À DAKAR, L'ESSOR DE LA CUISINE DE RUE
Du petit-déjeuner au casse-croûte nocturne, les vendeurs ambulants nourrissent la ville à toute heure. Cette tendance, autrefois réservée aux ouvriers, séduit désormais toutes les classes sociales
(SenePlus) - Dans un article intitulé "Dakar : la révolution de la street food", le journal Le Monde dresse un portrait saisissant de l'évolution de la restauration de rue dans la capitale sénégalaise. Cette tendance, devenue indissociable du mode de vie dakarois, témoigne d'une transformation profonde des habitudes alimentaires et sociales.
"Il ya une vingtaine d'années, manger dans la rue était réservé aux enfants et aux ouvriers", explique le géographe Malick Mboup au Monde. Aujourd'hui, la clientèle s'est considérablement diversifiée, incluant « les employés, les cadres pressés, les touristes et la petite bourgeoisie ». Cette évolution a même fait "reculer une vieille règle de politesse selon laquelle il est plutôt mal vu de manger dans la rue, à la vue de tous", souligne le chercheur.
L'offre s'est également enrichie, reflétant le cosmopolitisme de la ville. Des plats traditionnels comme le thieb côtoient désormais des créations hybrides et des spécialités importées. Comme le note Tamsir Ndir, chef et consultant, "La street food dakaroise, c'est la rencontre entre les tendances mondiales et le porte-monnaie du Sénégalais".
L'aspect économique joue un rôle crucial dans ce phénomène. Seydou Bouzou, un vendeur de dibi haoussa, peut gagner jusqu'à 10 000 francs CFA (15,40 euros) lors des bonnes journées. Pour de nombreux Dakarois, ces options abordables sont essentielles. "Dans beaucoup de foyers, on prévoit un repas par jour. Pour le reste, chacun se débrouille. Les collations entre 100 et 1 000 francs CFA permettent de manger plus d'une fois par jour", explique Ndir au Monde.
La street food est même devenue tendance, comme l'affirme Najma Orango, influenceuse sur les réseaux sociaux. Des initiatives comme le festival de la street food organisé par Tamsir Ndir depuis 2019 contribuent à cette valorisation. "La première année, des quinquagénaires qui avaient perdu le réflexe du repas dans la rue remerciaient les exposantes de leur faire redécouvrir le goût de leur enfance. Les beignets de rue, c'est du patrimoine", raconte-t-il.
Au-delà de son impact culturel, ce secteur représente une source d'emplois importante. Selon le journal, la street food emploierait entre 120 000 et 180 000 personnes au Sénégal, majoritairement dans le secteur informel. Malick Mboup explique : "C'est un moyen de démarrer une activité économique rapidement, avec un investissement minime, pour des retours d'argent souvent modestes mais rapides et quotidiens".
Ainsi, la street food à Dakar illustre non seulement une évolution des goûts et des habitudes, mais aussi une transformation économique et sociale profonde de la capitale sénégalaise.