Le texte, voté le 25 mars dernier, a été passé en deuxième lecture vendredi 19 avril sur demande du président de la République, Faure Gnassingbé. Après la modification de quelques articles, le texte qui change le régime togolais, le faisant passer à un régime parlementaire, a été adopté à 87 voix.
Un vote avec 87 voix pour, zéro contre. En principe, dès la promulgation du texte - le président Gnassingbé a quinze jours à partir du vote de ce vendredi soir pour le faire -, le Togo passe à une cinquième République.
Cette nouvelle Constitution supprime l'élection présidentielle au suffrage direct. Autrement dit, les citoyens ne choisiront plus directement le chef de l'État. Ce sont désormais les parlementaires qui éliront le président de la République pour un mandat de quatre ans.
Le président du conseil des ministres - sorte de Premier ministre qui aura la réalité du pouvoir - sera choisi dans le parti majoritaire. Et son mandat sera lié à celui des députés et des sénateurs, qui est de six ans.
Le commissaire du gouvernement Pacôme Adjourouvi s'est félicité « de l’esprit citoyen qui a prévalu lors de ce processus de révision ».
QUATRE HOMMES, UN ETAT – Par Henriette Niang KANDE
MACKY SALL, DU TRIOMPHE À L’ÉGAREMENT
L’élection de Macky Sall à la tête du Sénégal en mars 2012 n’avait ressemblé à aucune autre emais personne ne le perdit aussi facilement que la dernière année de son second mandat
Avec Macky Sall, la gestion libérale du pouvoir allait prendre un autre souffle. Premier ministre et directeur de campagne pour la réélection de Abdoulaye Wade en 2007, Macky Sall fut le vainqueur de la deuxième alternance à la tête du Sénégal : un autre espoir après la fin des 12 années de règne mouvementé du « Pape du Sopi ». Quoiqu’incarnant, à ses débuts, un nouveau style politique, celui d’un président « moral », transparent, sobre, Macky Sall n’incarna pas la rupture tant attendue. Le mode clientéliste de gestion du pouvoir poussa son parti à tout truster sur fond de patrimonialisation et de privatisation accélérées de l’appareil d’Etat. Le référendum de 2016 consacre la réalité du pouvoir par laquelle Macky Sall « vampirise » autant les institutions constitutionnelles que le processus de sélection des candidats à la présidentielle. On assiste de fait, à la reconstitution d’un Etat superpuissant flottant au-dessus de la société dans laquelle la parole libre devient suspecte. Le point d’orgue en sera le « mortal kombat » entre Macky Sall et Ousmane Sonko, une opposition frontale et « meurtrière » qui livre, à terme, le pouvoir au cinquième président du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye.
L’élection de Macky Sall à la tête du Sénégal en mars 2012 n’avait ressemblé à aucune autre et ne s’était réduite à aucune précédente. Cette année-là, il gagne très vite le soutien des foules, mais personne ne le perdit aussi facilement que la dernière année de son second mandat. Si l’élection relève d’un mécanisme institutionnel et d’un rituel démocratique bien rodé, il n’en demeure pas moins que celle de 2012, s’est inscrite dans le sillage d’une famille politique (les Libéraux) qui a dominé les années 2000. Ce n’est pas un hasard si le tiercé gagnant sorti de la course au premier tour appartient à cette famille : Abdoulaye Wade, Macky Sall, Idrissa Seck. Le trio partage les mêmes caractéristiques : volontaire, téméraire avec une détermination d’airain. De ces trois hommes, Macky Sall a été celui qui a le plus poussé chacun de ces trois traits. D’eux, on ne saurait pas retenir que les incompatibilités de caractères après que leurs tempéraments se sont accordés, dans une harmonie qu’ils ont célébrée maintes fois, publiquement. Pour l'un comme pour les autres, il y eut toujours ce but qu'il leur a fallu apprivoiser, et que le commun des mortels ne saurait envisager sans trembler : le palais de la République. La deuxième alternance qu’a connue le pays procède d’un vote démocratique, sur un mode référendaire (pour ou contre Abdoulaye Wade). Au lancement de la campagne électorale de 2012, Wade avait-il conscience que s'ouvrait devant lui, sur une pente de 21 jours de campagne, l'ubac de son quinquennat ? Idrissa Seck lui, a été incapable de voir dans le regard des autres, autre chose que son propre reflet. Devenu réfractaire à Wade, il a osé se gausser du « monarque républicain ». Et publiquement ! Avec l'insolence en guise d'insoumission. Quant à Macky Sall, il a profité d’une image qui prenait les couleurs d’une aurore naïve. Il est arrivé en se pressant… lentement tout en gagnant du terrain, sans avoir l’air d’y toucher, convainquant les sceptiques, les hésitants, les grincheux.
Les choix de Macky Sall
En 2008, beaucoup de ses camarades de parti et de Sénégalais, ne lui reconnaissaient une épaisseur encore moins une intelligence politique, lorsqu’il se coupait d’Abdoulaye Wade et du Pds. Sa carrière politique commence au lycée, quand il fréquente les maoïstes. Etudiant, il « milite » dans le mouvement marxiste-léniniste duquel il s’éloigne, adhère au Pds et vote Abdoulaye Wade aux élections présidentielles de 1983 et 1988. La même année, il est le secrétaire général de la Convention régionale du parti à Fatick, son lieu de naissance. Son ascension s’esquisse dans le Pds et dans l’administration en 2000. Cette année-là, il est nommé directeur général de Petrosen, la société des Pétroles du Sénégal où il occupait le poste de chef de la division Banque de données. Sa carrière se poursuit dans les différents gouvernements de Wade : ministre de l’Energie et des Mines, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales (chargé de l’organisation des élections), Premier ministre et directeur de campagne pour la réélection de Wade en 2007, Président de l’Assemblée nationale. Son apprentissage des leçons politiques s’affermit, il acquiert de plus en plus d’expériences et tisse ses réseaux de clientèles politiques, économiques, religieux, dans et en dehors du pays. Il aiguise ses armes sans se faire remarquer dans les agitations fratricides qui minent et secouent dangereusement le PDS, qui le place loin derrière, dans la lignée des héritiers que sont Idrissa Seck et Karim Wade. Abdoulaye Wade en fait le principal instrument mis en action pour faire passer à la trappe, Idrissa Seck. Il s’attelle à la tâche sans état d’âme. Il accompagne la montée en puissance de Karim Wade, le fils du président dans l’appareil d’Etat et tolère ses manœuvres qui visent la création de la Génération du concret. Mais ses gages et ses accompagnements n’empêchent pas sa descente aux enfers, et la guérilla menée contre lui par Wade et par ses camarades de parti. En 2007, après les élections législatives, il devient Président sous surveillance de l’Assemblée nationale, rétif au projet de « dévolution monarchique » du pouvoir de Wade au fils Karim. Il entre ouvertement en dissidence en convoquant ce dernier devant le Parlement pour répondre de la gestion décriée de l’Agence Nationale de la Conférence Islamique (Anoci). Abdoulaye Wade invite alors ses députés à voter une loi réduisant le mandat du président et du bureau de l’Assemblée nationale de cinq à une année.
En 2008, il fait face au harcèlement politique des proches partisans et des représentants de la frange la plus belliqueuse et arrogante du Pds, qui lui reprochent ses velléités d’autonomie politique ou économique (il est convoqué et auditionné à la police pour cause de blanchiment d’argent). On lui transmet un message non équivoque : s’aligner ou se faire écraser. En lui faisant vivre ces affres, Wade et le Pds venaient de dégoupiller une grenade qui leur explosera dans les mains. En réponse à ce traitement, Macky Sall démissionne du Pds et se défait de tous ses mandats électifs. Il réussit ainsi à faire voler en éclat cette image de débonnaire qu’il renvoyait. Il n’était pas nouveau. Il devenait neuf. Il adopte une stratégie qui déborde du cadre de la succession pour celle de la conquête. Elle lui offre une démarche gagnante. Il a fallu de l’habilité, de la détermination et une grande dose de baraka. L’Alliance pour la République (Apr) qu’il crée en 2008 se démarque du Pds et des principaux partis de l’opposition (Ps, Pit, Ld, Reewmi…).
En sa qualité de Président, il prépare sa revanche, la rage au ventre, mais il n’inquiète personne. Il sillonne le pays pour présenter son offre politique basée sur une « nouveauté » : la rupture dont lui-même est un symbole, et laisse Dakar aux activités politiques des principaux leaders des autres partis. Les points les plus saillants de son discours et de son agenda politiques ont été :
- Les marabouts sont des citoyens comme les autres ;
- La patrie avant le parti ;
- La lutte contre la corruption ;
- Le rejet catégorique de la transhumance ;
- La réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans.
- La suppression du Sénat ;
- Le rétablissement du mandat du bureau de l’assemblée de 1 à 5 ans.
- La déflation institutionnelle et administrative.
En quittant la Place de la Nation, son « mergadou » sous l’aisselle, les cris d’orfraie fusent, mais sur lui, tout semble glisser. Il devient omniprésent sur le terrain, poursuit sa tâche de laboureur sans relâche. Coup de poker insensé.
Face à l’omniprésence brouillonne des partisans de Abdoulaye Wade, il avance d’un pas tranquille enveloppé d’une certaine rondeur. Un de ses ex intimes, dans une confession m’a révélé : « je l’ai observé pendant plusieurs années. Je ne sais pas qui il est ». Ceux qui ont tenté de le percer donnent l’impression de s’enfoncer dans un labyrinthe. Il fait un pied de nez à tous ceux qui l’avaient sous-estimé. Il n’assiste pas à la grand’messe des Assises nationales et n’occupe pas les premiers rangs des manifestations organisées par l’opposition et la société civile.
Face à la coalition de l’opposition Benno Siggil Sénégal, qui ne parvient pas à s’accorder sur une candidature unique (Moustapha Niasse- Tanor Dieng), Macky Sall creuse son sillon et cultive la différence, dans la critique tout en retenue des autres candidats. Au soir du 26 février 2012, jour du premier tour de l’élection présidentielle, il se place derrière Abdoulaye Wade, devance Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, mais surtout Idrissa Seck. Macky Sall peut commencer à préparer le second tour de l’élection présidentielle. Il bénéficie de l’engagement des candidats de l’opposition à soutenir le mieux placé parmi eux. Il commence à tisser sa toile, s’écartant de manière stratégique de certains éléments de son agenda du premier tour. Il adopte, à partir de ce moment une position d’héritier de Wade, que sa dissidence avait masquée. Il revient sur sa proclamation de la qualité de citoyen ordinaire des marabouts et sur son rejet des conclusions de Assises nationales qu’il embrasse désormais « avec réserve » dit-on. Le jeu de yoyo entre l’agenda politique du premier tour qui affiche l’autonomie vis-à-vis des appareils politiques et des associations de la société civile et promeut la rupture et celui du second tour qui s’aménage des espaces de compromis et des alliances avec certaines forces politiques et de la société civile annonce une gouvernance heurtée, sinon très opportuniste. L’héritier de Wade se dépouille déjà des oripeaux du candidat de la rupture.
L’EXERCICE DU POUVOIR
Au début de son mandat, il s’emploie à incarner un nouveau style politique, celui d’un président moral, transparent, sobre. Sa volonté d’afficher la rupture lui fait déclarer son patrimoine, engager une politique de réduction du train de vie de l’Etat en restreignant le premier gouvernement à 25 ministres. Il engage des audits réclamés à cor et à cris par les populations, sur les dignitaires de l’ancien régime, ressuscite la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite, crée l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), n’intercède pas en faveur de Serigne Béthio Thioune emprisonné pour complicité de meurtre de deux de ses disciples.
Suite au réaménagement gouvernemental d’octobre 2012, il supprime le ministère chargé des élections et rend au ministère de l’Intérieur, toutes ses prérogatives dans l’organisation des élections. Il dissout le Sénat pour cause de réaffectation de son budget à la gestion des inondations de l’hivernage 2012. Ce qui lui ôte, par ailleurs la possibilité de caser ses partisans et autres alliés qui n’avaient pas trouvé de place dans le gouvernement ou à l’Assemblée nationale. Mais tout cela ne l’a pas empêché d’être pris dans le jeu des alliances politiques et n’a pas permis, on le verra plus tard de « réparer l’image de la politique ». Les élections législatives qui se tiennent trois mois après la présidentielle ne passionnent pas franchement les Sénégalais car seuls 37% des inscrits ont voté.
La coalition Benno Bokk Yakaar sort vainqueur. Dès le soir de sa victoire au deuxième tour de la présidentielle de 2012, Macky Sall, se révèle dans l’exercice du pouvoir, marqué par un seul souci, sa réélection pour un deuxième mandat. Son parti, l’APR n’est pas structurée. Le PDS, malgré son affaiblissement reste une force avec laquelle il faut compter. Les différents autres groupes qui se manifestent dans son entourage, y compris familial, revendiquent des agendas différents sinon opposés et en compétition. La rupture se fait attendre. Le mode clientéliste de gestion de pouvoir n’a pas disparu.
La nomination abusive de ministres-conseillers et l’élargissement du gouvernement, comme les audits engagés et qui tardent à aboutir sont de plus en plus dénoncés. Le parti prend le pas sur la patrie. L’APR truste toutes les positions de directions dans l’administration et les sociétés publiques et parapubliques. Les sinécures et le pillage des ressources financières dénoncés par les organes de contrôle sont sans effet, si ce n’est lui-même qui déclare « avoir mis le coude sur certains dossiers ».
Par petites touches, Macky Sall reconduit le modèle dont il a toujours revendiqué le démantèlement : il mène une politique de la fragmentation qui a des conséquences sur l’espace public, en particulier sur les partis politiques, remettant en cause, dans le même temps des stratégies de coalitions. S’installe par conséquent, une crise de leadership au sein du Parti socialiste, du PIT, de l’AFP et de la LD. Pour les réfractaires, une cavalerie administrative et judiciaire qui piétine tout sur son chemin est lancée et l’opposition est menacée d’être « réduite à sa plus simple expression ».
Les différences de traitement sont manifestes, selon que l’on membre du parti ou non, un droit qui n’est pas égal pour tous, parfois teinté d’humiliation, parfois de violence. Sans dire les pressions exercées sur les concernés par la politique dite de la « traque des biens mal acquis » il consacre publiquement la transhumance lors d’un conseil ministériel à Kaffrine en 2015 : « Un homme politique ne doit pas être rancunier, revanchard. Pourquoi ne devrais-je pas recevoir des gens du Pds ou d’un autre parti qui veulent intégrer l’Apr ? Je n’ai aucun problème à les recevoir ! La transhumance est un terme péjoratif qui ne devrait jamais être utilisé en politique parce qu’elle est réservée au bétail qui quitte des prairies moins fournies pour aller vers des prairies plus fournies. Selon les saisons, le bétail a besoin de se mouvoir. C’est vrai que c’est par analogie que les gens ont taxé les perdants qui vont vers les vainqueurs. Ça peut se concevoir mais le terme n’est pas acceptable. Nous avons tous la liberté d’aller et de venir, c’est la Constitution qui nous le garantit.
Ensuite, les acteurs politiques au Sénégal ne sont pas nombreux. Nous avons à peu près 5 millions d’électeurs sur 13 millions de Sénégalais ». Ce à quoi un observateur avait soufflé avec dépit : “Il a pour lui l’argent, la calculatrice, le coffre-fort et tous les hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que la honte.” Peu à peu, il détricote la politique de passation des marchés. L’inclusion ou l’exclusion des prébendes aux ressources publiques deviennent dès lors, l’unique enjeu des activités politiques. On assiste à un contournement, voire un détournement des appareils de l’Etat mais elle correspond à des prises de position par rapport à ce dernier qui est concomitant à la reconstitution d’un Etat superpuissant flottant au-dessus de la société dans laquelle la parole libre devient suspecte. Il met fin aux fonctions officielles de quiconque se déclare contre son 3ème mandat. Sans en revendiquer l’héritage, il se vêt des habits de Abdoulaye Wade, relativement aux infrastructures, qu’on affichera à la fin de son mandat, sur le tableau des réalisations, que c’est l’élément le plus visible de son « bilan matériel ». Ce qui n’est pas faux. Face à l’indiscipline et au chantage au vote-sanction, le pays connait une inflation institutionnelle et administrative. La mise en place du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) est un exemple parmi d’autres, tandis que la patrimonialisation et la privatisation accélérées de l’appareil d’Etat suivent leurs cours. Aujourd’hui, il se dit que le patrimoine bâti de l’Etat, se réduit à une vingtaine de biens.
Première dame
Dans une « chronique de l’improviste » en date d’octobre 2016, le statut de l’épouse est posé. « Le texte de Monsieur Mody Niang publié (…) dans la presse pose clairement le cas du statut de ce qu’il est convenu d’appeler Première dame de la République. (…) En son temps. Madame Colette Senghor s’est distinguée par une discrétion, un mutisme, si ce n’était une mutité. Durant les années 1980-1990, (…) au plan politique (politicien), une campagne de désenghorisation est lancée. Elle n’a pas seulement pour objet, de trouver une nouvelle honnêteté à Abdou Diouf. Son épouse est également dans la propagande qui fit entendre à tous les Sénégalais que le Palais venait d’être occupé par (presque) d’authentiques Sénégalais (…) Après une décennie de silence, Madame Diouf opère sa mue, prononce un discours, est aux premiers rangs des fidèles lors de la visite du Pape Jean Paul II, sort de sous le couvert de la Fédération nationale de l’action sociale (Fnass).
L’histoire retient qu’en pleine période de préparatifs du 20ème anniversaire de cette fédération, Abdou Diouf trouve un prétexte pour le faire reporter. Deux mois après, la Fondation de son épouse était créée. Madame Diouf s’affirme alors comme actrice de la vie publique, notamment avec sa fondation Solidarité-Partage. A l’époque déjà, et plus encore après la chute du Président Diouf, des voix se sont élevées pour dire l’opacité qui entourait l’objet, son fonctionnement et sa gestion et ont rebaptisé la « Fondation Solidarité, Partage… du gâteau ». Les années 2000 seront celles de la Sénégalaise décomplexée, qui revendique sa part de légitimité dans la construction nationale, comme Viviane Wade réclame sa sienne dans le Sopi. (…). Exaltée par la victoire de son époux, elle sort du Palais, va faire son marché, participe à une marche pour protester contre les violences faites aux femmes, interpelle des soldats en partance pour le Congo en les mettant en garde contre les risques que des vendanges non protégées pourraient causer des récoltes sidéennes et précipite dans la nuit d’un tombeau, la Fondation de Madame Diouf. Elle crée l’«Association Education-Santé », fait construire un hôpital à Ninéfécha, administré par le ministère des Forces Armées.
Le ministère de la Santé de l’époque avait mis à sa disposition un personnel médical. Ce qui avait fait dire à un opposant de son présidentiel époux, non sans raison d’ailleurs : « En réalité c’est un président bis ». Maître Wade avait, quant à lui qualifié son épouse de « sa première opposition » (…). Quant à Marième Faye Sall, elle est décrite comme étant « cette femme qui s’était engagée sur le terrain politique aux côtés de son époux, participant à la mobilisation des électeurs, en pantalon jean et un T shirt à l’effigie du candidat, une casquette vissée sur la tête » Le couple qu’elle forme avec l’actuel président de la République, constitué de deux êtres nés après l’indépendance du pays, nous renvoie sa différence avec la vieille classe politique et son engagement « naturel » avec la rupture. Dès l’accession de son époux à la Présidence de la République, le ton est donné : elle, Sénégalaise bon teint, de père et mère, n’est pas venue d’ailleurs. Cette fois-ci (…), pas d’étrangère. Mais très vite, elle fait l’objet, à tort ou à raison d’alarme dynastique, entre faits de Première Dame, bon plaisir et esprit de cour. Sur son blog, il est inscrit : Marième Faye Sall, Première Dame du Sénégal- Blog officiel, mettant en exergue un lien privé qui donne un privilège public.
La Fondation elle-même, n’a ni site, ni blog. Ou s’ils existent, ils ne sont pas référencés. Quand ce n’est pas la société de Loterie nationale sénégalaise qui offre des ambulances à la « Fondation Servir le Sénégal » qu’elle a mise en place, «elle bénéficie de nombreux soutiens matériels et fi nanciers de mécènes qui cherchent peut-être le retour de l’ascenseur », selon Monsieur Baba Tandian, (…). Toutes ces Premières dames ont quelques points communs. A un moment ou à un autre du ou des mandats de leurs présidentiels époux, elles ont arbitré des querelles politiques, en faisant prévaloir leurs préférences e/ou leur détestation. Seule leur façon de faire est différente. Et c’est là où se situe le nœud du problème. Pas élues, (les électeurs votent pour un candidat et non pour un couple), elles ont plongé (hormis Madame Senghor), avec leur fondation ou association dans des domaines sociaux qui ne sont en rien liés à leurs trajectoires personnelles, mais dont une dynamique a pris forme en les faisant passer de l’effacement à une visibilité accrue grâce à leurs actions humanitaires ou sociales, leur octroyant un rôle politique manifeste.
L’objectif de leurs fondations, leur mot d’ordre est d’identifier les groupes vulnérables, de diminuer les souffrances, de dérouler une politique compassionnelle, s’arrimant ainsi dans cette niche sociale d’un Etat en ruine et d’une privatisation de la redistribution sociale. C’est là que se sont affirmées et continuent de l’être, les activités les plus symboliques et les plus politiques. Le départ du pouvoir du Président battu s’accompagne généralement d’une vague de rejet de l’épouse, qui juste avant l’élection perdue avaient subjugué par leur charme, leur générosité, leur simplicité. Dérivé du « First Lady » américain, le terme Première dame devient l’équivalent qui qualifie l’épouse du candidat sorti vainqueur de cette élection présidentielle, Macky Sall. (…). Cette évolution a contribué à façonner les frontières des sphère publique et domestique que chevauche le pouvoir politique, au point où des voix se sont élevées pour qu’une fonction politique officielle leur soit attribuée. Mais officielle ou pas pourra-t-on un jour dissoudre les humeurs d’une première dame dans une solution constitutionnelle ? ».
Marième Faye Sall a toujours nié la place centrale qu’elle a occupée dans la gouvernance de son époux. Malgré ses déclarations, elle a pesé de plus en plus lourd et son rôle s’est élargi au fil du temps. « Si nous sommes ministres, Matar Ba et moi, nous le devons à Marième Faye » avait lâché Mbagnick Ndiaye, nouvellement promu au ministère de la Culture. Elle a intéressé, elle a intrigué, elle a choqué ou impressionné, boulet pour les uns, atout charme pour les autres. Quelques mois avant la présidentielle de 2024, sa fondation est officiellement dissoute. Le couple Sall, aujourd’hui installé au Maroc, a laissé la place à un tout nouveau président de la République du Sénégal, élu et… polygame. Mais je m’égare…
Découvertes gisements de gaz et de pétrole
En 2014 surviennent les premières découvertes en hydrocarbures dans le pays. D’abord le gisement de Sangomar, qui promettait des revenus à hauteur de 24 milliards USD ensuite ceux de GTA en partage avec la Mauritanie, dont les retombées étaient évaluées à environ 15 milliards USD. Puis survient le scandale Petrotim avec le sulfureux homme d’affaires Frank Timis. Quand bien même le fin mot de cette histoire n’est toujours pas connu, le gouvernement a rendu public tous les contrats sur le pétrole et le gaz conformément à l’adhésion du Sénégal à l’ITIE. Outre les sociétés américaines et britanniques, Total jadis prudent arrive en 2017. Le major français paraphe un contrat avec l’État et se voit octroyer le bloc Rufisque Offshore profond, soulevant une grosse polémique ayant abouti au limogeage ou à la démission de Thierno Alassane Sall. Entretemps le retard de la production s’accumule. Les premiers barils qui devaient être chargés en 2022 puis en 2023 devront attendre au plus tôt, le troisième trimestre 2024.
Rapports avec l’opposition
Il n’y a pas de succès politique sans l’échec des concurrents ou des adversaires et surtout de ceux qui avaient été des amis ou mieux des « frères ». D’anciennes pratiques sont reconduites : l’utilisation politique de la CREI, à la condamnation de Karim Wade et de celle de Khalifa Sall, la défenestration de Nafi Ngom Keita de l’OFNAC qui s’est rendue coupable de se plaindre de ne pas avoir été reçue pour transmettre les rapports de son organisation. Karim Wade sera la première tête de turc de Macky Sall, dans la « traque des biens mal acquis » conduite par la Crei en mars 2013. Il disposait d’un mois pour justifier sa fortune que l’Etat estimait à 600 milliards de F Cfa. Le délai arrivé, il est écroué et condamné après deux ans, en mars 2015 à 6 ans de prison et à une amende de plus de 135 milliards. Le procès fut une véritable traversée du miroir qui finit par coiffer un prévenu impopulaire d’une couronne de martyr et de prisonnier politique victime d’un acharnement judiciaire.
Libéré en catimini en juin 2016, suite à une grâce présidentielle (alors qu’il réclamait un nouveau procès), il s’envole, avec l’obligation de ne plus venir à Dakar, en compagnie du procureur général du Qatar, envoyé par l’Emir en direction de Doha. Ce qui présageait une situation politique invalidante de sa participation à l’élection présidentielle à venir. En mars 2016, un référendum constitutionnel est organisé, comportant 15 points dont la participation de candidats indépendants à tous les types d’élections, la reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens, la restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel, l’élargissement des pouvoirs de l’Assemblée nationale quatre points allaient s’avérer capitaux à veille de la présidentielle de 2014 : la soumission au Conseil constitutionnel des lois organiques pour contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation , l’augmentation du nombre des membres du même conseil, la désignation par le président de l’Assemblée nationale de deux de ses sept membres, l’élargissement des compétences du Conseil constitutionnel pour donner des avis et connaitre des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’appel,
L'intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, la laïcité le caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l'État, au mode d’élection, à la durée et au nombre de mandats consécutifs du Président de la République. Khalifa Ababacar Sall, maire de Dakar, appelle à voter massivement non. Quelques mois après, en 2017, il est accusé de détournement de ce qu’on a appelé « la caisse d’avance », pour une valeur de 1,8 milliard. Il est condamné à cinq ans de prison et incarcéré, après avoir été révoqué de sa fonction de maire. Auparavant, son immunité parlementaire a été levée.
En mode fast track, il devient ni électeur, ni éligible. Ces partisans et avocats ont très vite dénoncé cette décision contre l’un des principaux opposants de Macky Sall qui devait briguer un second mandat en 2019. Karim Wade et Khalifa Sall ont été les victimes d’opérations de moralisation de la vie politique sénégalaise qui dissimulait mal des sentiments moins nobles relevant davantage du règlement de compte.
Le deuxième mandat
A l’élection de 2019, Macky Sall en sort vainqueur dès le premier tour, devançant Idrissa Seck et Ousmane Sonko. Si Idrissa Seck a été étrangement muet après cette élection, Ousmane Sonko, n’a pas hésité à réserver ses critiques et railleries aux petits et grands cénacles, lapidant de lazzi Macky Sall en place publique, qu’il réduisait en dictateur et qu’il menaçait d’occire comme Samuel Doe. Ses contestations étaient permanentes et avaient trouvé écho parmi de grandes franges de la population, particulièrement chez les jeunes, toujours habile de prendre l'opinion à témoin, la ranger du côté de sa bonne foi apparente, de sa victimisation, sinon de son bon droit. Sa force, celle de son parti et de ses animateurs, a certainement résidé dans leur capacité à incarner une nouvelle figure de la politique qui replace, l’honnêteté, l’engagement, le patriotisme et la citoyenneté au cœur des récits et imaginaires d’une part importante de la jeunesse. S’il est sans doute encore trop tôt pour évaluer les effets profonds de ces manières de se dire et de se penser dans l’espace social elles semblent néanmoins renouveler, sans nécessairement les épuiser, les formes d’inscription de la jeunesse dans le champ politique et social depuis l’indépendance.
En janvier 2018, un massacre est perpétré dans la forêt de Bayotte en Casamance. Le gouvernement prend des décisions quant à l’exploitation (illicite) de bois. Le MFDC a été le premier suspect des médias et du gouvernement. Puis des soldats sénégalais ont été retenus en otage. Il n’en fallait pas plus, pour que Macky Sall, Chef suprême des Armées fasse bombarder les bases des rebelles et quand il déloge Yaya Jammeh, obligé de s’enfuir en Guinée équatoriale, cela tient plus du style de commando que d’une négociation diplomatique. L’épidémie de la Covid en février 2020 fait enregistrer une hécatombe sur le plan humain et met à nu, les fragilités système sanitaire et plus tard, au plan de la gestion des ressources financières qui avaient été affectées pour l’endiguer. Les restrictions qu’imposaient les risques sanitaires obligent les Sénégalais d’observer un couvre-feu, qui lui, un soir, n’a pas été respecté par Ousmane Sonko qui s’est vu accusé de viol par une jeune dame officiant dans le salon de beauté où il allait se faire masser pour calmer ses douleurs lombaires qu’il ressentait depuis sa tendre enfance. Un imbroglio s’ensuit. Tout le monde accuse tout le monde : viol, complot, subornation de témoins…
Sa convocation en mars 2021, au tribunal met le feu aux poudres. Ses partisans, convaincus que l’Etat de Macky Sall veut lui faire subir le même sort que celui de Karim Wade et de Khalifa Sall, parce que non formel investissent la rue et tentent de l’empêcher d’aller répondre au juge qui l’avait convoqué. La réplique des forces de l’ordre est ferme, la riposte l’est tout autant. Plus d’une soixantaine de morts que les deux camps font porter chacun à l’autre, des biens publics et privés pillés ou saccagés. Du côté de la présidence de la République, c’est le mutisme face au bilan de la violence. Macky Sall donne l’impression de compter sur la peur d’une situation chaotique et violente qui pourrait jouer dans l’essoufflement progressif des mobilisations. Il n’en a rien été.
En réaction, l’Etat prend des mesures drastiques contre un discours violent, et qualifie les manifestants et leurs chefs de terroristes, mus par des forces occultes. D’autant que les médias locaux et étrangers, les réseaux sociaux, contribuent à alimenter l’image d’un pays à feu et à sang. Les élections législatives organisées en janvier 2022, ont vu l’Assemblée nationale être configurée autrement que ce que les résultats des législatives avaient donné depuis l’indépendance : un presqu’équilibre entre le nombre de députés de la coalition de la majorité et celle de l’opposition.
A l’ouverture de cette 14ème législature, on assiste à une impression de déliquescence, un cirque dans lequel chaque acteur s’est efforcé d’enfoncer un clou de plus dans le cercueil de la démocratie. Il y a eu le spectacle offert par les nouveaux députés, les insultes, les suspensions de séances, la transformation des élus du peuple en acteurs tik tok, et une ceinture de gendarmes protégeant l’urne pour que le vote puisse se tenir. Cette opération se répètera plus tard. Le 1er juin 2023, le verdict tombe, du procès opposant Adji Sarr qui avait accusé Ousmane Sonko de viol : corruption de la jeunesse. Les manifestants réinvestissent la rue, la violence refait surface, des nervis sont utilisés de part et d’autre, les pillages reprennent. On compte des morts, dont les plus emblématiques sont deux filles brulées dans un véhicule de transport en commun.
En réaction, l’Etat emprisonne à tout va. Manifestants ou soupçonnés tels. Les prisons sont surchargées de « terroristes et d’indépendantistes », plusieurs cadres du Pastef emprisonnés ou affublés d’un bracelet électronique, Ousmane Sonko est condamné par contumace, et le Pastef dissout. Plus tard, il sera emprisonné dans le même temps son éligibilité et son droit d’électeur. Macky Sall, évasif ou muet sur son éventuelle candidature à un 3ème mandat, fait réagir l’opposition à qui on peut tout reprocher sauf de manquer d’imagination dans les choix de création de collectifs, et ce, jusqu’à la veille de l’élection et que Macky Sall, après avoir déclaré sa non-candidature le 3 juillet 2024, s’est mis en tête de se raviser et développe des stratégies spécieuses pour faire reprendre le processus électoral. Pendant trois ans, des coalitions de l’opposition se sont succédé, bâties par les mêmes hommes et femmes, et souvent avec le socle discursif. Nous avons eu droit à toutes les compositions politiciennes d’hommes et de femmes qui sensiblement ont des parcours et des partis divergents mais savent faire front au nom d’intérêts propres.
Le tout entretenant un combat entre deux hommes. Ousmane Sonko en prison, se résout à faire de Bassirou Diomaye Faye, le candidat de Pastef et de la coalition qui le soutient, après avoir porté son choix sur Habib Sy, dont la candidature avait été validée par le Conseil Constitutionnel, suite au parrainage des élus. Cheikh Tidiane Dièye lui, passé le tamis des parrainages, dont la candidature elle aussi a été validée par le Conseil constitutionnel, renonce à sa candidature. Habib Sy en a fait de même.
Décisions refusées par le Conseil Constitutionnel. Du côté de la coalition au pouvoir, « le choix de raison » porté sur Amadou Bâ, fit naître des contestations reposant sur le fait « qu’il n’avait pas une légitimité historique ». Les protestataires opèrent une intensification et une radicalisation contre ce choix, soutenus par Macky Sall aveuglé par une haine qui ne veut pas dire son nom, qui leur souffle à l’oreille, parfait connaisseur des méandres de la politique politicienne, dans une cacophonie favorable à toutes sortes de manœuvres, fait ouvrir les portes de la prison à ces centaines de manifestants « pro Pastef », et suite à ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui, le «Protocole du Cap Manuel », choisit d’amnistier Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye qui recouvrent la liberté. Comme Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, les deux mandats de Macky Sall ont été traversés par Farba Ngom, son griot, dont on dit qu’il avait le pouvoir de faire ou défaire des carrières.
Député et maire, il est nommé secrétaire national de l’Apr, chargé de l’organisation et de la mobilisation. Sa richesse, il la doit à son travail et aux transactions immobilières qu’il opère depuis plus de 20 ans, dit-il. Gent d’arme oral pour Macky Sall, il a été pendant tout le temps à ses côtés, un personnage clivant. La campagne électorale se tient en 10 jours au lieu des 21 prévus par la loi. Macky Sall organise un dialogue boudé par les candidats validés. Dans une saute d’humeur, il lance, « mon départ, du pouvoir, c’est le 2 avril. J’en ai assez ».
Au soir du 24 février, Bassirou Diomaye Faye gagne l’élection, au premier tour, avec 54% des suffrages exprimés. Aucun recours n’a été porté. C’est dans cette conjoncture qu’il faut lire le futur du Sénégal. On dit que le premier mandat d'un Président de la République lui permet d'imprimer sa marque, et que le deuxième contribue à préparer sa place dans l'Histoire. Le nouveau pouvoir est-il capable de bâtir de nouvelles formes d’interventions politiques et d’alliances pour promouvoir la rupture promise depuis 2000 ? D’autant plus que cette génération est la plus à même de trouver un langage qui lui est propre, pour enfin cesser d’être une héritière. Au passage, certains observateurs, analystes, de la scène politique, écrivent ou disent qu'il faut cent jours pour réussir. Mais que ces cent jours ne se situent pas à la fin mais au début d’un quinquennat.
par Moussa Bassel
LE CRÉPUSCULE DE L’EMPIRE FRANÇAIS EN AFRIQUE DE L’OUEST
EXCLUSIF SENEPLUS - L’accession au pouvoir de Diomaye Faye sonne le glas de la stratégie française centrée sur l’influence d'une élite politique favorable à ses intérêts pour la perpétuation de relations désavantageuses aux peuples africains
Le changement de régime au Sénégal vient d’ouvrir une boite de pandore pour la France avec le basculement progressif des pays de son pré-carré vers une doctrine souverainiste aux conséquences économiques significatives. Doctrine dont l’application peut être salvatrice pour les pays de la sous-région et compromettante pour les intérêts de l’ancien colonisateur.
Les élections du 24 mars dernier au Sénégal feront date dans l’histoire des relations entre la France et un de ses piliers ouest-fricains. Les résultats favorables au Pastef (Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité) viennent de marquer une rupture de taille dans le sillage des siècles de domination politique, économique et culturelle. Sur le plan politique, le Sénégal a toujours été considéré de l’extérieur comme un laboratoire de stabilité ; image qui cache mal en réalité la longue stratégie française de mise en place et de soutien d’élites politiques sentinelles et protectrices de ses intérêts à travers trois prismes : D’abord celui des accords de coopération mis en place au sortir des indépendances (politiques de défense, politiques économiques et monétaires, gestion des matières premières). Ensuite, un historique documenté dans la mise à l’écart de toute une génération de leaders nationalistes, progressistes, panafricanistes, farouchement opposés au pillage des ressources du continent et adeptes d’une ligne radicale de l’émancipation politico-économique. Enfin, une longue tradition d’eugénisme électoral visant à faire obstruction à la participation des masses populaires au choix de leurs représentants.
Hérité de pratiques coloniales de l’ancienne métropole, cet eugénisme électoral s’est perpétué sous les régimes successifs au Sénégal depuis l’accession à l’indépendance et même bien avant. Il a eu pour noms modifications de la carte administrative, bourrages d’urnes, bureaux de vote fictifs, rétention des cartes d’électeur pour certaines catégories de population jugées hostiles aux régimes en place, emprisonnement d’opposants ou charcutage électoral à l’endroit des primo-votants.
Néanmoins, la capacité du Sénégal à réussir des alternances par la voie des urnes peut s’expliquer en partie par un déclencheur de taille : l’instauration d’un multipartisme intégral par l’adoption de la loi du 6 mai 1981 - une longueur d’avance sur les voisins de la sous-région - qui a vu l’éclosion des partis d’opposition. Les formations politiques ont mené pendant des décennies une lutte sans relâche pour l’adoption d’un code électoral inclusif, transparent, permettant l’expression réelle de la volonté populaire. De nombreux combats ont abouti à engendrer un processus électoral « relativement » robuste qui rend difficile toute possibilité de fraude ou de manipulation des suffrages. Le corollaire dans le subconscient des Sénégalais est l’intériorisation d’une conviction forte qu’aucun pouvoir ne peut résister à leur mobilisation massive dans les urnes. C’est ce qui est au fondement même d’une tradition de luttes pré-électorales émaillées de violences et de pertes en vies humaines. Contrairement donc à un narratif biaisé, les Sénégalais ont souvent payé d’un lourd tribut l’accession au libre choix de leurs dirigeants et à une absence de mainmise extérieure sur le dénouement de leurs processus électoraux.
Par conséquent, si une des cartes maitresses de la France a toujours résidé dans sa capacité d’influence sur une élite politique favorable à ses intérêts pour la perpétuation de relations désavantageuses aux peuples africains, l’accession au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye sonne le glas de cette stratégie. Élément majeur de son domino politique en Afrique subsaharienne, le Sénégal vient de prendre un tournant qui consacre une jeune génération décomplexée, ambitionnant de mettre fin aux relations économiques asymétriques avec la France.
Sur ce plan économique, le Sénégal représente avec la Cote d’Ivoire, un enjeu primordial pour la France. Cette dernière est le premier fournisseur du Sénégal avec une part de marché de 17% des importations. 38% de l’excédent commercial français avec l’UEMOA (Union Monétaire Ouest Africaine) est porté par le Sénégal. Le Sénégal représente 26% des ventes françaises au sein de l’UEMOA et concentre plus de 50% du stock d’investissements directs étrangers Français, sans compter plus d’une centaine d’entreprises françaises implantées sur son sol.
A ce désavantage structurel s’ajoute la question lancinante du franc CFA, arrangement monétaire conclu entre la France et ses anciennes colonies au sortir de la deuxième guerre mondiale, et adossé à une garantie institutionnelle du trésor Français. Les experts en pointent plusieurs éléments néfastes aux économies des zones de prévalence de cette monnaie. Arrimée à une monnaie forte (Euro) elle constitue tout d’abord une subvention pour les importations et une taxe sur les exportations des pays qui l’utilisent. En plombant la production intérieure de biens et services, elle empêche la promotion d’un socle industriel de transformation des produits primaires et confine les pays de la zone Franc dans un rôle de simples pourvoyeurs de matières premières. Par ailleurs, c’est une monnaie qui sert particulièrement les intérêts des investisseurs et entreprises étrangers, leur permettant un rapatriement facile des profits (par le biais de la parité fixe avec l’Euro) sans se soucier de la gestion des fluctuations monétaires et du réexamen des prix sur le marché international. Un autre enjeu de taille pour la France est de pouvoir effectuer l’achat de ses matières premières sans l’entremise des devises étrangères. Les arguments habituels portant sur la stabilité monétaire , la crédibilité internationale, la stabilisation de l’inflation – souvent brandis par les défenseurs du franc CFA – ne peuvent plus faire l’économie (voire la nécessité) pour le Sénégal et les pays de la zone Franc d’un recentrage radical de leurs priorités autour de l’accès au crédit des PME, la relance des productions locales, la création d’emplois pour les jeunes et la création d’une monnaie en adéquation avec ses réalités économiques propres.
La question de la dette constitue un autre écueil auquel devra faire face la nouvelle équipe. Cette dette vient de dépasser les 14 000 milliards de francs CFA (21 milliards d’euros), soit plus de 76 % du PIB en 2023, taux supérieur au seuil de convergence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), fixé à 70 %. Ces montants ont été alourdis notamment par les investissements massifs dans les infrastructures dans le cadre du Programme Sénégal Emergent et le soutien à l’économie consécutif à la crise du covid et à la guerre en Ukraine.
S’attaquer à ces défis sur le plan économique est une tâche titanesque jamais entreprise par un gouvernement sénégalais compte tenue d’abord du niveau d’endettement abyssal hérité du régime précédent. Ensuite, il suppose de briser le paradigme de la dépendance/subordination économique qui a longtemps prévalu dans les relations avec la France. Confronté à la réalité du pouvoir, la nouvelle équipe pourra s’appuyer sur quatre leviers : une population jeune, dynamique et très réceptive au discours souverainiste porté par le duo Diomaye-Sonko, un contexte sous-régional marqué par la recrudescence d’une volonté de fédéralisme politique (exemple de l’Alliance des Etats du Sahel) dans laquelle le Sénégal peut jouer un rôle moteur - même s’il reste à en définir les contours – et en enfin l’exploitation imminente (en 2024) des ressources gazières et pétrolières qui peut être synonyme de rééquilibrage du ratio entre stock de dette extérieure et revenu des exportations.
Une partie du discours et des promesses de campagne du parti Pastef a consisté à dévoyer le paternalisme politique de la France et l’exploitation économique de son pré-carré en Afrique de l’Ouest. Fort d’un sentiment anti-Français très présent notamment chez les jeunes, il est sans nul doute que la nouvelle équipe matérialisera dans son programme des mesures phares pour l’instauration d’un partenariat « gagnant-gagnant », afin de sortir le pays de la spirale endettement/pauvreté/émigration.
LA CLÉ DE LA STABILITÉ SÉNÉGALAISE
Alors que l'insécurité gangrène le Sahel, comment le Sénégal y échappe-t-il ? Selon l'universitaire Papa Fara Diallo, son secret résiderait dans une politique de dialogue avec ses voisins immédiats
La politique de bon voisinage développée par le Sénégal depuis plusieurs années impacte sur la stabilité du pays et explique qu’il soit épargné jusque-là par les ”menaces” liées à la criminalité transfrontalière, estime l’universitaire Papa Fara Diallo.
“Le Sénégal, dans sa politique étrangère, a toujours développé une diplomatie de bon voisinage. Le Sénégal est réputé être un pays stable”, a dit cet enseignant en science politique à l’université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis.
“Si on a cette stabilité, c’est parce qu’on n’a pas de problème avec nos voisins. Donc, on peut avoir une bonne politique de gouvernance sécuritaire, transfrontalière avec nos voisins”, a déclaré Papa Fara Diallo, dans un entretien avec l’APS.
De l’avis du maître de conférences titulaire en Science politique, le Sénégal a une bonne politique avec ses voisins.
La criminalité transfrontalière et les menaces liées au terrorisme sont “très présentes dans le Sahel mais pour le moment, le Sénégal est épargné. Si on a ça, c’est parce qu’on a une bonne politique de bon voisinage”, a-t-il analysé.
Le Sénégal ne veut plus avoir de problèmes avec ses voisins immédiats, comme lors de la crise de 1989 avec la Mauritanie, qui a failli se transformer en “guerre ouverte” entre les deux pays, a souligné Papa Fara Diallo, maître conférences en science politique.
Le Sénégal doit aussi faire avec les “turbulences” dans sa partie sud, frontalière de la Gambie et de la Guinée-Bissau, avec notamment la question de la rébellion en Casamance. D’où la nécessité de faire en sorte que “les menaces transfrontalières ne puissent pas véritablement avoir un impact au Sénégal”.
Il s’y ajoute qu’avec la Mauritanie, où le président Bassirou Diomaye Faye a effectué jeudi sa première visite hors du territoire sénégalais depuis son installation, “on a un contrat d’unitisation pour l’exploitation du pétrole et du gaz, notamment le projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA) que nous partageons 50/50 avec la Mauritanie”.
“Donc, c’est un pays voisin contigu au Sénégal mais qui est un allié stratégique pour l’exploitation du gaz et du pétrole offshore”, a fait observer l’universitaire sénégalais, selon lequel le projet GTA est “le plus important et le plus avancé du Sénégal”, en matière d’hydrocarbures.
Un autre élément à prendre en compte dans l’analyse de cette visite concerne les accords de pêche, a relevé Papa Fara Diallo, en rappelant qu’en 2020, “plus de huit pêcheurs” de Guet-Ndar avaient été tués par les garde-côtes mauritaniens parce qu’ils avaient “violé l’espace maritime d’un pays souverain”.
La Mauritanie applique le repos biologique, qui favorise le renouvellement de la ressource halieutique, “contrairement peut-être au Sénégal”, où la surpêche fait que la ressource “devient de plus en plus rare”.
“On a donné beaucoup de licences de pêche à des bateaux étrangers qui viennent pêcher chez nous. Les pêcheurs sénégalais ont vu leurs débarquements journaliers drastiquement baisser depuis 2014. Donc, ils vont suivre le poisson jusqu’en Mauritanie parce que la Mauritanie applique le repos biologique”, dit-il.
Le Sénégal a aussi besoin de négocier avec la Mauritanie sur les accords de pêche, notamment pour les licences, poursuit-il, pour parler de l’importance de la première sortie officielle du président Faye.
DES INTOX POLLUENT LE DÉBAT FRANCE-SÉNÉGAL
Des rumeurs infondées attribuant à Diomaye Faye des propos qu'il n'a jamais tenus. Des centaines de messages anonymes affirmant à tort que des entreprises françaises contournaient l'impôt local. Africa Check a démêlé le vrai du faux
(SenePlus) - Des entreprises françaises installées au Sénégal paient-elles vraiment leurs impôts en France ?
Cette question, devenue virale ces dernières semaines sur les réseaux sociaux, a été soumise à l'analyse du site de fact-checking Africa Check. Plusieurs fausses déclarations ont en effet circulé, attribuant notamment au nouveau président Bassirou Diomaye Faye l'intention de contraindre les entreprises françaises à payer désormais leurs impôts au Sénégal.
Pour faire la lumière sur ces allégations, Africa Check a mené une enquête rigoureuse, contactant différentes sources officielles. Tout d'abord, l'organisation a cherché à vérifier le nombre souvent avancé de "250 entreprises françaises installées au Sénégal", mais n'a pu trouver de chiffres fiables et récents auprès des organismes statistiques des deux pays.
Africa Check s'est ensuite entretenu avec la Direction générale des Impôts et Domaines (DGID) sénégalaise. Celle-ci a confirmé de manière catégorique que "les entreprises françaises opérant au Sénégal paient bien leurs impôts dans le pays". Selon Mouhamedou Lamine Sy, directeur de la législation et de la coopération internationale à la DGID, "il est erroné de penser qu'une entreprise française puisse être exempte d'impôt au Sénégal".
La DGID a précisé que le Sénégal avait signé vingt conventions fiscales, dont celle avec la France en 1974, visant justement à éviter les doubles impositions. Ainsi, une entreprise française installée via une filiale au Sénégal est assimilée à une société locale et soumise aux mêmes obligations fiscales. Cette interprétation a été validée par l'ambassade de France à Dakar et des filiales comme Auchan et Sonatel, qui ont confirmé leur paiement régulier d'impôts au Sénégal.
Africa Check a pu démontrer que les allégations sur un prétendu non-paiement d'impôts par les entreprises françaises étaient dénuées de fondement. Le cadre juridique actuel garantit au contraire leur contribution aux finances publiques sénégalaises, dans le respect des conventions internationales. Le journaliste Mame Birame Wathie, à l'origine de certaines des rumeurs, a reconnu s'être exprimé "pour aider les gens à comprendre" de manière transposée, sans réelles preuves. Quant au président Bassirou Diomaye Faye, il n'a tenu aucune des déclarations qui lui ont été attribuées sur le sujet.
Ces dernières semaines, plusieurs rumeurs concernant les entreprises françaises au Sénégal ont largement circulé sur les réseaux sociaux.
Nous avons vérifié trois d’entre elles.
Les États-Unis sont "profondément préoccupés" par les récentes mesures prises par le gouvernement de transition au Mali. Le 10 avril, le gouvernement a publié un décret suspendant tous les partis et associations politiques...
Les États-Unis sont "profondément préoccupés" par les récentes mesures prises par le gouvernement de transition au Mali. Le 10 avril, le gouvernement a publié un décret suspendant tous les partis et associations politiques et interdisant aux médias de rendre compte de l'activité politique.
Ce décret est le dernier coup porté aux aspirations démocratiques du peuple de cette nation déchirée par la guerre en Afrique de l'Ouest. Après des décennies de régime dictatorial, le Mali a commencé, dans les années 1990, à faire des progrès dans la mise en place d'institutions démocratiques, mais le pays a souffert d'une série de coups d'État militaires, ainsi que d'une insurrection brutale qui se poursuit dans le Nord.
En juin 2021, le colonel Assimi Goita, l'un des chefs militaires du coup d'État de 2020, a prêté serment en tant que président du gouvernement de transition. Ce gouvernement s'est engagé à rétablir la démocratie dans le pays en mars 2024, après les élections de février 2024. Cependant, en septembre 2023, le gouvernement de transition a annulé ces élections "pour une durée indéterminée" en invoquant des difficultés techniques. Aujourd'hui, dans l'intérêt de l'ordre public, le gouvernement affirme qu'aucune élection ne peut être organisée et que l'activité politique et les reportages sur les questions politiques doivent cesser.
"Nous sommes profondément préoccupés par le décret du gouvernement de transition malien suspendant toutes les activités politiques jusqu'à nouvel ordre", a déclaré Matthew Miller, porte-parole du département d'État : "La liberté d'expression et la liberté d'association sont essentielles à une société ouverte. Le gouvernement de transition a déjà pris la décision de ne pas organiser d'élections en février 2024 pour revenir à un gouvernement démocratique dirigé par des civils, malgré l'engagement qu'il avait pris publiquement en 2022 de le faire. Nous appelons le gouvernement de transition du Mali à honorer son engagement envers ses citoyens et à organiser des élections libres et équitables".
"Au Mali et ailleurs", a déclaré le porte-parole Miller, "la démocratie reste le meilleur fondement de la stabilité et de la prospérité".
AU KENYA, LE CHEF DES ARMEES ET NEUF MILITAIRES TUES DANS UN CRASH D’HELICOPTERE
Dix responsables militaires kényans, dont le chef des armées, Francis Omondi Ogolla, ont péri, jeudi, dans un crash d’hélicoptère dans l’ouest du pays, a annoncé le président de la République, William Ruto, au sortir d’une réunion d’urgence
Dakar, 18 avr (APS) – Dix responsables militaires kényans, dont le chef des armées, Francis Omondi Ogolla, ont péri, jeudi, dans un crash d’hélicoptère dans l’ouest du pays, a annoncé le président de la République, William Ruto, au sortir d’une réunion d’urgence du conseil national de sécurité.
“Aujourd’hui […], notre nation a vécu un tragique accident aérien dans la région de Sindar […]. Je suis profondément attristé d’annoncer le décès du général Francis Omondi Ogolla”, a déclaré le chef de l’État kényan, cité par le site d’information de la télévision française France 24.
Seuls deux militaires ont survécu à ce drame dans lequel neuf autres soldats ont trouvé la mort. “Avec lui [général Francis Omondi Ogolla], lors de l’accident, se trouvaient, onze autres vaillants militaires, neuf qui sont également décédés avec lui et deux survivants”, a ajouté William Ruto.
Il a indiqué que les militaires rendaient visite aux troupes déployées pour mettre fin à la criminalité dans cette région en proie à la terreur des bandits
L'ONU REFUSE L'ADHÉSION DE LA PALESTINE
Le Conseil de sécurité avait ouvert la voie à l'entrée de la Palestine dans le concert des nations. Mais c'était sans compter la ferme opposition de Washington, défenseur historique d'Israël
(SenePlus) - Le 18 avril 2024, les Etats-Unis ont opposé leur veto à la demande d'adhésion pleine et entière de la Palestine aux Nations Unies, portant un coup dur aux aspirations palestiniennes d'obtenir un Etat souverain reconnu par la communauté internationale.
Depuis plusieurs semaines, les Palestiniens, qui ont actuellement le statut inférieur d'« Etat non membre observateur » depuis 2012, ainsi que les pays arabes, "imploraient le Conseil [de sécurité] d'accepter qu'un 'Etat palestinien' prenne sa place 'légitime' au sein des Nations unies", selon Le Monde. Mais leurs efforts ont été vains face à l'opposition américaine.
Après le veto américain, l'Autorité palestinienne a vivement dénoncé cette décision. "Cette politique américaine agressive envers la Palestine, son peuple et ses droits légitimes représente une agression flagrante contre le droit international", a déclaré le bureau du président palestinien Mahmoud Abbas, cité par l'AFP.
L'ambassadeur palestinien à l'ONU, Riyad Mansour, a lancé en pleurs : "Ce rejet ne brisera pas notre volonté, ne stoppera pas notre détermination. Nous n'arrêterons pas nos efforts. L'Etat de Palestine est inévitable, il est réel."
Explication du veto américain
Les Etats-Unis ont justifié leur veto en affirmant que "ce vote ne reflète pas une opposition à un Etat palestinien, mais est une reconnaissance qu'il ne peut naître que de négociations directes entre les parties", selon l'ambassadeur adjoint Robert Wood, cité par Le Monde.
Washington craint également que l'admission de la Palestine à l'ONU ne déclenche des coupes budgétaires selon la législation américaine, qui "leur imposerait de couper leur financement à l'ONU en cas d'une adhésion palestinienne en dehors d'un accord bilatéral".
Réactions internationales
Malgré le veto, l'ambassadeur algérien Amar Bendjama a salué "le soutien 'écrasant' des membres du Conseil" qui "envoie un message très clair : l'Etat de Palestine mérite sa place à l'ONU". Il a promis de "présenter à nouveau cette requête ultérieurement".
De son côté, l'ambassadeur chinois Fu Cong a déploré "une triste journée" où "le rêve du peuple palestinien a été anéanti".
Israël s'est également opposé avec force à l'initiative palestinienne. Son ambassadeur Gilad Erdan a estimé que le soutien au projet palestinien allait "encourager les Palestiniens à ne pas revenir à la table des négociations et rendre la paix presque impossible".
Le gouvernement israélien reste opposé à la solution à deux Etats, contrairement à la position défendue par une majorité de pays dont les Etats-Unis. 137 des 193 Etats membres de l'ONU reconnaissent déjà unilatéralement un Etat palestinien.
LE FRANC CFA FACE À SES CONTRADICTIONS
Pour Kako Nubukpo, la donne change avec l'élection au Sénégal d'un président hostile au franc CFA. Dans une interview au Point Afrique, il décrypte les options désormais sur la table et les réformes à engager pour sortir de ce régime monétaire colonial
(SenePlus) - Des changements majeurs semblent se profiler concernant le franc CFA en Afrique de l'Ouest. Dans une interview accordée au Point Afrique, l'économiste togolais Kako Nubukpo, reconnu pour ses travaux sur cette monnaie, revient sur les enjeux en cours.
"C'est une très bonne nouvelle que des acteurs politiques clairement engagés contre le franc CFA, en tout cas dans sa mouture actuelle, puissent accéder aux responsabilités", souligne d'emblée Nubukpo. L'élection de Bassirou Diomaye Faye, qui souhaite sortir du franc CFA, "crédibilise les débats" selon l'économiste.
Cependant, Nubukpo s'interroge : "Le sujet pertinent est de savoir si les nouveaux dirigeants sénégalais souhaitent une sortie isolée ou mener des réformes dans le cadre de la Cedeao." Deux options aux conséquences différentes.
Pendant ce temps, le Mali, Burkina Faso et Niger, réunis au sein de l'Alliance des États du Sahel, ont annoncé vouloir créer une monnaie commune pour remplacer le franc CFA. Un projet que Nubukpo juge "légitime" : "Le pouvoir de battre monnaie est un privilège régalien."
Mais il prévient : "Si le Sénégal prenait cette décision, l'avenir de l'UEMOA serait clairement en sursis, avec 45% de son PIB qui partirait."
Côté Cedeao, qui devait créer l'eco dès 2020, "rien n'a bougé depuis 2021", déplore Nubukpo. Il pointe "une absence de leadership et de consensus" pour expliquer ce statu quo.
La France dit avoir "fait sa part" selon Nubukpo, qui précise : "Le débat ne porte pas là-dessus." Pour lui, des réformes sont nécessaires, comme le changement de nom, l'abandon de la garantie française jugée caduque, la fusion des traités monétaires et un nouveau régime de change.
Au final, Nubukpo plaide pour un vrai débat ouvert : "On a l'impression que les bienfaits du franc CFA sont simplement postulés." Il appelle à des "référendums" pour que les populations puissent choisir en "décidant de manière souveraine".
Quant à la stabilité souvent vantée, "C'est un leurre" tranche-t-il, rappelant que le franc CFA fluctue en réalité au gré de l'euro. "Si vous avez des prix bas mais pas de revenus élevés, vos revenus réels seront très bas."
MYTHES ET RÉALITÉS DES LANGUES AVEC SALIKOKO S. MUFWENE
Les langues sont des virus selon le linguiste congolais. Transmises de personne à personne, leur survie dépend de nos interactions plus que de leur prestige. Retour sur cette vision originale à travers son analyse de l'histoire du français et des créoles
(SenePlus) - Salikoko S. Mufwene, professeur linguistique à l'université de Chicago et invité cette année de la chaire annuelle Mondes francophones du Collège de France, a une vision originale de l'évolution des langues. Dans un entretien accordé au site du Collège de France, il explique que "les langues n'ont pas de vie indépendante de leurs locuteurs. Comme les virus, nous nous les transmettons d’une personne à l’autre, ou surtout nous les apprenons des personnes avec lesquelles nous interagissons. Si nous mourons, les langues que nous parlons meurent." Selon le linguiste, "nos interactions qui assurent une certaine vitalité à ces dernières, comme pour les virus."
Titulaire de la chaire Edward Carson Waller Distinguished Service Professor of Linguistics à l’université de Chicago, S. Mufwene remet également en cause l'idée reçue selon laquelle le prestige d'une langue garantirait sa survie. "L’Allemagne est une importante puissance économique, mais l’allemand reste peu parlé à travers le monde", fait-il remarquer. Pour le chercheur originaire de la République démocratique du Congo, "c’est un ensemble d’étapes historiques qui, les unes suite aux autres, ont contribué à diffuser l’anglais et à en faire la langue dominante", alors que le français a perdu de sa diffusion notamment avec la vente de la Louisiane par Napoléon Bonaparte aux États-Unis en 1803.
S'il reconnaît que le français "conserve ses fonctions vernaculaires" en France, en Belgique et en Suisse, S. Mufwene estime néanmoins que "l’avenir du français comme langue impériale ou mondiale dépend de plusieurs enjeux politiques et économiques, en particulier des réponses de la France à ces enjeux, car elles influencent les attitudes autochtones à sa langue." Pour le linguiste, les langues évoluent en fonction des structures de population dans lesquelles elles s'insèrent et non uniquement de leur prestige. Il prend l'exemple du français au Québec, où la langue "a été revitalisée parce que les Québécois francophones ont exigé que le français fonctionne aussi comme langue de travail".
S. Mufwene a par ailleurs étudié comment les parlers locaux ont été influencés par les colonisations européennes à partir du XVe siècle. S'intéressant aux créoles, ces parlers coloniaux mêlant plusieurs langues, il souligne que "les Européens ont à leur tour aussi appris des langues locales", et que "les langues se sont mutuellement influencées" dans les colonies. Pour le linguiste, "les créoles (...) nous donnent une idée de l’évolution langagière en général" car ils montrent que "les langues modernes sont le résultat des contacts langagiers".
Ainsi, dans cet entretien accordé au Collège de France, dont il est l'invité cette année, Salikoko S. Mufwene propose un éclairage original sur l'évolution des langues, remettant en cause certains mythes et mettant en lumière l'influence décisive des structures de population dans la survie ou la diffusion des langues.