plus recevoir aucune subvention ou autre mesure de soutien gouvernementale » CCFD, Terre solidaire, 2024.
Les usines de farines de poisson menacent la sécurité alimentaire et mettent en danger la pêche maritime artisanale (pêcheurs, transformateurs-trices, mareyeurs). Elles sont une cinquantaine en Mauritanie et moins d’une dizaine au Sénégal.
La pêche minotière est une forme d’activité qui contribue au phénomène de surpêche. La lutte contre la surpêche et la pêche illicite vont à l’encontre du développement de l’aquaculture. Il faut comprendre que l’aquaculture est fortement dépendante de la surpêche, de la production de farine de poisson et de la pêche INN.
Au Sénégal, les organisations de la société civile (Adepa, Apapram, Conipas, etc.) autour de de la pêche artisanale luttent contre l'utilisation de poissons sauvages dans les chaines d'approvisionnement de l'aquaculture car les usines de farines de poisson menacent la sécurité alimentaire.
La pêche maritime artisanale est en danger face aux usines de farine de poisson mais également elle subit la menace née de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières récemment découvertes au Sénégal et en Mauritanie.
Pétrole et gaz offshore
Au moment où le monde s’éloigne d’une économie à forte intensité de carbone, l’Afrique est en passe de devenir un géant des hydrocarbures.
Les transitions vers les énergies propres progressent et la structure de l’économie chinoise évolue, la croissance de la demande mondiale de pétrole ralentit.
C’est dans cette écorégion ouest-africaine que sont concentrées les flottilles de pêche industrielle qui défient au quotidien la pêche artisanale jusque dans ses derniers retranchements. Avec la poursuite de l’exploitation pétro-gazière, la survie de la pêche artisanale se pose à terme et les conflits iront crescendo. Il est inacceptable que la pêche artisanale soit délogée de nos mers puisque des communautés entières en vivent.
Depuis 2001, pratiquement toutes les zones côtières et marines, y compris des zones primordiales de biodiversité, des zones de pêche clés et des sites de tourisme importants ont été divisés en blocs ouverts aux activités d’exploration pétrolières et gazières.
La découverte au Sénégal du gisement pétrolier de Sangomar (ex SNE) en 2014 puis celui du gaz naturel de Grand Tortue/Ahmeyin (GTA) en 2016 suscite beaucoup d’intérêt et d’espoir certes, mais mérite d’attirer une attention particulière quant à sa mise en valeur.
Si les développements de Sangomar (pétrole) et de GTA-Ahmeyim (gaz) se poursuivent, les communautés locales et nationales ne recevront probablement pas les avantages économiques promis, mais devront subir les dommages environnementaux et économiques. L’exploitation des hydrocarbures, prétendument source de croissance et de développement pour les nations, ne sont que de fausses promesses d’amélioration économique pour les communautés locales et nationales si on ne tient pas compte des conditions d’exercice des activités de la pêche. Les communautés locales font beaucoup de sacrifices pour recevoir le développement pétro-gazier et doivent également faire face à la réparation des dommages causés aux écosystèmes et aux populations. Le développement pétrolier/gazier proposé ne produira pas les avantages économiques promis si nous n’exerçons pas la plénitude de notre souveraineté énergétique et maritime.
Le pétrole de Sangomar
Le pétrole de Sangomar est exploité dans une région maritime qui présente les caractéristiques suivantes: (i) la zone est écologiquement sensible du fait des caractéristiques de ses écosystèmes très riches en biodiversité ; (ii) la dépendance socioéconomique des populations par rapport au milieu naturel est très forte et (iii) les populations sont très inquiètes de l’exploitation pétrolière et gazière au vu de ses potentielles répercussions sur le milieu marin et les écosystèmes du delta de Saloum qui sont déjà très éprouvés du fait du changement climatique et de la pression anthropique. Zone érigée en site Ramsar, le delta du Saloum est une nurserie de classe exceptionnelle ; sa préservation est de mise.
C’est un projet national qui a un impact transfrontalier avec la Gambie et dont les répercussions s’étendent jusqu’en Guinée Bissau.
L’exploitation pétrolière en cours va naturellement avoir des conséquences négatives substantielles sur l'économie locale, l'environnement et qui sont de nature à menacer la cohésion et la stabilité sociale des communautés du delta du Saloum et au-delà.
De surcroît, le delta du Saloum subissait déjà une dégradation sensible, liée aux actions de l’homme, qui impactent la mangrove, la pêche et leurs activités connexes, ressenties par les communautés locales.
L’exploitation pétrolière est source de dégradation des écosystèmes du delta du Saloum. Elle entraîne aussi la détérioration de l’environnement marin par les pollutions dues au trafic des navires, des rejets d’hydrocarbure etc., qui impliquent la baisse de la production halieutique. Les conséquences seront constatées non seulement sur les activités socio-économiques et les activités connexes mais également sur la dégradation de la santé des populations et la valeur monétaire de perte de la biodiversité et des habitats naturels.
L’exploitation du champ Sangomar offshore se fait à près de 90 km des côtes sénégalaises. Cette localisation du site dans la zone économique exclusive du Sénégal peut amener à présager que l’impact le plus probable s’avère être une pollution localisée en haute mer, suite à un déversement de pétrole en tête de puits. En réalité, une opération de production pétrolière implique un processus long et complexe susceptible de générer de la pollution à chaque étape.
C’est le trafic maritime qui est la principale cause de pollution liée au pétrole au niveau mondial (413.100 tonnes). La deuxième source la plus polluante est constituée des activités terrestres (140.000 tonnes) et c'est la production offshore qui représente la plus petite source de pollution.
L’exploitation des hydrocarbures comporte des risques sécuritaires énormes et une série de coûts sociaux et environnementaux présents et futurs, directs et indirects, qui doivent être comparés aux bénéfices qu'ils apportent. Le risque le plus redouté dans l’industrie pétrolière est la marée noire du fait de son ampleur et de ses conséquences socio-économiques et environnementales.
En cas de pollution suite à un incident ou accident d’exploitation, les écosystèmes aquatiques et terrestres pourraient être affectés, ce qui causerait des dommages sur les espèces. Les coûts liés aux marées noires pourraient être bien pires que les attentes actuelles et les messages de l’industrie. L’émission des gaz à effet de serre, méthane (gaz très dangereux) et gaz carbonique, peut survenir à tout moment (éruption de puits, explosion de plateforme, déchets des eaux de production).
L'exploitation pétrolière offshore du champ de Sangomar pose un risque significatif pour la pêche artisanale.
Le gaz GTA-Ahmeyim
Projet transfrontalier, GTA-Ahmeyim se situe sur une zone de pêche Jatara ; elle est un récif corallien traditionnellement fréquenté par les pêcheurs de Saint Louis. C’est un projet d’intégration économique entre la Mauritanie et le Sénégal. Jatara fait partie d’une dizaine de sites de pêche qui a survécu à la dévastation du chalutage de fonds marins par la pêche industrielle.
Le champ gazier qui présente des réserves estimées à 450 milliards de m³ est situé dans des formations rocheuses sous le fond marin situé à 125 km des côtes et couvre une surface totale réputée égale à 9 463 km².
Elle abrite une installation flottante appelée FPSO (unité flottante de production, de stockage et de déchargement) et une plateforme à environ 35-40 km de la côte pour le prétraitement du gaz et l’élimination des liquides du gaz.
Le risque de collision entre les pirogues des pêcheurs et les navires de soutien qui sortent des zones d'exclusion de sécurité est présent en permanence. Il y a aussi l’impact qui porte sur la perte d’équipement de pêche pour les pêcheurs artisanaux et l’interférence entre les mouvements des navires avec les filets de pêche artisanale.
La superposition des zones de pêche et des sites d’exploitation gazière met en relief les menaces qui pèsent sur l’activité de pêche. Les zones de pêches sont occupées par l’industrie gazière avec l’érection d’une zone d’exclusion de 500 m de rayon. La perte des pêcheries au profit du développement des activités d’exploitation gazière accompagne les conflits d’usage de l’espace et des ressources halieutiques.
Il faut également noter le rétrécissement de la zone de pêche ; ce qui ne préserve pas l’Aire Marine Protégée (AMP) du fait des incursions fréquentes des pêcheurs.
La perturbation de l’environnement marin et côtier, l’altération des écosystèmes marins et côtiers et la perte de la biodiversité marine constituent des impacts négatifs.
Le gaz et le pétrole constituent un facteur d’insécurité maritime.
Expériences négatives d’ailleurs et faiblesses dans la gestion environnementale et sociale
La littérature foisonne d'exemples malheureux des dégâts causés par l'industrie pétro-gazière en Afrique et dans le monde développé : États-Unis, Gabon, Ouganda, Nigéria, etc. La promesse de bénéfices économiques est une fausse promesse : les arguments de l’industrie et de ses partisans que l’exploration et le développement des hydrocarbures sont porteurs d’amélioration en apportant plus d’emplois et de revenus plus élevés pour les populations, des investissements dans les soins de santé, les écoles et autres services sociaux et publics ; elle est chimérique.
Les bénéfices du développement pétrolier/gazier proposé iront aux riches (au Sénégal mais principalement dans d’autres pays), laissant les membres des communautés locales, et en particulier les pauvres, faire face aux dégâts laissés derrière eux.
La littérature mentionne que l’exploitation des hydrocarbures génère une série de coûts économiques, sociaux, environnementaux et culturels présents et futurs, directs et indirects, négatifs qui doivent être comparés aux bénéfices qu'ils apportent.
Dans la sous-région, le Nigeria, premier producteur de pétrole africain, est aussi le pire pays en termes de pollution pétrolière. La région la plus touchée est le delta du Niger.
Après plus d’une décennie de mise en valeur de Gadiaga (Forteza Corporation), le constat laisse penser que les ressources naturelles qui devaient être exploitées pour l’amélioration des conditions de vie des populations dont elles appartiennent selon la constitution du Sénégal, sont devenues source d'aggravation de leur précarité.
Les études d’impact réalisées pour GTA-Ahmeyim et Sangomar comportent des insuffisances notoires au plan de gestion environnemental et social ; il faut déplorer l’absence d’études des coûts environnementaux, sociaux, économiques et culturels dans les études de faisabilité.
Compte tenu de ces manquements, il est diligent d’empécher la poursuite de l’exploitation du pétrole sur les autres sites pressentis dans l’écorégion ouest-africaine tant que les effets environnementaux ne soient pas bien circonscrits et maitrisés dans une optique de la préservation des intérêts des communautés des pêcheurs.
Au demeurant, il n'est pas trop tard pour prendre les devants en renforçant la résilience des populations face aux effets du changement climatique et en favorisant une gestion plus durable des écosystèmes et de la biodiversité du delta du Saloum.
La demande mondiale de pétrole ralentit. La pollution climatique a des impacts négatifs partout dans le monde, en particulier dans les pays tropicaux, sur le PIB, les revenus et l’emploi. Ces impacts négatifs s’intensifient avec la poursuite des émissions de gaz à effet de serre. Quels que soient les impacts immédiats et directs du développement pétro-gazier sur les travailleurs, les entreprises et l’économie du pays, les impacts négatifs des changements climatiques les annuleront.
Le coût des énergies renouvelables, y compris l’énergie solaire, a chuté si rapidement qu’elles constituent déjà aujourd’hui la forme d’énergie la moins chère. Cette tendance ne fera que consolider la transition vers l’abandon des combustibles fossiles au cours de la prochaine décennie. Il n’existe aucun argument économique valable contre le passage rapide des combustibles fossiles polluants à des sources d’énergie plus propres.
L'exploitation pétrolière, tout en étant potentiellement lucrative, peut avoir des conséquences négatives substantielles sur l'économie locale, l'environnement, et la société. Il comporte également des risques budgétaires.
En effet, opérer une exploitation de gisements d’hydrocarbures ou d’autres ressources minérales qui soit économiquement rentable, socialement équitable et écologiquement tolérable est quasi impossible. De ce fait, les pouvoirs publics, quand ils décident de valoriser ces ressources, doivent renforcer leur vigilance dans la gestion environnementale et réviser leurs modes de gouvernance de manière à garantir aux populations une vie décente dans un environnement sain, pour éviter les tensions sociales.
Les pêcheurs artisans constituent la force des communautés côtières et l’aquaculture artisanale (même industrielle) ne saurait tenir lieu et place des pêcheurs artisans. La défense de la pêche maritime artisanale est un impératif pour sauvegarder les droits humains, sociaux et culturels, environnementaux et économiques des communautés locales et nationales. L’aquaculture une illusoire promesse de reconversion des pêcheurs artisans. Il faut doter les pêcheurs d’un armement moderne pour éviter les conflits avec l’industrie pétrolière, stopper l’émigration clandestine, la perte de la biodiversité, l’insécurité et la piraterie.
Toute catastrophe, qui découlerait de la production du gaz ou du pétrole, aura ainsi un impact transfrontalier considérable sur les écosystèmes et les communautés dans cette région. Aucune plateforme pétrolière n’est à l’abri de marée noire causant des dégâts environnementaux, économiques et sociaux considérables.
Il faut renforcer le cadre de gestion de l’exploitation pétrolière et gazière en impliquant davantage les populations et en leur tenant un langage de vérité.
C’est la pleine souveraineté sur nos mers qui peut permettre à la pêche maritime nationale (artisanale et industrielle) de remplir sa fonction d’alimentation des populations sénégalaises.
La renégociation des contrats d’hydrocarbures est souhaitable pour notre souveraineté énergétique et l’exigence d’une pêche maritime durable pour défendre les communautés côtières, les pêcheurs artisanaux et l’environnement.
El hadj Bara Deme et Pierre Failler, « La pêche migrante au Sénégal, en Mauritanie et Gambie : un mécanisme d’approvisionnement des industries de farine de poisson », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], 23-1 | Avril 2023, mis en ligne le 03 avril 2023, consulté le 31 décembre 2024.
Tafsir Malick Ndiaye (2010), la pêche illicite non déclarée et non réglementée en Afrique de l’Ouest
[1] Il s’agit du Cap Vert, la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone. La CSRP est une organisation intergouvernementale ayant pour mandat la règlementation des Pêches des États membres.
Par Aliou Gabou Cissé, Ma Serigne Dièye & El Hadji Farba Diop
HABITER ET PANSER LE SINE
Il faut s’inspirer d’un New Deal Citoyen où le Sine sera au carrefour d’initiatives audacieuses et porteuses de progrès, avec un accent mis sur le savoir, le savoir-faire et le savoir-être ; un retour à la source par l’appropriation culturelle
Aliou Gabou Cissé, Ma Serigne Dièye & El Hadji Farba Diop |
Publication 13/02/2025
« La conscience de soi est en soi et pour soi quand et parce qu’elle est en soi ; c’est-à-dire qu’elle n’est qu’en tant qu’être reconnu. » - Hegel, Phénoménologie de l’esprit, 1941.
Le développement ne se rêve pas, il se crée ! Cette assertion devrait être inscrite au fronton de toutes les villes sénégalaises, comme pour rappeler aux citoyens, leur rôle fondamental dans le progrès du Sénégal. Cette compréhension des enjeux de l’heure conforte l’idée d’une dynamique sociopolitique qui devra être centrée sur la conscientisation, la formation, l’éducation et la résilience de la jeunesse sénégalaise.
Le véritable défi politique qui a parfois résisté à l’ambition ferme des différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays, a été de résorber la lancinante question du chômage chronique des jeunes, de leur formation et de susciter l’espoir en eux. Dès lors, cette bombe sociale inquiète de plus en plus malgré les alternances consommées, s'appuyant sur les idées et réformes brandies lors les professions de foi, puis consumées, au temps des joutes électorales. La cadence des actions politiques s’est vue freinée par la célérité du progrès démographique qui place le Sénégal parmi les pays ayant une forte population juvénile avec 75% de citoyens âgés de moins de 35 ans, soit un âge médian de 19 ans. De telles statistiques peuvent être perçues autant, comme une opportunité qu’un obstacle, surtout quand on mesure la position socio-économique du pays, qui nous confine parmi les moins avancés avec des indices de développement humain encore très faibles. Ce fait a résisté aux efforts des gouvernements et à la dynamique populaire d’où les tares notées dans la territorialisation des politiques publiques qui devaient servir à polariser des actions de développement appréciables en termes d’impacts socio-économiques, de lutte contre la pauvreté endémique, d’amortissement de la régression de l’économie rurale, et enfin, d’autonomisation des secteurs porteurs de croissance.
Aujourd’hui, pratiquement toutes les villes du Sénégal en pâtissent et tentent de subsister face à la ségrégation spatiale qui privilégie la région de Dakar au détriment de l’interland sénégalais. Ainsi, des zones comme Fatick, longtemps soumis à une léthargie soutenue sur tous les plans malgré le choix populaire fait en 2012, sur l’un de ses illustres fils, Macky Sall, ancien Premier ministre, devenu président de la République du Sénégal. Cette haute distinction n’a pas servi à assouvir la soif d’espérance nourrie par les fatickois en voyant leur édile porté au pinacle de la gouvernance suprême de la République.
Dès lors, après 12 ans de magistère, à la chute de l’ancien régime du fils du terroir, on assiste à une grande désillusion. Celle d’une ville toujours en manque d’infrastructures aux normes, d’une économie chancelante, d’une municipalité aux moyens résolument limités et symptomatique d’un déficit de schéma de gouvernance efficace. S’y ajoutent à cela, les relents de la pression sociale que subit la jeunesse locale, souvent en proie aux débits de boissons alcoolisées florissants, à la drogue circulante, aux infections sexuellement transmissibles (IST) drainées par la prostitution déguisée, et à l’insécurité grandissante. Tout récemment, un rapport du ministère de l’Éducation nationale fait état de plusieurs cas de grossesses précoces notées dans les écoles…
Cependant, ce cocktail nocif dans le Sine cohabite paradoxalement avec un éveil citoyen, un renouvellement de la classe politique et une floraison d’organisations de jeunesses enclines à contribuer à l’effort de développement local dans le continuum des ambitions ratées par les anciens barons locaux sous Macky Sall. Faut-il croire à une réappropriation de l’espace sociopolitique fatickois par la jeunesse intellectuelle ?
« Dis-moi quelle jeunesse tu as, je te dirais quel pays tu auras », ces propos attribués le plus souvent au président Abdoulaye Wade, consacrent une vision claire du rôle fondamental des jeunes dans la construction d’un pays surtout, quand ces derniers sont bien formés et ivres des valeurs de Jom, de Ngor, de Fula et de Fayda.
D’ailleurs, ce mindset (état d’esprit), sine qua non au progrès personnel et collectif, rappelle éloquemment le discours du président Américain John F. Kennedy qui affirmait par excellence : « Ne demander pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais préoccupez-vous de ce que vous pouvez apporter à votre Nation ». Fort de cette idée, et conscient de la réalité tangible à Fatick, l’intellectuel Sine-Sine se doit d’être un citoyen engagé par et pour le changement, à travers la proposition de plans de ruptures et de réformes systémiques. Il ne doit ni prêcher la résignation, ni l’abandon de l’espoir ardent, encore moins adopter une politique de l’autruche face à ses responsabilités. Il doit plutôt pousser à la réflexion, à l’action, à la prospective. La véritable rupture serait donc de poser les jalons à l’aune d’une citoyenneté proactive soucieuse de l’éducation, de l’économie numérique, de l’environnement, de la salubrité publique, de l’entrepreneuriat, du chômage des jeunes, de la sécurité des personnes et des biens, des problèmes de mœurs, etc. C’est clairement une invite à créer les conditions d’un espace scientifique et intellectuel de qualité.
Dans un contexte mondial ponctué de guerres technologiques et /ou politiques, de repli économique et commercial, conjugué à un inconfort au plan national, dû à des marges de manœuvres budgétaires et financières limitées - sous asphyxie des institutions de domination néolibérale - il faut s’inspirer d’un New Deal Citoyen (NDC) où le Sine sera au carrefour d’initiatives audacieuses et porteuses de progrès. Ce sera un progrès endogène avec un accent mis sur le savoir, le savoir-faire et le savoir-être ; un retour à la source par l’appropriation culturelle et historique, et des actions d’envergure économiques, sociales et citoyennes. Cela consiste à convier les acteurs autour du New deal citoyen pour résorber les velléités sociopolitiques et bouter définitivement les raisons majeures du retard ou du moins, de l’appauvrissement de la ville. En effet, les tensions sociales et les blocages politiques souvent observés dans les villes en difficultés sont les reflets d'un manque de dialogue et de coordination entre les différents acteurs (citoyens, élus, entreprises, associations, etc.). Il s’agit donc d’une approche inclusive et participative, en plus d’une invite à la résolution des problèmes structurels qui freinent le développement de Fatick. Les préceptes hérités de la culture africaine particulièrement chez les sérères dont la fonction du Ngel ou Pènc (Agora) en wolof, prédisposent au dialogue, à la concertation sur les choses hautement importantes pour le devenir de la société. Joseph Kizerbo, en brillant historien, affirme à ce propos : « A tous les niveaux, l’Africain était avant tout un être social. Toutes les étapes de la vie étaient marquées par des réunions. C’est pour cela qu’on a parlé du débat permanent africain qui était instauré sous les arbres – la palabre – où chacun avait non seulement la liberté d’expression, mais l’obligation de s’exprimer. »
Ce réflexe culturel s’accommode de l’appel vers un N.D.C permettant d’identifier les priorités et de coconstruire des solutions adaptées aux réalités locales. Qu’en sera-t-il de ce Pèncoo citoyen ?
Allons vers des fora citoyens, des ateliers de réflexion ou les plateformes numériques pourraient servir de tribune d’expression des idées ! Pourquoi ne pas instaurer les Assises du Sine ?
Autant d’approches systémiques qui convoquent une volonté collective forte et un engagement citoyen dont l’objectif serait de bâtir une ville plus juste, prospère et plus résiliente.
Des jalons importants sont posés à travers des initiatives portées par une bonne partie de la jeunesse fatickoise qui œuvre incessamment et de façon désintéressée à la promotion, à la réhabilitation et à la vivification des valeurs citoyennes. La formation, le culte de l'excellence, la solidarité, la promotion du vécu associatif sont les principaux objectifs pour lesquels ils s'investissent. Les actions menées par la plateforme Sine Du Futur ou l'association I'm Talibé sont édifiantes à ce sujet. Elles sont avant-gardistes et agissent pour le futur. L'exaucement de leurs vœux, se reflètera d'ici quelques années, par une jeunesse bien formée, consciente des défis et enjeux de leur époque, redevable à leur terroir et capable de décider pour eux, notamment de choisir - surtout de bien le faire pour ne pas le regretter - leurs dirigeants.
Vivement pour un New Deal Citoyen au Sine !
par Arame Gueye Sène
AIDE AU DÉVELOPPEMENT, LEVIER OU ILLUSION ?
Entre volonté de transformation, dynamiques de dépendance et jeux de pouvoir, la question reste entière : comment construire un modèle où les acteurs locaux ne subissent plus, mais définissent eux-mêmes leur trajectoire de développement ?
À la fin de mes études en économie et sociologie du développement, avec une spécialisation sur les enjeux et pratiques du développement dans les pays du Sud, je ne voulais plus travailler dans ce domaine. Trop de contradictions, trop d’enjeux géopolitiques dissimulés derrière des discours altruistes. Je voyais un écosystème dominé par des logiques d’assistance plutôt que de transformation structurelle, avec des interventions souvent déconnectées des réalités locales et des projets qui disparaissent une fois les financements épuisés.
Je constatais aussi un déséquilibre profond dans la prise de décision : les priorités du développement étaient souvent définies à l’extérieur, par des bailleurs dont les intérêts ne coïncidaient pas toujours avec ceux des populations locales. Loin d’être un levier d’autonomisation, l’aide publique au développement semblait parfois entretenir une forme de dépendance, freinant l’émergence de solutions locales et le renforcement des institutions nationales.
J’étais convaincue que les pays du Sud ne se développeraient pas grâce à l’aide publique au développement, mais plutôt en misant sur leurs propres ressources, en définissant leurs propres stratégies et en repensant leurs modèles de gouvernance.
Pourtant, plus de 10 ans plus tard, j’évolue toujours dans cet univers, au plus près des réalités du terrain. J’ai commencé comme bénévole dans des initiatives locales et des associations, avant de co-fonder Social Change Factory, une organisation engagée pour une jeunesse actrice du changement. Entre-temps, j’ai également travaillé au sein d’ONG internationales et d’agences des Nations unies sur les migrations mixtes et la redevabilité humanitaire découvrant différentes approches et logiques d’intervention.
Et une chose est claire : ce n’est ni blanc ni noir. Et il est impossible de nier que l'aide apporte des solutions. Il est impossible de nier ce que cette aide a permis en terme de vies qui ont été sauvées, d'emplois et d'opportunités qui ont été créés, d'infrastructures permettant un accès à l’eau potable et aux sources d’énergie qui ont été construites et de nouvelles technologies qui ont pu être partagées.
Le développement est une mécanique complexe, où se mêlent besoins réels, stratégies politiques et intérêts parfois contradictoires – qu’ils soient institutionnels ou personnels. Entre volonté de transformation, dynamiques de dépendance et jeux de pouvoir, la question reste entière : comment construire un modèle où les acteurs locaux ne subissent plus, mais définissent eux-mêmes leur trajectoire de développement ?
Quand nous disions récemment dans une tribune collective publiée par Le Monde : « Ne coupez pas l’aide publique au développement, repensez-la » nous ne nous doutions pas que quelques mois plus tard, le gouvernement américain allait décider de suspendre USAID.
Tout cela pose une question essentielle : qui définit les priorités du développement, et dans quel intérêt ? Car, comme le Général De Gaulle le rappelait : "Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts."
Alors, quels devraient être ceux des Africains et Africaines ?
par Juliette Ba
LETTRE À FEU MATAR DIAGNE
Je le vois tous les jours en coaching. Des gens brisés, à terre, complètement vidés, épuisés mais qui sortent de chez eux, "sangssé". Le soutien moral, mental et psychologique ne devrait être ni tabou, ni un luxe
Deukk ak Société bo khamni paraître Moy la norme :
Tu te sens seul.e ?
"Sa yeufou toubabi yi nak ?"
Tu es découragé et déprimé ?
"Yow li nga rewée !"
Tu as des envies suicidaires eh tu t'isoles ?
"Ki da nu koy ligueey khana !"
Et quand au fond du trou tu oses enfin en parler ...
"Mo yow khana da nga guemoul yalla nak !!!"
Li dale Matar moome bettouma tey, bettouma euleuk...
Je le vois tous les jours en coaching. Des gens brisés, à terre, complètement vidés, épuisés mais qui sortent de chez eux, sangssé, tirés à quatre épingles, coiffés, parfumés et qui sourient toute la journée comme si tout allait à la perfection. Paraître di neu rey nitt nak !
Voilà le résultat d'une société ou paraître et faire semblant sont tellement devenus la norme que lorsque tu traverse une zone de turbulences tu n'as pas d'autres choix que de lécher tes plaies dans la solitude et en silence, tel un animal blessé...
Je ne connais que trop bien l'isolement et la solitude ressentis lorsque, au bout du rouleau et sans aucune solution, tu ne peux que t'en remettre à la toute puissance. Seulement voilà, parfois même une connexion avec la religion ou la spiritualité ne suffit pas.
Dans le brouillard de la détresse et la boue d'un quotidien qui te paraît de plus en plus sombre, en finir te semble le seul moyen d'arrêter la souffrance.
Car il faut toujours s'en rappeler. Ceux qui décident de partir avant l'heure veulent en finir avec la souffrance. Et cette impression de gouffre sans fin ...
Seule la capacité à dépasser les "futilités terrestres" libère l'Homme.
Sénégal ak Aduna sakh, kou fi amoul détachement ak lâcher prise do dem.
Do meussa Dem.
Cher Matar, di la Massa wou
Ak di massa wou sa njaboot ak sey mbokk.
Di la baalou akh nak !
De n'avoir pas vu
Ou pas voulu voir
De n'avoir pas su
Ou pas voulu savoir
De n'avoir pas pu
Ou pas voulu pouvoir
J'espère que ton départ et ton livre serviront la cause de toutes les personnes dont la santé mentale nécessite un accompagnement, un soutien, et surtout de la bienveillance ...
Pour avoir fait plusieurs dépression et plusieurs tentatives de suicide, je sais combien un psychologue, un psychiatre, un prêtre, un imam, une meilleure amie, un parent compréhensif peuvent changer la donne...
Pouvoir libérér la parole, vider son sac et son coeur et recevoir de l'amour, de la compassion et de l'empathie en échange.
On me dit toujours : pourquoi tu racontes ta vie et tes souffrances dans tes vidéos : la réponse est là : c'est avant tout une thérapie !!!
Le soutien moral, mental et psychologique ne devrait être ni tabou, ni un luxe. Surtout à l'Université où tout peut basculer si tu n'es pas solide dans ta tête ou si l'épuisement te ronge à petit feu...
Il devrait exister des unité d’accueil et de soutien dans toutes les universités...
Ta lettre est un cri dont le silence est assourdissant...
Cher Matar, massa et bon voyage là où tu ne souffriras plus.
Juliette Ba est journaliste et coach en mieux-être et harmonie du couple.