BENOIT HAMON, LE DAKAROIS
Il est arrivé au Sénégal à l’âge de 8 ans. Son père travaillait pour la marine française. Il est allé à l'école au Cours Saint-Marie de Hann
Favori de la Primaire de la gauche française, Benoît Hamon a passé une partie de son enfance au Sénégal. Élève au Cours Sainte-Marie de Hann, du CE2 à la 5e, il a vécu dans cet établissement dakarois « dans un contexte où le religieux se mixait à la diversité sociale ». Explication du caractère généreux de son programme de campagne ? Slate.fr a tenté de comprendre.
Hamon comme Ségolène
Après Ségolène Royal, née à Dakar et candidate malheureuse en 2007 devant Nicolas Sarkozy, Benoît Hamon est bien parti pour insuffler à la présidentielle Française un soupçon du Sénégal. L’éphémère ministre français de l’Éducation nationale, qui a vécu quatre ans dans la capitale sénégalaise, est arrivé en tête du premier tour de la Primaire de la Gauche. Dimanche prochain, il affrontera l’ex-Premier ministre Manuel Valls pour le second tour.
À quatre jours de sa victoire (très probable selon les sondages), Slate.fr a fouillé son enfance au Sénégal pour chercher les fondements de son programme généreux. « Mais quelle influence a eu cette scolarité à Dakar dans la construction de l’homme politique qu’il est devenu aujourd’hui, à la fois défenseur d’une politique migratoire “’généreuse”’, d’un revenu universel versé à tous les citoyens ou partisan d’une réforme scolaire pour intégrer plus de mixité dans les établissements scolaires français ? » s’interroge le site français.
Hamon est arrivé au Sénégal à l’âge de 8 ans. Son père travaillait pour la marine française. Il a été inscrit au Cours Saint-Marie de Hann. « Dans cet établissement qui rassemble de nombreux locaux, mais aussi des fils et filles d’expatriés, des enfants de musulmans ou de chrétiens, des Libanais, Guinéens, ou Marocains, le futur homme politique y découvre surtout la mixité et la tolérance religieuse », relate Slate.fr. Qui met en avant le témoignage d’Albert Diatta, assistant de l’actuel directeur de l’école : « Le cursus met fortement l’accent sur cette valeur de tolérance. Pour les enfants, c’est un gage de qualité pour le futur. »
Hamon acquiesce : « C’est un établissement qui a été déterminant. J’y ai grandi dans un contexte où le religieux se mixait à la diversité sociale, me confie Benoît Hamon. Mais, il est difficile de dire exactement l’influence que cela a eue dans mon parcours politique par la suite. Quatre ans à Dakar, c’est à la fois beaucoup, car cela structure votre enfance, et peu dans une existence. Une vie se construit par étapes successives et dans la narration de la mienne je ne sais pas exactement qu’elle est la force de mon enfance à Dakar, mais cela a forcément eu un rôle dans ma construction en tant qu’homme. »
“’Touche pas à mon pote”’ me renvoyait au Sénégal »
Mais avant de toucher l’homme politique, ce séjour à Dakar a influencé le lycéen qui, dans les années 1980, s’engage pour la campagne de lutte contre le racisme lancée par Sos Racisme. « C’est vrai que la campagne “Touche pas à mon pote” me parlait parce que ça me renvoyait à mes années au Sénégal. (...) Je me suis engagé quand j’ai vu que dans mon lycée il y avait des badges du Front national qui circulaient et qui affirmaient “Touche pas à mon peuple” », se rappelait Hamon en 2016 sur Trappy Blog, repris par Slate.
À propos de la laïcité du député frondeur, Slate.fr a cherché à « savoir si elle a été modelée dans le terreau de son enfance sénégalaise ». Réponse de l’intéressé : « Au Sénégal, j’ai grandi dans un environnement religieux c’est vrai, mais aussi dans la tolérance. Ce que je défends en matière de laïcité, c’est un retour originel à la loi de 1905 qui est une loi de liberté et non de discrimination. »
Invité de la matinale de France Inter, le 23 janvier, il disait : « La laïcité n’a jamais été pensée comme un glaive contre une religion en particulier. La force de la loi de 1905 était de mettre aux deux pôles, d’une part, ceux qui voulaient que la loi religieuse pèse encore sur la loi des hommes et, d’autre part, ceux qui voulaient faire de la laïcité un instrument pour abattre les religions. La loi de 1905, c’est la coexistence des deux. »
Une référence au Cours Sainte-Marie
Benoît Hamon est retourné au Cours Sainte-Marie lors d’un voyage politique à Dakar, il y a quelques années. « Il tenait vraiment à passer, il était là avec beaucoup d’émotion », a confié à Slate Albert Diatta. C’était l’occasion de revoir défiler dans sa tête les souvenirs de ses années d’écolier au milieu de ses camarades de toutes les couleurs et venus de tous les horizons. Parmi ceux-ci, il y a Augustin Hoareau, aujourd’hui directeur de La 1re Martinique, la chaîne de France Télévisions sur l’île.
« Nous avons été plusieurs années ensemble à l’école, mais j’étais plus âgé que lui rembobine Hoareau pour le site français. Je devais avoir 15-16 ans et lui 9-10 ans. Mais on se côtoyait tous les jours car nos pères étaient tous les deux ingénieurs sur le port de Dakar pour la marine nationale. L’armée transportait ensemble les enfants de militaires à l’école. On prenait donc le même bus, le “bus bleu”. Comme ça se fait partout, “les grands” avaient l’habitude de se réserver les places sur la banquette du fond et de chasser les petits qui s’y installaient. Mais on avait toujours Hamon qui s’opposait à nous. Il trouvait ça injuste que les grands gardent ces places. Cela ne m’a pas étonné de le retrouver en politique plus tard (rire). Un jour il a même organisé un vote dans le bus pour savoir si les places du fond devaient être réservées aux plus grands. »
À l’heure où il cavale vers l’investiture de la Gauche, Hamon est érigé en modèle au Cours Sainte-Marie de Hann. « Depuis longtemps, nous informons chaque nouvelle génération d’élèves sur les célébrités qui sont passés ici avant eux, pour leur donner des références et leur montrer qu’avec le travail la réussite est possible. Aujourd’hui, nous leur parlons d’Hamon », révèle Albert Diatta. Qui sourit : « J’ai reçu un e-mail de responsables de l’école qui se gargarisent des résultats de la primaire. » En attendant de pouvoir peut-être jubiler à l’annonce de ceux de la présidentielle, au mois de mai prochain. Une marche plus élevée pour le « Boy Dakar » nommé Hamon.