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24 avril 2025
Développement
DIRECTEUR DE CABINET, UN POSTE EN SURSIS
Dix années au pouvoir, huit directeurs de cabinet ! C’est la prouesse réussie par le président de la République. Qu’est-ce qui explique les raisons ? ‘’EnQuête’’ tente de percer le mystère
Le système Macky Sall est-il un broyeur de directeurs de cabinet ? La réponse est oui. Et pour cause ! L’actuel chef de l’État a réussi là où ses devanciers ont péché, c’est-à-dire nommer un directeur de cabinet en moyenne pour une année et demie. La seule exception est jusqu’ici l’avocat El Hadj Oumar Youm. Le président du groupe parlementaire de la coalition Benno Bokk Yaakaar est celui qui a le plus duré à ce poste. Nommé le 22 juin 2015, le maire de Thiadiaye a quitté ses fonctions le 7 avril 2019 pour laisser la place au docteur Augustin Tine. Ce dernier a fait long feu à ce poste, remplacé qu’il sera un an plus tard par Mahmoud Saleh. Ce dernier vient d’être limogé et est remplacé par l’ancien argentier de l’État Abdoulaye Daouda Diallo avec le titre de ministre d’État.
Mais bien avant ces personnalités citées plus haut, le regretté Abdoul Aziz Ba a été le premier directeur de cabinet du chef de l’État. Il fut nommé le 4 avril 2012 comme premier directeur de cabinet du chef de l’État Macky Sall. Après lui, il y a eu Mor Ngom, Abdoul Aziz Tall et Mouhamadou Makhtar Cissé.
Tout cela témoigne d’une véritable instabilité à ce poste sous le magistère de Macky Sall. Pour Oulimata Diop, un observateur politique, ‘’cela signifie simplement que le chef de l’État tâtonne dans le choix de la personne qui doit diriger son cabinet. S’il n’est pas satisfait, c’est parce que quelque part, il y a problème et c’est lui le seul responsable, parce qu’il peine à trouver l’oiseau rare. Ne devrait-il pas faire comme le président Abdou Diouf qui, à un certain moment, a créé le portefeuille de ministre en charge des affaires présidentielles. Je trouve que c’est la meilleure formule’’.
S’agissant du président Abdoulaye Wade, en 12 années de pouvoir, il a eu à nommer cinq directeurs de cabinet : Idrissa Seck, Abdoul Kader Sow, Souleymane Ndéné Ndiaye, Zaccharia Diaw et Habib Sy. Son devancier Abdou Diouf n’a travaillé qu’avec une seule personne.
Pour rappel, le directeur de cabinet assiste le président de la République dans tous les domaines et supervise les actions relatives à la sécurité. Il prépare les décisions et arbitrages du président et le tient informé de leur mise en œuvre. Présent au Conseil des ministres, au Conseil présidentiel et au Conseil interministériel, il participe aux séances de travail du président de la République. Recevant délégation de signature, il contrôle les actes relevant de sa compétence, notamment ceux qui doivent être signés par le président. Le directeur de cabinet peut s'entourer d’un ou de plusieurs directeurs de cabinet adjoints qui ont rang de directeur de cabinet ministériel, et dispose d’un chef de cabinet, d’un secrétariat et de chargés de mission.
par Daouda Mine
L'INÉLIGIBILITÉ ET LA PERTE DES MANDATS DE BARTHÉLÉMY DIAS EN QUESTION
Si la condamnation de Barthélémy Dias est définitive, le pouvoir pourrait lui appliquer les dispositions du Code électoral (qui empêchent Karim Wade d’être éligible)
Barthélémy Dias est présentement maire de Dakar et député à l’Assemblée nationale. Mais l’affaire Ndiaga Diouf pourrait lui faire perdre ses deux mandats électifs, si la cour suprême ne casse pas le verdict de la Cour d’appel de Dakar qui l’a condamné à 2 ans dont 6 mois ferme et si les autorités étatiques enclenchent une procédure pour le déchoir de ses mandats.
Pour son mandat de député, le dernier alinéa de l’article 61 de la Constitution, repris par l’article 51 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, dispose que «le député qui fait l’objet d’une condamnation pénale définitive est radié de la liste des députés de l’Assemblée nationale sur demande du Ministre de la Justice».
Autrement dit, si la condamnation de Barthélémy Dias devient définitive, il suffira que le nouveau ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, introduise une demande à l’Assemblée nationale pour que le président de cette institution en prenne acte et que Barthélémy Dias perde son mandat de député. La loi est claire à ce niveau. Il ne s’agira pas, dans ce cas, de suivre une procédure, de mettre en place une commission ad hoc et de convoquer une plénière comme c’est le cas quand il s’agit d’une demande de levée de l’immunité parlementaire d’un député.
Pour son poste de maire, son cas est un peu différent de celui de Khalifa Sall. Concernant ce dernier, le président de la République, Macky Sall, avait visé les dispositions de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités territoriales, pour justifier son décret de révocation de ses fonctions de maire de Dakar.
En effet, l’article 135 dudit code dispose que «lorsque le maire ou tout autre conseiller municipal est condamné pour crime, sa révocation est de droit». L’article 136 du même code ajoute que «la révocation emporte, de plein droit, la perte du mandat de conseiller municipal et l’inéligibilité aux fonctions de conseiller jusqu’à la fin du mandat, à dater du décret de révocation (…)».
L’article 140 du Code général des Collectivités territoriales complète en disposant : «sans que la liste ne soit limitative, les fautes énumérées ci-dessous peuvent entraîner l’application des dispositions de l’article 135 du présent code : fait prévu et puni par la loi instituant la Cour des comptes ; utilisation des deniers publics de la commune à des fins personnelles ou privées ; prêts d’argent effectués sur les recettes de la commune ; faux en écriture publique authentique visés au Code pénal ; faux commis dans certains documents administratifs, dans les feuilles de route et certificats visés au Code pénal ; concussion … ».
Condamné pour faux et usage de faux et escroquerie sur des deniers publics, c’est cet article qui avait valu à Khalifa Sall une révocation.
Aucun de ces articles ne peut être invoqué contre Barthélémy Dias. Car il n’est pas condamné pour une infraction liée aux deniers publics, il n’est pas non plus condamné pour crime. Il est déclaré coupable de «coups mortels», c’est à dire «coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner». Infraction qui est considérée comme un délit par le Code pénal sénégalais et non comme un crime.
En revanche, si la condamnation de Barthélémy Dias est définitive, le pouvoir pourrait lui appliquer les dispositions du Code électoral (qui empêchent Karim Wade d’être éligible).
L’alinéa 3 de l’article L.29 du Code électoral dispose : « ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale ceux (qui sont) condamnés à plus de trois mois d’emprisonnement sans sursis ou à une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à six mois avec sursis (…).
Est-ce que cet article pourrait être interprété jusqu’à lui faire perdre son mandat actuel de maire de Dakar ? Le débat se situe à ce niveau.
Toutefois, en cas de condamnation définitive, cet article pourrait bien être utilisé pour l’empêcher d’être candidat à la présidentielle de 2024, comme c’est le cas pour Karim Wade. Depuis qu’il a été condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), Wade-fils n’a participé à aucune élection au Sénégal, en application des dispositions de cet article du Code électoral Sénégalais (l’ancien article L30 devenu L29 du Code électoral depuis la révision du code en février 2021).
Rappelons qu’au Sénégal, nous avons 3 sortes de peines : la peine principale, la peine complémentaire et la peine accessoire.
Les peines complémentaires sont des peines qui, comme leur nom l’indique, s’ajoutent à la peine principale. Par exemple, lorsqu’un journaliste est condamné pour diffamation à 3 mois avec sursis assortis d’une interdiction d’exercer les fonctions de Directeur de publication pour une durée de 6 mois, les 3 mois constituent la peine principale et l’interdiction de 6 mois, constitue la peine complémentaire. Une peine complémentaire ne s’applique que lorsque le juge le prononce.
En revanche, une peine accessoire est une sanction automatique qui n’a pas à être prononcée par le juge.
Cela veut dire que si le Code électoral dispose que celui qui est condamné à telle peine ne peut pas s’inscrire sur une liste électorale, le juge en prononçant son verdict, contre Karim Wade par exemple, n’a pas à dire qu’il est condamné à 5 ans de prison et «par conséquent, il ne peut pas s’inscrire sur les listes électorales». Il suffit de la condamnation pour que la radiation sur la liste électorale soit automatique. C’est le sens d’une peine accessoire.
La France l’a tellement compris qu’elle a légiféré dans ce sens pour plus de protection en ce qui concerne les droits civiques et familiaux. Ce n’est pas encore le cas au Sénégal.
Depuis l’entrée en vigueur du Code pénal français, le 1er mars 1994, l’article 132-17 énonce en son premier alinéa qu’« aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l’a expressément prononcée » (interdiction des peines accessoires).
L’article 132-21 du même Code ajoute que «l’interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille mentionnés (…) ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d’une condamnation pénale».
Autrement dit, l’inéligibilité ne peut être que la conséquence d’une peine complémentaire (donc obligatoirement prononcée par le juge) et non plus d’une peine accessoire (qui s’applique automatiquement). Ce qui n’est pas encore le cas au Sénégal. Malheureusement ! Voilà une réforme qui peut intéresser les députés.
BARTH CONDAMNÉ
Le juge a confirmé la sentence prononcée en première instance contre Barthélémy Dias dans l'affaire Ndiaga Diouf ce mercredi. Soit deux ans de prison dont six mois ferme. Une peine que le député-maire a déjà purgée
Le verdict vient de tomber dans l’affaire Ndiaga Diouf. Le juge en rendant sa décision, ce mercredi matin, a confirmé la peine rendue en première instance contre Barthélémy Dias c’est à dire (2) ans de prison dont six (6) mois ferme.
Lors du procès en appel, la représentante du ministère public avait requis 5 ans de prison ferme contre Barthélemy Dias et 2 ans de prison ferme contre Habib Dieng et Babacar Faye. Auparavant, l’avocat de la partie civile avait pris la parole pour réclamer 150 millions de francs au maire à titre de dommages et intérêts. Mais, le juge de la Cour d’appel a confirmé la peine rendue en première instance avant de débouter la partie civile de sa demande. Les députés qui avaient promis de venir au tribunal avec leur écharpe sont en retard de même que le maire de Dakar. Seul Khalifa Sall et quelques militants étaient au palais de justice.
Pour rappel, l’actuel maire de Dakar a été condamné en première instance à deux (2) ans de prison dont six (6) mois ferme et à payer avec ses co-inculpés 25 millions de F CFA à la famille du défunt. Insatisfait de ladite décision, Barthélemy Dias avait interjeté appel.
S’agissant des faits, Ndiaga Diouf a été tué en décembre 2011 lors de l’attaque de la Mairie de Mermoz – Sacré Cœur par des nervis envoyés par des responsables du Parti démocratique sénégalais (PDS), alors au pouvoir. Il faut rappeler que le jour des faits, les présumés nervis s’étaient rassemblés à la permanence du Pds sise sur la Vdn. C’est à partir de là-bas qu’ils ont rendu visite, par surprise, à Barthelemy Dias alors maire de ladite commune à bord de 5 véhicules pick-up. C’était pour, disent-ils, parler avec le maire qui les attaquait par voie de presse. Il y a eu un échange de tirs au cours duquel Ndiaga Diouf a été atteint mortellement. C’est ainsi que Barthélemy Dias a été attrait à la barre pour répondre du délit de coups mortels.
PAR Amadou Diaw
POUR UNE UNIVERSITÉ AFRICAINE RICHE DE LA MOBILITÉ DE SES ACTEURS
Ouvrons nos universités aux étudiants d’Asie, d’Europe et d’Amérique. Apprenons à les recevoir. Irradions le continent de « l’Esprit Teranga ». Ces programmes internationaux sont d’abord source de revenus nouveaux
« Nous devons ouvrir notre continent à lui-même et le transformer en une maison de pouvoir »
Achille Mbembé.
L’Université Africaine de demain a pour défi de fabriquer les devenirs d’un continent pluriel
L’Université invente l’avenir. Elle participe, selon la belle expression de Souleymane Bachir Diagne, à « l’usine de fabrication de l’avenir ». Elle produit ceux qui vivront ce futur, ceux qui l’inventeront. Pour cela nous devons d’abord dessiner la société de demain, puis en définir les apprentissages adaptés.
Oui à l’enracinement, Oui à l’affirmation de cette diversité qui fait la richesse de nos pays.
Non à un repli communautaire destructeur du concept de « Nation ».
La suppression des grands internats dans les lycées, creusets du concept de « nation », puis la difficile intégration des nouveaux étudiants dans la jungle des campus auront contribué à la création dans plusieurs universités en Afrique, de communautés autour de l’ethnie ou du village d’origine. Sans surprise aucune, trop souvent, ces groupes sont rapidement devenus des tremplins ou raccourcis politiques pour certains. Au lieu de s’enraciner dans ses traditions, l’étudiant s’est replié sur lui même, hésitant à s’ouvrir à l’Autre, à « Être Monde ».
La solution : Une forte mobilité estudiantine, nationale, régionale puis continentale. Une mobilité entre des universités africaines elles mêmes plurielles.
Nos pays sont pluriels par leur diversité culturelle. L’Afrique est plurielle. C‘est ce qui fait sa richesse. D’où l’importance de bâtir un espace éducatif riche de cette diversité. Et à ce moment, aux jeunes Africains d’aller au delà de leur traditionnelle zone d’évolution. Posons des actes au sein de nos universités.
Action 1 : Mettre en place le programme continental de mobilité universitaire.
Le Programme devra être structuré d’abord, au niveau national et régional. Dans toutes les universités, l’anglais prendra une place importante aux côtés de langues africaines telles le swahili. A titre d’exemple, avant l’obtention de sa licence, l’étudiant de l’université de Thiès fera un semestre L2 d’échange à Ziguinchor, puis un semestre L3 à Cotonou.
A l’échelle du continent, l’étudiant, après une année de perfectionnement en anglais à Ibadan ou à Accra, fera un stage dans une « start up » à Kigali ou à Diamniadio.
Action 2 : Valoriser et multiplier deux nouvelles expertises universitaires organisant et facilitant la mobilité.
Deux fonctions deviendront majeures et incontournables, dans chacune des UFR ou facultés, le « Incoming Management »et le « Outgoing Management »
La fonction Incoming, chargée de la sélection, de l’accueil et de l’intégration des étudiants venus d’autres pays.
La fonction Outgoing, quant à elle, aura en charge la préparation, l’accompagnement et le suivi des étudiants inscrits dans un programme d’échanges.
A la pratique, notre expérience nous permet d’affirmer que le programme de mobilité exige une meilleure écoute et un suivi personnalisé de l’étudiant.
Action 3 : Développer les « International Visiting Programs », en ouvrant les portes de l’Afrique plurielle aux milliers d’étudiants des autres continents.
Ouvrons nos universités aux étudiants d’Asie, d’Europe et d’Amérique. Apprenons à les recevoir. Irradions le continent de « l’Esprit Teranga ». Ces programmes internationaux sont d’abord source de revenus nouveaux. Les cas du Luxembourg et de l’Australie sont à partager*. Les étudiants Incoming découvrent nos cultures. Ils s’initient à notre histoire. Ils s’abreuvent des spécificités des Afriques. Ils puisent à la source les sciences humaines. Ils apprennent à nous connaître. Bien des préjugés s’effacent. Le Vivre-Ensemble a ainsi un sens.
Notre continent doit redevenir ce vaste espace de circulation, aux carrefours intellectuels multiples. Hier, Tombouctou, Cairouan et Makerere étaient les passages obligés. Depuis 30 ans, avec d’autres, nous semons les graines des carrefours de demain.
A Ashesi University avec Patrick Awuah, à Kigali, au Next Einstein Forum, à Port-Louis avec Fred Swaniker fondateur de l’African Leadership University, à Benguérir, impressionnante initiative avec l’OCP. Les carrefours intellectuels et scientifiques de demain sortent des terres d’Afrique. Les baobabs s’élèvent dans le silence.
Oui, à une université plurielle. Tel est le terreau pour reconstruire nos nations, bâtir une Afrique unie et, au delà des discours panafricanistes, passer aux actes.
Et à nos oreilles, Kwamé Nkrumah de murmurer « Enfin des actes. Il était temps »
* Le Luxembourg est le pays du monde qui compte en proportion le plus d'étudiants étrangers dans ses universités (48,6 %), devant l'Australie (28,4 %), la Nouvelle-Zélande (20,8 %).
LES DOSSIERS QUI ATTENDENT ISMAÏLA MADIOR FALL
Procès Barthélemy Dias, affaire Adji Sarr, le troisième mandat, réformes de la justice, etc., le deuxième passage du Professeur Fall au ministère de la Justice ne s’annonce pas de tout repos.
À peine nommé ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall a repris du service hier. Le garde des Sceaux a présidé un séminaire de perfectionnement sur les enquêtes et poursuites des crimes internationaux organisé à Dakar. Devant plus de 20 procureurs, juges d’instruction et avocats venus de différents pays africains, le nouvel homme fort de la chancellerie a soutenu que ‘’le Sénégal est un pays qui a une bonne réputation en matière de justice et en matière d’État de droit. On oublie que c’est le premier pays à avoir ratifié la Cour pénale internationale. Donc, le Sénégal est un pays de droit et je suis fier d’être à la tête du ministère de la Justice d’un pays qui a une bonne réputation en matière d’État de droit’’.
Un état de fait qui sera bientôt mis à l’épreuve face aux nombreux dossiers chauds qui attendent le ministre de la Justice. Dès demain, sa posture sera scrutée dans la proclamation du verdict du procès en appel du maire de Dakar Barthélemy Dias. Pour ne rien arranger, les députés de la coalition Yewwi Askan Wi (Yaw), une des principales forces de l’opposition politique dont fait partie le maire de Dakar, ont déjà fait savoir, à travers l’honorable député Abass Fall, que ‘’tous les députés de l’opposition, principalement ceux de Yaw seront au tribunal’’ pour accompagner leur collègue.
Fatou Omar Ndiaye, Procureure de la République face à Barthélemy Dias fraîchement élu maire de Dakar aux élections locales du 23 janvier, a requis cinq ans de prison ferme, le 2 mars 2022, lors du procès en appel de l’opposant devant la 3e chambre du tribunal de Dakar. L’accusé est poursuivi pour la mort, par balle, en décembre 2011, d’un sympathisant du Parti démocratique sénégalais (PDS), Ndiaga Diouf, qualifié de ‘’nervis’’ par le maire de Mermoz Sacré-Cœur à l’époque des faits. Condamné une première fois en 2017 pour ‘’coups mortels’’, il avait écopé de deux ans de prison dont six mois ferme. Une peine qu’il avait déjà purgée en 2012, au lendemain des faits, après avoir été placé en détention provisoire. Le maire de Dakar a demandé un procès en appel, dit-il, pour laver son honneur.
Procès du maire de Dakar, l’affaire Sonko-Adji Sarr, démêler le judiciaire de la politique
Du côté de la défense, l’on soutient que l’arme fatale à l’origine de la mort tragique de Ndiaga Diouf n’était pas celle de Barthélemy Dias et qu’un nervi du PDS s’était infiltré du côté de ses partisans. Cet homme – qui a été filmé, mais jamais retrouvé – serait à l’origine du tir meurtrier. Prévu pour le 18 mai dernier, le verdict avait été renvoyé en raison d’un contexte politique préélectoral avec des Législatives prévues le 31 juillet 2022.
La posture du ministre de la Justice dans cette affaire sera épiée, car si une relaxe est prononcée, il pourra ordonner au parquet d’aller vers la Cour suprême pour obtenir une condamnation définitive. L’enjeu politique autour de cette affaire est qu’avec une condamnation, le maire de Dakar pourrait perdre son mandat, à l’image de son mentor Khalifa Sall, révoqué par le président de la République après l’épuisement de toutes les voies de recours contre sa condamnation. Il pourrait même perdre ses droits civiques et ne plus être éligible, si le juge prononce cette sentence.
Un dossier encore plus chaud pour le nouveau garde des Sceaux est le procès Adji Sarr, la femme qui accuse de viols le principal leader de l’opposition Ousmane Sonko. Le dernier épisode de cette affaire remonte au jeudi 14 avril 2022, lors de l’audition de la plaignante dans le cadre d’une confrontation avec Ndèye Khady Ndiaye, la gérante du salon de massage Sweet Beauté où elle était employée comme masseuse. C’est au moins la deuxième audition d’Adji Sarr, déjà entendue en mars 2021. La jeune femme âgée d’une vingtaine d’années affirme avoir été plusieurs fois violée dans ce salon de Dakar par Ousmane Sonko, qui a déclaré y être souvent allé se faire masser pour soulager un mal de dos.
Indépendance de la justice
La confrontation a été organisée par le nouveau juge d’instruction du tribunal de Dakar, Oumar Maham Diallo, qui a succédé à Samba Sall, décédé en avril 2021. Ousmane Sonko a été inculpé en mars de la même année pour viols et menaces de mort et placé sous contrôle judiciaire à l’issue de la plainte déposée en février 2021 par Adji Sarr.
Si le leader de l’opposition, arrivé troisième à la Présidentielle de 2019, dénonce un ‘’complot’’ pour torpiller sa candidature à la magistrature suprême en 2024, le camp de Macky Sall, lui, réfute toute instrumentalisation de la justice.
L’interpellation d’Ousmane Sonko en mars 2021, alors qu’il répondait à une convocation de la justice dans cette affaire, avait déclenché les pires troubles qu’ait connus le Sénégal ces dernières années, occasionnant la mort d’au moins 14 personnes. Les enjeux politiques concernant cet éventuel procès sont les mêmes que ceux relatés sur le procès de Barthélemy Dias. D’où la surveillance maximum sur les décisions du ministère de la Justice à travers le parquet.
L’avis du ministre, professeur titulaire de droit public et de science politique à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, sera particulièrement attendu sur d’autres dossiers politico-judiciaires. Notamment sur le troisième mandat de Macky Sall. Rédacteur de la Constitution révisée de 2016, Ismaïla Madior Fall avait interprété une nouvelle candidature de Macky Sall comme incompatible avec la loi fondamentale. Depuis son départ et son retour dans le gouvernement, il est beaucoup plus subtil sur cet avis. Sans oublier la posture du constitutionnaliste sur la possibilité d’une amnistie pour les opposants, anciens candidats recalés de la Présidentielle 2019 ayant perdu leurs droits civiques suite à des condamnations judiciaires.
Réforme de la justice
Il n’y a pas que la politique dans la vie. Les réformes dans le secteur de la justice constituent une vieille doléance des professionnels du secteur. Membre de la société civile, le Forum du justiciable met déjà le professeur de droit devant ses responsabilités. Par un communiqué publié hier, il invite le ministre de la Justice à opérer 13 réformes pour une plus grande indépendance de la justice vis-à-vis de l’Exécutif. L’instance dirigée par Babacar Ba suggère, par exemple, de ‘’conférer aux membres du Conseil supérieur de la magistrature le pouvoir de proposition dans le cadre des nominations et des mutations des magistrats’’. Cette tâche est dévolue au ministère de la Justice qui peut l’utiliser pour ‘’sanctionner’’ des magistrats récalcitrants. L’on se rappelle la polémique autour de l’affectation du juge Souleymane Téliko, l’ex-président de l’Union des magistrats sénégalais (UMS) qui entretenait des relations très tendues avec le ministre de la justice Me Malick Sall.
Autres propositions du Forum du justiciable : ‘’Subordonner l’affectation des magistrats du parquet à l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, à défaut de le faire nommer par le conseil lui-même ; ouvrir le Conseil supérieur de la magistrature à des personnalités extérieures reconnues pour leur expertise et leur neutralité́ (avocats, universitaires, société́ civile...) ; (ou encore) instaurer un juge de la détention et des libertés spécialement chargé de statuer sur la mise en détention provisoire et sur les demandes de mise en liberté́, afin de rationaliser les mandats de dépôt, etc.’’
LES SYNDICALISTES JUGENT INOPPORTUN LE CHANGEMENT À LA TÊTE DU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION
Les enseignants craignent des répercussions sur l’année scolare et le non-respect des accords pris par le gouvernement
La nomination de Cheikh Oumar Hanne au ministère de l’Education nationale, en remplacement de Mamadou Talla, est inopportune à quelques jours de la rentrée des classes prévue le 03 octobre prochain. C’est la conviction des syndicats d'enseignants qui craignent des répercussions sur l’année et le non-respect des accords pris par le gouvernement.
Le concept «Ubi tey Jangë tey» risque de ne pas être effectif à la prochaine rentrée des classes. Pour cause, les changements opérés au niveau du ministère de l’Education nationale avec la nomination de Cheikh Oumar Hanne à la tête du département, à moins de 15 jours de la rentrée scolaire. Selon le secrétaire général du Syndicat des Enseignants Libres du Sénégal Sels/Authentique, cette nomination est inopportune. Même s’il reconnaît que le chef de l’Etat a les prérogatives de nommer qui il veut, Abdou Faty déclare: «Nous déplorons le jeu de chaises, nous déplorons égalementle fait qu’on ait changé un ministre à 15 jours de la rentrée. Ce jeu de chaises, à quelques encablures de la rentrée, est inopportun et impertinent. Et ce qui est sûr, c’est qu’on va vers des dysfonctionnements. Cette année, le Ubi tey jangë tey ne sera pas effectif parce qu’on n’a rien planifié. Avec ce remaniement, beaucoup de ministères ont changé de dénomination, donc tous les actes administratifs qui étaient pris et qui devaient faire de longs circuits vont revenir au ministère de l’Education avant de retourner au ministère de la Fonction publique ». Pis, l’enseignant se désole de la non tenue d’un CRD ou d’un CDD pour faire le point sur les écoles inondées, les écoles qui sont occupées, les tables-bancs et tout le matériel qui a été entamé... «Même le traditionnel séminaire de la rentrée qui se tient chaque année à quelques semaines de l’ouverture des classes et qui réunit toutes les parties prenantes autour d’une table pour discuter des mesures et dispositions à prendre pour une bonne rentrée ne s’est toujours pas tenu». Rappelantle caractère conflictogène du ministère, le syndicaliste révèle qu’ils ont quand même essayé de construire difficilement la paix durant ces 3 dernières années. «Nous prenons acte de la nomination, mais nous déplorons le fait qu’on puisse la changer à quelques jours de la rentrée», fulmine le secrétaire général du SELS.Il ajoute que des réformes sur les curricula, sur les enseignements apprentissages
ont déjà été entamées et qu’avec l’avènement d’un nouveau ministre, tout le travail déjà fait risque de tomber à l’eau.
Toutefois, il invite Cheikh Oumar Hanne à faire dans le fast track, comme l’a suggéré le chef de l’Etat, en mettant tous les dispositifs pour une bonne rentrée des classes, mais aussi aller vite pour que les programmes soient allé-
gés et qu’on réforme les curricula.
Saourou Sene, SG SAEEMS : "Je suis un peu surpris par le départ de Mamadou Talla"
Abondant dans le même sens, le secrétaire général du Syndicat Autonome des Enseignants de l’Education du Moyen Secondaire (SAEEMS) se dit surpris par le départ de Mamadou Talla de la tête de l’Education nationale, pour la bonne et simple raison qu’il trouve que l’homme avait une disponibilité et le sens des partages. Mieux, il révèle qu’à 15 jours de la rentrée scolaire, des discussions avec le ministère sur les travaux préparatoires de la rentrée avec la programmation des journées partenariats de Saly qui se tiennent régulièrement à chaque veille de rentrée scolaire, devaient déjà être entamées. « Maintenant, le ministre Cheikh Oumar Hanne qui vient d’être porté à la tête du département doit savoir que l’Enseignement supérieur est différent de l’Education nationale pour la bonne et simple raison que c’est un grand ministère avec beaucoup d’organisations syndicales et avec beaucoup de défis à relever tels que la suppression des abris provisoires, le recrutement d’enseignants en nombre supérieur, la question du portage du protocole d’accords etc.», soutient le syndicaliste. Listant ses inquiétudes, Saourou Sène semble préoccupé par la matérialisation des engagements pris par l’Etat. Autrement dit, il craint qu’on ne revienne à la case de départ alors qu’ils étaient déjà dans une logique de stabilisation du système éducatif à travers Mamadou Talla. « Ce n’est pas le moment opportun de changer le ministre de l’Education nationale. Mamadou Talla était déjà bon. Cependant, on attend de voir ce qu’il va faire d’autant plus que ce ministère a déjà acquis une tradition de dialogue et là, les enseignants l’attendent », annonce Saourou Sène. Néanmoins, il invite MamadouTalla à rappeler à son successeur lors de la passation de service qu’il est venu dans un secteur qui nécessite beaucoup de disponibilités et beaucoup de partages.
CES GRIEFS QUI AURAIENT EMPORTÉ MATAR BA
Sur le plan institutionnel, la mauvaise qualité voire l’insuffisance des infrastructures sportives, les marchés de gré à gré... auraient poussé le président Macky Sall à se séparer de son « maire »
Le départ de Matar Ba du ministère des Sports a suscité beaucoup de commentaires à Fatick. Depuis la publication de la liste des membres du nouveaugouvernement, les inconditionnels du maire de Fatick ruent dans les brancards en dénonçant son éviction du gouvernement. Toutefois, certains observateurs estiment que l’ancien locataire de la Zone B a commis des erreurs qui lui ont été fatales. Ils lui reprochent en effet de peiner à fédérer tous les responsables de la coalition présidentielle dans la commune de Fatick. Sur le plan institutionnel, la mauvaise qualité voire l’insuffisance des infrastructures sportives, les marchés de gré à gré... auraient poussé le président Macky Sall à se séparer de son «maire».
Ministre des Sports depuis huit ans, Matar Ba va passer, aujourd’hui, le témoin à Yankhoba Diattara du parti Rewmi. Son limogeage du gouvernement est mal digéré par ses sympathisants qui ont assailli les réseaux sociaux depuis dimanche pour déverser leur bile, mais aussi exercer une certaine pression sur le chef de l’Etat. Leur argumentaire : «Matar Ba a ramené la coupe d’Afrique au Sénégal ; il doit, quoi qu’il arrive, aller au mondial de football au Qatar». Une pétition a même été lancée pour faire revenir celui que les sympathisants et militants appellent «Le Puma du Sine».
Il faut dire que la décision du président Macky Sall de limoger Matar Ba a été particulièrement surprenante pour de nombreux observateurs. Mais force est de souligner que cette mesure n’est pas fortuite.Des sources proches
du chef de l’Etat renseignent que ce dernier nourrissait depuis quelque temps le désir de se séparer de «son maire». Cela, à cause des nombreuses listes parallèles qui se sont manifestées lors des dernières élections locales lorsque l’ancien ministre des Sports a été désigné tête de liste de la coalition Bby pour la mairie de Fatick. Le président Sall se serait rendu compte que Matar Ba n’était pas en mesure de fédérer les forces politiques de Fatick comme il le souhaitait. C’est ce qui avait motivé d’ailleurs le déplacement de Macky Sall pour sauver les meubles en faisant rentrer dans les rangs certains responsables frustrés. Malgré l’intervention du locataire du Palais, Bby avait obtenu les pires scores de l’histoire des élections locales à Fatick avec seulement 37%. Un résultat que le président Sall aurait encore en travers de la gorge. En outre, depuis dix ans, en dehors des programmes de l’État, il n’existe aucun autre projet structurant émanant de l’équipe municipale de Fatick.
Autre grief : l’indifférence affichée récemment par le maire Matar Ba lors du décès de l’imam Ratib de la grande mosquée de Fatick, Mouhamadou Mbengue qui a fait plus de quarante ans d’imamat.Un homme que le chef de l’Etattenait en grande estime. D’ailleurs, dès qu’il a appris la nouvelle, Macky Sall est allé assister à la prière mortuaire au moment où le maire de Fatick se prélassait à Dakar. Une situation qui a révolté le président de la République. Sur le plan institutionnel, les observateurs évoquent la mauvaise qualité des infrastructures sportives alors que de gros moyens financiers ont été débloqués, sans compter le déficit d’infrastructures sportives dans la capitale avec la non-fonctionnalité des stades Demba Diop, Léopold Sédar Senghor et Iba MarDiop depuis plus de cinq ans. Il s’y ajoute que pendant huit ans, il n’y a eu aucune réforme alors que les techniciens et experts ont réfléchi sur les textes, notamment le code du sport, le statut du sportif de haut niveau et la réforme du sport scolaire et universitaire. En plus, les conventions d’objectifs n’ont pas eu d’effets, car les fédérations n’ont reçu qu’une seule fois l’enveloppe alors que cette rubrique a toujours figuré dans le budget du ministère. Les marchés de gré à gré avec l’entrepreneur Mbaye Faye ont aussi beaucoup pesé sur la balance. Ce sont tous ces manquements qui auraient emporté le ministre Matar Ba.
par Charles Faye
17 MOIS POUR LAISSER UNE EMPREINTE INDÉLÉBILE
Il importe pour le nouveau chef du gouvernement de savoir qui de lui ou d'Abdoulaye Daouda Diallo sera le mieux servi par le décret de répartition, autrement dit de savoir qui des deux aura la main libre pour aller jusqu’au bout d’un projet obscur et lent
Le gouvernement de guerre ou anti-Sonko mis en place samedi dernier à la faveur de la nomination du Premier ministre Amadou Ba pour apporter des réponses sociales et économiques aux nombreuses attentes des Sénégalais, cap pour l’après Macky Sall, c’est-à-dire la concrétisation des termes de références et performances cadrant avec loyauté et attachement aux valeurs APR mais aussi avec succès politique parce que l’avenir du deal dépend de l’empreinte que l’équipe gouvernementale laissera aux Sénégalais au premier jour de la campagne électorale du premier tour de la présidentielle de 2024.
Les dés sont jetés, les jeux sont faits. Le président Macky Sall a nommé ses proches, placé ses hommes de confiance. Ne faisons pas attention aux patronymes même s’ils ne manqueront pas de faire jaser. A coup sûr. C’est une question de temps. Mais la question n’est pas là. Le président a fait un choix, qui rentre dans les limites de ses prérogatives que lui confère la Constitution, celle de choisir ses hommes.
Par contre, on y reconnaitra des anti-Sonko avérés. Ce qui se comprend. Une logique « républicaine » qui veut que la bataille fasse rage pour lui barrer la route. A défaut d’un troisième mandat, ce sera du « tout sauf Sonko ».
Telle est la lecture que nous faisons du nouvel attelage gouvernemental piloté par celui que personne n’attendait à la primature, tant tout montrait que le président Sall avait fait une croix sur lui.
Sauf que, contrairement à tout ce qui se dit dans la maison marron-beige, le largage de Mimi Touré en plein orage parlementaire a autant fait mal dans les rangs qu’il a emmené Roume à reconsidérer la feuille de route présidentielle.
De maitre du jeu, le leader est devenu joker. Un Joker de luxe qui ne se contentera pas cependant de suivre depuis les gradins une course se jouant sans lui, sous ses yeux. A défaut d’enfourcher lui-même le cheval du parti, il prendra le fouet pour que le projet successoral ne souffre d’aucune défaillance et ne soit surtout pas partant au deuxième tour de la présidentielle 2024.
C’est dire qu’elle est la nouvelle réalité de la gouvernance du locataire de Roume. Une présidence de transition pour les 17 mois à venir, pendant lesquels Amadou Ba et son équipe devront non seulement faire face : aux inondations ; aux hausses des prix des denrées de première nécessité ; de ceux des hydrocarbures ; de l’accès à l’eau ; aux problèmes et grèves récurrentes dans les secteurs de l’éducation et de la santé, etc.
Mais encore gagner le cœur des Sénégalais et par conséquent des électeurs pour inverser la courbe électorale favorable à l’opposition au regard des législatives de juillet dernier.
Il faudra sans doute attendre le décret de répartition qui donnera une claire idée de l’orientation que le Président prendra pour ses 17 prochains mois, mais a l’issue desquels son équipe et lui auront soit réussi ou échoué à faire converger les électeurs vers leur projet.
Car autant Macky Sall attend beaucoup de ses hommes pour savoir jusqu’où il ira, autant Amadou Ba sait avoir 17 mois pour prouver aux Sénégalais qu’il peut être leur président. Cela dit, il importe aussi pour le nouveau chef du gouvernement de savoir qui de lui ou de Abdoulaye Daouda Diallo sera le mieux servi par le décret de répartition, autrement dit de savoir qui des deux aura la main libre pour aller jusqu’au bout d’un projet obscur et lent à se dessiner.
Non sans oublier qu’en face, les autres ne seront pas manchots. Ousmane Sonko n’ayant pas dit son dernier mot, tout comme Khalifa Sall, Karim Wade, les autres opposants et une certaine Mimi Touré qui a une carte à jouer.
C’est dire quelle est la densité des nouveaux enjeux si tant on peut les considérer comme tels, mais surtout qu’il va de la nécessité pour le président Macky Sall de faire au mieux dans ces 17 prochains mois afin de laisser aux Sénégalais une empreinte indélébile de son passage et du président historique qui organisera une présidentielle à laquelle il n’est pas partie prenante, ou un peu peut-être…
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GUINÉE, UN BRAQUAGE DE 64 ANS
Son sous sol est l’un des plus riches du monde et pourtant plus de 44% de sa population vit avec moins d’un dollar par jour. Elle est classée 178e sur 189 pays en terme d’indice de développement. Qui profite en réalité de l’immense richesse de la Guinée ?
À elle seule, elle possède les 2/3 des réserves de bauxite du monde, elle possède également le plus grand gisement de fer du monde. Son sous sol est certainement l’un des plus riches du monde et pourtant plus de 44% de sa population vit avec moins d’un dollar par jour. Elle est classée 178eme sur 189 pays en terme d’indice de développement.
Qui profite en réalité de l’immense richesse de la Guinée ? Comment mettre un terme à ce pillage à ciel ouvert souvent fait en complicité avec l’élite locale ?
par Hamidou Anne
LA RÉPUBLIQUE PROFANÉE
Il faut faire le deuil d’une certaine idée de la politique dans notre pays. L’outrance verbale et la parade des muscles ne constituent pas un projet politique. Normaliser la jacquerie populiste du 12 septembre, c’est ouvrir la boîte de Pandore
Le 12 septembre dernier, quand j’ai vu le nombre de populistes démagogues élus députés, j’ai d’abord eu une pensée triste pour la République. Ensuite, j’ai souri en me remémorant une récente phrase d’un parlementaire français. S’émouvant du nombre d’élus du Front national au sein du Palais Bourbon, il lança : «On dirait Nuremberg aux heures de pointe.»
Quand des populistes arrivent en nombre dans une Assemblée nationale, ils ont deux cibles : l’Assemblée nationale elle-même, haut-lieu du débat démocratique auquel ils ne croient pas, et la République qui est leur adversaire ultime et qu’ils cherchent à détruire pour imposer un Etat totalitaire. La pagaille provoquée par des élus de la Nation m’a profondément ému. Le crime contre la décence, la pondération et la mesure que requiert l’exercice de l’Etat renseigne sur les nuages d’incertitudes qui menacent la démocratie sénégalaise. Le populisme autoritaire est un danger des sociétés démocratiques. Les Etats-Unis, le Brésil, l’Italie, la Hongrie l’expérimentent. Il s’en prend aux équilibres sociétaux en mettant face-à-face les citoyens d’une même Nation. Aujourd’hui, au Sénégal, une cohorte d’excités joue le match de la confrontation entre amis et ennemis de la Nation, entre les vertueux et les traîtres, comme si l’unité du bloc national devrait être fissuré, à coup de mensonges et de manipulation au nom du fascisme qui se drape -comme tous les fascismes d’ailleurs- du manteau de patriotisme. Ces mêmes gens choisissent de désacraliser toutes les institutions de la République pour propager le chaos qui précède la dictature, qui est l’objectif ultime des populistes.
Les patriotes, ce sont toutes les personnes qui pensent que le Sénégal, cette grande Nation, doit demeurer et survivre aux passions tristes d’un gourou et sa secte. Aimer le pays, c’est regretter de voir l’intolérance et l’expression de la violence physique et verbale menacer le commun vouloir de vie commune cher au vieux poète qui a fondé la Nation. Etre patriote, c’est sacraliser les usages républicains dont le maintien de la sacralité de l’Hémicycle, qui devrait être un lieu de dispute éclairée, de controverse féconde, d’obstruction parlementaire qui fait partie du jeu politique, mais sans jamais tomber dans la barbarie de la violence physique. J’ai été attristé de voir la mairie de Yeumbeul Sud saccagée par des gens qui doivent être poursuivis et punis. Mais ce que j’ai vu ce 12 septembre, est pire relativement à la décrépitude de la morale publique. Des élus de la Nation qui saccagent le Parlement, exercent une violence sur d’autres élus, devant les télés du monde entier, et poussent l’Armée à investir l’Hémicycle pour la première fois dans l’histoire du Sénégal, constituent le symbole de l’effondrement démocratique que nous vivons.
Ce qui s’est passé au Parlement est la preuve du danger que représente le populisme pour la démocratie et surtout pour des pays de démocratie de faible intensité comme les nôtres. Un ami m’a raconté sa honte devant les images insoutenables. Un autre me soutient que le Sénégal ne mérite pas ça. Mais je n’ai cherché ni à les contredire ni à les rassurer, même si moi-même je ne m’attendais pas à une telle effusion de violence. Il faut faire le deuil d’une certaine idée de la politique dans notre pays. Désormais, le débat public n’échappera pas à la violence et à l’obscénité qui irriguent la société dans toutes ses couches. Nous vivons la revanche des passions. Le discours rigoureux et mesuré, à l’ère d’internet et du foisonnement des médias dont l’objectif est le buzz permanent, n’a plus une grande force. Le mensonge, la manipulation, les insultes sur les réseaux et les coups d’éclat permanents sont devenus une norme à la place de la nuance et de la complexité nécessaires au propos politique. L’outrance verbale et la parade des muscles ne constituent pas un projet politique. Ils sont les instruments des médiocres et des ignorants qui se complètent ainsi pour se donner une contenance dans l’espace public, au mépris des règles de civilité et d’élégance qui doivent gouverner l’action politique. La profanation de l’Assemblée nationale, lieu sacré de la République et cœur de la démocratie, n’a pas inquiété certains. J’ai vu de vieux militants de gauche jubiler, naïvement, dans l’espoir d’un Grand Soir proche. D’autres, heureux, nous insultent et nous traitent de républicains en entourant le mot de leurs guillemets fielleux. Je n’ai pas mal pour eux, ils m’inspirent la gêne. Normaliser la jacquerie populiste du 12 septembre, c’est ouvrir une boîte d’allumettes pour mettre le feu en pensant naïvement y échapper. Il nous brûlera tous.