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23 avril 2025
Politique
par Ibrahima Malick Thioune
LA POLITIQUE DE L’ADVERSITÉ
Derrière les discours frontaux et oppositionnels de certains dirigeants se cachent des mécanismes psychologiques plus profonds. Comprendre ces ressorts permet d'éclairer une stratégie qui nourrit tensions et divisions au sein du corps social
L'épistémologie est une démarche analytique qui a pour objectif de dégager et d'évaluer les fondements du discours scientifique. Elle a pour fonction de rendre plus évidentes les assises d'une théorie et de jauger ses diverses qualités explicatives : elle est appelée à en dégager la logique, la portée, mais aussi les limites. Le discours politique ayant été saturé par les idées de "post-vérité", de "fake news", de "bulles épistémiques" et de "déliquescence de la vérité", il est évident que pour comprendre les logiques qui sous-tendent ce secteur de l’activité humaine une épistémologie politique soit un détour incontournable. C’est à ce prix que certains phénomènes[1] s’éclaireront notamment celui de l’adversité en politique.
Dans un monde où la communication politique est omniprésente, certaines figures émergent par leur capacité à manipuler le conflit et l'adversité pour asseoir leur identité politique. Ces hommes et femmes politiques semblent n’exister que dans l’adversité, transformant le débat public en pugilat verbal et une arène de confrontation permanente. Leur stratégie repose sur une polarisation extrême, où le dialogue et la coopération sont souvent sacrifiés au profit d'une rhétorique incendiaire et de philippiques dirimants. Ce phénomène soulève des questions fondamentales sur la nature même du leadership politique et sur l'impact de cette approche sur la société, surtout il « traduit une dialectique particulière de la confrontation, de l’homogénéisation d’un groupe dans le rapport à un “autre”, réel ou fantasmé, renseignant sur les conflits d’idées les plus démocratiques, à la déflagration des conflits violents les plus extrêmes[2] ».
Cette conflictualité en politique désigne la dynamique de tensions et d'oppositions qui caractérise les interactions entre différents acteurs, qu'ils soient individuels ou collectifs. Ce phénomène se manifeste par des rivalités idéologiques, des luttes pour le pouvoir et des débats souvent polarisés. Si la conflictualité peut être perçue comme un moteur de changement, stimulant le débat public et favorisant la prise de conscience des enjeux sociétaux, elle présente également des risques. En effet, une conflictualité excessive peut mener à la radicalisation des positions, à la dégradation du dialogue et à l'érosion de la confiance entre les citoyens et leurs institutions. Lorsqu'elle devient la norme, cette dynamique peut nuire à la démocratie, transformant le débat en un affrontement stérile où les solutions constructives sont éclipsées par des luttes de pouvoir. Ainsi, comprendre la conflictualité en politique est essentiel pour naviguer dans un paysage complexe, où l'équilibre entre opposition constructive et coopération est crucial pour le bien-être collectif.
La psychologie humaine joue un rôle clé dans cette dynamique. En cultivant un environnement de tension et de méfiance, ces politiciens exploitent des peurs, des paniques morales et des frustrations bien ancrées dans l’esprit collectif. Ils parviennent à mobiliser des foules en désignant des boucs émissaires, en transformant des différences d'opinion en antagonismes irréconciliables dans la mesure où « le politique est un univers de légitimité dans lequel les acteurs vont puiser pour se positionner favorablement dans le monde social[3]». Cette stratégie, ce jeu d’acteur bien que potentiellement payante à court terme, peut avoir des effets délétères à long terme, tant sur la santé mentale des citoyens que sur la cohésion sociale.
Des mécanismes psychologiques profonds sont ainsi à l'œuvre dans cette politique de l’adversité, et les conséquences sur le paysage sociopolitique sont désastreuses. Précisément, « un acquis fondamental de l’anthropologie tient dans le constat de la relativité des choses du politique » si bien que les stratégies des acteurs pour se construire une identité doit se lire dans une évolution permanente qui navigue entre conflit et coopération selon des intérêts particuliers. En examinant les implications de cette approche, nous mettrons en lumière son caractère profondément contre-productif et les défis qu’elle pose à la démocratie moderne.
La construction de l'identité politique par l'adversité
Pour de nombreux politiciens, l'adversaire devient une nécessité incontournable pour refaçonner le paysage politique. Leur identité et leur positionnement se construisent autour de l'opposition, et sans celle-ci, ils semblent perdre leur pertinence. Cette dépendance à l’adversité s'explique par des mécanismes psychologiques profonds. Les leaders qui se définissent par le conflit exploitent la dynamique de groupe, où l'ennemi commun renforce la cohésion des partisans. En créant une image de défenseur face à un oppresseur, ils mobilisent des émotions puissantes, telles que la peur et l'indignation, qui galvanisent le soutien.
Cette stratégie peut également être perçue comme une illusion de force. En cultivant une image de combattant, ces politiciens attirent l’attention et le soutien, mais cela masque souvent une vulnérabilité sous-jacente. Leur discours se concentre sur la dénonciation plutôt que sur la proposition, ce qui révèle une incapacité à offrir des solutions constructives. Paradoxalement, cette approche peut donner une impression de dynamisme, mais elle reste superficielle et ne répond pas aux attentes des citoyens en matière de leadership éclairé.
Les politiciens adeptes de cette stratégie exploitent également des émotions primordiales pour renforcer leur emprise. La colère et la frustration des citoyens face à des problèmes non résolus sont utilisées comme leviers pour galvaniser des mouvements. En amplifiant ces sentiments, ils créent un climat de tension qui les positionne comme des figures salvatrices. Cependant, cette manipulation émotionnelle peut s’avérer dangereuse, car elle alimente un cycle de conflits qui rend difficile toute forme de dialogue constructif.
La dépendance à l’adversité conduit également à un discours unidimensionnel. Les enjeux complexes de la société, tels que la santé, l’éducation ou le changement climatique, sont souvent simplifiés à des oppositions binaires. Cette réduction des débats à des luttes de pouvoir empêche l’émergence de solutions nuancées et réfléchies, laissant les véritables problèmes des citoyens sans réponse. La politique devient alors un spectacle, où le conflit prime sur la substance, ce qui conduit à une déshumanisation des débats publics.
La conflictualité en politique repose sur une série de ressorts interconnectés qui nourrissent et exacerbent les tensions entre différents acteurs. Tout d'abord, l'identité et l'appartenance jouent un rôle central dans cette dynamique, car les individus s'identifient souvent à des groupes spécifiques—qu'ils soient politiques, ethniques ou religieux—et perçoivent les autres groupes comme des adversaires. Cela crée un schéma « nous contre eux », renforçant les clivages et alimentant les conflits. Il se profile alors « une tentation de subvertir le champ politique, en contestant les verdicts de légitimité pré-construits au sein du champ politique[4] ». Parallèlement, les émotions comme la peur, la colère et l'indignation constituent des moteurs puissants de la conflictualité. Les politiciens exploitent ces émotions pour mobiliser leur base, amplifiant souvent des menaces perçues, ce qui intensifie les tensions et polarise les opinions dans une irreconciliation native.
Le discours et la rhétorique utilisés dans le débat public jouent également un rôle crucial. Un langage agressif, qui emploie des métaphores de guerre et des expressions clivantes, peut exacerber les conflits, tandis qu’un langage inclusif et conciliant peut contribuer à les apaiser. De plus, les enjeux sociaux et économiques, tels que les inégalités persistantes, constituent un terreau fertile pour la conflictualité. Lorsque des groupes se sentent marginalisés ou désavantagés, cela engendre des ressentiments, se traduisant par des luttes pour la reconnaissance et le pouvoir.
Les médias, en particulier les réseaux sociaux, jouent un rôle essentiel dans la propagation de cette conflictualité. Ils facilitent la diffusion rapide d'informations souvent biaisées ou sensationnalistes, contribuant ainsi à la polarisation des opinions et à l'escalade des conflits. Enfin, le contexte historique et culturel influence significativement la conflictualité. Les traumatismes passés, les luttes pour les droits civiques ou les conflits armés laissent des cicatrices durables qui rendent certaines communautés plus susceptibles de s'engager dans des confrontations politiques.
Ainsi, la conflictualité en politique est le résultat d'une interaction complexe entre ces divers facteurs. Comprendre ces ressorts est essentiel pour développer des stratégies visant à réduire les tensions et promouvoir un dialogue constructif, permettant ainsi d'envisager des solutions durables à des enjeux sociétaux pressants.
En somme, la construction d'une identité politique par l'adversité repose sur des mécanismes psychologiques et stratégiques qui, bien que potentiellement efficaces à court terme, soulignent une fragilité fondamentale. Cette approche ne peut durablement satisfaire les besoins d'une société en quête de solutions et de progrès, posant ainsi la question de la viabilité d'un tel leadership dans un monde complexe et interconnecté.
Les effets psychologiques sur la société
La politique de l’adversité engendre une polarisation accrue au sein de la société. En accentuant les différences et en transformant les opinions divergentes en antagonismes, ces leaders créent un climat de méfiance généralisée. Les groupes sociaux se retrouvent alors divisés, chacun se considérant comme le « bon » face à un « mauvais » clairement défini. Cette dynamique de confrontation non seulement exacerbe les tensions, mais nuit également à la capacité des citoyens à dialoguer et à collaborer sur des enjeux communs.
Pour les anthropologues fonctionnalistes, la politique « la politique renvoie à des fonctions sociales de régulation. Ces fonctions sont nécessaires : à défaut, la société sombre dans le chaos. En ce sens, il n’y a donc pas de société sans politique[5]». Cependant, l’atmosphère conflictuelle générée par cette politique peut avoir des conséquences néfastes sur la santé mentale des individus. La tension constante, la peur et l’anxiété découlant de cette polarisation peuvent mener à des troubles psychologiques tels que le stress chronique et la dépression. Les citoyens, bombardés par des discours alarmistes, peuvent se sentir acculés, ce qui entraîne un sentiment de désespoir et de fatalisme. Cette détérioration du bien-être mental affecte non seulement les individus, mais aussi la dynamique sociale globale, rendant les communautés plus vulnérables.
La stratégie basée sur l’adversité peut également provoquer un désengagement civique. Face à un discours toujours conflictuel, certains citoyens particulièrement les intellectuels peuvent choisir de se retirer de la sphère politique, convaincus que leur voix n’a pas d’importance dans un climat aussi tendu faisant sienne la maxime populaire qui dit « le silence est la meilleure réponse à l’insolent ».
Ce désengagement peut se traduire de deux manières :
- par une baisse de la participation électorale et une diminution de l’implication dans des initiatives communautaires. Cela figure une défiance et un divorce entre le politique et les populations. À long terme, cela affaiblit la démocratie, car une société désengagée est moins encline à revendiquer des changements positifs.
- une abdication des intellectuels qui demeurent un élément essentiel au bon fonctionnement de la démocratie car faisant le lien entre le monde des idées – largement inaccessible à cause de son érudition et de son élitisme – et le grand public. Le lien étroit et nécessaire entre pouvoir et savoir finit par s’effilocher. Or faut-il le rappeler « tout régime politique a besoin de structures idéologiques[6] ».
La politique de l’adversité contribue également à la normalisation de la violence verbale dans le discours public c’est-à-dire des « montées en tension interactionnelle[7]» « à partir d’actes de langage repérables et analysables (insulte, mépris, dénigrement, menace, etc…)[8]». Au fond, l’usage de l’insulte est une démarche rhétorique qui utilise l’attaque ad hominem et ad personam[9] . Pour Schopenhauer c’est le « stratagème ultime[10] » qui intervient dans le scenario suivant : « Si l’on s’aperçoit que l’adversaire est supérieur et que l’on ne va pas gagner, il faut tenir des propos désobligeants, blessants et grossiers. Être désobligeant, cela consiste à quitter l’objet de la querelle (puisqu’on a perdu la partie) pour passer à l’adversaire, et à l’attaquer d’une manière ou d’une autre dans ce qu’il est : on pourrait appeler celaargumentum ad personam pour faire la différence avec l’argumentum ad hominem[11]. »
En légitimant des comportements agressifs et en stigmatisant l’empathie, ces leaders encouragent une culture où l'hostilité devient la norme. Cela peut avoir des répercussions sur le comportement des citoyens, qui imitent souvent les attitudes de leurs leaders. Par conséquent, le respect et la civilité dans le débat public en souffrent, rendant les échanges plus difficiles et moins constructifs. Précisément, « l’argumentation polémique en jeu dans les interactions, et parfois dans la violence verbale fulgurante, est un type particulier de discours ou d’échanges, basée sur la controverse voire le conflit[12]».
Enfin, la politique de l’adversité fragilise le tissu social. La méfiance et la division créées par de telles dynamiques peuvent mener à des conflits ouverts, à des émeutes ou à des actes de violence. Les communautés, au lieu de s’unir sur leur ressemblance pour résoudre des problèmes communs, se retrouvent en guerre les unes contre les autres sur leurs dissemblances, rendant toute forme de coopération impossible. Cette fragmentation peut avoir des conséquences durables sur la cohésion sociale, avec des générations futures qui héritent d’un climat de méfiance et d’animosité.
Au bout du compte, les effets psychologiques de la politique de l’adversité sont profondément préoccupants. Ils vont au-delà des simples stratégies électorales et touchent à la santé mentale des citoyens, à leur engagement civique et à la qualité du débat public. Cette dynamique pose un défi majeur pour notre société, appelant à une réflexion sur la nécessité de promouvoir des discours constructifs et inclusifs, capables de rassembler plutôt que de diviser.
Une approche contre-productive
Cette manière de faire de la politique n’est pas seulement inefficace, elle est contre-productive. En se concentrant sur l’adversité, ces leaders détournent l’attention des véritables enjeux sociétaux. Les problèmes urgents tels que la santé, l’éducation ou le changement climatique sont souvent relégués au second plan, car le discours conflictuel prend le pas sur les solutions constructives.
De plus, la promesse d’un affrontement constant peut engendrer une déception chez les électeurs. Lorsque les résultats ne répondent pas aux attentes créées par une rhétorique incendiaire, la désillusion peut s’installer. Cela peut provoquer un désengagement civique, avec des conséquences à long terme sur la démocratie et la participation citoyenne.
La politique de l’adversité, bien qu’elle puisse offrir une visibilité à court terme, s’avère être une stratégie profondément contre-productive. En cultivant la division et en négligeant les véritables enjeux sociétaux, ces leaders risquent de miner la confiance des citoyens et d’affaiblir le tissu social. Pour un avenir politique durable, il est crucial de promouvoir un discours constructif et inclusif, capable de rassembler plutôt que de diviser.
Panurgisme de haine
La politique de l'adversité, en favorisant une polarisation extrême des opinions, engendre une binarité manichéenne au sein de la population. Cette dichotomie simpliste divise le monde en "eux" et "nous", réduisant la complexité des enjeux politiques à une opposition stérile entre le bien et le mal. Les leaders politiques exploitent cette dynamique en désignant un ennemi commun, galvanisant ainsi leurs partisans par le biais de discours incendiaires et de rhétorique de confrontation. Cette stratégie de division et d'antagonisme exacerbe les tensions sociales, transformant les débats politiques en une joute émotionnelle plutôt qu'en une discussion rationnelle sur les politiques publiques. Ce phénomène est particulièrement visible dans les sociétés démocratiques contemporaines, où les réseaux sociaux et les médias de masse amplifient les voix les plus extrêmes, marginalisant les positions modérées et nuancées.
Cette polarisation intense favorise le développement d'un panurgisme de haine parmi les partisans de chaque camp, renforçant les différences et alimentant les ressentiments. Les individus, soumis à une pression de conformité au sein de leur groupe, adoptent les opinions et les comportements radicaux pour ne pas être perçus comme des traîtres ou des modérés. Ce phénomène de pensée de groupe[13] et de biais de de conformisme inhibe la réflexion critique et encourage l'homogénéité des idées, créant une atmosphère où la dissidence est perçue comme une menace. En conséquence, les clivages sociaux se creusent, les discours de haine se normalisent et la cohésion sociale s'érode, menant à une fragmentation de la société. Cette dynamique de division perpétuelle non seulement entrave le dialogue constructif et la coopération, mais également nourrit un cycle de vengeance et de méfiance qui peut conduire à des conflits sociaux violents et à une instabilité politique durable.
[1] Des phénomènes tels que la post-vérité, le désaccord et le relativisme, les réseaux épistémiques, les fake news, les chambres d'écho, la propagande, l'ignorance, l'irrationalité, la polarisation politique, les vertus et les vices dans le débat public.
[3] Guionnet, Christine, et Christian Le Bart. « Conflit et politisation : des conflits politiques aux conflits de politisation ». La politisation, édité par Philippe Hamon et Laurent Bourquin, Presses universitaires de Rennes, 2010, https://doi.org/10.4000/books.pur.129036.
[5] Guionnet, Christine, et Christian Le Bart. « Conflit et politisation : des conflits politiques aux conflits de politisation ». La politisation, édité par Philippe Hamon et Laurent Bourquin, Presses universitaires de Rennes, 2010, https://doi.org/10.4000/books.pur.129036.
[6] Chabal, Emile. « Les intellectuels et la crise de la démocratie », Pouvoirs, vol. 161, no. 2, 2017, pp. 109-120.
[7] Claudine Moïse. Analyse de la violence verbale : quelques principes méthodologiques. 26e Journées d’étude sur la parole, Jun 2006, Dinard, France. hal-02500506
[9] Par ad hominem doivent être désignés les propos qui traitent de notre interlocuteur selon son titre, son statut, ses actions, ses engagements, ses déclarations… Tandis que l’ad personam consiste à traiter… ce même interlocuteur de tous les noms
[10] Les stratagèmes rhétoriques sont indépendants de la vérité objective, et par conséquent que ceux-ci « peuvent aussi être utilisés quand on a objectivement tort »,
[11] Arthur Schopenhauer, L’art d'avoir toujours raison, La petite collection
[13] La pensée de groupe est un phénomène psychologique dans lequel les gens s'efforcent de maintenir la cohésion et de parvenir à un consensus au sein d'un groupe. Cela peut signifier que le consensus est atteint sans réflexion critique ou sans évaluation des conséquences ou des alternatives possibles. La pensée de groupe a tendance à se produire lorsqu'il y a un leader fort et persuasif, un niveau élevé de cohésion du groupe et une pression externe pour prendre la "bonne" décision. Les gens peuvent mettre de côté leurs convictions personnelles et adopter l'opinion de la majorité, soit volontairement, soit sous la pression du groupe. En fin de compte, le désir d'éviter les conflits étouffe souvent l'individualité et aboutit au conformisme.
THIAROYE 1944, LA FRANCE RECONNAÎT SES MORTS
Le destin tragique des tirailleurs sénégalais, abattus en 1944 pour avoir réclamé leur dû, refait surface 80 ans après. La reconnaissance de six d'entre eux comme "Morts pour la France" est un premier pas vers la vérité sur ce lourd contentieux mémoriel
(SenePlus) - "Mort pour la France." Quatre mots lourds de sens que Biram Senghor, 86 ans, attendait depuis près de huit décennies pour son père M'Bap Senghor, exécuté avec des dizaines d'autres tirailleurs sénégalais le 1er décembre 1944 à Thiaroye, au Sénégal, sur ordre de l'armée française. Selon des informations exclusives du journal Le Monde, la mention honorifique "Mort pour la France" vient enfin d'être octroyée à titre posthume à six d'entre eux, dont M'Bap Senghor, dans un document discret de l'Office national des anciens combattants daté du 18 juin.
"C'est l'aboutissement de tant d'efforts contre l'injustice que ma famille a subie", a confié Biram Senghor au Monde. Après des décennies de combat acharné pour la mémoire de ces tirailleurs, cette reconnaissance tardive est une "grande victoire" selon lui, même s'il regrette d'avoir été "confronté aux silences et à la lâcheté de l'Etat" français pendant toutes ces années.
Le drame de Thiaroye, une ville proche de Dakar, remonte au 1er décembre 1944. Des dizaines de tirailleurs africains (35 selon les autorités militaires françaises, mais jusqu'à 10 fois plus selon plusieurs historiens) fraîchement libérés des camps nazis où ils avaient été détenus comme prisonniers après la défaite française de 1940, ont été froidement exécutés par leurs frères d'armes pour avoir réclamé le paiement de leur solde et primes de démobilisation.
Comme le rappelle Le Monde, "ces soldats originaires des colonies françaises avaient été mobilisés lors de la Seconde Guerre mondiale, avant d'être faits prisonniers en 1940 par les nazis". À leur libération en 1944, "plus de 1300" d'entre eux furent rapatriés à Dakar depuis la France. Mais à leur arrivée, l'attente interminable du versement de leurs salaires et primes les a poussés à manifester pacifiquement à Thiaroye. La réponse fut d'une violence inouïe : "Au petit matin du 1er décembre 1944, lors du salut au drapeau, des coups de feu éclatent. Des dizaines d'entre eux tombent sous les balles de frères d'armes ayant reçu l'ordre de les abattre."
Ce massacre, passé sous silence pendant des décennies, a longtemps été un sujet douloureux entre la France et ses anciennes colonies. Les fosses communes où reposent les corps de ces tirailleurs exécutés pour une revendication légitime illustrent un lourd contentieux mémoriel que la reconnaissance de ces six "Morts pour la France", aussi tardive soit-elle, pourrait commencer à apaiser.
"J'avais 6 ans lorsque j'ai appris dans quelles conditions mon père était mort. Depuis, je cours derrière la France pour obtenir réparation", a témoigné Biram Senghor, qui dit attendre désormais "impatient" de recevoir le document officiel par la voie diplomatique. Une attente de 80 ans bientôt récompensée, qui montre qu'il reste encore beaucoup à faire pour comprendre les circonstances exactes de ce drame oublié, et panser les plaies de la colonisation.
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YASSINE FALL DÉNONCE DES ATTRIBUTIONS OPAQUES DE PASSEPORTS DIPLOMATIQUES
Selon les propres mots de la ministre des Affaires étrangères, pas moins de 150 passeports diplomatiques auraient été attribués dans la période pré-électorale sans aucune orthodoxie par l'ancien régime
Selon les révélations de la ministre des Affaires étrangères Yassine Fall, pas moins de 150 passeports diplomatiques ont été confectionnés dans les semaines précédant l'élection présidentielle de 2024. Une situation qui soulève de sérieux questionnements quant aux critères d'attribution de ce précieux sésame.
"Beaucoup de personnes n'étaient pas habilitées à détenir le passeport diplomatique", a dénoncé Mme Fall, remettant en cause les attributions massives opérées sous l'ancien régime. "Le détenteur du passeport diplomatique représente le Sénégal là où il va, il peut être un homme d'affaire ou un ministre", a-t-elle rappelé, soulignant les conditions strictes que requiert sa détention.
La cheffe de la diplomatie a vivement déploré que certains obtiennent ce document officiel sur la base de simples faveurs accordées par d'anciens présidents.
Cette révélation choc fait souffler un vent de polémique, jetant une lumière crue sur la légèreté avec laquelle les passeports diplomatiques ont pu être distribués à la veille d'un scrutin majeur.
Face au tollé suscité, la ministre Yassine Fall semble désormais bien décidée à remettre de l'ordre dans cette affaire. Un vaste chantier de révision des critères et des attributions l'attend, pour garantir l'intégrité et la crédibilité du passeport diplomatique sénégalais.
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PLAIDOYER POUR LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE RÉGIONALE
Dans un discours improvisé, le ministre Mabouba Diagne a énoncé la dépendance à l'aide étrangère et appelé à une révolution dans la gestion agricole ouest-africaine. Son cri du cœur : "Notre problème n'est pas l'argent, c'est l'organisation"
Dans une sortie fracassante lors d'une réunion de la CEDEAO consacrée aux crises alimentaires et nutritionnelles, mardi 16 juillet dernier, Mabouba Diagne, ministre sénégalais de l'Agriculture, a secoué les consciences en délivrant un message sans filtre sur l'état de l'agriculture en Afrique de l'Ouest.
Abandonnant son discours officiel, le ministre a choisi de parler "en tant qu'Africain", dénonçant la dépendance chronique à l'aide étrangère comme un signe de faiblesse. "Notre problème n'est pas l'argent, c'est l'organisation", a-t-il martelé, pointant du doigt les erreurs répétées année après année.
Chiffres à l'appui, le Dr Diagne a dressé un tableau alarmant des importations alimentaires dans la région. "Le Sénégal importe pour 1070 milliards de francs CFA en denrées alimentaires", a-t-il révélé, soulignant que ces importations massives équivalentes à "exportateur des emplois".
Le ministre a appelé la CEDEAO à "revoir sa méthode de faire", exhortant l'organisation à prendre ses responsabilités face aux défis actuels, notamment la sécurité alimentaire et l'emploi des jeunes. Il a proposé des solutions concrètes, comme la construction de magasins de stockage et l'investissement dans l'élevage laitier.
"Nous avons l'eau, les terres arables, la jeunesse. Qu'est-ce qui manque ?", a notamment déclaré M. Diagne, rejetant l'argument du manque de financement. Il a appelé à une meilleure gouvernance et à une collaboration plus étroite avec le secteur privé pour stimuler le développement agricole.
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YASSINE FALL BRISE LE SILENCE SUR LA NOMINATION DE SA FILLE
"Je n'y suis pour rien" : c'est par ces mots que la ministre des Affaires étrangères a répondu à la polémique entourant la nomination de sa fille Sophie Nzinga Sy à la tête de l'APDA. Un démenti destiné à faire taire les accusations de passe-droit
La nomination de Sophie Nzinga Sy à la tête de l'Agence pour la promotion et le développement de l'Artisanat (APDA) a suscité une vive polémique, certains y voyant un cas de favoritisme. Face à ces accusations, sa mère, la ministre de l'Intégration africaine Yassine Fall, a tenu à apporter un démenti cinglant.
"Croire que je peux influencer le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko pour qu'ils nomment ma fille, c'est mal les connaître", a martelé Mme Fall dans un entretien avec Papé Alé Niang sur la RTS. Et d'ajouter avec fermeté: "J'étais à Accra quand ma fille a été nommée, je n'étais même pas au courant. Chacun est libre de me croire ou pas."
La cheffe de la diplomatie sénégalaise a insisté sur le fait que sa fille a décroché ce poste sur la base de ses compétences avérées dans le domaine de l'artisanat. "On a présenté ma fille à son ministre de tutelle à mon insu, ils ont échangé. Elle a été nommée et je n'y suis pour rien", a-t-elle soutenu.
"Ma fille a été nommée au ministère de l'Artisanat parce qu'ils ont vu ses compétences en la matière, comme c'est le cas avec Mabouba Diagne dans l'Agriculture", a poursuivi Yassine Fall, rejetant ainsi toute supposition d'interventionnisme de sa part.
BIRAHIM SECK DÉNONCE LA LENTEUR DANS LA PUBLICATION DES RAPPORTS DE L’IGE
“M. le président Diomaye, la publication des rapports de l’Inspection générale d’État se fait trop attendre. Vous aviez pris l’engagement, devant le peuple sénégalais, de faire publier lesdits rapports”, a-t-il écrit.
Le coordonnateur du Forum civil n’apprécie guère les lenteurs notées dans la publication des rapports de l’Inspection Générale d’Etat (IGE) sur la gestion des finances publiques et de certains fonds, sous l’ancien régime.
Dans un post sur X, Birahim Seck a mis un coup de pression sur le Président Bassirou Diomaye Faye. Selon lui, il prend trop son temps.
“M. le président Diomaye, la publication des rapports de l’Inspection générale d’État se fait trop attendre. Vous aviez pris l’engagement, devant le peuple sénégalais, de faire publier lesdits rapports, moyen de prévention des flux financiers illicites”, a écrit le coordonnateur de la filiale senegalaise de Transparency International.
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YASSINE FALL EXAMINE LES ENJEUX DIPLOMATIQUES, LES REFORMES ET LES DÉFIS DE SON MINISTÈRE
La cheffe de la diplomatie sénégalaise a révélé que le régime précédent avait délivré un nombre exceptionnel de passeports diplomatiques en moins de trois semaines avant l’élection présidentielle de 2024.
Yassine Fall, ministre de l’Intégration Africaine et des Affaires Étrangères, a abordé, vendredi, lors de son passage sur le plateau de l’émission « Entretien avec… » diffusée sur RTS1, plusieurs sujets d’actualité concernant la politique étrangère et les réformes en cours au Sénégal.
D’emblée, Yassine Fall a souligné abordé la question du règlement intérieur de l’Assemblée national invitant les députés à se conformer au respect des textes.
La cheffe de la diplomatie sénégalaise a rappelé que la déclaration de politique générale du Premier ministre appelait à une stricte conformité aux règles établies pour assurer une gouvernance transparente et efficace.
Concernant les passeports diplomatiques, Yassine Fall a révélé que le régime précédent avait délivré un nombre exceptionnel de ces documents en moins de trois semaines avant l’élection présidentielle de 2024.
Cette pratique, jugée excessive, a conduit à une révision nécessaire des conditions d’obtention des passeports diplomatiques.
« Sur instruction du Chef de l’État, nous allons réviser les conditions d’obtention du passeport diplomatique », a-t-elle affirmé.
Selon, Yassine Fall, « cette décision vise à prévenir les abus et à garantir que les passeports diplomatiques soient attribués conformément aux normes et besoins diplomatiques réels. »
Sur le plan diplomatique, Yassine Fall a exposé la vision du Chef de l’État concernant les relations internationales du Sénégal.
Elle a précisé que le gouvernement privilégiait la proximité géographique, accordant une priorité particulière aux pays limitrophes et aux membres de la CEDEAO.
« Le Chef de l’État privilégie la proximité géographique, en accordant la priorité aux pays limitrophes et à ceux de la CEDEAO », a-t-elle déclaré, soulignant ainsi une volonté d’approfondir les relations régionales et de renforcer la coopération au sein de l’Afrique de l’Ouest.
En réponse à la polémique entourant la nomination de sa fille, Sophie Nzinga Sy, à la tête de l’Agence pour le Développement de l’Artisanat (APDA), Yassine Fall a évoqué le mérite de la nouvelle directrice et a affirmé qu’il n’était pas au courant des tractations ayant mené à cette décision.
Elle a défendu la nomination en mettant en avant les compétences et le mérite de Sophie Nzinga Sy pour le poste.
Yassine Fall a également déploré les couacs observés lors du pèlerinage 2024, soulignant les difficultés rencontrées au cours de l’événement.
Elle a promis une meilleure organisation pour l’année prochaine, en collaboration avec les différents ministères concernés, afin d’assurer une gestion plus efficace et satisfaisante de cet événement important pour les fidèles.
Lors de cet entretien, Yassine Fall a également abordé d’autres sujets cruciaux liés à la politique étrangère et aux réformes en cours, marquant ainsi une volonté de transparence et de responsabilité dans la gestion des affaires internationales du Sénégal.
La cheffe de la diplomatie sénégalaise a conclu en réaffirmant son engagement envers l’amélioration continue des services et des processus administratifs pour répondre aux attentes des Sénégalais.
LA GRANDE ÉPREUVE DE L’OPPOSITION
Grands vainqueurs des législatives 2022 grâce aux jeux d'alliance, l'Apr, Taxawu Sénégal et d'autres risquent aujourd'hui l'érosion. Avec des leaders en perte de vitesse et un électorat déserté, ces partis font face à l'urgence d'un profond renouvellement
Dirigés par des leaders à la cote de popularité fortement fragilisée bien avant même le scrutin présidentiel de mars 2024 qui a vu leur déroute électorale, l’Alliance pour la République (Apr) et la plateforme Taxawu Sénégal semble unies par un destin dont une refondation autour d’une nouvelle personnalité semble être une issue. A défaut de trouver une véritable stratégie à même de remobiliser leur électorat classique. Rewmi comme le Parti socialiste et autre ne semblent pas logés à meilleure enseigne.
C’est un secret de polichinelle, la dissolution «programmée» de l’Assemblée nationale et la tenue des élections législatives pourraient marquer un tournant dans la scène politique sénégalaise. Et pour cause, plusieurs formations ou mouvements politiques qui avaient profité du jeu des alliances pour se repositionner dans l’échiquier politique grâce au nombre important de députés qu’ils ont obtenu à l’issue des dernières législatives du 31 juillet 2022 pourraient se retrouver dans une zone de forte turbulence politique. Parmi ceux-ci, nous citerons entre autres l’ancien parti au pouvoir, l’Alliance pour la République (Apr), et la plateforme Taxawu Sénégal, dirigée par l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall. Après avoir connu une grande percée lors des dernières législatives, ces formations politiques font face aujourd’hui à un véritable casse-tête lié à la perte de popularité de leurs leaders qui pourraient compromettre leurs chances en cas de tenue des législatives. Administré depuis l’étranger par l’ancien chef de l’Etat qui a été reconduit à la présidence de l’Alliance pour la République (Apr) par le congrès extraordinaire du 22 décembre 2023 dernier, l’ancien parti au pouvoir traverse aujourd’hui une véritable crise qui a fini d’affecter le fonctionnement de ses instances.
En effet, en lieu et place des réunions du Secrétariat exécutif national (Sen) au siège dudit parti sis à Mermoz, c’est plutôt un groupuscule qui décide et engage le parti. La preuve, invitée de l’émission du jury du Dimanche 7 juillet dernier chez nos confrères de « Iradio », Zahra Iyane Thiam, membre du secrétariat exécutif, a dénoncé la léthargie du parti en révélant que « depuis l’élection, il n’y a pas de réunion, on ne parle à personne, on voit des activités à travers la presse ». Outre ce défi lié à l’absence d’animation, l’ancien parti au pouvoir est également appelé à surmonter d’autres épreuves parmi lesquelles on peut citer la vague de défections des cadres qui prêtent désormais allégeance à l’ancien Premier ministre et candidat malheureux à la présidentielle, Amadou Ba. A ce défi, il faut également ajouter le risque d’implosion de la coalition Benno Bokk Yakaar sur laquelle l’ancien chef d’Etat et président Macky Sall s’est toujours appuyé pour positionner ses responsables lors des différentes élections depuis 2012. La défection de certains de ses plus fidèles alliés à l’image de l’Alliance des forces de progrès (Afp) en est l’exemple le plus manifeste. Dans une déclaration rendue publique à l’issue de sa réunion du 30 mai dernier sur le bilan de la présidentielle, le Secrétariat politique exécutif (Spe) de l’Afp accusant l’ancien chef de l’Etat d’avoir fragilisé le candidat de la majorité présidentielle, Amadou Ba, avait annoncé son engagement pour la création d’un nouveau cadre inclusif de concertation… ».
Outre l’Apr, la plateforme Taxawu Sénégal qui avait également obtenu quatorze députés grâce à la coalition Yewwi Askan wi initiée par son leader, Khalifa Ababacar Sall, le marabout Serigne Moustapha Sy, guide spirituel des Moustarchidines et président du Pur (Parti de l’unité et du rassemblement) et Ousmane Sonko, président du Pastef, s’est fait exclure de cette coalition après sa décision unilatérale de répondre à l’appel au dialogue de l’ancien chef de l’Etat et est également dans la zone de turbulence. Et pour cause, avec le résultat (1,56 %) obtenu par son leader, Khalifa Ababacar Sall, lors de la dernière présidentielle, la plateforme Taxawu Sénégal est condamnée à faire sa mue et trouver parmi ses responsables un homme consensuel ou plus une stratégie capable de tenir devant l’actuel régime lors des prochaines législatives annoncées comme un prolongement de la présidentielle par certains observateurs.
Rewmi, PS, PDS… Ces partis en quete de renouveau !
Rewmi de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck n’échappe pas aussi à la nouvelle donne. Pour cause, son patron est en perte de vitesse depuis la présidentielle de 2007 où il avait affronté son mentor Abdoulaye Wade, alors président de la République en quête d’un second mandat. Arrivé deuxième à ladite présidentielle remportée par le Pape du Sopi dès le premier tour, l’ancien maire de Thiès avait commencé à connaître un déclin progressif qui écornait à chaque élection son électorat et son attrait politique. Le scrutin présidentiel de mars 2024 va consacrer la débâcle pour Rewmi qui se retrouve avec 0,90 pour cent des suffrages. La bérézina totale!
Que dire par ailleurs du Parti socialiste (Ps) qui peine à se relever depuis la perte du pouvoir en 2000 et qui n’a pas concouru aux deux derniers scrutins présidentiels, préférant être à la remorque du parti au pouvoir. Le manque de leadership fort au sein du parti s’est précisé avec la disparition d’Ousmane Tanor Dieng et les petites bisbilles pour le contrôle de l’ancien parti au pouvoir de 1960 à 2000 contribuent à fragiliser davantage le Ps qui se retrouve relégué de fil en aiguille au rang des partis dits de contribution. Que dire du Parti démocratique sénégalais (Pds) ? L’ancien parti au pouvoir qui est parvenu, au dernier scrutin présidentiel, à sauver la mise en soutenant la « Coalition Diomaye Président», après le rejet de la candidature de son porte-étendard Karim Wade, cherche aussi à se réinventer et à réinventer son style de leadership. L’attrait que le Pape du Sopi exerçait sur les foules s’est dissipé avec le temps et Karim Wade, censé redorer le blason du Pds, ne surfe que sur le legs de son paternel et le génie politique de ce dernier pour maintenir la formation libérale au sein des partis leaders de la scène politique, en dépit des désertions et fractures qui ne cessent de fragiliser le parti au pouvoir de 2000 à 2012.
INTELLECTUELS, GARDIENS DES VALEURS
EXCLUSIF SENEPLUS - Dans son livre "Intellectuels pour Quoi faire ? Remuements intellectuels. Choc des idées", Makhtar Diouf dresse un panorama captivant des intellectuels en action. Il explore les destins de ces infatigables vigies de la démocratie
Philosophes, écrivains, scientifiques, religieux, journalistes... Le spectre des intellectuels est vaste et leurs champs d'action multiples. Décodant leurs ressorts et leurs combats avec une plume vive, Makhtar Diouf brosse, dans son livre intitulé "Intellectuels pour Quoi faire ? Remuements intellectuels. Choc des idées" paru ce mois aux Nouvelles Editions Africaines du Sénégal, un portrait kaléidoscopique de ces défenseurs des valeurs, prêts à braver l'injustice et même les régimes autoritaires.
Le professeur retraité des universités consacre un chapitre (à retrouver plus bas) aux journalistes, ces intellectuels de terrain qui ont joué un rôle clé dans l'éveil des consciences et la défense des libertés au Sénégal.
De Mame Less Dia à Boubacar Diop sans oublier Sidy Lamine Niasse, Babacar Touré et Mame Less Camara, Makhtar Diouf évoque des personnalités devenus par leur métier, d'indispensables contre-pouvoirs citoyens. Une place de choix est notamment réservée à René Lake, figure respectée du journalisme en ligne avec la plateforme SenePlus.com, véritable creuset d'expression plurielle.
"Intellectuelspour Quoi faire ?
Remuements intellectuels. Choc des idées
L’intellectuel est incontournable parce qu’il existe dans toutes les sociétés humaines. L’intellectuel est indissociable du savoir.
Cet ouvrage présente un spectre large des intellectuels : philosophes, écrivains, scientifiques, religieux, autodidactes, journalistes, de continents différents. Aucun segment du tissu social ne leur est fermé. Ils essaiment partout.
Des intellectuels, pour quoi faire ? A quoi servent-ils ? Lorsque des problèmes inquiétants se posent dans un pays où la liberté d’expression existe, on entend des voix : ‘’Où sont les intellectuels ?’’ Les intellectuels sont appelés à la rescousse. Ils sont des régulateurs sociaux. Aucun régime politique flirtant avec la démocratie n’est insensible à des pétitions signées par des intellectuels respectés dans le pays et à l’étranger pour dénoncer l’injustice.
L’intellectuel tel qu’on le conçoit généralement doit s’appuyer sur les valeurs éthiques de justice, de raison, de vérité, et aussi de courage. C’est ce que j’ai appelé intellectuel idéal. Il est aussi un transmetteur de savoir.
Mais le métier ‘’intellectuel’’ n’existe pas, ne figure sur aucune pièce d’identité. L’intellectuel dispose d’une fonction informelle dans laquelle il s’investit lui-même volontairement."
Journalistes de combat
Dans le gotha des grands intellectuels de refus du Sénégal, on ne peut oublier certains journalistes qui ont eu à jouer leur partition. Sous le régime senghorien de parti unique et de médiat gouvernemental unique, Mame Less Dia, ancien instituteur et membre du Parti marxiste PAI clandestin, crée en1977son journal ‘’Le Politicien’’ : journal satirique, réplique de l’hebdomadaire français ‘’Le Canard Enchaîné’’, faisant des révélations sur ton irrévérencieux, avec l’emblème La démocratie commence avec la liberté de la presse. De même que Boubacar Diop avec son journal ‘’Promotion’’. Senghor en est réduit à traiter de ‘’Radio Cancan’’ les révélations faites dans ces médiats.
C’est dans cette foulée que dans les années 1980, après le départ de Senghor, le paysage médiatique sénégalais prend son envol pluraliste et démocratique : ‘’Walfadjri’’ (hebdomadaire puis quotidien) lancé par Sidy Lamine Niasse (avec l’emblème « la voix des sans voix ») ; ‘’Sud’’ (hebdomadaire puis quotidien) avec Babacar Touré. Cette presse indépendante et de refus permet au public de découvrir les talents de grands intellectuels journalistes comme Mame Less Camara, Alain Agboton...
Les intellectuels restent vigilants. En 2007, le président français Nicolas Sarkozy tient à Dakar un discours très hégélien sur ‘’une Afrique passée à côté de l’histoire’’. A l’initiative de l’écrivain Makily Gassama, un collectif de 22 intellectuels africains contributeurs lui apporte une réplique cinglante dans un ouvrage L’Afrique répond à Sarkozy (2008).
Hommage doit aussi être rendu à tous ces intellectuels sénégalais, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, qui se sont impliqués dans les ‘’Assises nationales’’ d’avant la présidentielle de 2012, en bravant les menaces et intimidations du président Abdoulaye Wade qui n’y voyait qu’une manœuvre politique dirigée contre lui. Sans oublier ces autres jeunes créateurs du mouvement ‘’Y’en a marre’’ qui ruaient dans les brancards le régime de Wade et qui sont toujours à pied d’œuvre.
Le régime suivant de Macky Sall est le plus antidémocratique, le plus répressif et oppressif de l’histoire politique du pays, avec une justice aux ordres, condamnant sur commande des opposants politiques et des journalistes.
A quelques mois de l’élection présidentielle de 2024, un ex ministre de l’intérieur de ce régime ayant été au cœur de tous les coups fourrés contre l’opposition, fait maintenant sécession pour se déclarer candidat, avec cette déclaration : ‘’Il faut éviter d’utiliser la justice pour neutraliser ses adversaires politiques’’. Il sait de quoi il parle.
Face à ce régime s’est dressé un front de résistance et de dénonciation animé par des intellectuels du refus qui relèvent du type ‘’intellectuel idéal’’, signant des pétitions, écrivant des articles dans presse. Des professeurs d’université retraités, des juristes praticiens du Droit, des écrivains, des journalistes des professeurs d’université en activité signataires de pétitions. Des intellectuels de renom, non sénégalais, comme Wole Soyinka, Noam Chomsky n’ont pas hésité à apposer leurs signatures sur des pétitions de dénonciations de ce régime.
On ne peut passer sous silence le journaliste sénégalais indépendant René Lake, fondateur du médiat en ligne Internet ‘’SenePlus’’, ouvert à tous les courants d’opinion. A cet égard, René Lake est un des héritiers de Alioune Diop qui avec ‘’Présence Africaine ‘’ publiait Cheikh Anta Diop et Césaire. ‘’SenePlus’’ est le site de publication des articles de dénonciation des dérives du régime dont les auteurs n’ont pas accès au quotidien ‘’Le Soleil’’ pourtant propriété nationale. Des militants du régime y publient aussi des textes sans relief, pour comme ils disent, ‘’défendre le président Macky Sall’’. Celui-ci pourrait bien dire ‘’gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en occupe’’. Il sait que ces plumitifs dépourvus de densité intellectuelle, qui se présentent comme ses défenseurs sont plutôt en quête de visibilité en vue de promotion dans l’appareil d’Etat.
REVOILÀ GAKOU
Totalement muet depuis la présidentielle du 24 mars dernier, le président du Grand parti a renoué avec la communication
Le Bureau politique du Grand parti s'est réuni, ce mercredi, à son siège, avec la présence de toutes les couches qui le composent. Le président Malick Gakou, présent à ce conclave, s'est attardé sur la situation nationale avant d'en venir à la vie du parti.
Totalement muet depuis la présidentielle du 24 mars dernier, le président du Grand parti a renoué avec la communication, mercredi dernier.
En effet, c'est à travers une “réunion du Bureau politique” tenue au siège de la formation politique que l'ex-candidat s'est exprimé. Dans sa communication, M. Gakou s'est d'abord penché sur la situation nationale.
Selon lui, la fragilité du contexte économique et social est due aux “échecs répétés du régime du président Macky Sall qui ont plongé notre pays dans cette crise profonde”.
Ainsi, le président El Hadj Malick Gakou magnifie “les mesures prises pour la réduction de certaines denrées de première nécessité, la reddition des comptes, les réformes du système judiciaire”.
Cependant, ce membre de Yewwi Askan Wi va encore plus loin en exhortant les nouveaux hommes forts du pays, “notamment le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko à entreprendre toutes réformes nécessaires pour réaliser les espoirs du peuple sénégalais”.
Cette position du Grand parti témoigne par ailleurs de “son soutien résolu et sans condition au président Bassirou Diomaye Faye et à son Premier ministre Ousmane Sonko”. Selon la note, cet appui ne tombe pas du ciel, car il est considéré comme “une directive” de Malick Gakou lui-même “juste après l’élection du 24 mars 2024, qui a consacré la victoire éclatante de la coalition Diomaye Président”.
Pour corroborer davantage ce compagnonnage auprès du président Diomaye et de ses compagnons, le Grand parti a convoqué la charte de la coalition Yaw. Cette dernière consiste en une “collaboration franche des partis membres et un engagement à soutenir, le cas échéant, le candidat du parti ou membre de la coalition qui serait qualifié au second tour. Le soutien au président Bassirou Diomaye Faye, qui est passé dès le premier tour, est donc une évidence”.
In fine, pour clore ce chapitre “situation nationale”, le communiqué nous apprend que le “Bureau politique” était sur la même longueur d'onde que le président. Ainsi, il a réitéré à son tour son “soutien total et son engagement à travailler avec les nouvelles autorités étatiques pour le développement économique et social de notre pays”.
Tenue du prochain congrès
Dans un deuxième temps, Gakou s'est aussi intéressé à la “vie du parti”. Concernant cette rubrique, on peut notamment lire : “Le président a exprimé sa profonde gratitude envers tous les militants et sympathisants pour leur mobilisation et leur dévouement sans faille.” Galvanisant davantage ses troupes, le maire honoraire de la ville de Guédiawaye a invité ses militants et sympathisants à se “mobiliser davantage pour la prochaine vente des cartes du parti, le renouvellement des structures et la tenue du prochain congrès”.
Selon Gakou, ces actions sont essentielles afin “d’amorcer, dans le contexte politique actuel, toutes les réformes nécessaires pour la redynamisation du parti”.