VIDEONAZISME ET COLONISATION FRANÇAISE, LE PARALLÈLE QUI DÉRANGE
En comparant les massacres d'Oradour-sur-Glane aux exactions françaises en Algérie, Jean-Michel Aphatie a ravi un débat historique. Derrière la controverse se cache une question : la France est-elle prête à regarder en face ses zones d'ombre ?

Suite à la polémique déclenchée par les propos de Jean-Michel Aphatie sur RTL le mardi 25 février, comparant le massacre d'Oradour-sur-Glane aux actions de la France en Algérie, un débat plus large s'est ouvert sur les parallèles possibles entre nazisme et colonialisme français.
Le chroniqueur politique avait affirmé : « Chaque année en France, on commémore ce qui s'est passé à Oradour-sur-Glane, c'est-à-dire le massacre de tout un village. Mais on en a fait des centaines, nous, en Algérie. Est-ce qu'on en a conscience ? » Des propos auxquels Thomas Sotto avait tenté de s'opposer, avant qu'Aphatie n'insiste : « Les nazis se sont comportés comme nous nous l'avons fait en Algérie. »
Cette controverse médiatique s'inscrit dans un questionnement historique plus profond. L'histoire coloniale française, qui débute au 15ème siècle, révèle effectivement une dualité frappante : alors que la métropole évoluait vers un système républicain après la Révolution, les colonies restaient sous un régime autoritaire marqué par la ségrégation raciale.
Plusieurs historiens soulignent les violences perpétrées par des généraux français comme Thomas Robert Bugeot, responsable d'enfumades en Algérie, bien avant l'émergence du nazisme. Des spécialistes considèrent que le régime nazi a, d'une certaine manière, importé en Europe des méthodes de violence systémique précédemment appliquées dans les contextes coloniaux, notamment en établissant une hiérarchie raciale rigide.
Un point particulièrement sensible concerne l'après-guerre. Tandis que la France condamnait fermement les atrocités nazies, des massacres continuaient dans ses colonies, comme au Vietnam, à Madagascar ou en Côte d'Ivoire. Des réalisateurs comme René Vautier avaient tenté, dès 1950, d'attirer l'attention sur cette contradiction.
L'écrivain Aimé Césaire avait formulé en 1955 une analyse percutante de cette situation, suggérant que ce que l'Europe ne pardonnait pas à Hitler, c'était moins le crime contre l'humanité que d'avoir appliqué aux Européens blancs des méthodes jusque-là réservées aux peuples colonisés.
Si la comparaison entre crimes coloniaux et crimes nazis reste controversée, elle soulève néanmoins des questions essentielles sur la construction du récit national français. La vision binaire séparant les « méchants nazis » des « gentils Français » a longtemps permis d'éviter un examen critique du passé colonial français.
Les historiens s'accordent aujourd'hui pour reconnaître que les régimes coloniaux et le nazisme partageaient certains traits communs : autoritarisme, suprémacisme et violences systémiques. La question demeure : cette comparaison aide-t-elle à mieux comprendre notre histoire ou risque-t-elle de créer des équivalences simplistes entre des phénomènes historiques distincts ?
Cette polémique médiatique aura au moins le mérite de contribuer à un débat plus large sur la manière dont la France confronte son passé colonial, un processus essentiel pour une compréhension plus nuancée de l'histoire nationale.