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10 avril 2025
International
par l'éditorialiste de seneplus, Arona Oumar Kane
UNE FAILLE DE SÉCURITÉ DANS LA DÉMOCRATIE SÉNÉGALAISE
EXCLUSIF SENEPLUS - Un président par intérim avoué, un dauphin Premier ministre et une majorité écrasante : le Sénégal de 2024 rappelle 1981, quand Senghor transmit le pouvoir à Diouf de façon monarchique
Arona Oumar Kane de SenePlus |
Publication 03/12/2024
L’article 35 alinéa 2 de l’ancienne loi constitutionnelle no 76-27 du 6 avril 1976 de la République du Sénégal disposait :
“En cas de démission ou de décès du président de la République ou lorsque l'empêchement est déclaré définitif par la Cour Suprême, le Premier ministre exerce les fonctions de président de la République jusqu'à l'expiration normale du mandat en cours. Il nomme un nouveau Premier ministre et un nouveau gouvernement dans les conditions fixées à l'article 43”.
C’est cette fameuse loi constitutionnelle qui avait valu au Sénégal la transmission du pouvoir d'un président de la République à un autre, sans le passage obligé par la sacro-sainte élection présidentielle. Ainsi, le 1er janvier 1981, sur la simple volonté du président Senghor, qui avait démissionné la veille, Abdou Diouf devenait le nouveau président de la République du Sénégal pour le reste d’un mandat qui allait jusqu’en 1983.
Cette transmission du pouvoir, peu démocratique, s’était pourtant déroulée de manière pacifique, dans un climat social apaisé et n’avait fait l’objet d’aucune contestation populaire. Il faut dire que la perspective de voir un président, qui sentait le vent de l’impopularité commencer à lui souffler doucement dans le dos, partir de lui-même était suffisamment satisfaisante pour que le geste fût plutôt salué par les populations. A cela, il faut ajouter le fait que nous étions dans un contexte où les bouillantes et très actives organisations politiques et celles de la société civile n’avaient pas la force de mobilisation et l’influence qu’elles ont de nos jours.
On peut cependant noter quelques similitudes, avec le contexte actuel, qui questionnent sur la stabilité institutionnelle de notre système démocratique. Cette dévolution quasi-monarchique du pouvoir avait, en effet, été rendue possible grâce à une révision, quatre ans auparavant, de la Constitution de 1963, qui modifiait les règles de suppléance à la tête de l’Etat. Cette réforme majeure avait été simplement décidée par le président Senghor - après s’être choisi un dauphin - et votée par une Assemblée totalement contrôlée par son parti, le PS.
Le président Abdoulaye Wade avait également bénéficié d’une majorité qualifiée, soit trois cinquièmes des députés, et l’avait même utilisée pour créer un poste de vice-président, jamais pourvu. Il avait aussi un dauphin apparent, mais contrairement à Senghor, il s’était heurté à une résistance populaire farouche. Les présidents Diouf et Sall ont eux-aussi pu, à des moments de leurs magistères, disposer de cette majorité qualifiée mais ni l’un ni l’autre n’avait de dauphin apparent, encore moins la volonté de transmettre le pouvoir à un tiers.
Aujourd’hui, nous avons tous les ingrédients favorables à un retour à cette forme de dévolution du pouvoir. D’abord, un chef de l’Etat, M. Bassirou Diomaye Faye, élu dans des circonstances particulières qui en font un président par défaut, ce que l’intéressé reconnaît et assume volontiers. Lors d’un entretien avec la presse sénégalaise, il avait encouragé son premier ministre M. Ousmane Sonko, comme pour faire taire les détracteurs, “non pas à lorgner son fauteuil mais à le regarder clairement”. Il avait ajouté qu’il se bat depuis 10 ans pour que M. Sonko s’installe dans ce fauteuil, qu’il n’a pas renoncé à cette ambition et qu’il n’y renoncera jamais. Cela fait du Premier ministre un dauphin clairement déclaré.
En plus de cette volonté affichée du prince, nous avons un parti présidentiel qui vient de remporter une victoire écrasante aux élections législatives anticipées, sous la houlette du dauphin présidentiel, qui a encore une fois démontré son intelligence stratégique hors du commun. Quelle que soit l’opinion des uns et des autres sur les méthodes et la personnalité du leader du Pastef, force est de reconnaître qu’on a affaire à un véritable génie politique qui déroule, depuis 10 ans, une stratégie gagnante qui le rapproche de plus en plus de ce fameux fauteuil.
Cette nouvelle majorité qualifiée, remportée haut la main, est largement suffisante pour opérer le type de révision constitutionnelle dont il est question. Il suffit en effet que le président Faye soumette à la nouvelle Assemblée un projet de loi constitutionnelle reprenant la lettre de l’ancien article 35 et qu’il obtienne l’adhésion de seulement 99 des 130 élus Pastef pour qu’une telle loi soit adoptée. Sans avoir besoin de passer par un référendum, avantage d’une révision qui serait portée par le chef de l’exécutif. Autant dire que, sur le plan politico-législatif, cela passerait comme une lettre à la poste.
Ensuite, une promulgation de la nouvelle loi par le président de la République, après contrôle de conformité par le Conseil constitutionnel, suivie d’une démission dans la foulée, et le Premier ministre lui succéderait immédiatement. En toute légalité. Cela pourrait se faire dès après l’ouverture de la première session ordinaire et l’installation de la nouvelle assemblée, le 2 décembre 2024, ce qui avec les délais de rigueur pourrait nous amener à une prestation de serment dès janvier 2025 !
Le Conseil constitutionnel, qui serait probablement saisi à la vitesse de l’éclair par l’opposition parlementaire, pourrait toutefois retoquer une telle révision. Il pourrait le faire notamment grâce à une interprétation de l’alinéa 7 de l’article 103 de la Constitution actuelle, qui réaffirme la forme républicaine de l’Etat et stipule l’impossibilité de réviser le mode d’élection du président de la République. Le Conseil pourrait tout aussi valider cette hypothétique loi en arguant que l’article 103 traite de l’élection et pas de la suppléance. C’est tout le sens de la notion d’interprétation qui donne à l’instance juridictionnelle le pouvoir de trancher en dernier ressort.
Bien évidemment, tout cela n’est qu’un scénario de politique-fiction, car ni le président de la République, ni son Premier ministre, n’ont déclaré avoir ce projet de dévolution par voie législative. Ils avaient certes évoqué l’idée de la création d’un poste de vice-président, mais le candidat Diomaye Faye avait bien précisé que ce serait dans la perspective de l’élection de 2029. On peut penser, par ailleurs, que le combat démocratique durement mené par le duo Diomaye-Sonko, au nom de la souveraineté populaire et des valeurs de liberté qu’ils incarnent, les a probablement immunisés contre cette tentation. Mais, l’histoire récente de la vie politique sénégalaise montre, à suffisance, qu’on ne peut être sûr de rien en la matière. D’autres figures avaient porté un combat politique de haute lutte et fait avancer de façon substantielle la démocratie sénégalaise, pour ensuite céder progressivement à la tentation du tripatouillage institutionnel au service d’ambitions personnelles, claniques ou partisanes. La séquence de la dissolution de l’Assemblée nationale, la veille de la date fixée par décret pour la Déclaration de Politique Générale du Premier ministre, doit être considérée comme une alerte à cet égard. Il s’agissait clairement d’un cas de tripatouillage institutionnel à des fins partisanes.
Quelle que soit la part de réalité dans ce scénario hypothétique d’une transmission extra-électorale du pouvoir, le simple fait que notre corpus juridique actuel rende possible une telle opération pose problème. Cela s’apparente à une faille de sécurité, comme dans les systèmes informatiques, c'est-à-dire un élément constitutif du système pouvant servir à compromettre son intégrité. Une démocratie n’est pas une œuvre finie mais un effort de veille continue et de renforcement des fondations qui la soutiennent. Ces fondations doivent être suffisamment solides et complexes, pour qu’il soit impossible de remettre en cause l’architecture globale par la seule volonté d’un individu ou d’un groupe d’individus.
Cette forme de résilience institutionnelle existe ailleurs dans le monde et doit inspirer. L’exemple le plus emblématique est celui des Etats-Unis d’Amérique où la modification de la charte fondamentale est soumise à des conditions si difficiles à réunir qu’elles en font un texte inamendable en pratique. Pour toucher à un seul des articles et amendements de cette Constitution qui date de 1787, ou en introduire un nouveau, il faut d’abord un vote conjoint des deux tiers des deux chambres du Congrès - ou d’une convention réunissant les deux tiers des États. Ensuite, pour entrer en vigueur, la révision doit être ratifiée par un vote des trois quarts des législatures des 52 États - ou d’une convention équivalente. Avec un tel verrou, ce pays, pourtant figure de proue des innovations technologiques et des mutations sociétales perpétuelles, est régi par la même charte fondamentale depuis plus de deux siècles. La plus récente ratification remonte à 1992 et porte sur le 27e amendement proposé en … 1789, soit plus de deux cent ans auparavant !
Cette forme de stabilité constitutionnelle doit être recherchée ; elle doit être un objectif dans le projet de transformation porté par les nouvelles autorités. Il s’agit, pour reprendre la formule de l’ancien président ghanéen, Jerry Rawlings, de « faire en sorte que si le diable lui-même venait à se retrouver à la tête du pays, certaines procédures, certaines pratiques l'empêcheraient de faire ce qu'il veut. Il serait obligé de faire ce que le peuple attend de lui ». Tant qu’il sera possible, dans notre pays, de faire modifier la Constitution par une centaine de députés, sans passer par un référendum, nos institutions resteront bien loin de ce niveau de résistance au diable, indispensable à l'exercice d’une véritable démocratie.
Alors que le Mali lance une vaste campagne pour sensibiliser sur les périls de la migration irrégulière, les chiffres effrayants des pertes humaines entre 2014 et 2024 rappellent l’urgence d’agir.
Alors que le Mali lance une vaste campagne pour sensibiliser sur les périls de la migration irrégulière, les chiffres effrayants des pertes humaines entre 2014 et 2024 rappellent l’urgence d’agir. Ce fléau, alimenté par des illusions de prospérité, menace des milliers de jeunes chaque année. Des initiatives concrètes, combinant prévention et promotion de voies légales, s’imposent pour préserver des vies et redonner espoir à une jeunesse vulnérable.
Le Mali fait face une dure réalité de la migration irrégulière. La problématique est d’ailleurs à l’origine d’une campagne nationale pour alerter sur les périls de la migration irrégulière, avec un accent particulier sur les jeunes souvent séduits par des promesses illusoires. Intitulée « Préserve ta vie et refuse l’incertain », cette initiative entend sensibiliser sur les risques mortels de ces trajets dangereux et promouvoir des alternatives légales et sécurisées.
Au Centre International de Conférences de Bamako (CICB), le Ministre des Maliens établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher, a dressé un tableau sombre mais nécessaire : entre 2014 et 2024, plus de 67 000 personnes ont péri ou disparu sur les routes de la migration irrégulière, dont près de 15 000 décès en seulement deux ans (2023-2024). Ces chiffres alarmants illustrent une réalité effroyable : les routes migratoires non sécurisées, qu’elles soient terrestres, maritimes ou désertiques, se transforment trop souvent en chemins de non-retour « Nous leur montrerons les dangers de la migration irrégulière et nous ferons la promotion des voies légales et sécurisées de la migration», a laissé entendre M.Attaher.
Les dangers concrets de la migration irrégulière
Les migrants irréguliers font face à des conditions inhumaines :
• Exploitation et violence par des réseaux de passeurs sans scrupules.
• Déshydratation et faim dans des environnements hostiles, notamment dans le Sahara.
• Naufrages massifs sur des embarcations de fortune en Méditerranée.
Ces dangers ne s’arrêtent pas aux pertes humaines : les familles restées au pays subissent des traumatismes, et les ressources économiques sont drainées dans des projets migratoires incertains.
Une campagne pour changer les mentalités
La campagne malienne prévoit des actions multiples : conférences, débats médiatiques, événements culturels et sportifs, et projections de films sur les drames migratoires. Objectif ? Toucher directement les jeunes dans leurs localités, leur montrer que rester au pays peut aussi être une voie vers la réussite. Le ministre a insisté sur « la nécessité d’une synergie entre les dirigeants, la société civile et les partenaires pour construire un environnement propice à l’épanouissement des jeunes au Mali »
Un appel à la mobilisation
Le message est clair : la migration irrégulière n’est pas une solution. En sensibilisant les communautés et en proposant des alternatives viables, comme l’accès à des opportunités légales, le Mali espère endiguer ce fléau et offrir une lueur d’espoir à ses jeunes générations.
DIOMAYE FAYE ET BRICE NGUEMA VEULENT UNE NOUVELLE IMPULSION ENTRE DAKAR ET LIBREVILLE
Le président de la république du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a reçu, hier au Palais de la république, son homologue du Gabon, le Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguéma. Les deux pays renforcent leur coopération dans des domaines varié
Le président de la république du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a reçu, hier au Palais de la république, son homologue du Gabon, le Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguéma. Les deux pays renforcent leur coopération dans des domaines variés, tels que la politique, le domaine militaire, l’éducation, la formation professionnelle, la culture, la jeunesse, l’espoir, l’économie et le commerce.
Dans sa prise de parole, le président Bassirou Diomaye Faye a apprécié la visite du président de la République du Gabon au Sénégal. Celle-ci s’inscrit dans une longue tradition d’amitié entre les deux pays. Tout en le remerciant pour sa participation, le 1er décembre dernier, à la première commémoration des massacres des tirailleurs africains. “Il s’agit en réalité des tirailleurs africains. Les qualificatifs sénégalais cachent mal la diversité des origines de ces braves soldats de la liberté. C’est une histoire douloureuse que nous avons en commun avec 15 autres pays en tant que contributeurs de troupes au régiment des tirailleurs sénégalais”, a précisé le président Bassirou Diomaye Faye qui a salué son leadership et l’a félicité pour la parfaite conduite du processus de transition au Gabon dans une démarche qu’il a bien voulu inclusive et apaisée avec un respect strict du chronogramme établi. “A ce propos, j’ai renouvelé une chaleureuse félicitation au président Oligui à la suite du plébiscite par référendum de la nouvelle Constitution gabonaise qui, assurément, contribuera à asseoir le centre d’une démocratie plus inclusive et à renforcer les droits de liberté”, a félicité le président Sénégalais. Poursuivant qu’au plan bilatéral, le cadre juridique de leur coopération est riche et couvre des domaines variés, tels que la politique, le domaine militaire, l’éducation, la formation professionnelle, la culture, la jeunesse, l’espoir, l’économie et le commerce.
Les deux pays ont des atouts pour développer une coopération dynamique et renforcée. C’est pourquoi il a été convenu avec le président Brice Oligui d’ouvrir ensemble pour donner une nouvelle impulsion à leur partenariat pour un niveau plus élevé. A cet effet, les ministres des deux délégations vont se retrouver pour explorer ensemble les nombreuses opportunités pouvant permettre d’intensifier davantage leurs échanges économiques et commerciaux, mais également leurs échanges d’expérience dans les domaines cibles d’intérêts communs. “J’encourage particulièrement le secteur privé des deux pays à renforcer leurs collaborations et à s’impliquer davantage dans le développement de notre coopération par l’investissement et le commerce. J’ai également remercié le président Olivier Raymond pour l’accueil et l’intégration de Sénégalais établis au Gabon depuis plusieurs générations. Notre entretien a aussi porté sur d’autres sujets d’intérêts communs, tels que les menaces sur la paix et la sécurité, les changements climatiques, les crises économiques et les risques de désintégration du nucléaire à l’île” a conclu Bassirou Diomaye Faye. Pour sa part, le président de la République du Gabon a remercié Bassirou Diomaye Faye pour son invitation à prendre part à la cérémonie du souvenir organisée à l’occasion de la célébration du 80e anniversaire du massacre du camp de Thiaroye.
Doper les relations économiques entre les deux pays
“Il m’aurait bien fait de transmettre la mémoire de ses digne fils d’Afrique en regardant les événements de l’histoire avec lucidité, sincérité et vérité. Lâchement assassinés pour la révélation de leurs droits après la seconde guerre mondiale parmi lesquelles je dirai des gabonais que leur âme repose en paix”, a rappelé le Président du Gabon. « C’est la deuxième fois que j’effectue une visite officielle au Sénégal depuis le début de la transition gabonaise. C’est pour moi le signe de l’excellence des relations qui unissent si heureusement le Gabon et le Sénégal depuis fort longtemps et du témoignage de leur périodique par-delà les changements des acteurs. S’agissant de la transition gabonaise, le projet de nouvelle constitution de la République gabonaise qui a été soumis au référendum, de samedi 16 novembre 2024, a été approuvé à 91,64% par une très large majorité de nos compatriotes. C’est une étape majeure du processus de restauration de nos institutions. La prochaine est la rédaction du code électoral et la révision du fichier électoral en vue de nous conduire à une élection libre et transparente et apaisée qui marquera la fin de la transition. Notre engagement dans le cadre d’une politique et d’une diplomatie participative doit répondre à leurs attentes en matière de santé, d’éducation, d’emploi et d’habitation. Par ailleurs, nous avons passé en revue des sujets d’intérêt commun dans les domaines politiques, militaires et économiques. A cet égard, nous avons convenu d’explorer les voies et moyens de rendre chaque jour plus dynamique et plus fructueuse notre coopération », a expliqué le président Gabonais qui finira par inviter son homologue du Sénégal en visite dans son pays.
LA QUINZIÈME LÉGISLATURE DÉVOILE SA STRUCTURE DIRIGEANTE
Sous la direction du président Malick Ndiaye, l'institution met en place une équipe dirigeante composée de dix-sept membres, répartis entre la présidence, les vice-présidences, le secrétariat et la questure
L’Assemblée nationale du Sénégal, dirigée par le député Malick Ndiaye, a élu lundi un nouveau bureau à la suite d’intenses débats au cours d’une longue journée d’installation de la quinzième législature, a constaté l’APS.
Voici la composition du nouveau bureau de l’Assemblée nationale
LE MONDE DÉNONCE L'AVEUGLEMENT FRANÇAIS EN AFRIQUE
Dans un éditorial cinglant, le journal souligne l'inadéquation de la réponse française face aux évolutions du continent, critiquant notamment la nomination tardive d'un envoyé spécial dont le rapport vient d'être rendu caduc
(SenePlus) - La France vient d'essuyer un double revers diplomatique majeur en Afrique, révélateur des limites de sa stratégie sur le continent. Comme le rappelle l'éditorial du Monde du 2 décembre 2024, le Tchad et le Sénégal ont simultanément signifié leur volonté de mettre fin à la présence militaire française sur leur territoire, marquant ainsi un tournant historique dans les relations franco-africaines.
D'après le quotidien français, la coïncidence des annonces est particulièrement significative. Le Tchad a rompu son accord de défense avec la France le 28 novembre, tandis que le Sénégal exprimait sa volonté de voir partir les militaires français. Le Monde souligne que les deux pays invoquent des motivations similaires, citant notamment les autorités tchadiennes qui souhaitent "affirmer leur souveraineté pleine et entière", faisant écho aux propos du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui s'interroge : "Pourquoi faudrait-il des soldats français au Sénégal ? Cela ne correspond pas à notre conception de la souveraineté et de l'indépendance."
L'éditorial du Monde pointe particulièrement les défaillances de la stratégie française. Le journal met en cause "la politique de petits pas peu lisible d'Emmanuel Macron" et son incapacité à "tirer les enseignements de cette mondialisation du continent." Le quotidien du soir souligne que la France "s'est trop longtemps sentie 'chez elle'" dans ses anciennes colonies, négligeant l'émergence de nouvelles influences, qu'elles soient "américaine, russe, chinoise, turque, saoudienne ou israélienne."
La critique du Monde envers l'exécutif français est particulièrement sévère concernant sa gestion récente de la situation. Le journal relève que plutôt que d'opter pour "la perspective claire de retrait négocié qu'impose la situation", le président Macron a choisi de "gagner du temps" en nommant un envoyé personnel, Jean-Marie Bockel, dont le rapport, qualifié de confidentiel, vient d'être "largement balayé par les décisions de Dakar et de N'Djamena."
Le quotidien conclut son analyse en formulant un avertissement clair : l'exécutif français doit désormais "gagner en clairvoyance, en clarté et en cohérence", sous peine de continuer à avoir "un temps de retard sur les réalités africaines" et de voir son influence décliner au profit des nouveaux acteurs qualifiés de "prédateurs du continent."
Ce double revers diplomatique apparaît d'autant plus significatif qu'il concerne deux pays aux profils très différents : le Tchad, décrit par Le Monde comme "un régime militaire autoritaire", et le Sénégal, présenté comme "une démocratie dirigée par un duo panafricaniste 'antisystème'." Cette convergence, malgré des modes de gouvernement distincts, souligne l'ampleur du défi auquel la France doit désormais faire face dans sa politique africaine.
LE SOUDAN POUSSE LE TCHAD À LARGUER PARIS
La rupture des accords militaires entre le Tchad et la France masque des tensions autour de la guerre au Soudan. Les autorités françaises, qui pressaient N'Djamena d'adopter une position neutre dans ce conflit, se sont heurtées au refus de Déby
(SenePlus) - La rupture des accords de coopération militaire entre le Tchad et la France, annoncée le 28 novembre, révèle des tensions diplomatiques profondes, principalement cristallisées autour de la guerre au Soudan. Selon Jeune Afrique (JA), cette décision a pris Paris totalement de court, intervenant quelques heures seulement après la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à N'Djamena.
D'après les informations rapportées par le média panafricain, cette rupture trouve son origine dans des désaccords concernant la position tchadienne vis-à-vis du conflit soudanais. Une première friction serait apparue lors d'une rencontre à Paris début octobre entre les présidents Emmanuel Macron et Mahamat Idriss Déby Itno. Le chef d'État français aurait alors évoqué "le rôle des Émirats arabes unis dans ce conflit", ces derniers étant "accusés de soutenir Mahamat Hamdan Dagalo, dit Hemetti, notamment via des livraisons d'armes passant par le Tchad", précise JA.
La situation s'est particulièrement tendue lors de la visite de Jean-Noël Barrot au Tchad. Selon le journal, l'échange entre le ministre français et le président tchadien a été "houleux", notamment lorsque le premier a réitéré "l'appel d'Emmanuel Macron pour une neutralité tchadienne dans la guerre au Soudan". Le lendemain, lors de sa visite à Adré, à la frontière soudanaise, le ministre français dénonçait "la main invisible de certaines grandes puissances" dans le conflit soudanais, une référence à peine voilée à la Russie et aux Émirats arabes unis.
L'enjeu soudanais apparaît d'autant plus crucial que, comme le souligne Jeune Afrique, "plusieurs milliers de combattants tchadiens, entre autres menés par l'opposant à Mahamat Idriss Déby Itno, Ousmane Dillo Djerou, combattent aujourd'hui aux côtés de l'armée soudanaise d'Abdel Fattah al-Burhan contre les hommes du général Hemetti".
Cette rupture intervient dans un contexte de rapprochement entre N'Djamena et Abou Dhabi. Jeune Afrique révèle qu'après sa rencontre tendue avec Emmanuel Macron, le président tchadien s'est rendu aux Émirats arabes unis, où une aide de "300 milliards de francs CFA" lui a été octroyée par le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement.
Un ancien conseiller du président tchadien, cité par le journal, analyse cette décision comme "un message" double : "Il dit aux Français que le Tchad n'a pas à être sermonné en ce qui concerne le Soudan. Et il dit aux Tchadiens, à quelques semaines des législatives, qu'il est capable de taper du poing sur la table". Toutefois, cette même source précise que cette rupture pourrait davantage viser à renégocier les accords "pour qu'ils correspondent davantage aux intérêts tchadiens" plutôt qu'à expulser les forces françaises.
Face à cette situation, le Quai d'Orsay s'est pour l'instant contenté de "prendre acte de la décision tchadienne", conclut Jeune Afrique.
EN GUINEE, UN MATCH VIRE EN TUERIE
Au lendemain des violents incidents survenus lors d’un match de football à N’zérékoré, ayant fait 56 morts et de nombreux blessés, le gouvernement guinéen a publié un communiqué exprimant sa profonde tristesse et annonçant l’ouverture d’enquête...
Au lendemain des violents incidents survenus lors d’un match de football à N’zérékoré, ayant fait 56 morts et de nombreux blessés, le gouvernement guinéen a publié un communiqué exprimant sa profonde tristesse et annonçant l’ouverture d’enquêtes pour faire la lumière sur ce tragique événement.
Dans un communiqué publié ce lundi 2 décembre 2024, le gouvernement guinéen a exprimé sa « profonde tristesse » face aux incidents tragiques survenus la veille au stade du 3 avril de N’zérékoré, dans le sud-est du pays. « Les manifestations de mécontentement à l’égard des décisions arbitrales ont conduit à des violences inacceptables, causant des pertes en vies humaines et de nombreux blessés », souligne le gouvernement.
Le bilan provisoire établi par les autorités fait état de 56 morts et plusieurs blessés. Le gouvernement, au nom du président de la République, le Général Mamadi Doumbouya, a présenté ses « condoléances émues aux familles endeuillées » et assuré que « toutes les dispositions nécessaires sont prises pour garantir la prise en charge des blessés ».
Le Premier ministre de la transition guinéenne, Amadou Oury Bah, a réagi dimanche soir, déplorant les événements qui ont émaillé le match. Il a aussi indiqué que les autorités régionales sont actuellement mobilisées pour rétablir le calme et la sérénité au sein de la population.
Le communiqué précise également que des enquêtes rigoureuses seront menées pour établir les circonstances et les responsabilités de ce drame. « Le sport doit demeurer un vecteur de paix et de cohésion sociale », insiste le gouvernement, appelant les populations et les autorités locales à promouvoir le calme et le vivre-ensemble.
Par Henriette NIANG KANDÉ
SOUS LE SIGNE DU BAOBAB ET DU LION
Une prière à ces députés : que les échanges ne soient pas seulement des « vous n’avez pas de Projet » auxquels on répond « Et vous, vous avez oublié le vôtre ! ». Épargnons-nous ces spectacles d'acteurs s'affrontant sur un texte mal préparé
Aujourd’hui 2 décembre 2024, sous les armoiries de la République, le lion et le baobab, prendront place 165 femmes et hommes, portant l’écharpe tricolore, posée sur le haut de l’épaule droite et nouée sur la hanche gauche. Ce n’est pas trop de le dire. Y en a qui la mettront à l’envers, c’est certain. Ce qui ne présage rien de bon.
Le baobab, ce colosse si sûr de lui ! Cet arbre majestueux, emblème de l'Afrique et star incontestée des documentaires animaliers. Avec son tronc gonflé comme s'il s'était offert un abonnement illimité dans une dibiterie, le baobab en impose.
Mais derrière son allure de géant sage et immuable, il cache une sacrée personnalité. D’abord, parlons de sa silhouette. Le baobab donne l'impression qu'il a été planté à l'envers par un jardinier un peu distrait. Dénudées, ses branches ressemblent à des racines. Comme si la nature avait confondu le haut et le bas. Mais loin de s'en offusquer, il en a fait sa marque de fabrique. "Moi, je fais les choses différemment", semble-t-il clamer en se pavanant dans la savane. La modestie ? Pas son fort.
Mais ne vous laissez pas duper par son air placide. Sous ses airs d'arbre philosophe se cache une véritable diva. Le baobab vit en moyenne 1000 ans, et certains spécimens atteignent les 2000 ans. Il se vante donc volontiers d'avoir vu passer des générations entières, en semblant dire : "Moi, je prends mon temps, et regardez où ça m'a mené".
Et côté mode, il n'est pas en reste. En saison sèche, il se débarrasse de ses feuilles, affirmant que "le minimalisme, c'est chic". En saison des pluies, il revient en force avec une touffe verte luxuriante, comme s'il avait réservé le coiffeur le plus exclusif de la savane. Le baobab, c'est un peu l'arbre influenceur qui lance les tendances sans en avoir l’air.
Mais attention à ne pas le flatter trop vite : son fruit, le pain de singe, est un concentré de vitamines. Et bien sûr, il en est très fier. Il n'hésite pas à se moquer des autres arbres, détectés : "Moi, je nourris les humains et les animaux. Toi, le manguier, tu fais quoi à part attirer la mouche blanche ?"
Bref, le baobab, c'est l'arbre qui a tout vu, tout vécu et qui, à chaque rafale de vent, semble murmurer : "Je suis la star ici, ne l'oublie pas." Et franchement, avec un ego pareil, on comprend pourquoi il est encore debout après tout ce temps.
Quid du « lion rouge [qui] a rugi, le dompteur de la brousse ? », c'est-à-dire un désert géant avec trois buissons et un arbre solitaire. Pourquoi ? Parce qu'il aime se poser sur une colline en mode « surveillant général ». Pas de forêt touffue pour monsieur : il veut que son public le voit. Et que font les lionnes pendant ce temps ? Elles sont occupées à leur rôle : subvenir aux besoins de la troupe en chassant des proies pour les membres qui la composent.
Star des documentaires animaliers, le lion est un symbole universel de force, de noblesse et de virilité. Avec sa crinière imposante qui ferait trembler un hémicycle, il est considéré comme le roi incontesté de la savane, bien que ce sont les lionnes qui chassent, traquent, courent, bondissent, tuent et ramènent la pitance, élevant l’expression « gérer la logique familiale » à un tout autre niveau. Le lion a un talent unique : il sait très bien rugir. Un rugissement qui s'entend à huit kilomètres, parfait pour faire peur aux hyènes, impressionner ses potes et réveiller tout le quartier à 4h du matin. Ce son terrifiant équivalent d’un mégaphone branché sur un ampli à fond, dont le lion se sert pour éviter un rival ou rassurer ses troupes. Imaginez-le crier « c'est mon territoire » à pleins poumons. Dans la brousse, c’est tout à fait normal. Là-bas, on ne tweet pas. On rugit. Mais soyons honnêtes : en dehors de sa carrière de chanteur à la voix rauque, quand il chasse (rarement), c'est plutôt en mode « pas de stress ». Sauf quand il sent que l’harmattan, ce vent de la savane, très chaud le jour, plus frais la nuit et toujours chargé de poussière, souffle dans la broussaille et que le risque d’une remise en question existentielle est présent. Parce que, s’il est délogé, le rival ne se gênerait pas pour effacer toute trace de la lignée précédente, petits lionceaux compris. Être roi, ce n'est pas qu'une question de crinière, mais de muscles et de charisme. Faut savoir tenir son rang !
Mais voilà que le Pastef, majoritaire de cette 15ème législature, arrive à l’Assemblée nationale avec un léopard visible dans le creux du P du logo qui identifie ce parti. Dans le monde animal, il y a des duels légendaires : chat contre chien, poisson contre requin, hyène contre... charogne, et bien sûr, lion contre léopard. Plongeons dans ce débat. Le léopard, avec son allure incroyable, une agilité impressionnante (il se hisse pour protéger sa nourriture pour qu’elle soit inaccessible) et un pelage à faire pâlir un tapis iranien fait main, a refusé, de se faire passer pour un mannequin. Sa première tentative à des législatives a donné l’impression qu’il s’est infiltré dans une séance photo pour une marque de vêtement de luxe, se glissant sur le plateau parlementaire, se pavanant fièrement. Les premières images, ont attiré des followers. Finalement, il a trouvé sa vraie vocation : guide éclairé. Qui mieux qu’un guide peut emmener les touristes au plus près de la faune ? S’il y en a beaucoup qui l’adorent, certains paniquent quand il leur propose un "colléserré" et d’autres fuient en prenant leurs pattes à leur coup. Ce n’est pas une affaire de tâche. C’est une affaire de chasse.
Aujourd’hui donc, l’hémicycle, toujours aussi majestueux, avec ses dorures et son air de sérieux, accueillera les élus qui prendront place sur des sièges rouges. Le rouge, cette couleur flamboyante et insolente. Que ce soit pour symboliser la pas sion, le danger, ou une tomate trop mûre oubliée dans le fond du frigo, le rouge ne laisse personne indifférent. Pourtant, avez-vous déjà réfléchi à l’incroyable pression qu’endure cette couleur au quotidien ? N’est-il pas temps de lui rendre justice.
Prenons, par exemple, les feux de signalisation. Pourquoi est-ce au rouge qu’on a confié le rôle ingrat d’arrêter tout le monde ? Personne ne s’extasie devant un feu rouge. Non, au contraire, on soupire, on peste, on klaxonne (parce que klaxonner est une thérapie nationale). Pendant ce temps, le vert, tranquille, fait la fête : "Vas-y, c'est bon, fonce !" Et le jaune, lui, hésite, comme un ado qui ne sait pas s'il doit participer ou non à une soirée.
Le rouge est également la couleur des erreurs, des problèmes, des alertes. Un petit "X" rouge dans un document Word, et c’est la grande question : "Mais qu’est-ce que j’ai encore cassé ?" Mais il n’y a pas que dans le code de la route ou sur les écrans que le rouge se démarque. Parlons un peu de la mode. Une robe rouge, et hop, vous êtes la reine de la soirée. Mais attention, c’est un art de vivre, pas un hasard. La robe rouge incarne la confiance, l’assurance et un peu de désinvolture. Portée avec la posture d’une dinde enrhumée, le risque est de passer pour un panneau stop ambulant.
Et que dire du vin rouge ? Le seul qui peut à la fois être un élixir de convivialité et un grand criminel de chemises blanches. Un verre renversé et, tout d’un coup, vous avez une œuvre d’art abstrait sur votre poitrine.
Bref, le rouge, c’est tout un paradoxe. Une couleur qui crie "Attention !" tout en murmurant "Admire-moi". Alors, la prochaine fois que vous apercevrez un feu rouge, une tomate ou une chemise tachée, prenez une seconde pour apprécier cette teinte si mal-aimée mais si essentielle. Parce qu’après tout, sans le rouge, la vie manquerait sacrément de piquant… et de ketchup.
Une prière « quinquennale » adressée à ces députés. Merci de nous épargner ces spectacles où des acteurs chevronnés s’affrontent dans une pièce de théâtre dont le texte semble avoir été écrit à la dernière minute. Et où des députés, en pleine « joute verbale » (traduisez : chamailleries ou insanités de cour de récréation), rivalisent d'indignation feinte et de petites piques acides, houspillant un ministre perdu dans ses fiches ou un opposant qui lance des regards meurtriers, pendant que le public conquis donne de la voix ou couvre celle d’un autre du bord opposé.
Que les échanges ne soient pas seulement des « vous n’avez pas de Projet » auxquels on répond « Et vous, vous avez oublié le vôtre ! », alors qu’un nouveau ou une nouvelle élu (e), dont personne ne convient au tempo, tente une intervention sérieuse, sous les ricanements de ceux qui étaient là avant, devant une majorité fanatique et une opposition qui hésite entre une position institutionnelle et une perspective fonctionnelle.
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THIAROYE : LA FIN D'UNE AMNÉSIE D'ÉTAT
Mamadou Diouf révèle l'ampleur d'une tragédie longtemps minimisée tant par Paris que par Dakar. L'historien appelle à "retourner l'événement à l'Afrique" en effaçant "la territorialisation coloniale" de cette mémoire
Le massacre de Thiaroye, longtemps relégué dans les limbes de l'histoire officielle sénégalaise, connaît un tournant décisif sous le nouveau régime. Lors du lancement des commémorations des 80 ans de la tragédie dimanche 1er décembre 2024, l'historien Mamadou Diouf, président du comité préparatoire, a relevé "le silence coupable et complice" des gouvernements précédents sur ce drame colonial.
Cette rupture, impulsée par le nouveau président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousman Sonko, marque une volonté inédite de réappropriation de l'histoire nationale. Le choix du Professeur Diouf pour coordonner les cérémonies illustre cette détermination à porter un regard scientifique sur les événements du 1er décembre 1944.
À cette date, rappelle l'historien, entre 300 et 400 tirailleurs furent tués par l'armée française à Thiaroye. Ces anciens prisonniers de guerre, libérés des camps allemands, réclamaient simplement leurs droits : soldes impayées, indemnités et primes de démobilisation. La réponse coloniale fut brutale : 1200 soldats français encerclèrent le camp au petit matin, appuyés par des blindés.
Pendant que les régimes successifs du Sénégal indépendant se taisaient, la France tentait d'étouffer l'affaire. Les archives ont été manipulées, le bilan officiel minimisé à 35 morts, puis 70. Il a fallu attendre 2024 pour que François Hollande reconnaisse ce "massacre à la mitrailleuse", selon ses termes, suivi récemment par Emmanuel Macron dans une lettre au président sénégalais.
Le gouvernement actuel entend désormais faire de Thiaroye un symbole de la conscience panafricaine. Un vaste programme mémoriel a été lancé, mobilisant les institutions culturelles, les médias nationaux et les collectivités locales. Cette initiative, souligne le Professeur Diouf, vise à "retourner l'événement à l'Afrique" en effaçant "la territorialisation coloniale".
Cette commémoration marque ainsi un double mouvement : reconnaissance tardive par l'ancienne puissance coloniale et réappropriation assumée par le nouveau pouvoir sénégalais, rompant avec des décennies de silence institutionnel. Un tournant historique qui pourrait ouvrir la voie à d'autres relectures nécessaires de l'histoire nationale.
À DAKAR, UNE BIENNALE SOUS LE SIGNE DE L'ÉVEIL FÉMININ
De la doyenne de la peinture Anta Germaine Gaye à la lauréate du grand prix Agnès Brezephin, cinq artistes majeures incarnent ce renouveau créatif qui interroge l'héritage colonial et les défis contemporains
(SenePlus) - L'ancien palais de justice de Dakar accueille jusqu'au 7 décembre, la 15e édition de la Biennale d'art contemporain africain, placée sous le thème de "L'Éveil" et du "Xall wi" (le sillage, en wolof). Comme le rapporte Le Monde, cette manifestation d'envergure est, pour la première fois de son histoire, entièrement orchestrée par des femmes.
Le journal parisien détaille que cinquante-quatre artistes du continent, des diasporas et des espaces afrocaribéens investissent ce bâtiment brutaliste longtemps abandonné, transformé pour l'occasion en écrin de l'art contemporain. La salle des pas perdus, précise Le Monde, a été métamorphosée en jardin fantastique, symbolisant l'appel à un réveil collectif face aux défis écologiques et aux séquelles de la colonisation.
Parmi les figures marquantes de cette édition, Le Monde met en avant Anta Germaine Gaye, doyenne de la peinture moderne sénégalaise, qui présente ses œuvres de "suweer" (peinture sur et sous verre), une technique née de la résistance artistique à la colonisation. Le quotidien rapporte ses propos : "En 1911, le gouverneur général, William Ponty, avait interdit la chromolithographie venant du Maroc représentant des figures de saints", explique l'artiste au journal, "les peintres ont contourné l'interdit avec le verre et l'encre de Chine."
Dans son reportage, Le Monde s'attarde sur l'installation "Cotton Blues" de Laeila Iyabo Adjovi, lauréate du grand prix 2018, qui explore la mémoire du coton à travers des cyanotypes évoquant aussi bien "le blues des anciens esclaves des champs de coton américains que des cotonculteurs béninois aujourd'hui malmenés par une mondialisation ravageuse."
Le quotidien français présente également la Béninoise Moufouli Bello qui aborde avec humour la question des déchets électroniques dans sa vidéo "Window with a view", tandis qu'Agnès Brezephin remporte le grand prix de cette édition avec "Au fil de soi(e)", une œuvre poignante sur l'inceste. Le Monde cite l'artiste martiniquaise : "Je n'arrive pas à me dire qu'enfin on m'a entendue".
Le journal évoque par ailleurs l'artiste kényane Wangechi Mutu et son installation monumentale dans l'ancienne Cour suprême, questionnant l'héritage colonial et la justice à travers une déesse afrofuturiste entourée de symboles puissants.