KORITÉ, TAMBA EN MANQUE DE VOLAILLE
A quelques jours de la fête de l’Aïd el-Fitr ou korité, marquant la fin du mois de ramadan, les aviculteurs de la région de Tambacounda, peinent à approvisionner correctement le marché local. Ils pointent des difficultés à mener cette activité...

A quelques jours de la fête de l’Aïd el-Fitr ou korité, marquant la fin du mois de ramadan, les aviculteurs de la région de Tambacounda, peinent à approvisionner correctement le marché local. Ils pointent des difficultés à mener cette activité du fait de la canicule qui sévit dans cette partie orientale du pays, des maladies qui affectent les poussins, de l’absence de couveuses pour l’incubation des œufs, mais également d’usines de fabrication d’aliments de volailles.
Jeudi, 28 mars et 26e jour du mois de ramadan, la fête de korité est dans tous les esprits dans toute la région de Tambacounda, où beaucoup de jeunes entrepreneurs ont jeté leur dévolu sur l’élevage de la volaille, un secteur, pourtant, à haut risque, disent beaucoup d’entre eux.
Aboubacar Tamega est le président de l’Association régionale de la promotion de l’aviculture à Tambacounda. Ce presque quinquagénaire s’active depuis 20 ans dans cette activité. Marié à deux épouses et père de 7 enfants, Tamega, passionné d’aviculture réside dans le quartier Sarré Guilèle. Il est propriétaire de trois poulaillers d’une superficie totale de 250 mètres carrés à Afia, sur la route de Goudiry, à la sortie de la commune de Tambacounda.
‘’J’ai trois grands bâtiments. J’élève dans le premier des pondeuses et dans les autres bâtiments, des poulets de chair. Pour la korité, la situation n’est pas favorable à Tambacounda. Depuis près de six mois, il y a un manque criant d’œufs hachés et d’œufs à couver’’, dit-il.
Pour ne rien arranger à la chose, un déficit de poussins au niveau national, qui se répercute sur la production locale, vient encore plus désoler le président de l’Association régionale de la promotion de l’aviculture.
A l’origine du mal : la difficulté à trouver des poussins
‘’Les accouveuses ne peuvent pas satisfaire la demande en termes de poussins’’ Il y a quelques mois, s’en procurer relevait presque d’une mission impossible, soutient-il.
Se contentant du peu de poussins qu’il y avait sur le marché, beaucoup d’aviculteurs de la région n’ont pas eu la quantité voulue. ‘’Je connais des avicultures qui faisaient entrer jusqu’à 2 500 poussins pour la korité mais cette fois-ci ils n’ont pu avoir que 1 000 poussins’’, déclare Aboubacar Tamega.
Pour la korité, il n’a ‘’pas fait d’entrée pour des raisons personnelles’’, mais il constate que le marché n’est pas bien approvisionné en poulets, comparé à la même période, l’année dernière.
Sur la route de Kandery, à la sortie de la ville de Tambacounda, la chaleur est à son apogée en cette fin de matinée. Mais, c’est là que Valda Fall a implanté son poulailler. Des températures en hausse n’ont pas d’emprise sur cette femme, qui combine passion et business.
Teint clair, taille imposante, Valda, du haut de ses douze ans d’expérience dans l’aviculture, a dû revoir sa production à la baisse, pour éviter certaines pertes dues aux conditions climatiques, entre autres.
Le prix du poulet varie entre 3 000 et 4 000 francs CFA
‘’Il arrive qu’on élève nos poulets jusqu’à 25 jours et puis, un matin, un virus les attaque, bonjour les dégâts !’’, relate-t-elle, se souvenant d’une mésaventure qui lui est arrivée. Cela lui a coûté une perte de presque 400 000 francs CFA et des prêts bancaires, pour des investissements à perte, à rembourser.
‘’Tous les aviculteurs de Tambacounda vivent la même situation. Nous ne comprenons pas ce qui se passe, pourtant nous sollicitons régulièrement les vétérinaires…’’ dit l’avicultrice qui ne termine sa phrase.
Avec les coups de production élevés, Valda pense qu’il est difficile pour un jeune entrepreneur tambacoundois, qui investit dans l’aviculture, de s’en sortir.
‘’Actuellement, on achète le carton de poussins entre 32 000 et 35 000 francs CFA, le sac d’aliment à 18 500 francs CFA. Sans compter le prix du transport et la paie de l’employé, qui gère le poulailler…’’, détaille la jeune dame. Et le prix du poulet, au marché central de Tambacounda, qui varie entre 3000 et parfois 4 000 francs CFA ne permet pas de rapidement rentabiliser les investissements, selon elle.
Ici, le tohu-bohu est à son comble. Il est 17 heures, et tout le monde est empressé, entre derniers achats, avant l’heure de la rupture du jeûne, en ce jour qui correspond à la Nuit du destin (marque la révélation du Coran au Prophète Mahomet (PSL) par l’ange Gabriel), selon la tradition islamique.
Dans ce marché, non loin du à côté du tribunal de Tambacounda, Aliou Diallo tient depuis plus 10 ans un magasin de vente d’aliments de volailles, d’œufs, de poulets et divers produits avicoles.
Plaidoyer pour des couvoirs et une usine de fabrication d’aliments de volailles
Allongé entre les sacs remplis, Aliou discute au téléphone avec son fournisseur, qui doit lui assurer une livraison de mille poulets depuis Dakar, pour la fête de Korité.
”Je suis obligé de le faire, parce que la production locale de poulets ne suffira à combler la demande, à cause de la forte chaleur qui sévit à Tambacounda. Les aviculteurs souffrent à cause de cette chaleur. C’est difficile d’avoir à Tambacounda un poulet avec un poids +normal+’’, dit-il, sans quitter du regard l’engouement qui prévaut dans son magasin.
Dans la région de Tambacounda, l’aviculture est mise à rude épreuve par l’absence d’usine de fabrication d’aliments de volailles et de couveuses suffisantes pour la production des poussins.
Ces difficultés rencontrées par les éleveurs font craindre au président de l’Association de la promotion de l’aviculture à Tambacounda une hausse du prix du poulet à l’approche de la korité.
‘’Dès l’instant que le produit manque, certains font de la spéculation pour avoir le maximum de bénéfices. Ce qui est injuste’’, condamne Aboubacar Tamega, estimant qu’il existe dans la zone une réelle opportunité pour le développement de l’aviculture, du fait notamment des zones aurifères de la région frontalière de Kédougou.
Il milite pour l’implantation d’une usine d’aliments de volailles et de couvoirs dans la région, pour la production de poussins. ‘’Les poussins achetés à Dakar arrivent à Tambacounda fatigués. Ce qui entraîne des pertes pour les éleveurs’’, indique-t-il, en plus de la canicule.
Ingéniosité et résilience
Pour déjouer cette forte chaleur, le président de l’Association des aviculteurs de Tambacounda trouvé une idée ingénieuse : aménager des palissades qu’il refroidit grâce à un système d’arrosage, afin d’offrir à ses pondeuses un microclimat.
”J’invite mes collègues aviculteurs à être professionnels. On peut élever à tout moment à Tambacounda. Il suffit juste créer son propre microclimat pour atténuer à chaleur. A titre individuel, même au mois d’avril, j’élève jusqu’à 2 000 poulets avec zéro mortalité’’, dit-il fièrement.
Mais il n’y a pas que la forte chaleur, qui impacte négativement sur l’élevage de volailles. Certaines maladies qui les affectent ‘fatiguent’’ les éleveurs.
‘’Aux mois de janvier et février dernier, nous avons souffert car elles ont fait des ravages. Les aviculteurs de la région ont enregistré des pertes énormes. Une solution des autorités pour trouver une solution à ce problème, qui survient souvent au mois de janvier et février, ne serait pas de trop’’, lance Aboubacar Tamega.
Valda Fall, elle, insiste pour un plus grand l’accès au crédit et au financement des femmes entrepreneures, de plus en plus présentes dans le secteur avicole, à Tambacounda.
Face à toutes ces difficultés, les aviculteurs de cette région oriental du Sénégal font preuve de résilience et d’adaptation. A quelques jours de korité, ils font tant bien que mal à satisfaire la demande pressante des populations, qui espèrent se procurer les poulets nécessaires pour passer en famille une belle fête.