Demain, jour d'élections législatives anticipées au Sénégal, les sénégalais sont appelés à élire les 165 députés de la 15 ème législature.
C'est un tournant décisif de la vie politique de Sénégal, depuis les indépendances.
Les 3 semaines de campagne électorale ont été rudes avec beaucoup d'invectives et de menaces qui nous ont éloignés de l'essentiel :
Quel programme politique, économique et social faut-il mettre en oeuvre au Sénégal durant les 5 prochaines années, pour mettre définitivement le pays sur la voie du développement ?
Au delà des meetings et des caravanes classiques, les spots télévisuels ont permis aux sénégalais d'avoir un aperçu sur les programmes proposés par les différents leaders et leurs colistiers.
Aujourd’hui nous sommes à l'heure du choix.
Le vote de demain dimanche 17 novembre 2024, sera crucial et determinant pour le Sénégal.
Les douze années passées avec Macky Sall ont finit par éclairer les sénégalais, des effets négatifs de l'hyper-presidentialisme.
En signant le Pacte de gouvernance démocratique proposé par Sursaut Citoyen et d'autres organisations de la société civile, le président Bassirou Diomaye Faye comme treize autres candidats sur les dix neuf qui étaient en compétition lors des dernières présidentielles, s'est engagé à appliquer les conclusions des Assises nationales du Sénégal (ANS) et celles de la Commission Nationale de Réforme des institutions (CNRI) présidées par feu Amadou Mahtar Mbow.
Demain, j'appelle les sénégalais et les sénégalaises à voter massivement pour les listes Pastef, afin de rester cohérent par rapport aux résultats des dernières élections présidentielles du 24 mars 2024.
En donnant au président Diomaye Faye, une majorité claire qui lui permetta d'appliquer sa politique et d'honorer, les engagements pris devant le peuple sénégalais.
Le Sénégal est à la croisée des chemins.
Aucun des différents régimes politiques qui se sont succédés depuis les indépendances, n'a réussi à éliminer le système de prédation des deniers publics par les tenants du pouvoir et des hauts fonctionnaires véreux.
Le président Diomaye, avec son slogan politique Jub Jubal Jubanti, nous propose de mettre de l'ordre dans tout ça.
Demain, en votant pour les listes Pastef, ayons un apriori favorable pour le président Diomaye et faisons lui confiance, pour les cinq prochaines années,
Néanmoins la prochaine législature, toutes tendances confondues, devra être vigilante et exiger du gouvernement, la prise en compte des priorités du pays qui sont :
- des réformes institutionnelles courageuses basées sur les conclusions des ANS et de la CNRI.
- une politique de développement économique ambitieuse basée sur la réappropriation de nos leviers de souveraineté ressources naturelles.
- la réforme du système éducatif en introduisant nos langues nationales et en donnant en exemple nos grands hommes et femmes qui représentent la conscience historique du Sénégal.
- la formation professionnelle et l'apprentissage pour donner à la jeunesse un métier.
- des investissements massifs dans l’agriculture, l’élevage, la pêche.
- l’amélioration du cadre de vie.
- la communication pour les changements positifs de comportement.
- la culture pour redonner confiance à notre jeunesse fascinée par l'Occident et prête à mourir dans les océans pour un eldorado incertain.
Donc pour espèrer la mise en œuvre d'un tel programme volontariste,
Votons utile, votons avec raison, votons en faveur des listes Pastef.
NON, LE SÉNÉGAL NE COMPTE PAS 50% D'ÉTRANGERS
À en croire Tahirou Sarr, la moitié de la population du pays serait étrangère. Un chiffre démenti par les données officielles qui établissent la présence étrangère à seulement 1,1%. Les experts dénoncent une 'intox' dangereuse en période électorale
(SenePlus) - D'après une enquête d'Africa Check, une récente déclaration de l'homme politique Tahirou Sarr, diffusée sur la télévision nationale RTS1 le 3 novembre 2024, s'avère totalement infondée. Le leader de la coalition "Les nationalistes, Jël liñu moom" a affirmé que "les étrangers représentent presque la moitié de la population sénégalaise".
Africa Check a vérifié cette information auprès de l'Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD). Selon le cinquième Recensement général de la Population et de l'Habitat (RGPH-5) réalisé en 2023, les étrangers ne représentent que 1,1% de la population résidente du Sénégal, soit 207 791 personnes sur une population totale de 18 126 390 habitants.
Interrogé par Africa Check, Abou Ba, ingénieur statisticien démographe et chef de la division population au ministère de l'Économie, qualifie cette affirmation de "pure intox dont il faudrait particulièrement se méfier". Il confirme à la plateforme de fact-checking la fiabilité du recensement, qui a couvert "plus de 96% de la population".
Les investigations d'Africa Check révèlent, à travers le rapport du RGPH-5, la composition détaillée de cette population étrangère : les Guinéens constituent 40,3%, suivis des Maliens (14,9%), des Bissau-guinéens (4,4%), des Gambiens (3%) et des Mauritaniens (2,1%). Les ressortissants européens représentent 4%, ceux d'Asie 2,3%, d'Amérique 1% et d'Océanie 0,1%.
Dans son enquête, Africa Check a également recueilli l'avis du Professeur Mohamadou Sall, directeur de l'Institut de Formation et de Recherche en Population à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, qui qualifie l'affirmation de Tahirou Sarr de "grossière erreur".
L'investigation d'Africa Check s'est aussi intéressée aux limites potentielles du recensement. Ndatar Sène, ingénieur statisticien démographe, a expliqué à la plateforme les difficultés rencontrées pour recenser certaines catégories d'étrangers, notamment ceux sans domicile fixe ou vivant en ménages collectifs. Toutefois, il maintient que "le chiffre de l'ANSD faisant état de 207 791 étrangers est une donnée scientifique fiable".
Africa Check replace cette déclaration dans son contexte électoral, à l'approche des législatives du 17 novembre 2024, et rappelle que Tahirou Sarr a déjà fait l'objet de rappels à l'ordre du Conseil pour l'Observation des Règles d'Ethique et de Déontologie dans les médias (CORED) pour des propos jugés xénophobes.
La plateforme de fact-checking note également avoir tenté d'obtenir des précisions auprès de Tahirou Sarr sur la source de ses affirmations, mais que ses appels et messages sont restés sans réponse.
PASTEF FACE À L'HISTOIRE DES VAINQUEURS
Depuis un quart de siècle, chaque présidentielle victorieuse a été suivie d'un raz-de-marée aux législatives pour le camp des vainqueurs. De Wade à Macky, la règle n'a jamais failli, laissant présager un scrutin favorable pour les Patriotes ce 17 novembre
(SenePlus) - La victoire appelle la victoire au Sénégal, du moins quand il s'agit des législatives post-présidentielles. Une analyse de Jeune Afrique (JA) dévoile pourquoi le parti d'Ousmane Sonko peut aborder sereinement le scrutin du 17 novembre.
L'histoire électorale sénégalaise des 25 dernières années est sans appel. Comme le rappelle JA, "jamais un parti porté au pouvoir lors d'une présidentielle n'a vu son étoile pâlir à l'occasion des législatives qui ont suivi."
Les chiffres sont édifiants. En 2012, Macky Sall et sa coalition Benno Bokk Yakaar ont raflé 119 sièges sur 150 à l'Assemblée nationale. Plus tôt, en 2001, Abdoulaye Wade et sa Coalition Sopi s'étaient adjugé 89 sièges sur 120, soit près de 75% de l'hémicycle.
Une opposition en lambeaux
Le contexte actuel semble encore plus favorable pour Pastef. Selon Jeune Afrique, l'opposition se présente dans un état de grande fragilité : "reconfigurée", "morcelée" et "littéralement asphyxiée". Les chiffres de la présidentielle sont parlants : 17 candidats sur 19 n'ont totalisé que 9,93% des suffrages.
L'ancien camp présidentiel lui-même est en pleine recomposition. Le média panafricain note que "le parti de Macky Sall a troqué in extremis, à deux mois et demi du scrutin, son alliance durable avec les partis de la gauche sénégalaise contre une nouvelle avec ses anciens 'frères' libéraux."
Les défis de l'après-victoire
Malgré ces conditions favorables, des nuages pointent à l'horizon. Le magazine souligne que les électeurs de Pastef sont "frustrés de n'avoir pas encore vu le mythique 'Projet' brandi par le tandem patriote – aujourd'hui décliné sous forme de 'Vision 2050' – traduit en actes."
Plus inquiétant encore, le style de gouvernance d'Ousmane Sonko, "volontiers provocateur voire belliqueux" selon l'analyse, pourrait éroder sa popularité d'ancien opposant.
L'horizon 2027
Le véritable test pour Pastef pourrait survenir début 2027, avec les élections locales qui "marqueront la première véritable sanction de la gouvernance patriote", selon Jeune Afrique. D'ici là, une victoire aux législatives, qui pourrait aller jusqu'à "la majorité qualifiée des 3/5e" permettant de modifier la Constitution sans référendum, semble à portée de main.
Seul précédent qui pourrait tempérer cet optimisme : en juillet 2022, Macky Sall avait failli expérimenter une cohabitation inédite, passant à "deux sièges" d'une situation politique jamais vue dans l'histoire du pays.
LA CASAMANCE, CETTE HISTOIRE QUE LE SÉNÉGAL PEINE À REGARDER EN FACE
Dans un pays où 85% des citoyens ignorent la date du début du conflit, la publication d'une étude historique soulève des vagues. Entre tabou politique et amnésie collective, le plus vieux conflit d'Afrique peine à trouver sa place dans les mémoires
(SenePlus) - L'annonce par le Premier ministre Ousmane Sonko de l'interdiction d'un ouvrage historique sur la Casamance ravive un malaise profond au Sénégal. Selon une enquête de Jeune Afrique (JA), cette décision révèle la difficulté persistante du pays à aborder sereinement l'histoire de cette région.
"Nous sommes un État unitaire, du nord au sud, de l'est à l'ouest. Nous ne voulons pas d'autonomie", a martelé Ousmane Sonko lors d'un meeting électoral à Ziguinchor le 1er novembre. Dans sa ligne de mire : l'ouvrage "L'Idée de la Casamance autonome" de l'historienne française Séverine Awenengo Dalberto.
La polémique autour de ce livre, que le Premier ministre accuse de participer à un "projet de déstabilisation", met en lumière un paradoxe saisissant : ce sont d'abord les opposants au pouvoir qui ont soulevé la controverse, l'APR de Macky Sall dénonçant le "mutisme" des autorités face à sa présentation prévue à Dakar.
Le grand vide historiographique
Une étude révélatrice du laboratoire Laspad de l'université Gaston-Berger, citée par Jeune Afrique, expose l'ampleur du problème : seuls 25,6% de la production scientifique sur la Casamance est sénégalaise. Plus troublant encore, 85% des Sénégalais ignorent la date exacte du début du conflit, et 65% ne savent pas ce que signifie le sigle MFDC.
"L'histoire de ce conflit n'est enseignée ni au primaire ni au secondaire, et à l'université encore moins, ce qui est non seulement surprenant mais troublant", soulignent les chercheurs Mame Penda Ba et Rachid Id Yassine dans leur étude.
La tension est palpable lorsqu'il s'agit d'évoquer le sujet. "Si l'initiative venait d'un Sénégalais, cela pourrait aller. Mais ce n'est pas aux Français de venir nous parler de la Casamance", confie à Jeune Afrique un proche du Premier ministre, seul membre du parti au pouvoir ayant accepté de s'exprimer sur la question.
Pour l'historien Nouha Cissé, cité par le magazine, le "déficit de production" sur l'histoire de la région n'est "pas forcément imputable à l'État". Il pointe la responsabilité des Casamançais eux-mêmes : "On se plaint d'une situation dont on est responsable, parce qu'on ne s'est pas intéressé à notre propre histoire."
Les enjeux politiques actuels
À la veille des législatives anticipées du 17 novembre, la position d'Ousmane Sonko prend une dimension particulière. "Je comprends Ousmane Sonko. Après des années à se faire taxer de rebelle, à être accusé d'avoir des accointances avec le MFDC, ce livre était du pain béni pour se démarquer de la rébellion", analyse un acteur politique de Ziguinchor cité par Jeune Afrique.
La question qui se pose désormais est celle de la réconciliation avec l'histoire. Comme le souligne JA, le défi pour le Premier ministre sera de réussir à apaiser la Casamance, cette "plus belle perle du collier Sénégal" selon l'expression d'Abdou Diouf, tout en permettant un débat serein sur son histoire.
LE COMMERCE "ÉQUITABLE" QUI ABANDONNE SES BRODEUSES SÉNÉGALAISES
Derrière la façade glamour de la Compagnie du Sénégal et de l'Afrique de l'Ouest, une réalité sombre se dessine : des dizaines de femmes ont travaillé pendant des années sans contrat, payées une misère pour des produits revendus à prix d'or à Paris
(SenePlus) - Des coussins brodés d'amour vendus dans le Marais parisien aux partenariats prestigieux avec les plus grandes marques de luxe, la Compagnie du Sénégal et de l'Afrique de l'Ouest (CSAO) semblait incarner le rêve d'un commerce équitable réussi entre la France et le Sénégal. Mais une rcente enquête de Mediapart vient briser cette belle image.
La CSAO, créée en 1995 par Valérie Schlumberger, s'est forgé une réputation d'entreprise éthique exemplaire. En 2020, comme le rappelle Mediapart, le magazine M du Monde vantait sa "fibre solidaire" et la qualifiait de "pionnière française en matière de commerce éthique et équitable". L'entreprise a su cultiver cette image, notamment grâce à la participation de l'actrice Léa Seydoux - fille de la fondatrice - dans ses campagnes publicitaires, et à des coups d'éclat comme les coussins brodés "Emmanuel" et "Brigitte" offerts au couple présidentiel en 2018.
Pourtant, la réalité vécue par les brodeuses sénégalaises était bien différente. "Cela faisait plus de dix ans que je travaillais à l'atelier de Gorée, j'ai même été cheffe, mais je n'ai jamais eu de contrat", confie Sokhna à Mediapart. Cette absence de contrat de travail concernait l'ensemble des dizaines de brodeuses employées au fil des années.
Des conditions de travail éprouvantes
Les témoignages recueillis par le site français d'investigation dépeignent un tableau peu reluisant des conditions de travail. "On avait mal au dos, aux jambes, on passait la journée assises sur une chaise en bois, mais on ne pouvait rien dire, car on voulait gagner notre petit quelque chose", explique Aya, une ancienne brodeuse.
La situation s'aggravait lors des visites d'Ondine Saglio, directrice artistique et fille de la fondatrice. "Elle nous faisait parfois travailler beaucoup plus, elle nous suppliait même de venir le week-end pour qu'elle puisse repartir avec un maximum de produits", révèle Sokhna. Sans congés payés ni protection sociale, les travailleuses ne bénéficiaient d'aucun des droits prévus par le Code du travail sénégalais, y compris le congé maternité.
Le système de rémunération révèle un déséquilibre flagrant. Les brodeuses recevaient environ 5 euros par coussin, alors que ces mêmes pièces étaient vendues jusqu'à 90 euros dans la boutique parisienne de la CSAO. Comme le calcule amèrement Sokhna : "Il suffisait qu'ils vendent deux ou trois coussins pour obtenir mon salaire par mois, alors que je pouvais produire jusqu'à quatre cents coussins par mois."
Face à ces accusations, Valérie Schlumberger, interrogée par Mediapart, se retranche derrière un argument juridique : "La CSAO ne compte aucun salarié au Sénégal, car elle collabore avec des artisans et des structures locales indépendantes." Elle justifie les prix de vente par les coûts des matières premières, du transport et des taxes.
Une fermeture brutale aux conséquences dramatiques
En mars 2024, l'atelier de Gorée ferme brutalement ses portes. Initialement annoncée comme temporaire, cette fermeture s'avère définitive. Les conséquences sont catastrophiques pour les brodeuses. "Depuis la fermeture, je n'arrive qu'à payer mon loyer, mais je ne peux plus donner à manger à mon enfant ni payer le transport pour qu'il se rende à l'école", témoigne Sokhna.
La colère des anciennes travailleuses est palpable : "Valérie n'oserait pas faire ça en France, faire travailler des gens pendant dix ans sans contrat, et tout arrêter du jour au lendemain sans les dédommager." Sur des dizaines de brodeuses, une seule a obtenu un dédommagement, après des mois de négociations acharnées.
Cette affaire soulève des questions fondamentales sur la réalité du commerce équitable. Comment une entreprise peut-elle se revendiquer éthique tout en privant ses travailleuses des protections sociales les plus élémentaires ? Le cas de la CSAO illustre les limites d'un système qui, sous couvert de bonnes intentions, peut perpétuer des pratiques d'exploitation.
L'enquête de Mediapart met ainsi en lumière le fossé entre l'image vertueuse d'une entreprise "éthique" et la réalité vécue par les travailleuses qui ont contribué à son succès, rappelant l'importance d'une vigilance constante sur les pratiques réelles des entreprises se réclamant du commerce équitable.
par Babacar Mbow
LE SÉNÉGAL ET LA RESTITUTION
EXCLUSIF SENEPLUS - Quand Bachir Diagne cite Amadou Makhtar Mbow pour suggérer une acceptation de l'exil des œuvres africaines, il fait un tour de passe-passe intellectuel troublant. Car la position de Mbow sur la question n'a jamais été équivoque
Il y a des esprits parmi les esprits ! Des esprits tellement sophistiqués qu'ils peuvent reconfigurer la pensée radicale en une pensée conformiste.
Ces esprits, dans leur rayonnement, leur éclat, peuvent nous amener à adopter l’ivrai pour le vrai, et le fallacieux pour le substantiel. Cependant, nul ne collera cette épithèque au Professeur Bachir Diagne, Hasbounallah ! Cependant !
Les récentes déclarations du Professeur Diagne citant Amadou Makhtar Mbow : « Ces peuples [les peuples africains] savent bien que la destination de l’art est universelle […] Ils sont conscients que cet art qui parle de leur histoire, de leur vérité, ne s’adresse pas seulement à eux […], qu’ils se réjouissent que d’autres hommes et d’autres femmes ailleurs aient pu étudier et admirer l’œuvre de leurs ancêtres… », dans « Objets africains « mutants »et la question de la restitution », Musée d’Ethnographie de Genève, 3 mai 2024 (https://www.meg.ch/en/expositions/remembering). Hic ! Et, « … à la fin des années 1970, [Mbow] a lancé un fervent plaidoyer en faveur de la restitution du patrimoine des anciennes colonies, tout en reconnaissant que ce patrimoine avait pris racine dans sa terre d’emprunt. » Restitutions d’œuvres : « Les objets d’Afrique sont chez eux au Louvre », 13/10/2024 (http ://www.la-croix.com/culture/restitutions-d-œuvres-les-objets-venus-d’Afrique-sont-chez-eux-au-Louvre-20241013). Ces déclarations appellent une clarification pour restituer Mbow dans le discours de la restitution.
Dans les déclarations ci-dessus, « l'esprit non sophistiqué » peut percevoir Mbow comme un accommodant aux positions suprématistes occidentales sur la restitution. Il y a donc lieu de clarifier les choses, surtout après la conférence inaugurale de Mbow au département des Études de l’Afrique du Nouveau Monde de l’Université internationale de la Floride de Miami en 2015, qui est peut-être sa dernière déclaration publique sur le sujet. Mbow est venu à Miami accompagné de sa fille, la Dr. Marie Amie Mbow. Par ces moyens, nous nous éloignons de toute controverse ou querelle pour restituer Mbow dans les débats.
La Dr. Joan Cartwright de l’Université Southeastern de Nova, lors des questions et réponses qui ont suivi la conférence de Mbow, demanda : « Il y a eu des cas où vous avez semblé atténuer votre demande de restitution des objets africains volés. Pouvez-vous clarifier votre position pour la Diaspora africaine » ?
La réponse de Mbow, qui reflétait exactement sa déclaration de 1989 à la résidence du Professeur John Henry Clark à Harlem, New York, visite organisée par Seydina Senghor, est claire et précise : « Le retour des objets africains est fondamental pour que l’Afrique se reconnecte à son passé dans la construction de son avenir. » Mbow a réitéré ce message de reconnexion pendant la semaine de son séjour à Miami aux flux de visiteurs haïtiens et afro-américains dans mon arrière-cour.
Là encore, l’esprit sophistiqué a des manières de sublimer les faits pour servir les intérêts d’un agenda. Loin de moi l’idée de coller cette caractéristique au Professseur Diagne. Mais comment les jeunes intellectuels doivent-ils comprendre ses prédilections à brouiller la clarté de ces intellectuels noirs ? Prédilections qui semblent émerger de « l’antre des alchimistes », à travers lequel nous sommes désormais appelés à faire abstraction des pensées et des pratiques intellectuelles radicales noires ?
L’émergence de discours qui semblent reterritorialiser l’Afrique dans les entrailles de la suprématie occidentale devient un fardeau très lourd à porter. Ainsi, dans un article sur SenePlus paru le 7 mai 2024, Amadou Lamine Sall appelle à la privatisation de la Biennale de Dakar à travers une « Fondation Art Mécénat International ».
Sall cite Jean Loup Pivin : « … La survie de la Biennale ne viendra que dans son externalisation vers une structure tierce […] avec un État qui [doit] cesser de faire semblant de savoir le faire… » Le Sénégal ne capitalise pas sur cet engouement formidable, mais, au contraire, le détruit. Sa gestion étatique remet en cause sa crédibilité et interdit toute autre forme de financement. » Mon Dieu ! Jean Loup Pivin est désormais le bwana en matière de souveraineté culturelle africaine que la biennale de Dakar est appelée à incarner. On en a la nausée !
J’ai entendu exactement les mêmes arguments de la part d’autres Sénégalais à la Foire 154 de Marrakech, au Maroc, l’année dernière. Que des Sénégalais puissent s'asseoir autour d'une table avec des Français engagés dans la démolition de la République, et que tout ce qu'ils puissent dire, soit « Ça fait mal, mais c'est la vérité », était si méprisable que nous avons décidé de ne plus rejoindre leur soi-disant « groupe multiculturel » à Marrakech.
Le paradoxe est que lorsque le gouvernement néocolonial de Macky Sall tuait et mutilait la jeunesse sénégalaise, lorsque la dissidence était réprimée par l'emprisonnement, et que la corruption rampante gangrenait à la fois l'État et les organismes sociaux, ces « voix de leur maître » étaient silencieuses, incapables de comprendre la possibilité d'une « Afrotopia ».
Replaçons Mbow dans son contexte discursif afin que l’on ne méprenne pas la carte pour le territoire. Les formations raciales sont un phénomène esthétique et les pratiques esthétiques sont des structures racialisées. « Les Africains se réjouissent que d’autres hommes et femmes étudient et admirent l’œuvre de leur ancêtre ?» Ainsi, tenter de séparer l’esthétique de la politique revient à méconnaître les conditions mutuelles qui soutiennent les pratiques de représentation. La vivacité et l’esthétique de l’être est l’esthétique comme forme de vie, l’esthétique comme schéma pour considérer la vivacité du phénomène et le phénomène de vivacité, la qualité de la lumière par laquelle nous scrutons nos vies. En alliant l’esthétique à la vivacité, comme dans « culture et développement » le thème de la lecture inaugurale de 2015, Mbow nous invitait à nous tourner vers les capacités d’animation évidentes dans l’objet d’art pour un appel à une politique antiraciste qui va au-delà de la dialectique réactive et des stratégies de représentation des tenants d’une universalité occidentale vers autre chose, expérimentant la durée, la sensation, la résonance et l’affect – un engagement envers la sensibilité africaine. Aucun peuple ne peut se réjouir qu’un autre lui dérobe ses potentialités.
Que la jeunesse sénégalaise sache que l’efficacité d’un peuple oppressé dans le combat intellectuel, soit en tant que diffuseur ou en tant que récepteur dans les systèmes influencés par cette hiérarchie épistémologique, dépend de sa compréhension de l’obsolescence de toute contestation de la nature de la vérité au profit de la contestation du contrôle de la vérité. Parce qu’en fin de compte, « nul autre que nous-mêmes ne pourra libérer notre esprit ». Laissons Mbow transiter vers les ancêtres ! Les morts sont muets.
Babacar Mbow est Directeur exécutif du Consortium des Études Africana de la Floride, Miami.
Par Babacar P. Mbaye
LE MONUMENT DE REIMS, L'HISTOIRE OUBLIEE DES TIRAILLEURS SENEGALAIS
Quand Reims célèbre la mémoire des Tirailleurs, c'est toute une histoire d'héroïsme et de liens humains qui ressurgit. De la défense de 1918 aux mariages mixtes pendant l'occupation nazie, la ville a tissé une relation unique avec ces soldats africains
A partir du 19 novembre à la gare de Reims, et ce pour un mois, les Chemins de fer français vont organiser une exposition sur l’engagement des soldats africains pour la France. Ceci dans le cadre notamment des commémorations des festivités de la Libération et du 80ème anniversaire du massacre de Thiaroye.
Le choix de la ville de mettre à l’honneur les Tirailleurs sénégalais ayant combattu pour la France a une grande importance mémorielle. Car en 1918, les bataillons de Tirailleurs sénégalais ont défendu et sauvé la ville de l’offensive allemande. Ce souvenir marque encore les habitants de cette ville de l’Est du pays. Pour leur rendre hommage, les Rémois se sont donc cotisés pour financer ensemble un monument « Aux héros de l’armée noire », inauguré sous l’ovation générale en 1924. La même année, une réplique du monument est érigée à Bamako, symbole du lien qui unit la France aux tirailleurs ayant combattu au péril de leur vie au cours des grandes guerres.
En 1940, la tragédie reprend ses droits. Les nazis occupent la France, détruisent et imposent aux prisonniers africains un traitement d’une rare cruauté, avant de les orienter dans les travaux des usines de la ville où ils se sont mêlés aux habitants créant ainsi des liens entre Africains et Rémois.
Soutenues par un souvenir commun, ces interactions de plus en plus fréquentes avec la population rémoise ont finalement favorisé la restauration de liens anciens. Dans une logique de cohésion et de partage, Rémois et tirailleurs se sont ainsi engagés dans une relation renouvelée, à la faveur d’un apprentissage du français, de la lecture et de l’écriture, la population rémoise aidant aussi ces soldats à se nourrir et s’habiller. Bien des mariages ont ainsi fleuri dans cette période étrange où tous s’unirent dans le désespoir commun de l’occupation. C’est au détour de tels événements que les Tirailleurs sénégalais ont si profondément entremêlé leur histoire à celle des habitants de l’ancienne métropole. Une fois n’est pas coutume, quelques années plus tard les soldats sénégalais contribuaient à nouveau à la libération de la France, en investissant cette fois-ci leur bravoure dans le débarquement de juin 1944 dont le Sénégal, par une délégation dirigée par le ministre Biram Diop, est allé célébrer le 80ème anniversaire en Provence. Mais au même moment, une nouvelle déchirure se formait encore dans le secret des villes anciennement occupées. Les ex-prisonniers africains ayant noué des liens jusqu’à matrimoniaux avec la population française, se voyaient ouvrir la possibilité de retrouver leur pays. D’ailleurs, à ce sujet, Amadou Mahtar Mbow, décédé récemment, racontait que la gendarmerie française est venue lui demander de rentrer au Sénégal après la Guerre. Il avait répondu : « Donc pour faire la guerre, je suis le bienvenu en France, mais après je dois rentrer chez moi. Je ne vais nulle part, je reste en France pour reprendre mes études ! »
Mais certains n’ont pas eu son cran et sont repartis dans leurs pays respectifs. Des Français se sont ainsi mobilisés pour que leur départ ne soit pas synonyme d’oubli. C’est dans cadre qu’un travail mémoriel est mis en œuvre par des associations, des institutions et des personnalités. Ce travail mémoriel a vocation à rendre hommage aux Tirailleurs sénégalais, à honorer leur mémoire et à souligner leur courage pendant leurs combats au nom d’une cause qui leur est parfois inconnue au fond.
En octobre 1963, un nouveau monument est inauguré à Reims pour honorer la résistance de la ville. Une plaque y figure et témoigne de la reconnaissance rémoise envers les Tirailleurs sénégalais. Acteurs d’une partie l’histoire, il s’agit de perpétuer le souvenir de ces anciens combattants dans la mémoire collective loin des anathèmes, des raccourcis faciles et des jugements a postériori toujours périlleux.
A l’approche du centenaire de la Première Guerre mondiale, en 2014, l’idée de restituer le monument initial et de raviver le souvenir de cette histoire a émergé de nouveau dans la capitale de la Champagne. Le 6 novembre 2018, dans le cadre des célébrations du centenaire de l'Armistice de 1918, le président français Emmanuel Macron et feu Ibrahim Boubacar Keïta ont présidé la cérémonie d'inauguration de ce monument qui trône désormais au cœur de la ville, rappelant l barbarie de la guerre mais honorant la mémoire de cette armée africaine qui a risqué sa vie pour une nation étrangère et permettant sa libération du joug du nazisme. Ce monument aux héros, reconstruit sur le modèle du monument de Bamako, symbolise la mémoire des Tirailleurs sénégalais. Récemment une experte de cette question soulignait que le monument était l’emblème d’une reconnaissance sans borne, pour des soldats à qui il était demandé de se battre sur un sol étranger, contre un ennemi inconnu. Le 19 novembre prochain, c’est donc un retour sur toute cette histoire chargée d’émotion qu’organise la ville de Reims, via la mobilisation de nombreuses archives photos et témoignages de tirailleurs, prêtés par l’Office nationale des combattants et victimes de guerre. Point d’orgue de la journée, une séquence de projection du film Tirailleurs dans lequel notre compatriote Omar Sy est l’acteur principal, est programmée dans un petit cinéma de la ville. Elle sera suivie d’une table-ronde, réunissant spectateurs, étudiants et universitaires spécialistes de la question mémorielle. L’historien sénégalais Cheick Sacko sera notamment à l’honneur et évoquera son travail de plusieurs années sur les monuments français rendant hommage aux soldats africains qui fleurissent et honorent tout le territoire.
Nous espérons que le Sénégal sera représenté à cet évènement pour rappeler le sens du sacrifice de ces héros dont nous commémorons une partie à Thiaroye le 1er décembre prochain. Aussi, cette histoire méconnue du souvenir des Tirailleurs sénégalais à Reims devra être mise en exergue et racontée dans les écoles en France et au Sénégal.
par Sadibou Sow
IMAM BACHIR, LE PRECURSEUR À LA VOIX DOUCE, EST PARTI
C'est l'histoire d'un homme qui a su apporter la lumière dans les heures sombres de l'université de Saint-Louis. Sa capacité à allier profondeur spirituelle et joie de vivre en a fait un modèle pour toute une génération
C’était dans les années 90. L’université de Saint-Louis commençait déjà à perdre sa belle réputation de havre de paix où n’entraient que quelques élus parmi la crème de l’école sénégalaise. À la session unique d’octobre 1993 succéda l’année invalidée de 1994 où les étudiants durent vider le campus presque à la sauvette. Quelle humiliation ! 1994, c’était aussi l’année de la fameuse dévaluation du Franc cfa avec la misère économique qu’elle causa dans tout le Sénégal. À la rentrée universitaire suivante, les conditions de vie sur le campus s’étaient tellement détériorées que certains étudiants en arrivaient à abandonner tout bonnement Sanar (comme on appelle familièrement cette université plantée à 14 km à l’est de Saint-Louis) pour retourner chez eux. L’affaissement des repères moraux suintait aussi bien dans les discours politiques que dans les productions artistiques. Les chants et les danses servaient de plus en plus d’exutoire pour défier les codes moraux comme si une nouvelle génération cherchait à faire un doigt d’honneur à tous les repères.
Dans cette atmosphère de démoralisation qui semait le doute dans les cœurs et les esprits, il y avait, parmi cette jeunesse estudiantine, quelques individus qui trouvaient leur réconfort dans la spiritualité. Dans les chambres et dans les espaces aménagés pour servir de salle de prière, on se rencontrait souvent entre amis, camarades de classe ou de « village » (comme on désignait les résidences universitaires) pour parler de religion, notamment de l’islam.
C’est dans ce contexte que les frères Diop débarquèrent à Sanar. D’abord il y avait Mouhamed Diop, l’imam-étudiant qui psalmodiait le Quraan d’une voix à la fois si forte et belle que tu lui en voulais presque quand il récitait des sourates courtes à l’aube ou la nuit. Ensuite arriva Bachir. Avec ce dernier, la première chose que je retiens, c’est une sorte d’évolution/révolution dans les sermons du vendredi. Devenu imam de la mosquée de l’UGB, il aimait choisir des sujets plus pragmatiques et axés sur la vie quotidienne des jeunes sénégalais, en général, et des étudiants en particulier. Comme son frère Mouhamed, Imam Bachir (c’est ainsi qu’on l’appelait déjà), était d’autant plus à même de comprendre son contexte social qu’il menait une vie estudiantine intense: il jouait dans les équipes de foot, faisait des arts martiaux, assistait aux séances de thé où on discutait à bâtons rompus, aidait parfois à vendre à une des boutiques privées du campus, et surtout, en tant que Diop, il ne ratait pas l’occasion de chambrer les Ndiayes, ses parents à plaisanterie ; le sens de l’humeur, c’était son affaire. Imam Bachir avait ce sourire radieux qui accompagnait cette voix douce.
Sur ce campus où cohabitaient une diversité de courants religieux, imam Bachir Diop aimait trouver des compromis sans se compromettre. Sa simplicité, sa sincérité, sa patience, sa droiture faisaient de lui un homme affable et accessible à qui les étudiants qui éprouvaient des difficultés dans leur cheminement spirituel n’avaient pas peur de se confier. Car ils trouvaient en lui une oreille attentive et un cœur apaisé enclins à tendre une perche salvatrice plutôt qu’à servir un jugement moral écrasant.
Imam Bachir, tu as été un précurseur et une excellente nouvelle pour Sanar. Qu’Allah, dans Sa Rahma infinie, t’accueille au Firdaws majestueux et qu’il veille sur ta famille jusqu’à ce qu’elle te retrouve en compagnie du sceau des prophètes, notre Habib (Sallallaahu a’leyhi wa Sallah) au sourire sublime.
Aamiin.
Ton frère en Allah.
AUX ÉTATS-UNIS, LE MYTHE DU VOTE IDENTITAIRE
David Brooks révèle, dans une analyse au New York Times comment l'inflation, la sécurité et la politique étrangère façonnent les choix électoraux des citoyens américains, au-delà des clivages communautaires
(SenePlus) - Dans un édito publié le 14 novembre dans le New York Times (NYT), David Brooks remet en question les certitudes sur le vote identitaire aux États-Unis. Le chroniqueur démontre, chiffres à l'appui, que les prévisions basées sur l'appartenance ethnique ou le genre se sont révélées largement erronées lors des dernières élections.
"Les Démocrates ont perdu parce que tous les groupes, à l'exception des Blancs, se sont rapprochés de Donald Trump durant ce cycle", résume le sociologue Musa al-Gharbi, cité par Brooks. Un constat qui bouscule les théories établies : Kamala Harris a réalisé de moins bons scores que Joe Biden en 2020 auprès des électeurs noirs, des femmes, des Latinos et des jeunes. Paradoxalement, elle n'a surpassé son prédécesseur qu'auprès des électeurs blancs, particulièrement les hommes blancs.
Le chroniqueur du NYT s'interroge sur ces résultats qui défient la logique apparente : "Beaucoup d'entre nous évoluons avec des modèles mentaux défectueux. Beaucoup d'entre nous traversons la vie avec de fausses hypothèses sur le fonctionnement du monde."
Brooks pointe du doigt une vision du monde héritée des mouvements de libération qui ont marqué les dernières décennies : droits civiques, libération des femmes, droits des homosexuels et des personnes trans. Cette approche, qui divise la société entre "privilégiés" (hommes blancs hétérosexuels) et "marginalisés" (tous les autres), se heurte aujourd'hui à une réalité plus complexe.
L'auteur souligne que les catégories utilisées manquent souvent de pertinence. Selon une étude du Pew Research Center qu'il cite, 32% des Américains d'origine asiatique, 30% des Hispaniques et 23% des Noirs se sont mariés hors de leur groupe ethnique en 2022. Plus frappant encore, 58% des Hispaniques s'identifient également comme blancs.
"Les gens ne se comportent pas comme des ambassadeurs de tel ou tel groupe. Ils pensent par eux-mêmes de manière inattendue", observe Brooks, qui appelle à dépasser une vision binaire opposant oppresseurs et opprimés. Le chroniqueur rappelle que les électeurs sont préoccupés par des questions concrètes comme l'inflation, la criminalité ou la politique étrangère, qui transcendent les clivages identitaires.
Pour Brooks, il est urgent de construire "une vision sociale aussi moralement convaincante que la politique identitaire mais qui décrit mieux la réalité." Il cite le juriste britannique Patrick Devlin qui, dès 1959, avertissait : "Sans idées partagées sur la politique, la morale et l'éthique, aucune société ne peut exister."
Face à ces constats, le chroniqueur du New York Times plaide pour une approche plus nuancée, prenant en compte la complexité des individus au-delà de leur appartenance à un groupe. Une réflexion qui intervient à un moment crucial pour la démocratie américaine, alors que le pays s'apprête à vivre une nouvelle pésidence Trump.
par Doudou Ka
AN NOM DE L’HONNEUR DE MAMADOU MOUSTAPHA BA, MON BINÔME DE L’AVENUE CARDE
L'heure est venue de rendre à "Grand Moustapha" l'hommage qu'il mérite, loin des polémiques stériles. Sa vie entière dédiée au service public témoigne d'une grandeur qui transcende les clivages politiques. Son legs mérite d'être préservé et honoré
C’est un seigneur des finances publiques qui s’en est allé. C’est la disparition d’une incarnation de la méritocratie sénégalaise. C’est une stature qui nous a quittés, un repère qui s’est effacé, une boussole humaine qui a cessé de nous indiquer la direction.
Ceux qui n’ont pas croisé son chemin ne peuvent avoir aucune idée de qui était l’ancien ministre de l’Économie, des Finances et du Plan. Mais Mamadou Moustapha Ba était tout cela à la fois.
Le Sénégal perd incontestablement un de ses plus illustres serviteurs. Un authentique sénégalais, un acteur majeur de la vie publique nationale dont les 30 ans d’impact sur la marche de la République seront à jamais incalculables.
D’une compétence égale à son intelligence et à son éloquence, ce digne fils du Nioro du Rip a passé toute sa vie professionnelle à veiller au bon fonctionnement de la machine économique et financière de l’administration sénégalaise.
La vague de louanges, la surenchère de témoignages et la pluie d’hommages depuis l’annonce de sa disparition, sont la démonstration que « Grand Moustapha », comme j’aimais affectueusement l’appeler, était également un ministre du « consensus et de la cordialité », tant son sens du dialogue, de l’écoute et du compromis transcendaient les clivages. Il était la sémantique de la civilité et de l’humilité. C’était « la méthode Moustapha ». Tout le contraire du patron bulldozer ou du dirigeant implacable.
Mamadou Moustapha Ba a fait son entrée dans l’administration économique et financière en admission externe. Stratège de sa propre carrière, et évoluant sans tambour ni trompette, il a gravi les échelons un à un. Sa nomination, le 17 novembre 2022, par le président Macky Sall, à la tête du ministère des Finances et du Budget a constitué la consécration d’une carrière professionnelle exemplaire.
Il était capable, avec la précision d’un scientifique et une prestance hypnotique, de vous décrypter n’importe quel chiffre des finances publiques sénégalaises depuis les indépendances.
Cerveau budgétaire de l’appareil d’État, inflexible régulateur des finances publiques et inépuisable fantassin des intérêts supérieurs de la Nation, « Grand Moustapha » a toujours défendu l'idée que le respect de nos engagements envers nos partenaires techniques et financiers, en particulier le remboursement du service de la dette et le paiement des salaires, devaient rester les premières priorités de la trésorerie nationale.
Dans l’architecture de ses décisions, c’est le Sénégal, la qualité de sa signature et le bien-être des populations qui dictaient toujours l’orientation à prendre. Il était cet intraitable souverainiste économique qui a constamment refusé de se laisser dicter la manière de présenter les chiffres complexes et les résultats de notre économie nationale.
Il faudra certainement un jour, faire une étude rétrospective de tous les grands dossiers traités par Mamadou Moustapha Ba, pour prendre la pleine mesure de l’ampleur du bilan de l’enfant de Nioro dans la haute administration des finances sénégalaises. Et quelques souvenirs qui surgissent.
Notamment celui du projet de Rebasing de notre PIB, car Moustapha avait pleine conscience des limites théoriques de notre capacité d’endettement qu’il fallait améliorer. Il fut l’un des plus grands promoteurs de ce chantier national capital dont nous avions, ensemble, assuré le pilotage.
Il fut également l’architecte en chef de la résilience économique et sociale durant la pandémie de Covid-19. En sa qualité de Directeur général du budget, Mamadou Moustapha Ba, a joué un rôle capital dans la mise en œuvre du plan de défense de l’économie sénégalaise. Ces performances nous avait valu une croissance de 1,3% quand toute l’économie du monde, y compris celles des grandes puissances, était en récession.
À cette époque, il s’est confronté à diverses contingences. Mais maître à bord, il a tenu bon, il a régulé, stabilisé et redistribué les espaces budgétaires disponibles, évitant ainsi à notre pays un plongeon majeur dans le précipice financier causé par la pandémie.
« Grand Moustapha » appartenait à cette catégorie rare d’hommes capables de rassurer et toujours prêts à s’impliquer pour trouver des solutions ingénieuses aux équations financières avec une vitesse d’exécution presque dont peu de hauts cadres de l’administration pourront un jour s’approcher. Il n’est donc pas surprenant qu'il ait été nommé ministre des Finances et du Budget à la suite de cette commotion planétaire en 2022.
Tout au long de sa carrière, l’ancien ministre de l’Économie, des Finances et du Budget aura contribué à faire du Sénégal, un pays respecté au sein de toutes les instances financières mondiales. L’homme dont la puissance de l’engagement au service du Sénégal a conduit toute sa vie, restera dans l’histoire comme l’un des plus grands argentiers du continent africain.
L’héritage de Mamadou Moustapha Ba restera une source d’inspiration incandescente pour guider nos ambitions individuelles et collectives pour la construction du Sénégal du futur.
Voilà pourquoi je voudrais, à cet instant précis, dire avec force, qu’aucune adversité politique ni aucun désir de pouvoir ne justifieront que l'on ait pu livrer à la vindicte populaire et internationale, l'honneur et la dignité d’un patriote engagé, d’une âme des finances publiques sénégalaises, d’un emblème de l’excellence technocratique sénégalaise qui a été le mentor de tant de générations fonctionnaires.
En mémoire d’une vie qu’il a dédiée à la République et de son empreinte ineffaçable sur la marche du Sénégal, je propose au maire de Dakar Barthélemy Toye Dias et à son homologue de Dakar-Plateau, le ministre Alioune Ndoye, de baptiser l’avenue Carde, ce cœur de l’administration économique et
financière sénégalaise qu’il aimait tant, du nom de Mamadou Moustapha Ba. C’est le plus éloquent hommage que la Nation pourrait lui rendre.
Je salue la mémoire de cet immense serviteur du Sénégal et m'incline devant cet exceptionnel homme d’État. Adieu, « Grand Moustapha ». Que la terre de notre Saloum commun te soit légère.
Doudou Ka est ancien ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération.