DES OFFICIERS GENERAUX «RENVERSENT» LE POUVOIR DES CIVILS
Au cours d’un atelier tenu hier, en marge du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, des officiers de l’armée sénégalaise, à la retraite, ont croisé leurs regards sur les sources d’instabilités institutionnelles sur le continent noir.
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Au cours d’un atelier tenu hier, en marge du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, des officiers de l’armée sénégalaise, à la retraite, ont croisé leurs regards sur les sources d’instabilités institutionnelles sur le continent noir. Par ailleurs, ils n’ont pas manqué de préconiser des pistes de sortie de crise.
La crise institutionnelle notée en Afrique avec une série de coups d’Etat sonne comme un échec du pouvoir des civils. C’est le sentiment qui est ressorti hier des discussions du panel 4 de cette neuvième édition du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique qui a pour sujet : «Les solutions à l’instabilité pour une bonne gouvernance durable et effective. En effet, les panelistes s’accordent sur une chose. Les réflexions doivent être plus pragmatiques et réfléchir sur la crise institutionnelle.
Sous ce regard, le général en deuxième section, Talla Niang, se veut direct. Selon lui, la mauvaise gouvernance est la source de l’instabilité institutionnelle en Afrique. «La Bonne gouvernance est un concept inscrit dans toutes nos institutions. Mais on cherche cette bonne gouvernance et elle ne vient pas. C’est cette mauvaise gouvernance qui a conduit au Printemps arabe, à l’instabilité institutionnelle au Mali parce que c’est le peuple qui est descendu dans la rue et l’armée a ramassé le pouvoir, et a conduit aussi à ce qui s’est passé au Gabon. C’est cette mauvaise gouvernance qui amène une certaine situation au niveau du peuple, parfois exploitée par l’armée qui se croit obligée d’arbitrer ou de redresser des torts», a analysé l’officier général de l’armée sénégalaise à la retraite. Poursuivant sa réflexion, il tonne : «Qui sont les acteurs de la mauvaise gouvernance ? C’est vous les civils qui sont des élus ou qui sont nommés».
A cet effet, Talla Niang invite à une réflexion pour comprendre et limiter la mauvaise gouvernance civile. Le mécanisme d’évaluation par les pairs (Maep) est une belle approche, dit-il. Mais pourquoi elle n’a pas marché ? s’est-il interrogé. La cause, dit-il, c’est le fait qu’il n'y a rien de contraignant. «On devrait avoir un rapport annuel dans des forums où on discute pour pointer du doigt les mauvais élèves. Personne n'ose le faire. Parce que c’est entre eux que cela se passe», a regretté le Général Talla Niang. «Pour conquérir le pouvoir, les hommes politiques ont les meilleures intentions du monde mais à l'épreuve des réalités…»
Les notions de bonne gouvernance et démocratie, d’après le Général Babacar Faye, doivent être rapportées à l’épreuve des contraintes. «Au niveau mondial, s’est-on jamais interrogé sur la responsabilité de la gouvernance mondiale dans les crises qui surviennent dans les pays ? On dit souvent que c’est à cause des promesses électorales non tenues. Les Etats sont souvent dans des situations où la gouvernance mondiale leur impose des conditions qui ne peuvent pas respecter les promesses», a-t-il expliqué avant de poursuivre : «Au niveau national, quand nous parlons de démocratie, c’est la conquête et la conservation du pouvoir. Ce sont les deux notions que les politiques portent en bandoulière. Pour conquérir le pouvoir, ils sont dans des coalitions. Ainsi, ils arrivent au pouvoir avec les meilleures intentions du monde mais à l’épreuve des réalités, chaque groupe dans la coalition a des attentes. Ce qui fait que, quand on pense conserver le pouvoir, il faudra aller dans des compromissions. Ainsi, dans cette logique, on conserve la coalition avec des promesses qui font que souvent on ferme les yeux sur la corruption, l’impunité etc… Voilà la conséquence de l’exercice du pouvoir qui fait que nous versons dans la mauvaise gouvernance».
HARO SUR LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES
Pour le Sous-préfet Djiby Diallo, le problème de la démocratie en Afrique, c’est d’abord la corruption. Mais qui est le corrupteur ? se demande-t-il avant d'arriver à la conclusion : «L’Afrique ne se corrompt pas elle-même. Regardez l’allure des campagnes électorales d’un parti politique, ses financements. D’où viennent-ils ? Et pourtant des mécanismes existent pour le financement des partis. Quel est le pays qui l’applique aujourd’hui ?»
COMMENT PARER AU VIRUS DE L'INSTABILITE INSTITUTIONNELLE ?
Face à l’instabilité institutionnelle, le Général Talla Niang a identifié, dans son intervention, 4 solutions. Sous ce rapport, il théorise la limitation du mandat du président de la République à 7 ou 8 ans et l'interdiction de ne plus pouvoir exercer un autre mandat. Dans la recherche de solutions, il estime que les pays africains doivent asseoir une bonne justice et une administration neutre. Enfin, il pense que l'éducation doit être mise à profit. L’école, dit-il, doit créer un citoyen formé et capable de choisir entre le bon et le mauvais. Sur le terrain des solutions, le Général Babacar Faye est d'avis avec son frère Talla Niang, sur la limitation du mandat. Pour lui, le mandat unique peut être une bonne solution. Cela évitera à l’Afrique l'injonction de la gouvernance mondiale. Le Souspréfet Djiby Diallo préconise trois solutions. D’abord, il estime que la culture peut être une stratégie par rapport à nos traditions africaines. L'administrateur civil invite aussi, dans la résolution des conflits institutionnels, à briser les frontières héritées de la colonisation. Djiby Diallo pense aussi qu'il faut briser «la diplomatie de la caméra». Il s'agit, selon lui, de nommer les faits et pointer du doigt les responsables. Enfin, pour sortir l'Afrique de cet engrenage, dit-il, il est nécessaire d'évaluer le rôle des organisations régionales et sous régionales en Afrique comme l’Union africaine et la Cedeao dans la résolution des conflits.