VIDEOLE SÉNÉGAL A MANQUÉ D’AMBITION
Parmi ses milliers d’objets dans les musées français, le Sénégal n’a demandé que le sabre d’El Hadj Omar, alors que ses seuls biens personnels se comptent par centaines. Pour Felwine Sarr, cela reflète un manque d’ambition.
Le retour des œuvres d’art africaines pillées pendant la colonisation a été largement salué sur le continent. Le Bénin, par exemple, a demandé et obtenu la restitution de 26 œuvres, même si certains ont jugé ce nombre dérisoire au vu des milliers d’objets présents dans les musées français. Cependant, l’attitude de l’ancien régime sénégalais, dirigé par Macky Sall, semble encore plus étonnante : le pays n’a demandé qu’une seule pièce, malgré les milliers d’objets sénégalais conservés dans les musées français. Cela traduit, selon de nombreux observateurs, un manifeste manque d’ambition de la part des autorités sénégalaises d’alors. C’est le cas de l’universitaire Felwine Sarr.
Co-auteur avec Bénédicte Savoie du rapport sur la restitution des œuvres d’art africaines, Felwine Sarr rappelle que les biens appartenant à la seule famille omarienne à elle seule se comptent par centaines.
Un héritage artistique pillé et requalifié
Pour rappel, les musées européens, notamment français, abritent des dizaines de milliers d’objets d’art africains volés durant la colonisation. Ces œuvres contribuent au rayonnement culturel et artistique des pays européens, qui n’ont pourtant pas hésité, à une certaine époque, à qualifier l’art africain de « primitif » avant que bien plus tard, cet art ne soit finalement revalorisé et présenté comme « art premier ». (Cf « Le Cri de Picasso », ouvrage du diplomate congolais Jean-Luc Aka Evy qui explore cette évolution du regard occidental sur l’art negre. Cet ouvrage, présenté le 7 décembre à Dakar par Felwine Sarr et le Pr Ramatoulaye Diagne Mbengue, rappelle les contradictions européennes face à cet héritage pillé.
La responsabilité des pays africains
Si la France et d’autres pays ont pris conscience de la nécessité de restituer à l’Afrique son patrimoine, ce sont avant tout les pays africains qui doivent exprimer clairement les œuvres qu’ils souhaitent récupérer, comme le soulignait Felwine Sarr dans une autre entrevue.
Le Bénin a été le premier pays à demander et à obtenir la restitution de 26 œuvres. D’autres processus de restitution sont en cours dans divers pays africains, en collaboration avec d’anciennes puissances coloniales comme la Belgique et l’Allemagne. Une fois les cadres législatifs définis, cette dynamique devrait se poursuivre.
Cependant, pour beaucoup, il est surprenant que les demandes de restitution nécessitent des démarches expresses de la part des pays africains. Mais pour Felwine Sarr, c’est ce que cela va bien au-delà d’une simple restitution : il s’agit de négociations complexes, influencées par des rapports de force géopolitiques et géostratégiques.