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24 novembre 2024
Développement
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L'HISTOIRE AU SERVICE DE LA VÉRITÉ
Pour l'historien Mamadou Diouf, la tragédie de Thiaroye 44 est une clé pour décrypter les mécanismes de la domination coloniale, remettre en question l'identité sénégalaise actuelle et nourrir les ambitions souverainistes du pays
Mercredi 21 août 2024, la RTS a accueilli l'éminent historien Mamadou Diouf, professeur à l'université Columbia de New York, pour une interview sur l'avenir du Sénégal et son passé colonial. Au cœur de cet entretien : la commission chargée d'organiser le 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, que Diouf préside.
"Thiaroye 44 n'est pas qu'un simple fait historique, c'est un tournant dans la conscience africaine", a déclaré Diouf. Cette tragédie, où des tirailleurs sénégalais furent massacrés par l'armée française en 1944, cristallise selon lui les contradictions de l'empire colonial français et l'éveil des revendications africaines.
La commission, mise en place par le gouvernement, a pour mission de "faire la lumière sur ce passé pour mieux éclairer notre avenir", explique l'historien. Elle rassemblera preuves, témoignages et documents pour établir enfin la vérité sur ces événements longtemps occultés.
Pour Diouf, l'étude de Thiaroye est cruciale à plusieurs titres. D'abord, elle permet de comprendre les mécanismes de la domination coloniale et ses séquelles. Ensuite, elle offre un miroir à la société sénégalaise actuelle, questionnant son rapport à l'histoire et à la France. Enfin, elle s'inscrit dans une démarche plus large de souveraineté et de panafricanisme, chère au nouveau gouvernement.
"En revisitant Thiaroye, nous ne cherchons pas la revanche, mais la justice et la vérité", insiste le professeur. "C'est un acte politique qui éclaire le chemin que nous avons choisi : celui de la souveraineté et de l'unité africaine."
PAR Ibou Fall
LA RÉPUBLIQUE ORPHELINE DE SA MAJESTÉ
Après soixante-quatre ans de navigation, tempête après tempête, la République sénégalaise donne l’air d’un rafiot rafistolé de bric et de broc, donc le capitaine est le dernier moussaillon que la désertion des amiraux propulse fatalement à la barre
La vertigineuse dégringolade fait peine à voir… Après soixante-quatre ans de navigation, tempête après tempête, la République sénégalaise donne l’air d’un rafiot rafistolé de bric et de broc, donc le capitaine est le dernier moussaillon que la désertion des amiraux propulse fatalement à la barre.
Entre Léopold Sédar Senghor et Bassirou Diomaye Faye, deux enfants du Sine, il n’y a pas qu’un siècle quasiment de distance. Le Sénégal que Senghor lègue à la postérité, certes, est un pays déclaré pauvre par les implacables chiffres de l’ordre économique mondial ; il suscite quand même le respect, la convoitise.
Le Sénégal de Diomaye Faye inspire la condescendance et la pitié.
La pauvreté est dans la tête : Senghor, cet aristocrate guindé, ne sait pas penser en pauvre… Dans le monde, dès les premières décennies de nos indépendances, ça veut un Sénégalais à la table des grands. Par exemple, à la tête d’Air Afrique ou de l’Unesco, alors que Isaac Forster est déjà à la Cour internationale de La Haye.
Quand Senghor convoque à Dakar le monde noir en 1966, ça vient de tous les recoins de la planète pour vibrer au rythme des arts nègres. Il n’y a que les incultes, les gagne-petit et les miséreux qui y voient du gâchis.
Certes, le combat contre la famine est alors pratiquement perdu d’avance. L’ancienne métropole dont la légendaire capacité de nuisance en est à ses sommets, multiplie les chausse-trappes pour garder sous dépendance ses territoires d’Outre-Mer émancipés. C’est bien parce qu’elle nous a vendu son rêve de progrès et de modernité, en même temps que le cauchemar de notre dénuement, notre rachitisme et notre inculture. Bokassa, Idi Amin Dada, Houphouët-Boigny, Bongo et Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga (traduction : le coq dans le poulailler ne laisse aucune poule indemne).
La République sous Senghor ose limoger un ministre parce qu’il manque juste de tenue. Le ministre de l’Hydraulique de l’époque, un dimanche, au sortir d’un déjeuner trop arrosé au Colisée, sur l’avenue Maginot, chante la Marseillaise et étrenne le drapeau français en bonne compagnie. Les renseignements généraux signalent l’incongruité.
La main du Président qui signe le décret de son limogeage ne tremble pas. En 1968, Maître Doudou Thiam, sémillant avocat, premier ministre des Affaires étrangères du Sénégal, devenu l’homme fort du pays après décembre 1962, hérite du Conseil économique et social. Une phrase malheureuse scelle son destin. Il est limogé avant même de prendre ses aises. Maître Doudou Thiam, le concepteur de la Constitution de la Fédération du Mali, hérite pourtant du somptueux fromage de l’avocat Léon Boissier-Palun, le défenseur des cheminots sénégalais à la fin des années quarante, ces rebelles qui forcent le pouvoir colonial à mettre un genou à terre ; Boissier-Palun, qui héberge le député Senghor lors de ses séjours au Sénégal, est le premier mécène du Bds qui propulse le «député kaki» au firmament de la politique sénégalaise et neutralise Lamine Guèye ; en résumé, l’un des artisans méconnus de notre indépendance. «Il y a des services si grands qu’on ne peut les payer que par l’ingratitude», professe Alexandre Dumas : Maître Léon Boissier-Palun, de mère dahoméenne et père marseillais, n’a même pas une ruelle à son nom dans ce pays auquel il apporte généreusement sa pierre quand tout semble perdu.
Revenons à nos piètres sénégalaiseries…
Lors de la prestation de serment du Président Diouf, héritier de Senghor qui lui épargne une bataille électorale incertaine, le 1er janvier 1981, le Premier président de la Cour suprême, Kéba Mbaye, indique la voie : «Les Sénégalais sont fatigués !»
Depuis cette bravade devant un Président démissionnaire sans pouvoir depuis la veille, nos compatriotes, qui en font leur leitmotiv, ont la raison suffisante de s’installer dans une économie de la pitié.
En 1988, l’année où l’agrégé d’économie et de Droit, l’opposant Abdoulaye Wade vend du rêve avec «le prix du kilo de riz à quarante francs», un personnage de bandes dessinées, symbolise ce choix délibéré : «Goorgoorlou» qu’il se nomme, il est la créature de Alphonse Mendy, alias TTFons, caricaturiste vedette du satirique Le Cafard Libéré. L’ultime ambition du besogneux personnage, devenu populaire au point d’inspirer une série télévisée sur la télévision publique, est de dévorer du couscous de mil au poulet.
Ce n’est pas le genre d’ambiance qui fabrique du capitaine d’industrie. Avant cela, le Parlement commence à accueillir des analphabètes. Certes, applaudir et crier «Vive Senghor !», comme cela se fait à l’époque, n’exige pas le Nobel des sciences. Mais il y subsiste encore le souci de ne pas être ridicule, d’avoir de la tenue.
En ces temps immémoriaux, la République du Sénégal a de la classe, comprenez la faculté à imposer le respect.
A quel moment notre pays bascule dans le misérabilisme, étale sa misère crasse et vit de la charité ? Pendant des années, le Journal télévisé, à chaque occasion, déploie un talent fou à glorifier la charité des pays riches : quand ce n’est pas une ambulance qu’un ministre du gouvernement réceptionne devant les caméras, ce sont des carcasses de moutons en provenance de La Mecque qui font la joie des misérables que sont devenus les Sénégalais.
Il ne manque pourtant pas de compatriotes ingénieux, audacieux, partis à la conquête du monde pour essuyer les larmes de leur mère, envoyer leur père à La Mecque et ouvrir l’avenir à leurs petites sœurs et petits frères, laissant derrière eux une épouse au service de la tribu affamée.
Dans les années soixante-dix, Senghor assigne à son ministre des Finances, Babacar Bâ, la redoutable mission de créer des riches de couleur locale ; le légendaire compte K2 ne fera pas que d’heureux chercheurs de gloire et fortune ; il crée aussi des jaloux dont le… Premier ministre, Abdou Diouf, que l’aura du ministre des Finances inquiète. Le chef du gouvernement finit par obtenir la tutelle de ce compte qu’il fermera, avec la complicité de l’opposant de façade Laye Wade, lequel ne pardonnera jamais à Babacar Bâ d’être ministre des Finances à sa place, en remplacement de Jean Collin.
Les années Diouf consacrent le triomphe de la friperie dont les précurseurs deviennent les heureux propriétaires de l’industrie de confection, le groupe Sotiba-Simpafric qui produit du tissu pour fauchés et finit par fermer, victime du train de vie d’un Pdg qui ne se refuse rien et n’en doute pas moins.
Voir petit devient la religion d’Etat qui dégraisse la Fonction publique et rabote l’école jusqu’à ne lui permettre que de produire de la racaille en quantité industrielle. Abdou Diouf initie et encourage les mutuelles qui forgent de l’entreprise à vingt-cinq mille francs, avec quoi ça a juste de quoi acheter un étal de bois branlant devant son domicile, sur lequel sont exposés trois choux, deux tomates et une tranche de poisson fumé.
L’offre politique de Wade ne vaut pas mieux… Le «Pape du Sopi», sous Diouf, se débarrasse de ses cadres et va chercher des sans-culottes pour porter sa volonté de changement, le «Sopi». Il tient le langage auquel le Sénégalais est sensible : vous faites pitié et j’en suis plus indigné que personne d’autre.
C’est la direction que Macky Sall emprunte douze années plus tard en multipliant les actes de charité : bourses familiales, et autres aides pour supporter l’insoutenable destin du pauvre descendant du tirailleur sénégalais qui peut se vanter d’avoir droit à un dessert.
La République perd définitivement de sa majesté lorsqu’un Farba Senghor peut y devenir ministre et qu’un Cheikh Amar trône sur le monde des affaires.
Lorsque la République du Sénégal de Senghor vous force à une posture d’aristocrate, et cherche à créer des capitaines d’industrie, celles de Diouf, puis de Wade, de Macky et Diomaye traquent le Sénégalais trop heureux pour être honnête, glorifient la mauvaise éducation, déifient la pauvreté.
Signe des temps : le Pierre Goudiaby Atepa des années Senghor, surnommé «Pierre le Bâtisseur», est devenu, un demi-siècle plus tard, «Pierre le démolisseur». Dans les années soixante-dix, l’architecte crée des tours et rêve de construire des métropoles entières sur le continent dont les chefs d’Etat se vantent de ses conseils ; Wade en fait son éminence grise au début des années 2000 et il rêve encore plus grand ; entre mégalomanes, on est comme larrons en foire… L’Atepa des années Macky en est réduit à batailler avec une Aby Ndour pour un morceau de corniche et répondre devant les tribunaux dédiés aux faits divers à la plainte de Adji Raby Sarr pour diffamation ; l’Atepa de l’ère Diomaye fait mieux. Son fantasme absolu serait de démolir un immeuble…
Par Mamadou Diagne
LES MÉDIAS SÉNÉGALAIS FACE AUX NOUVELLES EXIGENCES
Certaines entreprises de presse ont adopté une posture statique, sans vision proactive ni capacité d’adaptation dans un écosystème en perpétuel mouvement. le Fonds d’appui au développement de la presse devrait soutenir l’innovation et la créativité
Une entreprise de presse est bien plus qu’une simple entité productrice et pourvoyeuse de contenus. Elle incarne une mission d’informer, d’éclairer les débats, de renforcer la démocratie et de divertir sainement. Cependant, pour survivre et prospérer dans un environnement médiatique de plus en plus compétitif, une entreprise de presse doit aussi être gérée comme un business. Cette réinvention implique une gestion efficace des ressources, une innovation constante pour attirer et fidéliser son audience, ainsi que la diversification des sources de revenus pour générer des profits.
De ma courte expérience en tant que journaliste et responsable des supports digitaux de médias privés comme publics, mon constat est que si les médias sénégalais en sont arrivés à cette situation de crise, la cause est à chercher bien au-delà du problème de fiscalité.
Certaines entreprises de presse ont adopté une posture statique, sans vision proactive ni capacité d’adaptation dans un écosystème en perpétuel mouvement. Un écosystème où les habitudes de consommation ont presque fondamentalement changé. D’autres acteurs ont intégré le secteur et les annonceurs se sont tournés vers des canaux qu’ils pensent capables de toucher une plus large audience sans passer à la boutique des médias classiques.
La situation des quotidiens Stades et Sunulamb m’attriste profondément. Contrairement à ce que certains peuvent penser, ces médias n’étaient pas de simples ramassis de copier-coller. Ils représentaient le travail de journalistes talentueux qui y imprimaient leur signature singulière. Les colonnes de ces journaux étaient souvent le lieu de découvertes et d’analyses précieuses. Malheureusement, ils n’ont pas réussi à se réinventer dans un contexte en constante mutation, en perpétuelle évolution.
C’est d’autant plus douloureux de constater que d’autres médias hors de nos cieux avec un environnement plus compétitif ont su se réinventer avec succès.
Si la question est financière, alors c’est précisément à cela que devrait servir le Fonds d’appui au développement de la presse : soutenir l’innovation et la créativité. C’est là où se cherche la clef de son développement, justement. En fait, peut-être devrions-nous même renommer cette aide par « Appui à l’innovation et à la créativité ».
Les médias sénégalais, comme d’autres à travers le monde, ne sont pas seuls dans cette situation. La plupart des médias internationaux présents en Afrique bénéficient également de financements d’organismes et d’ONG pour aborder des thématiques spécifiques correspondant à leurs agendas.
Il y a six ans, j’ai eu la chance de participer à une belle aventure : le lancement du groupe Emedia. Avec une équipe jeune et dynamique, nous avions su adopter une approche innovante pour renforcer la présence en ligne des médias. Sur le plan digital, notre objectif premier n’était pas de générer des revenus immédiats, mais de nous positionner solidement dans un environnement hyper concurrentiel. Nous avons réussi ce pari, mais il était ensuite nécessaire de franchir une nouvelle étape, qui nécessitait surtout un investissement dans le capital humain.
Le premier goulot d’étranglement dans les médias réside souvent dans les directions des ressources humaines, à considérer qu’elles existent par ailleurs. La gestion du talent et le développement des compétences des équipes, l’optimisation des coûts de personnel et la projection à long terme dépendent en grande partie d’une politique RH alignée sur les objectifs stratégiques de l’entreprise. Emedia avait et a toujours du potentiel, mais la suite de l’histoire, vous la connaissez…
Après cela, j’ai rejoint la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS), où le défi était tout autre. Trois ans plus tard, beaucoup me demandent comment je réussis à « gérer » dans l’environnement de la RTS. Il faut dire que certains considèrent la RTS comme une vieille institution avec de terribles lourdeurs et d’innommables goulots d’étranglement. Comme dans toute entreprise publique, proposer des solutions novatrices ou briser les habitudes établies n’est pas toujours bien perçu. Cependant, la RTS est remplie d’esprits brillants et passionnés ; grâce à eux, nous avons pu obtenir des résultats, surtout avec l’accompagnement et la confiance de la hiérarchie.
Avec une stratégie bien définie, nous avons pu relever plusieurs défis en trois années. Certains m’ont marqué plus que d’autres. Mais aujourd’hui, au-delà de la forte présence de la RTS sur la toile, pouvoir dire que nous avons multiplié par 100 les revenus digitaux est une réussite majeure, tout en sachant que nous n’avons pas encore atteint 10 % de l’exécution de nos potentialités. Si nous avons réussi l’exploit, c’est grâce à la collaboration entre plusieurs directions, qui a permis d’optimiser les ressources, d’aligner les objectifs, de stimuler l’innovation et d’améliorer l’efficacité.
Malheureusement, dans les entreprises de médias, cette collaboration est souvent insuffisante, chaque département travaillant en vase clos. Puis, les postes clés sont souvent occupés par des journalistes expérimentés, certes, mais ceux-là n’ont pas toujours de compétences en marketing, en gestion des ressources ou en finances.
Un autre problème majeur auquel les entreprises de média sont confrontées est leur réticence à la collaboration. Aujourd’hui, le secteur des médias est fortement influencé par les technologies. Pour rester compétitifs, les médias doivent non seulement se tenir au courant des nouvelles tendances, mais aussi collaborer avec des entreprises ou des startups innovantes dans le domaine. Cette ouverture est cruciale pour répondre aux exigences de performance actuelles.
À la RTS, j’ai eu la chance de collaborer avec des champions locaux tels qu’ACAN, BEUZ PRO et REFLEX. Leur expertise a véritablement enrichi nos projets et apporté une valeur ajoutée significative.
On parle maintenant beaucoup de digitalisation des médias, souvent réduite à une simple présence sur les réseaux sociaux. Cependant, la véritable transformation relève d’un changement de mentalité qui concerne tous les acteurs du secteur. Nous discutons également des défis posés par l’intelligence artificielle (IA) et des risques associés aux métiers du secteur. En effet, de nombreux processus sont ou seront automatisés, mais le changement est constant. Ceux qui initient et anticipent ces évolutions seront en première ligne.
Les opportunités sont nombreuses, mais elles dépendent de la maîtrise de sa cible et d’une approche territoriale adaptée. Dans le marché actuel de l’économie de l’attention, les médias n’ont plus le monopole. Il est essentiel donc de faire preuve de créativité pour se démarquer.
LE GRAND RASSEMBLEMENT DE LA FOI
Ce vendredi 23 août, des millions de fidèles vont converger vers la cité sainte pour commémorer le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba. Plus qu'une simple célébration religieuse, le Magal incarne un moment de reconnaissance, de dévotion et de partage
La cité religieuse de Touba sera le point de convergence des fidèles musulmans et particulièrement de la communauté mouride à l’occasion du Grand Magal célébré demain vendredi 23 août, correspondant au 18 Safar du calendrier musulman. Ce rendez-vous religieux commémore le départ en exil de cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. Le fondateur de la voie mouride (1853-1927) avait initié l’événement en 1921 en appelant ses coreligionnaires et disciples à une journée de dévotion, de gratitude et de reconnaissance dédiés exclusivement à la gloire de Dieu. Le Magal de Touba trouvera ses racines dans cette recommandation prononcée par le Saint homme lui-même : « Quant aux bienfaits que Dieu m’a accordés, ma seule et souveraine gratitude ne les couvre plus. Par conséquent, j’invite toute personne que mon bonheur personnel réjouirait à s’unir à moi dans la reconnaissance à Dieu, chaque fois que l’anniversaire de mon départ en exil le trouve sur terre».
Institué par «Khadimou Rassoul» et ses différents khalifes, cet appel est perpétué par des millions de fidèles qui affluent chaque année vers la cité religieuse fondée en 1888 et aujourd’hui deuxième ville du Sénégal. Pour cette édition 2024, les organisateurs ont retenue comme thème «l’éducation des populations face à la mondialisation et à ses péripéties».
Touba, la religieuse sera en cette matinée du vendredi 23 août le pôle de convergence de la communauté musulmane pour la célébration du Grand Magal de Touba. Cette date qui correspond à 18 Safar du mois lunaire commémore le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. Surle plan exotérique, il marquera l’avènement d’une élévation spirituelle et la fin des épreuves subies parle guide religieux avant sa déportation vers le Gabon. Un exil forcé qui allait se prolonger en Mauritanie de 1903 à 1907 puis par des résidences surveillées à Thieyène dans le Djolof, de 1907 à 1912 et enfin à Diourbel de 1912 à 1927. Des épreuves qui se sont poursuivies encore les années à Diourbel. Cheikh Ahmadou Bamba endurait des épreuves à chaque fois que revenait le jour anniversaire de cette date du 18 Safar.
Reconnaissance des bienfaits accordés par l’éternel
C’est lors de ce dernier séjour à Diourbel, alors qu’il attendait les mêmes épreuves, que Dieu lui fit savoir que les épreuves sont désormais terminées. En guise de le remercier des grâces dont Il lui a gratifié l’Eternel lors de son départ à l’exil, le fondateur du Mouridisme avait donné le sens de cette célébration. « La peine est levée, toute la mission, qui t’as été confié, a été remplie. Tu as obtenu ce à quoi tu aspirais. Il m’a, en ce jour, exaucé au point que j’y ai obtenu la totalité des avantages que je sollicitais auprès de Lui.
Quant aux bienfaits que Dieu m’a accordés, ma seule et souveraine gratitude ne les couvre plus. Par conséquent, j’invite toute personne que mon bonheur personnel réjouirait de s’unir à moi dans la reconnaissance à Dieu, chaque fois que l’anniversaire de mon départ en exil le trouve surterre », lançait le fondateur du mouridisme. Cette recommandation prononcée en 1921 est l’acte fondateur du Magal. Le fondateur de la cité religieuse de Touba en 1888, va à partir de cette date donner forme à cette célébration. L’éminent guide spirituel transforma cette épreuve en un acte de dévotion profonde à Allah. «Serigne Touba» avait enjoint aux bienfaits du Magal un acte aussi festif que dévotionnel qu’on appelle communément le « Berndé ». Il s’agit de la préparation de mets et de copieux repas destinés aux hôtes et aux plus démunis. En qualité et en quantité, les aliments et collations devraient permettre à chacun de sentir que le Magal est également un moment de fête. Dans presque toutes les familles ainsi qu’au sein des regroupement de disciples , des « Dahiras » où des moutons, des bœufs, des chameaux sont immolés pour l’occasion. Une quantité industrielle de boissons, de viennoiserie, de fruits et toutes sortes de mets n’est de trop pour les besoins de la célébration. C’est aussi une manière de promouvoirles valeurs de partage, de la paix, de la solidarité et l’entre-aide.
Réjouissance et dévotion au cœur d’une célébration
Cette dimension festive qui se manifeste par le «Berndé» est toutefois adossée à divers actes de dévotion. Il s’agit notamment des visites pieuses effectuées auprès des différents fiefs des grands Cheikhs et dignitaires mourides mais aussi des sanctuaires, mausolées des différentes Khalifes et guides religieux qui reposent dans la cité religieuse. Des occasions pourles disciples mourides de renouveler leur engagement spirituel à travers des récitations du Coran, du Zikr, la lecture de ses «poèmes» (Khassaïdes), de causeries surle Prophète (PSL), sur les hommes pieux, entre autres. Le tout en parfaite adéquation de la « Sunna » (Tradition) du Prophète (PSL) et vœux de « Khadimou Rassoul ». Célébré dans un cadre restreint par son fondateur, cette commémoration était loin d’avoir une l’ampleur collective que l’on constate aujourd’hui. Les talibés se regroupaient en effet dans différents lieux et dans le cadre de la famille à Diourbel.
Après le rappel à Dieu du fondateur du Mouridisme en 1927, le premier Khalife Cheikh Mouhamadou Moustapha Mbacké, imitant, en cela, son père, a tenu le flambeau en célébrant la date du 18 Safar déplaçant à Touba. La décision de Magal à Touba à l’unisson sous sa forme actuelle a été prise à la fin des années 40 (1948) par le deuxième khalife Serigne Fallou Mbacké.
Cent deux ans après le premier Grand Magal, l’événement religieux, sans doute l’un des plus grands rassemblements, est aujourd’hui perpétué dans la cité religieuse. Depuis le début du mois de Safar, un flot continu de pèlerins venu des quatre coins du monde continue d’affluer dans la cité de Cheikh Ahmadou Bamba. L’édition 2024 aura, on le rappelle, comme thème : « L’éducation des populations face à la mondialisation et à ses péripéties ».
Comme chaque année, le comité d’organisation a mis en place un programme diversifier pour cette 130e édition. Panels et communications consacrés au thème tout comme des exposés et des conférences sur les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba marqueront les festivités. Ce, dans le but d’approfondirla compréhension et la diffusion de idées du Mouridisme dans le contexte de la mondialisation actuelle. Il faut rappeler qu’en prélude du Magal, une vaste opération d’investissement humain a été mobilisé pour assurer le bon déroulement des activités et la sécurité des milliers de pèlerins attendus.
THIERNO ALASSANE SALL SAISIT LA JUSTICE DANS L'AFFAIRE L'ONAS
Le député appelle le procureur de la République à faire la lumière sur ce dossier opposant notamment le ministère de l'Hydraulique et l'ancien patron de l'Office National de l'Assainissement du Sénégal, Cheik Dieng
(SenePus) - Le député Thierno Alassane Sall a déposé une plainte contre X auprès du Procureur de la République, visant des irrégularités présumées au sein de l'Office National de l'Assainissement du Sénégal (ONAS).
Dans sa lettre datée du 21 août 2024, le parlementaire évoque deux affaires troublantes : "une histoire de voiture de 80 millions" et "une accusation d'attribution illégale d'un marché public avec une surfacturation pour un montant de plus de 200 millions". .
"Ces faits, s'ils sont avérés, constitueraient des infractions pénales graves", souligne M. Sall dans sa plainte.
L'affaire a éclaté suite à une conférence de presse tenue le 16 août par M. Cheikh Dieng, ancien directeur général de l'ONAS, au cours de laquelle il aurait fait des déclarations sur sa gestion de l'organisme entre mai et août 2024. Bien que M. Dieng ne soit pas nommément visé par la plainte, ses déclarations semblent être au cœur de l'affaire.
Le ministère de l'Hydraulique a rapidement réagi, organisant une conférence de presse le 20 août pour contester les allégations concernant l'attribution des marchés de curage à Dakar et dans les régions.
"En conséquence, je porte plainte contre X pour corruption, concussion et toutes autres qualifications qui pourraient se révéler convenables aux faits allégués", déclare le député dans son courrier au Procureur.
Ce matin, j’ai mandaté, au bureau du Procureur de la République, un de mes conseillers juridiques, accompagné d’une Responsable de notre parti pour déposer la plainte que j’ai annoncée hier.
Désormais la balle est dans le camp de l’autorité judiciaire afin que les Sénégalais… pic.twitter.com/Pk63OH1vGU
Joal-Fadiouth, avec ses 8000 habitants, est un laboratoire de tolérance et de respect mutuel. Dans ce lieu, les différences de foi ne sont pas des barrières, mais des ponts. Chrétiens et musulmans célèbrent ensemble la vie et partagent leur dernier repos
Au large des côtes sénégalaises, l'île de Joal-Fadiouth brille comme un phare d'espoir. Ce petit paradis de 8000 âmes incarne une vision rare du vivre-ensemble, où musulmans et chrétiens tissent une tapisserie sociale harmonieuse.
Le symbole le plus marquant de cette union ? Un cimetière mixte, où les défunts de toutes confessions reposent côte à côte, témoignant d'une fraternité qui transcende la mort. Dans les rues parsemées de coquillages, les fêtes religieuses sont célébrées collectivement, effaçant les frontières entre les communautés.
Pourtant, ce havre de paix n'est pas à l'abri des remous politiques. Les débats récents sur le port du voile à l'école ont fait trembler les fondements de cette entente cordiale. Les habitants, conscients de la fragilité de leur trésor, s'efforcent de préserver leur modèle de coexistence.
Fadiout incarne ainsi un défi audacieux : celui de maintenir vivace un idéal de tolérance dans un pays laïc mais majoritairement musulman.
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ATEPA RIPOSTE À MADIAMBAL
L'architecte annonce la création d'un mouvement citoyen baptisé "AMOR" (Amis du Monument de la Renaissance), citant "des individus sans foi ni loi" qui tenteraient d'imposer leur volonté grâce à des "moyens financiers douteux"
Dans un rebondissement inattendu de l'affaire opposant l'architecte Pierre Goudiaby Atepa au journaliste Madiambal Diagne, le premier a lancé une contre-offensive. Devant le siège de l'UNESCO à Paris, l'architecte a annoncé la création d'un mouvement citoyen baptisé "AMOR" (Amis du Monument de la Renaissance).
Cette initiative survient quelques jours après les accusations de Diagne, affirmant qu'Atepa aurait menacé de "casser" son immeuble en construction aux Mamelles. L'architecte, sans évoquer directement ces allégations, a appelé dans sa vidéo, à une mobilisation pour "sauvegarder l'environnement" autour du Monument de la Renaissance.
Il a notamment évoqué "des individus sans foi ni loi" qui tenteraient d'imposer leur volonté grâce à des "moyens financiers douteux". Cette déclaration semble faire écho aux propos de Diagne, qui évoquait une possible instrumentalisation des autorités pour entraver ses projets immobiliers.
UNE NOUVELLE FORCE LIBÉRALE ÉMERGE
Plus de quarante partis et mouvements libéraux s'unissent pour créer le "Bloc des Libéraux et des Démocrates / TAKKU". Ils appellent à une mobilisation large pour préserver l'intégrité du processus électoral et les libertés fondamentales
Une alliance inédite vient de voir le jour au Sénégal, réunissant plus de quarante partis et mouvements de la mouvance libérale et démocratique. Baptisée "Bloc des Libéraux et des Démocrates / TAKKU", cette coalition se donne pour mission de défendre l'héritage démocratique et économique des gouvernements libéraux passés. Face à ce qu'elle perçoit comme des menaces populistes et autoritaristes, l'alliance promet de lutter vigoureusement pour préserver les acquis démocratiques, dans le communiqué suivant :
"Communiqué de presse.
Plus de quarante (40) partis et mouvements de la mouvance libérale et démocratique ont décidé d'unir leurs forces et de constituer une alliance dénommée « Bloc des Libéraux et des Démocrates / TAKKU ».
Cette nouvelle alliance se fixe un double objectif :
- perpétuer et amplifier le legs de plusieurs décennies de combat des libéraux et de leurs alliés qui ont permis l'instauration de la démocratie et le placement du Sénégal sur la rampe de l'émergence économique et sociale de 2000 à 2024 ;
- favoriser la coopération, le partage d'idées, la recherche de consensus et la mutualisation de ressources humaines, matérielles et financières pour promouvoir des politiques et des valeurs communes.
Cette alliance stratégique a pour ambition d'unifier progressivement la mouvance libérale et démocratique à travers des prises de position et des actions communes en vue de la défense de la démocratie acquise de haute lutte par les partis et mouvements libéraux et démocratiques et qui est aujourd'hui menacée par des velléités populistes et autoritaristes.
Le cadre défendra avec vigueur les libertés démocratiques transcrites dans la Constitution de 2001, notamment la liberté de presse aujourd'hui fortement compromise.
Le Bloc des Libéraux et des Démocrates compte mobiliser toutes ses forces pour préserver les acquis démocratiques qui garantissent la transparence et l'intégrité du processus électoral.
A cet effet, et dans la perspective d'une dissolution certaine de l'Assemblée nationale, le Bloc appelle à la constitution d'une large coalition pour lutter avec la dernière énergie contre les tentatives de suspendre le pays en organisant à la sauvette des élections législatives, dans des conditions tenues secrètes, en rupture avec les traditions de concertation et de consensus qui font la force de notre démocratie depuis 1993.
Le Bloc appelle tous les partis et mouvements de la mouvance libérale et démocratique à rejoindre ses rangs et au regroupement, partout dans le pays et au niveau de la diaspora, de toute l'opposition et du peuple, dans toutes ses composantes, en vue de la préservation d'un Sénégal démocratique et prospère."
UNE COALITION XXL EN GESTATION
Des tractations sont en cours entre des acteurs comme Amadou Ba, Khalifa et Bougane en perspective de potentielles législatives anticipées. Ce front commun pourrait redéfinir les équilibres au sein de l'Assemblée et poser un sérieux défi à la mouvance
L’heure est aux tractations pour former de solides coalitions en vue des élections législatives prochaines. Du côté de l’opposition, des discussions sont ouvertes pour la création d’une grande coalition avec des têtes de pont comme Amadou Ba, Khalifa Sall et Bougane Gueye Dany.
Le rapprochement Barth-Bougane, ennemis jurés par le passé, ne fait que conforter l’adage selon lequel“l’ennemi de ton ennemi est ton ami”. Le responsable de Taxawu Sénégal, a rencontré la semaine dernière le patron du groupe de presse D-Média, Bougane Guèye Dany.
Cette visite de “Dias-fils” a été effectuée en marge du lancement des travaux d’assainissement de la Cité Keur Gorgui que l’édile de la capitale était venu présider.
D’aucuns soutiennent que cette rencontre était une occasion de discuter d’une éventuelle alliance en vue des prochaines échéances électorales. En effet, selon nos sources, Bougane devenu trop radical contre le régime Diomaye, a eu à discuter de politique avec Barthélémy Dias afin de nouer une alliance qui permettrait à Gueum Sa Bopp d’avoir des députés au sein de l’hémicycle.
Mais, à vrai dire, cette rencontre n’est que la partie visible de l’iceberg. De fortes tractations sont en cours pour la création d’une coalition plus large qui, en plus de Bougane, regrouperait Khalifa Sall et Amadou Ba en vue des élections législatives de 2025 en cas de dissolution de l’Assemblée nationale. “On exclut pas de nouer une coalition de l’opposition avec Amadou Ba”, disent dans les coulisses certains proches de Khalifa Sall.
Autre chose, selon nos sources, Taxawu Sénégal envisage de puiser au sein de Yewwi Askan Wi (YAW) afin de faire adhérer certains de leurs anciens compagnons à son projet. Certains partis, mouvements et entités, membres de Yewwi, proches de Khalifa Sall ou frustrés par le régime, seront certainement approchés pour rejoindre cette nouvelle coalition.
En tout cas, la mouvance présidentielle est avertie. Elle risque d’avoir en face trois leaders qui s’ils joignent leurs forces peuvent faire mal aux prochaines élections. En effet, Bougane Gueye Dany dispose d’un appareil médiatique fort qui pourrait être, facilement, mis à la disposition de cette coalition. Khalifa Sall est un ténor avec une grande expérience politique électorale. Charismatique, très respecté en politique, le leader de Taxawu Sénégal n’a pas encore dit son dernier mot même s’il a subi un grand revers lors de la dernière présidentielle en arrivant à la quatrième position avec 69 760 voix soit 1,56% de l’électorat. Ce revers ne signifie pas pour autant que Khalifa est mort en politique et qu’il ne dispose plus d’un appareil qui peut faire mal. Enfin, Amadou Ba est un homme du système, qui connaît bien les rouages de l'État et ses démembrements.
Arrivé deuxième à la dernière présidentielle avec 35,79% des voix ; Amadou Ba devient inéluctablement une force politique non négligeable. Surtout qu’il était seul contre tous; attaqué d’une part par la coalition Diomaye Président et saboté de l’autre par le président sortant Macky Sall et compagnie. En quête de renaissance aujourd’hui, il pourrait se refaire une nouvelle virginité politique avec cette nouvelle coalition. Bien entendu, il devrait au préalable se démarquer de l’Alliance pour la République (APR) et créer sa propre formation qui, bien sûr, sera composée en majorité d’anciens apéristes.
lettre d'amérique, par rama yade
INDUSTRIES CULTURELLES CRÉATIVES, LE SOFT POWER AFRICAIN
Du cinéma à la mode, en passant par la musique et les arts visuels, l'Afrique affirme son identité et change le narratif global sur le continent
Le soft power est le nouveau hard power. Selon l’Unesco, le secteur créatif pourrait créer 20 millions d’emplois et générer 20 milliards de dollars de revenus par an en Afrique. Le continent a besoin de la création de 18 millions d’emplois par an pour combler le déficit d’emploi qui ne cesse de s’aggraver suite à l’explosion démographique. Les industries culturelles et créatives, devenant un marché économique en plein essor, pourraient y prendre une part précieuse. Le patrimoine culturel africain était déjà partout, influençant le blues, la salsa, le rap, le reggae et même le disco. Son influence était visible dans la peinture de Picasso, les pyramides d’Egypte et les sculptures de la Grèce antique. Ce qui est plus nouveau, c’est la reconnaissance croissante du public. Une nouvelle visibilité et des opportunités économiques émergent.
Aux sources de l’essor des industries culturelles et créatives
Deux phénomènes sont à l’origine de cette révolution. D’abord, la croissance démographique sur un continent qui, en engageant le doublement de sa population d’ici 2050, voit arriver une classe moyenne plus éduquée, consommatrice, et surtout une jeunesse innovante dont les moins de 15 ans constituent 40% de la population africaine. Nés avec l’internet, le mobile et les plateformes telles qu’Instagram, Twitter, TikTok, Youtube, Facebook, et Snapchat où ils peuvent euxmêmes créer et promouvoir leurs propres contenus, ces jeunes ne regardent pas le monde de la même manière que les générations précédentes.
Ensuite, la plus grande révolution digitale de ces vingt dernières années qui s’est produite en Afrique s’est traduite par une croissance exponentielle du marché de la téléphonie mobile. Selon l’Association mondiale des opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile (Gsma), le taux d’adoption des smartphones devrait passer de 51 à 87% entre 2022 et 2030, avec un quadruplement du trafic des données mobiles en Afrique subsaharienne. Ces changements s’opèrent dans tous les secteurs, dans la banque à distance, les cryptomonnaies, les paiements et, bien sûr, l’arrivée de l’Intelligence artificielle accélèrent ces phénomènes. La culture de l’entrepreneuriat, déjà présente en Afrique, s’en trouve considérablement encouragée à travers le phénomène croissant des startups.
La conjonction de ce double phénomène démographique et technologique a fortement impacté le secteur culturel.
Nollywood plus fort qu’Hollywood
Prenons l’exemple du Nigeria, qui est devenu la plus grande économie africaine après l’inclusion de Nollywood dans la mesure de son Pib en 2016. Aujourd’hui, le marché du divertissement au Nigeria est devenu l’industrie culturelle la plus dynamique au monde. Chaque année, 150 millions de téléspectateurs regardent plus de 2500 films produits au Nigeria, dépassant de loin Hollywood si bien que, selon la Nigerian Entertainment Conference, le marché du divertissement et des médias du Nigeria devrait atteindre un chiffre d’affaires de 14, 82 milliards de dollars en 2025, contre 4 milliards de dollars de revenus enregistrés en 2013. Dans les cinq années qui viennent, l’organisation annonce une croissance annuelle de 16, 5% du secteur grâce à une connectivité en hausse et une hausse des abonnés.
Et il n’y a pas que Nollywood : le nombre de sociétés de production au Kenya, en Afrique du Sud, au Maroc, en Côte d’Ivoire n’a jamais été aussi important. Au Sénégal, à quelques semaines de la Biennale de Dakar, le succès se renforce à chaque édition avec, selon les organisateurs, «ses 250 000 visiteurs dont plus de 50 000 proviennent de l’étranger, 11 000 professionnels, plus de 3000 créateurs, artistes de la matière, manufactures, galeries, maisons d’excellence, fondations et institutions», et que le New York Times qualifiait de «l’un des plus grands -et certainement le plus vibrant événements d’art contemporain sur le continent africain» dans un article de juin 2022.
Comme souvent, en particulier dans un continent où les enjeux de développement sont massifs, artistes et créateurs déploient une réflexion qui, faisant écho aux défis de l’époque, évoque le changement climatique, la résolution des conflits ou encore les questions de gouvernance.
Un nouveau récit africain
Avec la mode, le cinéma, les arts visuels, les sites culturels, les médias, le design, les jeux vidéo, la musique, les livres et même le sport, les industries créatives changent le récit africain. Au-delà des opportunités économiques croissantes, c’est sans doute leur plus grande force. Enfin, les Africains parlent d’eux-mêmes, décrivent leur réalité comme dans la série à succès Maîtresse d’un homme marié et leur vision de l’avenir avec le joyeux et futuriste Iwaju. La diaspora a aussi un rôle important dans ce nouveau narratif partagé avec le reste du monde, à l’image du succès mondial de Black Panther : Wakanda Forever, qui mettait en vedette des acteurs africains primés à Hollywood comme Lupita N’yongo ou Daniel Kaluuya. Dans ce film, les Dora Milaje rappelaient les Amazones du Benin, les boubous violet des membres de la famille royale la tenue des Touaregs et la coiffure de Ramonda celle des femmes Mangbetu du Congo.
Ce secteur sert également à amener le monde en Afrique. Fidèle à une vieille tradition qui a vu les films de Hitchcock jusqu’à la série Mission impossible y être tournés, le Maroc, par exemple, accueille de nombreux studios de cinéma hollywoodiens à Casablanca et Ouarzazate, et su faire de ses événements culturels comme le Marathon des Sables ou le Festival de Fez des musiques sacrées du monde, des rendez-vous internationaux.
Entraînées par ces succès, les plateformes occidentales ont considérablement enrichi leurs portefeuilles africains : la comédie musicale Black is King, produite par Disney, célébration de l’Afrique par Beyonce, produite par Disney, tandis que Netflix et Amazon développent à la fois des licences et du contenu original de sociétés de production locales africaines ayant l’ambition d’une distribution mondiale. Les services de streaming africains sont également en plein essor, comme Boomplay et ses 60 millions. Côté luxe, des maisons telles que Dior et Louis Vuitton, qui se sont toujours inspirées des créations africaines, organisent des défilés dans les capitales africaines désormais. Les marques de prêt-àporter comme H&M et Zara intègrent des inspirations africaines aussi. Les Fashion Week, de Johannesburg à Lagos, sont fréquentées par des célébrités internationales. Dans l’industrie musicale, le lauréat nigérian d’un Grammy Award, Burna Boy, a été le premier artiste africain à faire salle comble dans un stade américain après la sortie de son album en 2022, et le premier artiste nigérian tête d’affiche du Madison Square Garden. Il a été nommé parmi les 100 personnes les plus influentes de 2024 par le Time.
Des artistes africains laissés à eux-mêmes
Cependant, en dehors de quelques artistes africains cotés, les artistes africains ne vivent pas bien de leurs créations. Ils sont laissés à eux-mêmes. Pour des Irma Stern, Marlene Dumas, Mahmoud Said, William Kentridge, y compris des crypto-artistes reconnus comme la Franco-Sénégalaise Delphine Diallo ou le Nigérian Osinachi qui vend ses NFT à plus de 200 000 dollars chez Christie’s, combien d’artistes africains, peintres, sculpteurs, danseurs ne bénéficient d’aucune reconnaissance et vivent même dans la pauvreté ?
Un coup d’œil rapide sur le prix auquel se vendent les peintures des artistes dans les rues des capitales africaines pour réaliser à quel point leur travail ne fait l’objet d’aucune reconnaissance, et d’abord financière. Dans la musique, les artistes africains tirent beaucoup moins de valeur de leurs créations que leurs homologues occidentaux. Par exemple, sur Spotify, alors que le paiement moyen pour 1000 streams aux Etats-Unis se situe entre 5 et 10 dollars, il est inférieur à 0, 5 dollar dans les pays africains. Malgré quelques événements phares tels que le Fespaco de Ouagadougou et la Biennale de Dakar qui, elle-même, a dû être reportée cette année pour des problèmes de financement, les industries créatives africaines ne sont pas beaucoup soutenues par les gouvernements en Afrique : seulement 1, 1% du Pib africain leur est consacré et elles constituent moins d’1% de l’économie créative mondiale évaluée à 2, 2 milliards de dollars. La plupart des gouvernements africains n’ont pas ratifié la Charte pour la renaissance culturelle africaine adoptée en 2006, dans le but de préserver et de promouvoir le patrimoine culturel africain. Les quelques bourses qui existent proviennent des instituts français, Goethe, ou du programme Acp-Union européenne. Les banques d’Etat chinoises sont de plus en plus impliquées, participant au financement de l’Opéra d’Alger et du Palais des Congrès de Yaoundé. Du côté africain, il n’y a guère que la Banque panafricaine d’import-export (Afreximbank) qui a pris la première initiative d’envergure avec une enveloppe de 500 millions de dollars destinée à soutenir les industries créatives et culturelles en décembre 2020. Malgré quelques déclarations d’intention regroupées dans l’aspiration numéro 5 de l’Agenda de l’Union africaine promettant «une Afrique dotée d’une forte identité culturelle, d’un patrimoine commun et de valeurs et d’éthique partagées» et quelques projets à concrétiser comme le Grand Musée de l’Afrique à Alger, l’organisation panafricaine n’a pas encore pu faire coïncider ses ambitions avec les engagements constatés de la part des Etats.
L’enjeu crucial de la propriété intellectuelle
Les besoins sont énormes : le manque d’infrastructures (espaces de production, salles de cinéma et de concerts), le faible nombre de maisons d’édition et la faible capacité de formation (administrateurs, managers, techniciens, experts numériques etc.). Néanmoins, la vulnérabilité des industries créatives africaines n’est pas que financière, elle est aussi légale et tient à la faiblesse de la réglementation en matière de droits de propriété intellectuelle. Cette question affecte considérablement la protection des créateurs, notamment les droits d’auteur, la négociation des contrats, la production, la distribution et l’accès aux marchés internationaux et, au final, la rentabilité financière des créations.
De nombreuses institutions financières et investisseurs n’étant pas familiers du secteur créatif, ils ne comprennent pas comment évaluer et tarifer les risques, ce qui rend l’accès au capital difficile et coûteux malgré les opportunités pour les investisseurs. En plus de cela, la piraterie, les pratiques de contrebande et le trafic illicite rendent le marché africain difficile à lire. D’une certaine manière, ces enjeux font écho à la question de la restitution des œuvres d’art africain spoliées. Il s’agit encore et toujours d’avoir la pleine souveraineté sur la création africaine.
Une réflexion stratégique sur les droits de propriété intellectuelle est la première mesure urgente à laquelle les Etats devraient s’atteler. La monétisation d’un secteur économiquement prometteur est la seconde. De l’économie du textile au tourisme, ce sont des chaînes de valeur qu’il convient de créer tout en démocratisant l’accès à cette industrie. Le terreau est fertile : en Côte d’Ivoire, les femmes possèdent 80% de l’économie du textile.
L’Afrique a toujours été une terre de création dont l’influence a essaimé partout, mais sans la reconnaissance qui aurait dû aller avec. Le bouleversement technologique actuel, en redistribuant les cartes, offre une occasion unique aux artistes de briller sans se cantonner aux limites de leurs frontières nationales. Cette révolution culturelle est en train de modifier considérablement le paysage créatif mondial. Il revient désormais aux Etats de prendre les mesures règlementaires qui s’imposent pour faire de cette industrie une véritable politique publique et même un puissant outil de politique étrangère.
Rama Yade est Directrice Afrique Atlantic Council.