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30 novembre 2024
Société
DANDÉ MAYO NORD, LE QUOTIDIEN DES HABITANTS PERTURBÉ PAR UNE CRUE ABONDANTE
Des hectares de périmètres rizicoles et des habitations sous les eaux. Depuis quelques semaines, une partie de la région de Matam située au bord du fleuve Sénégal, a connu une forte crue cette année.
Des hectares de périmètres rizicoles et des habitations sous les eaux. Depuis quelques semaines, le décor est identique dans certains villages du Dandé Mayo Nord, une partie de la région de Matam située au bord du fleuve Sénégal, qui a connu une forte crue cette année.
Conséquence de la crue abondante, la pirogue reste la seule solution pour ceux qui veulent se rendre à Orefondé, un village du département de Matam situé sur la RN2.
Pour accéder à ce village, il faut passer par Ndouloumadji, en empruntant l’un des trois ponts du département qui relie le walo (terme désignant les terres de la vallée inondables par les eaux du fleuve) et le diéry (terres non inondables par les eaux du fleuve).
A partir de cet ouvrage, dont le franchissement est interdit aux poids lourds, on mesure aisément la vitesse de l’onde de crue et distingue clairement le clapotis de l’eau. L’air devient plus humide.
L’eau du fleuve, à force de monter, a envahi des périmètres agricoles et un terrain de football du village.
A des centaines de mètres de là, le village dit Virage laisse apparaitre ses cases. Passé ce village, la piste devient impraticable. Le voyageur doit s’accrocher pour éviter de tomber. Des deux côtés de la piste, on peut mesurer l’ampleur de la crue.
Sur la latérite, la force du courant n’a rien épargné sur son passage. Des sacs de terre et autres grosses pierres n’ont pas résisté à la force de l’eau.
Une dizaine de kilomètres après, plusieurs véhicules sont arrêtés, peu avant Nguidjilone, sur ordre d’un groupe de gens s’attelant à réparer la piste. Tous les passagers de minibus, de véhicules particuliers et même d’une délégation de la SAED, la Société d’aménagement et d’exploitation des terres du Delta du fleuve Sénégal, doivent patienter avant de poursuivre leur route.
Une odeur de poisson frais s’exhale de certaines voitures. Excédée, une des propriétaires des caisses à poisson crie toute sa colère. Elle ne supporte pas que les jeunes et adultes qui réparent la piste immobilisent les voitures pour continuer à travailler.
”Nous devons rentrer dans nos villages pour vendre nos poissons et gagner un peu d’argent. Si vous nous empêchez de passer, vous allez nous faire perdre de l’argent, parce que les produits risquent de se détériorer’’, fulmine-t-elle.
L’eau coule à une très grande vitesse, une force à laquelle ne résistent guère les sacs à terre faisant office de digue. Chacun essaie autant que faire se peut d’éviter de s’embourber. Des jeunes tentent d’expliquer au délégué régional de la SAED le bien-fondé de leur démarche.
Sacs de sable, pierres et autres matériaux
”Nous ne pouvons pas vous laisser passer et empêcher les autres, même si vous êtes en mission. Nous avons immobilisé le véhicule d’un marabout qui a accepté de s’arrêter. Nous voulons juste mettre des sacs de sable et des pierres pour rendre la route un peu praticable”, crie un adulte, sans doute le chef du groupe.
Un véhicule de couleur blanche assurant le transport des pierres et sacs de sable attend de descendre son chargement. Après une marche arrière, le chauffeur positionne son véhicule pour permettre aux habitants du village d’enlever les sacs et les pierres dont ils se servent pour remblayer la route.
Après plusieurs minutes d’explication avec les passagers, la délégation de la SAED et d’autres voyageurs, la route est ouverte. Un chauffeur, énervé par cette situation, déplore le blocage de la piste. ”Personne ne va rien payer”, lance-t-il.
Le marabout, dont le véhicule s’était garé un peu à l’écart, reprend son chemin, escorté par un groupe de gens.
A moins d’un kilomètre se trouve la base de la société en charge de la construction de la route du Dandé Mayo nord.
A l’entrée de Nguidilone, maisons, écoles et mosquées sont inondées.
De l’autre côté de la route, une zone inhabitée est aussi sous les eaux. Au loin, les périmètres agricoles sont littéralement recouvertes d’eau. Une situation qui contraste avec le reste du village, épargné par la furie du fleuve.
Ce même décor est presque visible tout le long de la route du Dandé Mayo Nord. A Diowol, le fleuve et le bras du fleuve ne font plus qu’un, engloutissant le sable fin de Bilbassi.
Sur le chemin latéritique et parfois cahoteux, où des dos d’âne faits de sacs de sable et de cordes ralentissent les véhicules, la vue sur le fleuve donne un aperçu des conséquences de la montée des eaux.
A Nguidilone, c’est l’entrée du village qui est la partie la plus impactée par le débordement du fleuve Sénégal. Par contre, à Sinthiou Diam Dioro, dans la commune de Dabia, c’est tout le village qui est immergé.
Arrivé à hauteur d’un radié, on aperçoit un bus immobilisé. Il s’est embourbé au tout début du débordement du fleuve. Ce véhicule de transport appelé ‘’horaire’’ assurait la desserte entre Dakar et le Dandé Mayo nord.
Sinthiou Diam Dioro, localité la plus impactée
”On peut dire que c’est presque 95% du village qui est sous les eaux. Tous les bâtiments en banco sont tombés, il ne reste que les constructions en ciment”, explique Moussa Diaw, un habitant du village.
Diaw est venu rencontrer le directeur général de la SAED en visite dans les périmètres agricoles de Sinthiou Diam Dioro qui sont épargnés par les eaux.
Bati Sow, une habitante du village, déclare avoir eu du mal à sortir du village, à cause du débordement du fleuve, qui n’a pas épargné, selon elle, une partie des cimetières.
”Pour se déplacer dans le village, aller à la boutique ou au marché, les gens prennent des pirogues”, déclare-t-elle. Elle déplore le fait que les ministres qui étaient dans la région jeudi ne sont pas venus jusqu’à Sinthiou Diam Dioro, considéré comme la localité la plus impactée par la crue.
Mais la situation est plus critique dans la zone du Dandé Mayo Nord située derrière Orefondé. Le pont reliant le walo au diéry est submergée, empêchant le passage des voitures.
Même à Oréfondé, l’eau est arrivée jusqu’aux abords de certaines maisons.
C’est ici que ceux qui se rendent dans le Dandé Mayo viennent prendre des pirogues. Ce qui était une terre ferme est devenu un lieu d’embarcation, faisant de la berge un lieu de vie. Des commerces s’y développent avec la vente de cacahuètes, d’eau fraîche et autres boissons. Le débordement du fleuve fait aussi le bonheur des charretiers.
De la Route nationale numéro 2 (RN 2) jusqu’au point de traversée, chaque passager en partance pour le Dandé Mayo doit débourser 100 francs CFA pour emprunter une charrette.
Sur le rivage, deux pirogues à moteur ont accosté en attendant de trouver des clients. ”Le transport peut durer une heure de temps. Arrivé à Diorbivol, le passager qui veut continuer prend un véhicule. Seuls ceux qui sont dans ce village reprennent une pirogue’’, explique un piroguier.
PERCÉE AFRICAINE DANS LE CLASSEMENT UNIVERSITAIRE MONDIAL
Avec 54 établissements de 15 pays, la région affiche un record de participation, témoignant de son ambition académique croissante. Le Nigeria et l'Afrique du Sud dominent le tableau, tandis que les pays comme le Ghana et l'Éthiopie font leur marque
(SenePlus) - L'année 2025 marque un tournant pour l'Afrique subsaharienne en matière d'enseignement supérieur. Avec une participation record dans le prestigieux classement mondial des universités publié par Times Higher Education (THE), la région démontre un engagement fort en faveur de l'excellence académique, malgré des défis significatifs. Ce classement, qui évalue les universités sur des critères de recherche, de formation, de transfert de connaissances et d'internationalisation, reflète la diversité et les progrès des institutions académiques africaines.
Un total de 54 universités de 15 pays de l'Afrique subsaharienne ont été classées en 2025, soit une augmentation notable par rapport aux années précédentes. Ce chiffre témoigne de la reconnaissance croissante de l'enseignement supérieur africain sur la scène mondiale. Parmi les pays représentés, le Nigeria domine avec 21 universités classées, suivi de près par l'Afrique du Sud avec 14 institutions. Le Ghana arrive en troisième position avec quatre universités.
Malgré cette avancée, les résultats varient. L'Afrique du Sud, tout en conservant une place forte avec l'Université du Cap dans le top 200, a vu plusieurs de ses institutions perdre du terrain dans le classement. Le Nigeria, bien que confronté à des défis tels que la fuite des cerveaux, continue de voir ses universités progresser et rester compétitives.
Afrique du Sud : des défis malgré une excellente qualité de recherche
L'Université du Cap en Afrique du Sud, la mieux classée de la région, se maintient dans le top 200, occupant la 180e position, bien qu'elle ait reculé par rapport à la 167e place en 2024. Cette performance est impressionnante compte tenu des défis économiques auxquels le pays est confronté, notamment la diminution des financements publics pour l'enseignement supérieur.
D'autres universités sud-africaines, telles que Stellenbosch et Witwatersrand, restent dans le top 350, tandis que des institutions comme l'Université de Johannesburg et l'Université de KwaZulu-Natal sont respectivement classées dans les bandes 401-500 et 501-600. Malgré ces reculs, la qualité de la recherche reste un point fort de l'Afrique du Sud, avec des chercheurs sud-africains qui continuent de publier des travaux influents à l'échelle mondiale.
En revanche, la capacité à attirer des étudiants internationaux reste limitée, ce qui constitue un défi pour l'internationalisation des universités sud-africaines.
Le Nigeria : un combat contre la fuite des cerveaux
Le Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique, fait face à de nombreux défis, notamment la fuite des cerveaux, en particulier dans des secteurs critiques tels que la médecine, l'ingénierie et la technologie financière. Malgré cela, les universités nigérianes trouvent des solutions innovantes pour surmonter les déficits de financement et continuent de se battre pour rester compétitives à l'échelle mondiale.
Covenant University, située dans la bande 801-1000, demeure la première université nigériane dans ce classement. Elle est suivie par des institutions telles que l'Université Ahmadu Bello et Landmark University, nouvellement classées dans la bande 1001-1200. En tout, le Nigeria compte 11 universités dans le top 1500, confirmant ainsi sa place prédominante dans l'enseignement supérieur africain.
Le Ghana : une progression inégale
Le Ghana, troisième pays en nombre d'universités classées, a vu son université la mieux classée, l'Université de Cape Coast, reculer de la bande 601-800 à celle de 801-1000. L'Université du Ghana et l'Université des Sciences et Technologies Kwame Nkrumah se maintiennent dans les bandes inférieures, malgré une baisse générale dans le classement.
Éthiopie, Maurice et Ouganda : des performances variables
D'autres pays africains, bien que représentés par un plus petit nombre d'institutions, continuent de figurer dans le classement. L'Université de Jimma en Éthiopie et l'Université de Maurice se situent toutes deux dans la bande 1201-1500. L'Université Makerere en Ouganda, qui était auparavant dans la bande 801-1000, a connu un recul significatif, se retrouvant désormais dans la bande 1201-1500.
Un contexte mondial compétitif
Dans un contexte mondial marqué par une concurrence intense, l'Afrique subsaharienne doit faire face à des défis structurels et financiers. Les meilleures universités du monde, comme l'Université d'Oxford au Royaume-Uni, qui reste en tête du classement pour la neuvième année consécutive, et le Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis, continuent de dominer grâce à leurs ressources et à leur capacité d'innovation.
En 2025, trois nouveaux pays – le Brésil, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis – rejoignent le top 200, montrant ainsi que la compétition devient de plus en plus mondiale. Le classement, qui s'étend cette année à plus de 2 000 universités, est le plus vaste jamais réalisé par Times Higher Education, et inclut des données de 2 860 institutions provenant de 133 pays.
Les défis et opportunités pour l’Afrique
Malgré les défis liés à la gouvernance, au financement et à la fuite des talents, les universités d'Afrique subsaharienne ont prouvé leur résilience et leur capacité d'adaptation. La participation accrue de ces institutions au classement mondial montre un désir croissant de se mesurer aux meilleures universités du monde et d'attirer des collaborations internationales.
Le classement 2025 met en lumière les forces et les faiblesses des institutions africaines, mais aussi leur potentiel à jouer un rôle crucial dans l'éducation mondiale. Il est impératif que les gouvernements et les parties prenantes investissent davantage dans l'enseignement supérieur, afin de capitaliser sur cette dynamique positive et de renforcer la compétitivité des universités africaines à l'échelle mondiale.
Par Elimane Haby Kane
OSEZ LA RÉVOLUTION CONSTITUTIONNELLE
EXCLUSIF SENEPLUS - La souveraineté et la refondation supposent des changements au-delà des limites de l’héritage colonial et des déterminants de l’aliénation intellectuelle de l’élite occidentalisée qui détient le monopole de la conduite des affaires
Pour une gouvernance favorable à la refondation et la souveraineté
L’année deux milles quatre qui commémore le soixante quatrième anniversaire de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale est également le moment de l’avènement de la troisième alternance démocratique avec l’élection du cinquième Président de la République du Sénégal depuis 1960. L’élection de ce dernier a un taux inédit de 54 % au premier tour d’un candidat de l’opposition lui confère un leadership suffisamment légitime et une grande opportunité pour bâtir un Sénégal nouveau. Une République démocratique à laquelle aspirent de larges dynamiques citoyennes qui proposent des mesures décisives à prendre pour mettre définitivement notre pays dans la perspective du progrès économique et social durable, à travers un mouvement collectif souverain et solidaire qui réunifie toutes les couches et tous les secteurs de notre société.
En analysant le programme du candidat de la coalition victorieuse Diomaye Président, nous avons relevé un certain nombre d’engagements et de mesures suffisants pour transformer en substance et dans l’approche le mode de gouvernance des affaires publiques au Sénégal. Déjà, le président de la République a annoncé des reformes dans son programme : « Nous réviserons et protégerons la Constitution en nous inspirant des conclusions des Assises Nationales et des réformes proposées par la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI) ».[1] Également l’ancien candidat, étant dans les liens de la détention, avait procédé par délégation à la signature du « Pacte pour la Bonne Gouvernance Démocratique » proposé aux candidats à l’élection présidentielle par une coalition d’organisations de la société civile sur la base des conclusions des assises nationales et recommandations de la Commission nationale de reformes des Institutions.
Ces deux références suffisent pour espérer des réformes majeures du système de gouvernance de la République du Sénégal, capables de matérialiser la théorie de la nécessaire refondation confirmée par les conclusions des Assises nationales et bien d’autres propositions de chercheurs et organisations citoyennes[2]. Également la quête de souveraineté suppose la mise en œuvre d’une composante en charge des réformes nécessaires à son aboutissement.
Au moment où le gouvernement nommé par le président Bassirou Diomaye Faye travaille dans la matérialisation de la directive présidentielle énoncée depuis le Conseil des ministres du 9 avril 2024 pour l’élaboration d’un nouveau document de référence de politique économique et sociale en remplacement du Plan Sénégal Émergeant, il est important d’aborder les éléments de gouvernance qui sont décisifs dans la réussite des politiques publiques. Parmi les ambitions énoncées par le nouveau régime, figure en bonne place le renforcement de la « bonne gouvernance »[3], dans tous ses aspects (politique et démocratique, judiciaire, de gestion des finances publiques). Dans sa transversalité, la gouvernance adresse le cadre juridique et règlementaire, les institutions mises en place pour l’animer en vue d’atteindre la vision stratégique clairement annoncée, les processus de prise de décision et aussi les pratiques des acteurs au sein du système de gouvernance des politiques publiques.
De l’actualité des Assises nationales et de la CNRI
Les Assises nationales ont fait le bilan de cinquante ans de la république du Sénégal avant d’aboutir à une perspective de refondation[4] articulée autour d’une vision d’un État de droit sénégalais souverain « où la gouvernance est fondée sur l’éthique, la démocratie participative, la concertation, le respect des institutions et des libertés individuelles et collectives et la défense des intérêts nationaux ». Une vision qui prône la justice sociale, l’équité et l’égalité des citoyens en droit. Elle propose également un modèle de gouvernance consolidante et institutionalisant la démocratie participative basée sur une approche d’inclusion circulaire et multi-acteurs et un cadre institutionnel consacrant le dialogue entre l’état et les acteurs politiques, sociaux et économiques pour définir et évaluer régulièrement les orientations politiques.
Dans une perspective de refondation des institutions et de garantie des libertés, les assises ont donné une orientation fondamentale pour la constitution et la charte des libertés, tout en indiquant les principes d’une nouvelle gouvernance institutionnelle qui garantit les droits et libertés civils, politiques, économiques et sociaux. La souveraineté prônée nécessite dès lors une rupture avec le mimétisme mécanique des textes juridiques et la prise en charge de notre héritage politique spécifique pour enraciner la constitution dans les éléments endogènes qui fondent notre société. Ce qui suppose l’implication des citoyens dans sa conception, la simplification de la présentation du contenu dans les langues nationales pour faciliter l’appropriation du texte fondamental par les citoyens dont il organise et régule les interactions quotidiennes et les institutions qui les encadrent.
Les conclusions de la CNRI sont un prolongement de cette perspective de refondation appliquée sur les institutions de la République. Elles ont même abouti à un projet de constitution élaborée.
La nouvelle gouvernance institutionnelle proposée devrait faire le départ avec la concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif présidentiel pour favoriser un gouvernement fort et une indépendance des pouvoirs judiciaire et parlementaire. Le parlement devrait se transformer en un acteur institutionnel majeur pour impulser la vie politique, alors que la justice devrait jouir d’une autonomie totale et être accessible à tous les citoyens. La nouvelle gouvernance devrait ainsi permettre la redéfinition de l’architecture des pouvoirs, le renforcement des contre-pouvoirs et la décentralisation qui implique les citoyens à la base.
Pour un cadre réglementaire progressiste, souverain et refondateur
La souveraineté et la refondation supposent des changements en profondeur et audacieux devant aller au-delà des limites de l’héritage colonial et des déterminants de l’aliénation intellectuelle de l’élite occidentalisée qui détient le monopole de la conduite des affaires publiques depuis l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. Même si des changements significatifs ont été enregistrés au fil des régimes qui se sont succédé notamment avec le pluralisme intégral inauguré par le président Abdou Diouf en 1981 et sa réforme majeure du code électoral en 1992 qui a permis la première alternance démocratique avec l’arrivée au pouvoir du plus célébré opposant de l’époque, Me Abdoulaye Wade. Ce dernier a su impulser la gouvernance démocratique avec une nouvelle constitution progressiste en 2000 qui a pu consacrer les libertés individuelles et collectives et surtout inscrire la notion de la transparence, de l’accès à l’information, de la participation et de la «bonne gouvernance» dans le préambule de la loi fondamentale[5]. Cependant, c’est sous le magistère de Me Abdoulaye Wade que le Sénégal a ouvert la boite de pandore de la mal gouvernance avec tous les excès en matière de détournement de deniers publics, de grande corruption, de patrimonialisation de l’État et d’impunité. C’est ainsi que la lutte contre l’enrichissement illicite et pour la restauration des principes et instruments de « bonne gouvernance » a été au cœur du débat électoral à la suite duquel a été élu le Président Macky Sall en 2012. Ce dernier a ouvert son premier mandat avec des reformes renforçant la lutte contre la corruption, la gestion transparente des finances publiques et la redevabilité contre l’enrichissement illicite. Il a à cet effet renforcé le cadre juridique et institutionnel anti-corruption avec la création de l’OFNAC qui remplace la Commission Nationale de Lutte contre la Corruption et la Concussion mis en place par son prédécesseur en 2003 mais restée peu incisive. Il y a aussi la loi portant code de Transparence des finances publiques mise en place en même temps que l’Office National de lutte contre la Corruption, en décembre 2012 et plus tard celle sur la déclaration de patrimoine en 2013.
Macky Sall a aussi réactivé la loi de 1981 contre l’enrichissement illicite. Malheureusement tout cet arsenal d’instruments juridiques et institutionnels n’a pas permis de barrer la route à l’impunité qui a marqué le régime de Macky Sall. Ce dernier a même théorisé et pratiqué l’impunité en se prononçant publiquement en faveur de certains cadres politiques épinglés par des rapports de corps de contrôle, notamment l’IGE et l’OFNAC.
A travers des actes, le président de la République prédécesseur de Bassirou Diomaye Faye a même sabordé la lutte anti-corruption à travers le choix et le renoncement de femmes et d’hommes qui animent ces institutions, y compris dans le système judiciaire. Les conditions de révocation de la première présidente de l’OFNAC et du premier procureur de la CREI en sont les illustrations. Tout comme la nomination à la tête de l’OFNAC de l’ancien procureur de la République qui n’a jamais voulu diligenter le suivi des rapports soumis par l’organe de lutte contre la corruption.
Il est pourtant établi un lien étroit entre les réformes démocratiques et l’efficacité de la lutte contre l’enrichissement illicite, la corruption et les infractions financières connexes et l’impunité. Les différentes reformes consolidantes ou dé-consolidantes intervenues dans la gestion du processus électoral ont surtout concerné les préoccupations électoralistes des partis politiques que le besoin de moralisation de la vie politique. L’application du parrainage et le relèvement de la caution aux différentes élections, l’élection au suffrage universel direct des présidents de conseils territoriaux (départemental et municipal) n’ont pas su réduire le nombre de candidats et ont favorisé la multiplication des coalitions de partis et amplifié les pratiques de clientélisme politique, d’accaparement et de partage du pouvoir, contribuant ainsi à faire émerger une nouvelle démocratie censitaire dans laquelle ceux qui ont la puissance de l’argent ont plus de chance d’être élus.
Une telle perspective qui maintient le pays dans le cercle des démocraties électoralistes historiquement marquées par la sauvegarde d’intérêts stratégiques extérieurs[6] a aussi favorisé de nouvelles formes de luttes politiques en Afrique notamment la vague de révoltes des jeunes qui aspirent à une authentique démocratie dans les anciennes colonies françaises en Afrique de l’Ouest. La non prise en charge du dividende démographique et la crise de l’emploi qui impacte surtout les jeunes ont favorisé l’émergence de nouveaux types de leaders politiques populistes qui exploitent la colère des jeunes désœuvrés et abusés par les effets de la mal gouvernance. Le populisme constitue ainsi une autre menace à la rationalisation de la vie politique et ses conséquences sur la qualité de l’action politique. Il favorise la manipulation des masses et le développement de pensées clivantes dans la convoitise du pouvoir. Des pratiques qui alimentent la logique partisane autour des enjeux de pouvoir et favorisent les comportements iniques comme le favoritisme sur la base de l’appartenance politique ; ce qui menace sérieusement le vivre ensemble et la stabilité de nos micro-états déjà menacés de l’extérieur.
Le contexte de la troisième alternance électorale et les perspectives du nouveau régime en matière de refondation commandent des ruptures majeures dans le sens d’une révision audacieuse des règles, des institutions et des processus de représentation. La réflexion a été particulièrement menée dans le cadre de l’initiative citoyenne MESURe[7], notamment dans le document intitule « 64 Mesures pour un Sénégal souverain et solidaire dans la prospérité durable » qui propose des réformes en profondeur pour refonder les institutions, renforcer l’État nation et l’équilibre des pouvoirs, les moyens d’action des citoyens et la famille, l’unité sociale éducative de base.
Le système politique de la démocratie libérale qui favorise le clientélisme et les comportements de patrimonialisation et d’accaparement du pouvoir est mis en péril à travers une révision profonde de mode de représentation politique, notamment le choix des délégués -citoyens dans les instances de prise de décision et de délibération. Il s’agit de désigner les représentants du peuple au lieu de les faire élire. Mais également d’enlever les avantages pécuniaires liés à des fonctions de représentation non permanentes et non exclusives.
La question de la réduction des pouvoirs du président de la République et celle du procureur de la République sont aussi primordiales pour améliorer la gouvernance démocratique. L’équilibre des pouvoirs à travers le retrait de l’exécutif dans la gouvernance judiciaire et le renforcement des pouvoirs de l’Assemblée nationale pour lui permettre de jouer pleinement son rôle de contrôle de l’exécutif, de législation et d’évaluation des politiques publiques.
La gouvernance transparente et inclusive comme levier de mobilisation citoyenne
La mal gouvernance qui s’est manifestée ces deux dernières décennies à travers des actes de malversation, de fraude, de concussion, de corruption a une échelle industrielle est le principal fléau économique et social dont le Sénégal fait face. Devenus endémiques, la corruption et la concussion, ainsi que les actes de malversations sont largement documentés par les différents rapports des organes de contrôle, de vérification des finances publiques et de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent[8]. Cette situation est surtout entretenue et perpétuée au sein de l’administration publique par l’impunité c’est-à-dire l’absence de suivi et de sanctions efficaces sur les cas d’infraction financière relevés par les différents corps de contrôle.
Pour arriver à une véritable refondation de l’Administration publique et rendre efficiente l’action publique, particulièrement l’utilisation de la commande publique et la gestion des finances publiques, les nouvelles autorités devront accorder une attention particulière à la pédagogie de l’intégrité et à la répression rigoureuse des infractions financières.
La transparence qui est érigée en principe dans le préambule de la Constitution depuis 2001 est davantage réaffirmée par la reforme référendaire de 2016 qui consacre à travers l’article 25.1. que l’exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence pour générer la croissance économique et promouvoir le bien-être de la population.
Ce même article qui consacre les devoirs du citoyen constitue un levier d’inclusion et de mobilisation citoyenne à travers l’alinéa 25.3. qui interpelle le citoyen sur son devoir de contribuer à la lutte contre la corruption et la concussion ; faire respecter le bien public ; préserver les ressources naturelles ;…
Au sein de l’administration, la loi portant code de transparence des finances publiques reste l’instrument le plus indiqué pour installer le système d’intégrité comme solution à la corruption et la mal gouvernance des finances publiques. S’y ajoute la loi sur la déclaration de patrimoine pour endiguer l’enrichissement illicite et le renforcement des pouvoirs de l’OFNAC et du Parquet pour mieux traquer et sanctionner les délits financiers.
L’application stricte, équitable et rigoureuse du cadre juridique existant contribue à rétablir la confiance du citoyen par rapport à la force publique dans sa volonté de promouvoir la transparence et de mettre fin à l’impunité. Le processus lancé par le président de la république pour l’adoption d’une loi qui protège les lanceurs d’alerte est un acte qui peut favoriser l’implication responsable et dé-risquée des citoyens dans la promotion de la transparence et la demande de redevabilité.
A l’issue des cent premiers jours du régime du président Bassirou Diomaye Faye, il est noté un certain nombre d’actes posés dans ce sens notamment les directives insistantes en Conseil des ministres et la lettre présidentielle adressée aux agents de l’administration publique le 8 avril 2024[9] exhorte vivement les agents de l’État à adopter un comportement exemplaire et transparent dans l’exercice de leurs fonctions.
Les efforts peuvent être poursuivis pour rendre plus incisive la promotion de la transparence à travers le renforcement des instruments de redevabilité citoyenne active notamment à travers l’institutionnalisation d’un mécanisme transversal et horizontal, en composante d’accompagnement de la mise en œuvre des politiques publiques. Il s’agit de faire du modèle du pacte d’intégrité[10], une approche systématique de gouvernance des affaires publiques en impliquant les acteurs indépendants issus des organisations citoyennes et professionnelles et des universités dans tous les processus de prise de décision et de surveillance de l’action publique.
Lutter contre les résistances et pratiques réactionnaires
En matière de gouvernance, au-delà du cadre juridique, des institutions mises en place et des processus de prise de décision inclusifs, les pratiques des acteurs qui animent les systèmes constituent un élément déterminant dans l’intégrité du système. A cet effet, il est important d’accorder une importance capitale aux comportements des agents. Généralement, face à des reformes les acteurs dans le système développent des comportements de résistance face au changement. Les pratiques habituelles notamment celles qui entretiennent la corruption endémique et des facilités dans l’octroi d’avantages indus et d’accaparement du bien public, sont difficiles à combattre car basées sur une chaine de solidarité qui opère dans un cercle vicieux.
Toutefois, seules des mesures fortes et structurelles peuvent permettre de mettre fin à ces pratiques, notamment une politique audacieuse de modernisation de l’administration publique et une dématérialisation des procédures administratives et financières.
Les projets en cours à cet effet méritent d’être accélérés et mis en cohérence sous un leadership visible et affirmé au plus haut niveau de l’administration publique.
L’opportunité de la refondation : oser la révolution constitutionnelle
La troisième alternance intervenue au Sénégal après celle de 2000 et celle de 2012 qui avaient suscité des espoirs finalement déçus par les régimes de Me Abdoulaye Wade et puis de Macky Sall, se présente aux Sénégalais comme une nouvelle opportunité pour mettre définitivement fin à la mal gouvernance au profit du bien être des Sénégalais.
À cet effet et pour éviter une énième déception aux Sénégalais qui, du fait de leurs expériences avec les régimes précédents, ont fini de comprendre la puissance du pouvoir citoyen à travers le vote, une des impérieuses nécessités du régime en place est d’aller au-delà des reformes d’adaptation pour impulser une véritable refondation. L’ampleur des ruptures et changements radicaux à observer nécessitera certainement de larges concertations avec les différentes parties prenantes de la gouvernance pour une transformation structurelle profondément décisive de la constitution.
Le rapport général des Assises de la Justice tenues du 20 mai au 4 juin 2024 et présenté au président de la République le 7 juillet insiste sur le pouvoir indépendant de la justice et sur la nécessité de faire face au devoir de décolonisation juridique en changeant radicalement certaines pratiques et symboles et en mettant en place de nouvelles institutions. Le rapport qui prend en charge les différentes questions soulevées ces deux dernières décennies, notamment celles liées aux crises récentes entre 2021 et 2023 propose en réponse à la demande du président de la république un plan de réforme et de modernisation de la justice qui doit réparer et refonder pour aboutir à une institution forte, indépendante et républicaine, capable de préserver les droits fondamentaux et les libertés publiques et individuelles, renforcer l’État de droit, guider la démocratie et garantir la paix et la cohésion sociales.
Bien que le programme du président élu puisse proposer une série de réformes, celles-ci demeurent peu incisives et incomplètes. Elles manquent surtout d’aller en profondeur sur les véritables causes des problèmes de gouvernance notamment la pratique politicienne qui mobilise les partis politiques autour des enjeux de pouvoir et favorise une gestion partisane des affaires publiques. En effet, pour venir à bout du clientélisme politique qui constitue encore la cause de l’impunité et de la gestion népotique des ressources publiques à des fins de conservation du pouvoir, des mesures plus radicales s’imposent. Notamment la stricte séparation des pouvoirs avec plus d’autonomie du parlement et de la justice par rapport à l’exécutif. Également la mobilisation politique citoyenne est corrompue par les avantages pécuniaires et les privilèges exorbitants, pour un pays à revenus faibles, qui sont octroyés aux titulaires de fonctions publiques et parapubliques dont le recrutement est lié à l’engagement politique partisan. La promotion du mérite et l’ouverture transparente de la compétition aux différents postes publics peuvent constituer des palliatifs avant-gardistes face à la mal gouvernance et l’inefficacité de l’action publique.
Une lame de fond contre un système d’intégrité solide se trouve au niveau de l’organisation du système de la démocratie électoraliste qui alimente le clientélisme tel que mentionné plus haut et l’accaparement du bien public. Une rupture décisive qui pourrait améliorer la gouvernance de l’action publique consisterait à révolutionner le mode de représentation politique[11], en bannissant définitivement l’élection au suffrage universel direct des députés, des maires et du président. En effet, en permettant aux Sénégalais de choisir au lieu d’élire leurs représentants depuis l’échelle la plus proche à savoir le quartier et le village, les chances sont plus élevées de permettre aux citoyens les plus aptes, les plus engagés pour leur communautés et les plus intègres d’être choisis par leurs pairs-voisins pour les représenter au niveau des sphères qui en convergeant depuis les quartiers et villages vont constituer le spirale de prise de décision jusqu’à la désignation des conseillers municipaux et départementaux, des députés et du président de la république. Un tel système révolutionnaire permettra ainsi de démonétiser l’action politique partisane et de réduire considérablement les moyens engloutis dans les processus électoraux, mais surtout de réduire les risques de crises politiques souvent occasionnées par les échéances électorales et la compétition entre partis politiques autour des enjeux de pouvoir. L’adoption d’un tri-caméralisme homme/ femmes/jeunes depuis la nano représentation jusqu’à l’échelle nationale permettrait une gouvernance inclusive et une démocratie substantielle directe.
Elimane Haby Kane est analyste gouvernance et politiques publiques, président du think tank LEGS-Africa.
[1] Document de programme de la coalition Diomaye Président.
[2] Dont celles du mouvement Demain Sénégal, MESURe qui ont produit et publie des documents de propositions soumis aux différents candidats à l’élection présidentielle
[3] Dans une logique de refondation, le concept mériterait une définition précise à défaut d’être extrait du narratif de la rupture.
[4] Amadou Mahtar Mbow (dir.): Assises nationales. Sénégal, An 50. Bilan et perspectives de refondation. L’harmattan, 2011.
[5] Constitution votée par referendum le 20 Janvier 2001.
[6] Ndongo S Sylla et Fanny Pigeaud : De la démocratie en Françafrique. Une histoire de l'impérialisme électoral. Les cahiers Libres. La Découverte, 2023
[7] Mobilisation pour l’Engagement citoyen, la Souveraineté, l’Unité et la Refondation, une initiative citoyenne mise en place en février 2023
[8] Voir les différents rapports de l’IGE, IGF, Cour des comptes, OFNAC,ARMP, ARCOM, CENTIF
[10] Un pacte d'intégrité est un mécanisme de collaboration où les entités publiques, la société civile et les autres parties concernées s'engagent à renforcer la transparence et la redevabilité dans les processus de passation de marchés publics. Agissant en tant qu’observateur indépendant, une organisation de la société civile veille à ce que la réglementation applicable soit respectée et à ce que les risques de corruption soient pris en compte.
[11] Voir les recommandations de MESURe cites en référence plus haut.
par Abdou Fall
APRÈS LE TEMPS DES COLÈRES, LE MOMENT DU SURSAUT CITOYEN POUR UNE GOUVERNANCE DE RUPTURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Un basculement absolu en faveur d'un camp au détriment des autres blocs serait fatal pour la stabilité du pays. Une initiative du comité national des Assises en direction des blocs politiques en lice serait salutaire pour le Sénégal
La forte colère citoyenne qui s’est exprimée le 24 mars 2024 par un vote massif en faveur du candidat Bassirou Diomaye Faye au premier tour de l'élection présidentielle passée est un indicateur on ne peut plus tangible de l'irrépressible aspiration aux changements qui s'est emparée de notre pays depuis un quart de siècle.
C'est pourquoi il était naturellement attendu de l'actuelle équipe dirigeante que soient dégagées en priorité des perspectives claires de réformes de fond parmi lesquelles les questions institutionnelles devaient occuper une place prépondérante au regard des crises politiques récurrentes que le Sénégal a traversées pendant ces décennies qui marquent notre entrée dans le siècle naissant.
Avec le régime socialiste d’abord en 2000 et les pouvoirs libéraux qui ont suivi en 2012 et 2024, trois alternances politiques ont été opérées à la tête du Sénégal, toutes principalement marquées par une forte aspiration citoyenne à la rupture dans la gouvernance des affaires de la nation.
Tout le monde l'aura remarqué, les sujets majeurs du débat politique national depuis 2000 ont porté pour l'essentiel sur des enjeux de gouvernance.
Chacun des pouvoirs déchus pouvant se prévaloir dans une très large mesure d'un bilan plus que respectable en matière de redressement économique et financier pour les socialistes en 2000, de grandes réalisations dans la construction des bases infrastructurelles du développement économique et social du pays pour les libéraux en 2012 et 2024.
Sous ce rapport, les 12 ans de magistère du président Macky Sall auront été particulièrement féconds dans tous les domaines ;
Et c'est pourtant là que le changement aura été quasiment opéré sur fond d'insurrection électorale.
C'est la raison pour laquelle il était dans l'espoir de tous de voir la nouvelle équipe dirigeante sortie victorieuse de la présidentielle de 2024 se saisir de l'opportunité de la transition vers les législatives pour faire l'état des lieux de la gouvernance politique, démocratique, économique et sociale du Sénégal, négocier avec toutes les forces vives de la nation les termes d'un large consensus sur les réformes majeures à entreprendre au premier desquelles les chantiers institutionnels, et enfin ouvrir au pays la perspective d'une gouvernance rénovée.
Et au-delà du contexte national, le Sénégal aurait fait encore une fois figure de précurseur en offrant une nouvelle perspective à l'Afrique où la crise de l'État post-colonial, notamment dans l'espace francophone, entraine des errements dangereux avec des conséquences désastreuses dans la marche de nos institutions communautaires sous-régionales
A cet égard, les crises lancinantes de régime que traversent les pays dits de l'alliance des États du Sahel (AES) méritent une attention toute particulière de la part des hommes politiques et des intellectuels du continent, en particulier chez nous, objectivement enfermés que nous sommes dans une véritable ceinture de feu.
C'est pourquoi l'occasion aurait été belle aujourd'hui si on allait à nos élections législatives du 17 novembre prochain dans le cadre d'une démocratie apaisée et d’une profonde mise à jour des institutions du pays.
Étant entendu que la seule perspective politique qui vaille est celle d'une société réconciliée avec elle-même et d'une nation rassemblée pour relever le défi de sa sécurité qui, comme aimait à le répéter le Professeur Cheikh Anta Diop, est la condition et le préalable de toute politique réussie de développement.
Nous sommes bien placés pour beaucoup en savoir sur les souffrances indicibles que vivent actuellement les peuples des nations sous l'égide des états dits de l'AES.
C'est la raison pour laquelle il importe peu pour nous d’en savoir outre mesure sur les raisons qui ont pu justifier les logiques ayant en définitive prévalu pour conduire à cet état de tensions entretenues en permanence et qui continue encore de régner dans notre espace public six mois après la présidentielle de mars 2024 et à quelques six semaines des législatives du 17 novembre prochain.
Ce qui est établi et constant, c'est que cette transition aura été une occasion manquée par les nouvelles autorités du pays de jeter les bases d'un authentique renouveau démocratique.
C'est dans cette circonstance exceptionnelle de mutations politiques inachevées que se tiendront les législatives en vue dans les six semaines qui nous séparent de cette échéance capitale.
Je dois dire sans ambages, en ce qui me concerne , que je suis de ceux qui pensent qu'au regard des faits observés sur les six mois de la gouvernance de la nouvelle équipe dirigeante et de la montée en puissance des crises politiques que traversent le monde avec leurs impacts sur nos pays, la simple sagesse devrait commander que tous les hommes et femmes de bonne volonté se mobilisent dans un vaste sursaut citoyen en faveur de politiques de vastes rassemblements pour faire face aux grands défis de notre époque.
Nos responsabilités nous dictent de tout entreprendre pour éviter que ces tensions permanentes dangereusement entretenues se transforment en crises insurmontables pour notre pays.
Et sous ce rapport, la lucidité politique devrait nous commander à tous de travailler à la construction d'un rapport de forces qui rétablisse les équilibres entre les principaux courants politiques qui traversent le pays, afin que selon le bon mot Montesquieu, "par la force des choses, le pouvoir puisse arrêter le pouvoir ".
Un basculement unilatéral et absolu en faveur d'un camp au détriment des autres blocs serait à notre sens fatal pour la stabilité du pays, l'unité et la cohésion de notre nation et la préservation des équilibres entre les courants et forces de diverses natures qui traversent la société Sénégalaise dans son ensemble.
Quatre blocs majeurs se disputent à ce jour les votes des citoyens pour cette échéance capitale du 17 novembre prochain.
L'issue de ce scrutin va déterminer dans une très large mesure la configuration des forces en charge de la gestion de notre statut nouveau de pays pétrolier et gazier dans un environnement de crises politiques et sécuritaires jamais vécues dans notre espace sous-régional.
Un tel contexte doit appeler de notre point de vue la hauteur et la sérénité d'une gouvernance de responsabilité que tout le monde sait incompatible avec une ambiance délétère de crispations, de tensions, de convulsions, de menaces et de controverses permanentes, sans retenue et totalement contreproductives.
C'est donc le moment, de ce point de vue, pour que toutes les communautés représentatives de la nation sénégalaise dans sa diversité et toutes les personnalités de bons conseils de rappeler aux acteurs politiques que notre pays ne saurait être livré à leur merci, quels que soient par ailleurs les mérites et talents des uns et des autres.
Il n'est établi nulle part que pouvoir leur est donné de disposer du droit exclusif de décider du sort de tous selon leurs ambitions de pouvoir au risque d'exposer le pays dans son ensemble à tous les périls possibles et imaginables.
En démocratie, majorité n'est pas unanimité !
Maître Babacar Niang aimait à rappeler : " la démocratie, c'est le gouvernement de la majorité, dans l'intérêt général et dans le strict respect des droits de la minorité ".
On est par conséquent dans le temps du sursaut citoyen, républicain et démocratique pour le retour aux fondamentaux d'une nation riche de sa diversité et forte de son unité, d'un peuple fier, travailleur, libre et confiant en lui-même, d'une société juste et solidaire, enfin d'un régime politique tournant définitivement le dos au pouvoir personnel sans partage et à l'exercice solitaire du pouvoir.
C'est sur la base d'une telle plate-forme qu'un vaste mouvement citoyen, républicain et démocratique doit construire un référentiel à soumettre à la classe politique dans son ensemble.
Il s’agit, à partir de là, de créer un rapport de force politique qui redistribue les rôles dans les différentes institutions du pays afin d'en garantir les équilibres entre les principaux courants qui traversent l'espace politique national.
Le 17 novembre prochain, le salut du Sénégal est dans le triomphe d'un vote de rééquilibrage entre les courants majeurs en lice dans le cadre de ce scrutin exceptionnel.
La configuration du prochain parlement devra rendre incontournable le cadre d'un dialogue qui s'imposera le moment venu à tous afin que soient renégociés les termes d'un pacte politique et social renouvelé autour d'un nouvel ordonnancement institutionnel qui exclut le pouvoir absolu d'un camp sur l'autre tout en garantissant un fonctionnement institutionnel à l'abri des vices des démocraties perverses.
Après la fièvre du 24 mars, le scrutin du 17 novembre devra être celui de la sérénité devant déboucher sur le salut d'un dialogue entre les quatre principaux blocs en lice dans ce moment exceptionnel de la vie politique du Sénégal.
Cette tendance lourde vers les grands blocs politiques, tout en reconnaissant aux autres entités en lice leur droit légitime à porter leur projet et afficher leurs ambitions, est le signe précurseur d'une perspective de recomposition politique de nature à donner lisibilité et cohérence dans l'espace démocratique du Sénégal.
Le bloc Pastef du duo Diomaye/Sonko, celui de Sàmm sunu kaddu avec le trio Khalifa Sall, Barthélémy Diaz, le PUR de Serigne Moustapha Sy et les jeunes leaders dits radicaux, la coalition Jàmm ak Njarin̈ autour d’Amadou Ba avec ses alliés de l'AFP, du PS et des partis de gauche et enfin le regroupement de presque toute la famille libérale wadiste dans Takku wallu Sénégal autour du président Macky Sall et de l'APR avec Karim Wade, Idrissa Seck, Pape Diop, Omar Sarr, Modou Diagne Fada, Abdoulaye Balde et les autres, il se dessine là quatre courants majeurs à partir desquels il devient possible de construire un dispositif cohérent de régulation du jeu politique.
Il devient difficilement envisageable dans le cadre d'une telle configuration l'émergence d'une force hégémonique capable de dicter à elle seule sa loi dans le cadre d'une représentation nationale ainsi configurée par le vote citoyen.
Ces quatre principales forces dignement représentées dans la future Assemblée, sans l'exclusion des autres listes donneraient la chance exceptionnelle au Sénégal d'une démocratie de compromis qui est dans les circonstances historiques actuelles la seule voie d'une gouvernance apaisée, stable et durable du pays.
Nous nous attacherons naturellement en ce qui nous concerne à porter en toute modestie la voix de ces réformes de fond dans le cadre du programme de législature de la liste Takku Wallu Sénégal placé sous le leadership du président Macky Sall.
C'est par conséquent le moment d 'inviter à un large consensus de tous les acteurs sur les exigences d'une gouvernance rénovée de nos institutions dans le sens de réconcilier gouvernants et gouvernés et dans le cadre d'une vision qui place le citoyen au cœur du projet de construction national .
Il convient de toujours rappeler à cet égard que le développement d'un pays, c’est certes l'affaire de l'État et des dirigeants, mais c'est aussi et surtout l'affaire des peuples et des organisations populaires.
Et ce moment où le monde entier célèbre la disparition de la figure exceptionnelle de Monsieur Amadou Moctar, le Sénégal ne lui rendrait meilleur hommage que de répondre à son appel constant en faveur de la cause qui a incarné le dernier grand combat de sa vie, la rénovation institutionnelle de notre pays.
Une initiative du comité national des Assises soutenue par toutes les forces républicaines et démocratiques du pays en direction des blocs politiques en lice serait salutaire pour le Sénégal si elle débouchait sur un pacte d'engagement de tous pour des réformes institutionnelles actées pour être traduites en lois constitutionnelles au sortir des élections législatives du 17 novembre prochain.
Abdou Fall est ancien ministre, président du Mouvement Alternatives Citoyennes Andu Nawle.
Par Mohamed GUEYE
FINANCES PUBLIQUES, AU-DÀLA DES CHIFFRES
Il faut croire que ce sera la faute de ce pillard de Macky Sall si le Sénégal ne sait pas encore en ce moment, de quel budget va disposer son Etat l’année prochaine. Une situation parfaitement inédite depuis Senghor
En 2012, face à la perspective d’une défaite électorale qui le menaçait, Abdoulaye Wade avait prévenu que s’il perdait le pouvoir, il ne garantissait pas que les salaires puissent être payés dans les deux mois suivants. Et de fait, dès sa prise de fonction, Macky Sall a dû se rendre en France de toute urgence. On a appris, à la suite d’un communiqué, que le Président français Sarkozy a accordé au Sénégal une aide budgétaire de près de 180 millions d’euros pour permettre, entre autres, de payer des salaires.
Autre flash-back. Fin 2023. Quelques mois avant la fin de son second mandat, Macky Sall décide d’augmenter des salaires de l’enseignement public, de l’élémentaire au supérieur. Ce qui représente une grosse enveloppe de plusieurs milliards par année.
En ce moment, si l’on en croit les annonces faites la semaine dernière par le gouvernement, à la tête duquel le Premier ministre, le pays était déjà au bord de la banqueroute. Où Macky Sall et ses ministres trouvaient-ils l’argent pour payer tous les fonctionnaires chaque mois ?
Pire encore, ou mieux, ces faussaires ont trouvé le moyen de laisser plus de 300 milliards de Cfa dans les caisses de l’Etat en partant, comme indiqué dans le communiqué du Conseil des ministres. Une chose que le régime de BDF n’a pas démentie. Et pour montrer leur force, c’est à partir de leurs données et leur bilan que le régime actuel a pu lever plus de 450 milliards de Cfa d’eurobonds, même si à ce jour, on n’en connaît pas encore l’utilisation, étant donné que l’Assemblée nationale n’a pas eu le temps de voter une Loi de finances rectificative (Lfr) qui devrait intégrer cet argent dans le budget de cette année.
Parlant de budget d’ailleurs, il faut croire que ce sera la faute de ce pillard de Macky Sall si le Sénégal ne sait pas encore en ce moment, de quel budget va disposer son Etat l’année prochaine. Une situation parfaitement inédite depuis Senghor. L’ennui est que, du fait de cette situation, les Sénégalais ne connaissent pas encore les orientations politiques et économiques que le nouveau régime veut imprimer au pays. Jusqu’à présent, on nous parle de souverainisme économique, sans nous en donner le contenu.
L’action la plus tangible est la remise en question des contrats avec les compagnies étrangères évoluant dans le secteur minier. Un ministre a déclaré que cela visait à s’assurer que les intérêts du pays étaient très bien protégés et que le Peuple profitait pleinement de ce qui lui revenait constitutionnellement. Il faut prendre acte de cette volonté, et souhaiter que les actes ne tournent à la Bérézina pour le pays. Cette remise en cause des contrats signés et des engagements de l’Etat pourrait éventuellement rendre plus frileuses les entreprises étrangères qui ont accepté de mettre plusieurs milliards de Cfa dans «l’aventure» pétrolière, les inciter à retenir leurs financements jusqu’à plus amples informations. Souhaitons que leur revue de ces contrats se fasse avec plus de sérieux que ce qu’ils avaient consacré à dénoncer la gestion du pétrole et du gaz sénégalais. Les gens n’ont pas oublié que l’actuel Premier ministre, alors dans l’opposition, avait pondu deux ouvrages pour dénoncer la gabegie et le manque de transparence du pouvoir de Macky Sall dans la gestion du pétrole sénégalais. Dans ses déclarations, il était allé, ainsi qu’un autre politicien, par ailleurs éminent diplômé de l’Ecole des Mines en France, jusqu’à affirmer, avec tout le sérieux de leur rang, que des bateaux étrangers venaient rôder la nuit autour des plateformes pétroliers du Sénégal pour charger du pétrole sénégalais qu’ils allaient vendre en Europe.
Ça, c’était près de 5 ans avant que la compagnie Woodside n’annonce la sortie de son premier baril, faisant ainsi taire les rumeurs mortifères.
Mais il est temps d’aller au-delà des chiffres et des débats de spécialistes des Finances publiques. Aujourd’hui que le Premier ministre et son gouvernement nous annoncent, avant la Cour des comptes, que tous les calculs sur lesquels se basent les chiffres de nos performances économiques sont falsifiés, on est impatients de savoir comment ils vont redresser la barre. Toutefois, on peut estimer, avant la publication annoncée du fameux «Projet» la semaine prochaine, qu’ils ne devraient pas y avoir beaucoup de problèmes s’ils s’en tiennent à leurs déclarations d’avant l’arrivée au pouvoir. N’ont-ils pas basé leur postulat sur une économie d’auto-production ? Le Président Faye avait même déclaré vouloir relancer une industrie de substitution des importations. C’est sans doute pour cela que la dégradation de la notation du Sénégal ne les dérange pas trop. Ils ne doivent pas non plus être particulièrement choqués de voir des filiales étrangères quitter le pays. Le problème est de trouver des champions locaux qui prendraient leur place. Ou même mieux, qui vont investir dans des secteurs encore plus en pointe que ceux qu’occupaient les exploitants étrangers. Une très bonne idée, mais qui ne pourra être jugée que lors de sa mise en œuvre.
Dans ce domaine aussi, l’une des leçons à retenir est qu’un cordonnier ne peut se transformer en maroquinier du jour au lendemain. Un négociant en linge ne peut non plus devenir constructeur automobile en une quinzaine de jours. Si l’on veut promouvoir des entreprises à partir de la coloration politique de leurs dirigeants, on va diriger le pays vers un retentissant échec. Or, le Sénégal n’a pas de temps à perdre à des tâtonnements. La promotion de champions nationaux est quelque chose de très important et ne peut se baser sur les affinités que les dirigeants ont avec certains prétendus «capitaines d’industries». Tout le monde sait qu’au Sénégal, ils ne sont pas vraiment nombreux.
Le gouvernement a eu le temps, depuis sa prise de fonction, de se rendre compte que les déclarations d’avant les élections ne permettent pas de préserver ou de nourrir une popularité politique. La jeunesse sénégalaise notamment, souffre d’un mal-être qui ne se contente plus d’intentions. L’armée de chômeurs qui frappe à ses portes ne va pas regarder encore pendant longtemps des copains se partager le gâteau de l’Etat avec des coquins dont le mérite est d’avoir été parmi les plus bruyants lors de la traversée du désert. Il est passé le temps où l’on pouvait impunément rejeter toutes les fautes sur l’ancienne équipe et penser s’exonérer de toute faute.
Le Premier ministre a pensé qu’il lui suffisait d’affirmer avoir trouvé des données trafiquées pour gagner des mois de patience et d’indulgence pour son équipe. Il oublié uniquement que s’il a été élu, ainsi que son président, c’est pour avoir dit qu’ils avaient un «projet déjà tout ficelé» et qui n’attendait que sa mise en œuvre. Comparaison n’étant pas raison, on pourrait néanmoins rappeler au Président Diomaye Faye que Macky Sall avait dû, quasiment dès son arrivée au pouvoir, patauger dans les eaux à Sicap Foire ou Nord Foire, et dans la Zone de captage, et régler le problème. Il ne s’est pas défaussé en prétendant que ce n’était pas «son hivernage». Et même après, il ne s’est pas plaint que des saboteurs s’en prenaient à des ouvrages d’évacuation, comme à Keur Massar, pour des motifs politiciens.
Il en est de même des denrées de première nécessité, du loyer ou du tarif de l’électricité. Bien loin de vouloir se faire l’avocat de la gouvernance de Macky Sall, on peut affirmer que les premières mesures de sa gouvernance, même empreintes de populisme, ont été très efficaces, et toute la population y a adhéré, à la notable différence de propriétaires d’immeubles, ce qui est tout à fait compréhensible. Actuellement, il suffit de faire un tour sur les marchés du pays pour se demander par quel miracle certains de nos compatriotes parviennent à survivre. De même, avec cette rentrée scolaire qui n’est pas celle de Benno ou de l’Apr, comment les parents de familles nombreuses parviennent à satisfaire les besoins de leurs enfants ?
Avant de chercher à convaincre les Sénégalais qu’ils détiennent avec leur équipe, les clés du développement de ce pays, les dirigeants de ce pays devraient d’abord, et en toute urgence, se pencher sur leurs concitoyens. Les promesses qu’ils se préparent à faire au cours de cette campagne électorale devraient être concrétisées le plus vite possible
SECOUSSE DANS LES PARTIS ET COALITIONS
Des démissions en cascade secouent les rangs de l'APR, du PDS et de Taxawu. De Thiès à Kaolack, en passant par Rufisque et Mbacké, les dirigeants locaux expriment leur mécontentement face aux investitures
La publication des listes a créé une secousse au niveau des formations politiques. La tête de liste de la coalition d’Amadou Ba dans le département de Thiès démissionne. A Kaolack, le PDS est en train de subir une saignée. C’est le cas également à Rufisque où le maire Dr Oumar Cissé a tourné le dos à Taxawu et Angélique Manga fustige sa position (32e) sur les listes de Takku Wallu.
Suite à la publication des listes, le responsable politique Thiessois Abdoulaye Dièye choisi pour diriger la liste départementale de la coalition Jam Ak Njariñ de Amadou Ba a tourné le dos. Le président du mouvement Siggi Jotna a démissionné parce que, dit-il, Amadou Ba n’a pas voulu aller en inter coalition dans le département de Thiès comme convenu.
L’Alliance pour la République (APR) risque de payer un lourd tribut suite à la publication des listes pour les élections législatives du 17 novembre. Après Diouf Sarr, c’est au tour de l’ancien ministre Aminata Angélique Manga de fustiger sa position sur les listes pour les législatives. Investie à la 32e position, elle est montée au créneau pour dénoncer cette forfaiture. D’après le porte-parole de ses militants et sympathisants Mamadou Ba, l’ancienne ministre Aminata Angélique Manga menace même de quitter l’APR dans les jours à venir à cause des investitures qu’elle qualifie de manque de considération dont elle est victime. Il renseigne aussi qu’elle pourrait également suivre son chemin.
Le Parti démocratique Sénégalais (PDS) est en train aussi de subir une saignée dans la zone centre, précisément à Kaolack. En effet, le président de la fédération départementale de Kaolack et non moins président des ferrailleurs exportateurs du Sénégal et président du Grand mouvement pour le développement du Sénégal, vient de tourner le dos au parti libéral. Cette décision qui est tombée à quelques encablures des législatives anticipées 2024 va à coup sûr impacter le PDS. « À partir d’aujourd’hui, j'ai décidé de quitter le PDS en parfaite entente avec la responsable des femmes de la section communale de Kaolack, Mariama Sène, la présidente des femmes de la commune de Ndoffane, Mame Sèye Ndoye, et le responsable des jeunes de la commune de Keur Socé, Serigne Thiam Niass et les 29 secteurs du PDS que j’ai installés dans le département », a-t-il déclaré.
Les raisons de cette décision, poursuit-il après mûre réflexion, sont en phase avec l’opinion de la base et ont surtout été causées par des responsables du parti libéral qui ne ménagent aucun effort pour me pousser à la sortie depuis mon compagnonnage avec le leader de BBY, Amadou Bâ, lors de la présidentielle 2024.
Cette même situation est également constatée chez Khalifa Sall où Dr Oumar Cissé, maire de la ville de Rufisque et ex-députe de la 14e législature, a claqué la porte. « Mes divergences avec les camarades de la direction de Taxawu étaient plus profondes que je ne le pensais. Malgré ma posture de président de la Conférence des leaders, je n'ai pas pu faire adopter cette voie citoyenne à la direction de Taxawu. Face à ce constat, j'avais décidé de ne pas figurer sur les listes pour les législatives. Aujourd'hui à l'évidence, Taxawu a franchi un autre seuil en co-animant une inter-coalition avec l’APR. Il y a encore quelques semaines comme ce fut le cas deux années durant, à l’unisson avec les députés issus de Pastef, nous de Taxawu contrions les parlementaires de BBY dans leurs tentatives de faire adopter les politiques etlois pernicieuses du régime de Macky Sall. Aujourd’hui, il nous est proposé de nous unir avec les ex-députés de l’APR pour contrer les politiques et lois préconisées par les nouvelles autorités issues de Pastef avec lesquelles nous avons cheminées. C’est incohérent, inexplicable et indéfendable. Je ne vois pas la politique comme un simple moyen de garantir des positions de pouvoir en piétinant la morale, la vertu et l’éthique », a-t-il expliqué.
A Mbacké également, en consultant la liste de «Takku Wallu Sénégal» qui regroupe plusieurs partis politiques dont l’Apr, un constat s’impose :tous les grands leaders du parti du président Macky Sall à Touba ont été écartés. En effet, mis à part Serigne Modou Bara Dolly qui dirige la majoritaire départementale, aucun de ses responsables connus n’a été choisi. On ne les voit nulle part, ni sur la départementale, ni sur la nationale.
Abdou Lahad Seck Sadaga, ancien député et 1er leader politique à avoir représenté l’APR dans la cité religieuse, voit à travers cette décision «un message très clair». Pour lui, certains veulent décidément le jeter à l’abattoir. « Je reste attaché au président Macky Sall. Nous ne sommes pas liés par la politique. Par conséquent, je lui renouvelle mes amitiés et compte les protéger. Toutefois, nous avons constaté qu’aucun leader de l’Apr de Touba n’a été investi. Ceux qui ont été mandatés ont choisi et ils se sont choisis et ont choisi leurs amis, préférant nous écarter. Nous avons pris acte de ce choix que nous considérons comme un affront. Ils ont pris leurs responsabilités, nous prendrons les nôtres ».
LA JUSTICE SUR LES TRACES DE HAUTS RESPONSABLES
Amadou Ba, Amadou Sall, Farba Ngom et Abdoulaye Daouda Diallo sont soupçonnés d'être impliqués dans un vaste scandale foncier. Le parquet de Dakar a décidé d'ouvrir une enquête sur l'opaque affaire des terrains de la Boa
Amadou Ba, Amadou Sall, Farba Ngom et Abdoulaye Daouda Diallo semblent être dans de beaux draps. Et pour cause, le parquet de Dakar a ouvert une série d'informations judiciaires contre eux dans l'affaire des terrains de la Boa.
Ça sent mauvais pour l’ancien Premier ministre Amadou Ba, le fils de l’ex chef d’État, Amadou Sall, Farba Ngom et Abdoulaye Daouda Diallo. D’après Confidentiel Dakar, le parquet de Dakar ouvre une série d'informations judiciaires contre eux. «Selon des informations obtenues par Confidentiel Dakar, le procureur de la République a demandé d'ouvrir une enquête dans l'affaire des terrains de la Boa. Le maître des poursuites voudrait savoir dans quelles conditions une vingtaine de Société civile immobilière (Sci) ont bénéficié de plusieurs dizaines de terrains. Les enquêteurs devront déterminer s'ils ont des liens avec l'ancien premier ministre Amadou Bã ou l'ancien président du Conseil économique et social, Abdoulaye Diallo», renseigne nos confrères.
En réalité, ajoute Confidentiel Dakar, «l'enquête devra déterminer si le député Farba Ngom est le prête-nom d'Amadou Ba. Pour le fils de l’ancien président de la République, l'enquête devra déterminer ou non s'il est en lien avec une réputée société de Btp dirigée par une célèbre dame sur la place de Dakar».
Il faut rappeler que suite à une recrudescence préoccupante des litiges fonciers ces dernières années, le ministère des Finances et du Budget avait donné l’ordre en avril dernier de suspendre provisoirement l'instruction des dossiers domaniaux et fonciers dans certaines zones géographiques sensibles. La mesure prise par le Directeur général des Impôts et des Domaines ciblait 18 zones. Il s'agit du « lotissement BOA, lotissement Hangar Pèlerins, lotissement Recasement 2 – Aéroport Dakar, lotissement EGBOS sur la VDN à Dakar, lotissement EOGEN 1 et EOGEN 2», mais également du «site de Batterie à Yoff», du «site de Terme Sud Ouakam», du «Pôle Urbain de Diacksao – Bambilor sur le TF 11 651/R», du «Pôle Urbain de Déni sur le TF 14 337/R», du «site de Pointe Sarène pour la zone hors SAPCO», du «lotissement de Ndiobène Gandiol sur le TF 138 à Saint-Louis…»
«Les hautes autorités estiment nécessaire d'établir une situation exhaustive du foncier dans ces zones à risque, où la paix sociale est menacée par des conflits en cours ou à venir. Au niveau des bureaux de recouvrement, toute demande d'enregistrement de baux ou d'actes de vente dans ces zones est également suspendue», indiquait une note confidentielle. Selon le document, cette mesure vise à préserver les droits légitimes des particuliers.
LES DÉFIS DE LA SONAGED
Si la Sonaged invite les populations à plus d’investissement dans les actions de nettoiement, elle s’engage aussi dans les actions de prévention et de sensibilisation citoyennes.
Si la Sonaged invite les populations à plus d’investissement dans les actions de nettoiement, elle s’engage aussi dans les actions de prévention et de sensibilisation citoyennes.
Après six éditions de mobilisation sociale, Khalifa Ababacar Sarr, le Directeur général de la Sonaged, a fait, lors de la journée Setal sunu rew, un bilan à mi-parcours de ces journées qui visent à rendre le pays propre. Selon lui, le bilan est satisfaisant, même s’il a invité tous les responsables des régions, les services régionaux déconcentrés et décentralisés, à travailler avec la Sonaged. «Nous en sommes à la 6ème édition, le mot d’ordre c’est quand même dire aux gens que ce qu’on vient faire avec vous, c’est pour vous. Donc, je saisis l’occasion pour lancer un appel à toutes les agences, les directions, tous les services de l’Etat à soutenir la Sonaged. Setal sunu rew, on l’a lancé en pleine année, donc cela n’a pas fait l’objet d’un budget. Nous avons quand même essayé un peu d’articuler pour pouvoir nous en sortir avec nos ministres de tutelle. C’est l’occasion de dire aux populations de se renforcer davantage et de répondre à l’appel de la priorité nationale que constitue la salubrité publique», explique Khalifa Ababacar Sarr.
Il rappelle que le Sénégal est à l’ère «de la valorisation de toute la chaîne des déchets». «Nous devons penser que les déchets ne sont plus une contrainte, mais un atout pour créer de la richesse. A l’heure même où on parle de pétrole, les dérivés du pétrole, on va saisir ces déchets pour les transformer en valeur et en richesse pour la Nation sénégalaise», dit le Directeur général de la Sonaged. Il indique que Setal sunu rew est une excellente occasion de remobiliser les troupes à la base et un moment de mobilisation de toutes les forces vives de la Nation. «Tout le monde se mobilise comme un seul homme pour aider à rendre propres les espaces, surtout en ces temps avec l’ouverture des écoles, les espaces de travail scolaires. Nous avons mobilisé plus de 5000 agents sur toute l’étendue du territoire national avec autant de matériels. Nous avons constitué aujourd’hui une banque de matériels pour tous. Et tous nos coordonnateurs des 14 régions l’ont fait et aussi les coordonnateurs des départements», souligne M. Sarr
Pour mieux sensibiliser la population à rendre propre le Sénégal, le Directeur général de la Sonaged insiste sur la devise de sa structure «La propreté partout, pour tous et par tous». «Aujourd’hui, au Sénégal, on a édifié aussi une coordination département au sein de la Sonaged qui se focalise uniquement sur la sensibilisation pour éveiller les consciences. Dans le lycée Demba Diop de Mbour, on pourrait avoir une unité de compostage, peut-être pour faire travailler les élèves dans l’éco-citoyenneté, l’éco-geste et l’éco-responsabilité. C’est ça aussi notre credo de ne pas passer nettoyer et laisser pour demain. Nettoyer c’est bien, mais ne pas salir, c’est mieux. Donc, ce sont des choses qu’on veut bien pérenniser», parie-t-il.
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MACKY SALL PRIS À PARTIE DANS UN AVION
Une altercation a éclaté lundi 7 octobre à bord d'un vol de la Royal Air Maroc, impliquant directement l'ex-président, son épouse et Mme Kamara. Cette dernière aurait en effet interpellé M. Sall en lui demandeur : "Pourquoi avez-vous tué nos enfants ?"
(SenePlus) - Un vol Casablanca-Paris de la Royal Air Maroc (RAM) a été le théâtre d'une confrontation inattendue entre l'ancien président du Sénégal, Macky Sall, son épouse et une passagère sénégalaise, Aïssa Kamara. L'incident, qui s'est déroulé le 7 octobre 2024, a conduit à l'arrestation de Mme Kamara et à son passage devant un juge.
Selon les témoignages recueuillis, une vive altercation a éclaté à bord de l'appareil, impliquant directement l'ex-chef d'État, son épouse et Mme Kamara. Cette dernière aurait en effet interpellé M. Sall en lui demandant : "Pourquoi avez-vous tué nos enfants ?" Face au mutisme de l'ex-chef d'État, c'est son épouse, Marème Faye Sall, qui aurait réagi vivement, déclenchant un échange d'insultes entre les deux femmes.
La situation s'est rapidement dégradée avec l'intervention des gardes du corps et d'accompagnateurs, créant une agitation à bord. Mme Kamara a finalement été débarquée de l'appareil, apprenant par la suite qu'une plainte avait été déposée contre elle.
Face à cette situation, la ministre de l'Intégration Africaine et des Affaires Étrangères du Sénégal a réagi rapidement en mobilisant les représentations diplomatiques sénégalaises au Maroc. L'Ambassadeur du Sénégal à Rabat et le chargé d'affaires du Consulat général à Casablanca ont reçu pour instruction d'apporter une assistance juridique à leur compatriote.
Après son passage devant le juge le jour même, Mme Kamara a pu recouvrer sa liberté. L'Ambassade du Sénégal à Rabat a confirmé dans un communiqué que la ressortissante sénégalaise a été autorisée à poursuivre son voyage.
ABATTOIRS, LA NÉCROPOLE AUX MILLE SECRETS
Mouhamadou Nissire Sarr et Adama Aly Pam dépoussièrent l'histoire du cimetière des abattoirs dans une communication passionnante. Leur propos démontre l'importance capitale de ce site pour comprendre l'évolution sociale et politique de Dakar
Le Prof. Mouhamadou Nissire Sarr et le Dr Adama Aly Pam offrent une plongée inédite dans l'histoire du cimetière des abattoirs de Dakar. Leur analyse méticuleuse révèle comment ce lieu, initialement créé pour des raisons sanitaires, est devenu un véritable panthéon national.
"Cimetière des abattoirs considéré comme un panthéon de Dakar
Synthèse des discussions
Le reportage sur le cimetière des abattoirs considéré comme un panthéon de Dakar parce qu’il abrite les dépouilles de beaucoup de dignitaires politiques (Blaise Diagne, Lamine Coura Guèye et religieux (La famille Tall, les mouquadams de Cheikh Seydi Hadji Maalick : El Hadji Pèdre Diop, originaire de Kharé, un village du Waalo ; Amade Diagne Dahira etc.) est le prétexte de cette synthèse. Il s’agit d’une bonne documentation pour écrire l’histoire des cimetières de Dakar (Sarr) ; un bon sujet sur l’histoire sociale, politique et la démographie (Mbow) parce que Russel a reconstruit la démographie de l’occident médiéval à partir des cimetières ; études qui allient à la fois technicité et originalité (Mbow). Le cimetière des abattoirs a été créé en 1922 par l’administration coloniale près de la ville dite indigène, dans le souci de mettre à l’abri la ville européenne des risques de contagion de la fièvre jaune qui décimait à l’époque les populations de Dakar (Pam). Il propose de consulter les séries H et P des archives nationales du Sénégal pour documenter les faits relatifs aux règlements liés aux sépultures et conditions d’inhumation lors des épidémies.
Le champ lexical des peuples qui habitent la Sénégambie est suffisamment riche pour désigner la mort, le cimetière, la tombe, les rites d’enterrement, le puits funéraire. Nous en avons énuméré une dizaine chez les Peuls : cehe, genaale, tulel, wakaldu, Wirto Benna, Baamulé, Janaysé (funérailles, enterrement), Wirnudé, Wirwirndé, Berdé ; chez les valafs, nous notons : sëg, janasé, Baamel, armeel. Selon Pam, « une interprétation audacieuse de sëg fait dériver l’expression du concept wërsëg (chance) de rituels autour des sépultures des ancêtres supposés accroître la chance. Faire le tour de la tombe, y faire des libations pour faire appel à l’intercession des ancêtres ». Le Pr. Thioub précise que « wërsëg, faire le tour des cimetières est une grande chance au lieu d’y entrer les pieds devant ». Il y a lieu selon Sarr de mentionner mar qui désigne à la fois la tombe et le rituel d’enterrement des guerriers. A ce propos, Pr. Mohamad Mbodj note que le « mar » serait plutôt un enterrement d’un guerrier garmi en position debout dans un endroit très isolé (pour éviter la profanation à des fins mystiques dit-on). Une pratique qu’on relève souvent chez les matrilignages royaux du Waalo. Les Seereer et les Soninkés ont également leurs propres lexèmes pour désigner, la mort, la tombe et les cimetières. Les différentes interventions ont fait apparaître les termes suivants : « Pooy » pour dire cimetière et « A pomboy » qui veut dire « tombe » (Faye) ; Michel Waly Diouf semble ne peut être du même avis que son collègue. Selon lui, dans toutes les contrées du Siin, Pooy renvoie à plusieurs tombes (les cimetières), tandis que A mboy désigne non seulement une tombe mais également peut renvoyer aux obsèques et aux monuments funéraires. Les Seereer emploient aussi le terme Armal qui désigne les cimetières (Kaling). Chez les Soninkés, les lexèmes varient d’une contrée à une autre. Nous relevons les termes Ka lagaru ou furu ngalu (dernières demeures) ; Kaburu ou kaburu so en bamana ; Xabura (la sépulture) ; kaburoo (la tombe) en langue mandingue de la Casamance. En pays diola, sidy note une influence certes mandingue mais ceux du Blouf ont gardé leur propre terminologie : foufok désigne la tombe et le cimetière, Fok signifie enterrer, Efok actionner d’enterrer, nom porté par certaines personnes de la Casamance. Les auteurs notent une possible contamination de ces différentes langues par l’arabe. Ce qui apparaît dans la transcription des termes tels Kaburu, janasé, Jeneysa qui sonnent plus arabes qu’africains.
Le cas des cimetières de Saint Louis a attiré l’attention du Pr. Bouba Diop. Il donne le nom du cimetière des pêcheurs qui a deux noms : Cemm (un titre du ganjool porté par le représentant du damel sous le règne de Lat Sukabe Ngoné Dièye) Caaka Njaay et celui de Sor Teen Jigeen Marmiyaal. Pour lui, chacun des termes mérite des études approfondies. Il propose la mise en place d’une équipe composée d’historiens, de géographes, de linguistes et d’archéologues pour une étude systématique sur la place des cimetières dans la vie quotidienne des Sénégalais. Il note un fait d’histoire sociale important « dans le faubourg de Sor, il y a un cimetière mixte où sont enterrés chrétiens et musulmans et peut être adeptes des religions ancestrales comme à Joal Fadiouth et Ziguinchor. Boubacar Niang s’inscrit en faux contre l’existence d’un cimetière islamo-chrétien dans sa ville natale. Il est témoin de profanation du cimetière catholique près de leur maison, où repose le Gouverneur Blanchot pour voler couronne de fleurs et coupes et en faire des enjeux de matchs de football. Il note que « leurs Serignes daaras leur obligeaient à leur désherbage annuel systématique, exercice plein de dangers ». Babcar Diagne précise que « les premiers cimetières de Saint Louis se trouvaient dans cette zone de la pointe sud et sur la langue de barbarie ». Pr. Babacar Diop revient sur la piste égyptologique ouvert par Sarr, à propos de mar, mr en égyptien ancien désignant la pyramide. Il propose un échange approfondi sur le cas des cimetières mixtes à Saint Louis en consultant les familles Traoré et Dansokho qui habitent Pomu Khor. Il affirme avoir pris des photos du cimetière de Sor où étaient enterrés beaucoup de personnes décédées lors de l’épidémie de la fièvre jaune de 1878. Il s’était intéressé aux épitaphes qui lui auraient permis de reconstituer les noms malheureusement ce cimetière a été rasé et les ossements transférés. Boubacar Niang confirme que « sur l’histoire des cimetières à Saint Louis, le Pr. Bouba Diop peut beaucoup contribuer à nous renseigner sur leur origine, leur emplacement, leur déplacement, leur dénomination et surtout la politique coloniale en la matière ». Il confirme que le cimetière où reposait le fils indigène de Faidherbe a été rasé dans les années 90 et transformé en terrain de football nawétane. Il suggère que la lutte contre les épidémies et les politiques sépulcrales au temps colonial soit un passionnant sujet de recherche. Pam nous informe que « le journal apostolique de Dakar, Joal dans les années 1860, tenu par Aloyse Kobes est une source très intéressante sur les épidémies, l’évangélisation dans la zone, rangé sous série 2Z ». Le pays des morts est localisé dans le cimetière. En pulaar, il est appelé Wompou. Il est situé à l’Ouest. L’accès à ce pays est adossé à l’exécution effective des rites. Les techniques d’indentifications des morts ont également intéressé les différents intervenants. On leur fabrique des pierres tombales placées au niveau de leur tête, sur lesquelles on inscrit leurs noms, les dates de naissance, de décès et probablement la profession exercée par le maître ou la maîtresse du tombeau. Ces pierres tombales sont essentielles pour ces genres d’étude (Pam). Il photographie quelques-unes familiales venant de son village Halwar. A côté de ces pierres, il relève des ossements qui effleurent avec des positions différentes des préceptes musulmans ce qui s’expliquerait soit par le caractère violent et massif dans lequel ses décès sont survenus (guerres ou épidémies) ou que les populations ne soient pas adeptes de la religion musulmane. Ces sépultures seraient donc des marqueurs chronologiques intéressants à étudier. Il a beaucoup insisté sur le traitement des corps en période d’épidémie. D’autres pierres tombales à inscription islamique ont été retrouvées au Mali entre Diongui et Tchikité. Elles sont actuellement en étude chez les Professeurs Sall et A. Dème. L’épigraphie, l’archéologie et l’anthropologie sociale sont des disciplines intéressantes pour interroger l’histoire de la mort et des pratiques funéraires en Afrique.
A la suite de ces débats, l’idée d’organiser un colloque a été suggérée par la Professeure Penda pour étudier la notion de purgatoire chez le chrétien du Moyen âge et le barsax musulman, d’autant que « la représentation de la mort est très vivace dans l’imaginaire du Moyen âge occidental et envisage la mort à la fois comme un transfert et une mutation, car le mort acquiert un nouveau lieu de résidence, une nouvelle nature et de nouveaux pouvoirs » (Diallo). Sarr propose d’élargir l’étude à l’Afrique ancienne et moderne en exploitant les pistes suivantes : Deuil et rites de mort ; Architecture et Espace funéraire ; l’eschatologie funéraire ; relation entre morts et vivants. Les intervenants, historiens, anthropologues et autres spécialistes, ont mis en lumière l'importance de ces lieux comme archives de l'histoire sociale, politique et culturelle du Sénégal.
Le cimetière des abattoirs : un panthéon dakarois
Importance historique: Le cimetière des abattoirs est présenté comme un lieu emblématique abritant les restes de nombreuses personnalités sénégalaises.
Intérêt scientifique: Les cimetières sont envisagés comme de véritables archives pour étudier l'histoire démographique, sociale et politique.
Création et fonction initiale: Le cimetière a été créé pour des raisons sanitaires, loin du centre-ville, mais est rapidement devenu un lieu de mémoire.
La diversité des pratiques funéraires au Sénégal
Terminologie: Une riche variété de termes en langues locales (peul, wolof, sérère, soninké) est utilisée pour désigner les cimetières, les tombes et les rites funéraires.
Rituels et croyances: Les pratiques funéraires sont liées à des croyances profondes sur les ancêtres et le monde des esprits et de la conception de l’au-delà.
Influences culturelles: L'arabe et d'autres langues ont laissé leurs traces dans le vocabulaire funéraire.
Les cimetières de Saint-Louis : un cas particulier
Histoire et diversité: Les cimetières de Saint-Louis présentent des particularités liées à l'histoire de la ville et à la coexistence de différentes communautés.
Cimetières mixtes: La question de la coexistence de sépultures chrétiennes et musulmanes est abordée.
Profanations et destructions: Les participants soulignent les dangers de la disparition de ces lieux de mémoire.
Perspectives de recherche
Il est proposé de réfléchir à l’organisation d’un colloque sur la thématique de la mort et des pratiques funéraires dans l’espace sénégambien.
Thèmes à approfondir: Deuil, rites funéraires, architecture funéraire, eschatologie, relations entre morts et vivants.
Méthodologies: L'interdisciplinarité est essentielle pour mener à bien ces recherches (histoire, anthropologie, linguistique, archéologie).
Sources: Les archives, les témoignages oraux, les inscriptions funéraires et les études ethnographiques sont autant de sources à exploiter.
Les cimetières sénégalais sont bien plus que de simples lieux d'inhumation. Ils sont des archives vivantes qui témoignent de l'histoire, des cultures et des croyances d'un peuple. Leur étude permet de mieux comprendre les sociétés passées et présentes."
Bibliographie indicative (à compléter)
Ouvrages généraux :
Balandier, Georges.Anthropologie politique. Paris : Presses Universitaires de France, 1958. Un classique de l'anthropologie qui aborde les questions de pouvoir, de société et de rituels, dont les funérailles, en Afrique.
Griaule, Marcel.Dieu d'eau. Paris : Gallimard, 1965. Une étude approfondie des Dogons du Mali, qui propose une analyse des croyances et des rites funéraires.
ARIES, Phillipe, L'homme devant la mort, tome 1, Paris, Seuil, 1977
Études spécifiques sur les rites funéraires :
DEVISCH Renaat, MAHIEU Wauthier de Mort, deuil et compensations mortuaires chez les Komo et les Yaka du Nord Zaïre, Musée Royal de l'Afrique Centrale - Tervuren – 1979 (Annales - série in-8, Sciences humaines - n° 56), 197 p.
Afrique de l'Ouest:
Diop, Cheikh Anta.Civilisation ou barbarie. Paris : Présence africaine, 1981. Une référence incontournable pour comprendre les fondements historiques et culturels des sociétés africaines.
Thomas, Louis-Vincent, Anthropologie de la mort, Paris, Payot, 1975, 540p.