LA VALSE INFERNALE DES SAISIES DE COCAÏNE
Le Sénégal n'est plus seulement une plaque tournante du transit de la drogue vers l'Europe, mais voit aussi la consommation locale exploser. Un phénomène inquiétant, révélateur des nouvelles routes empruntées par les narcotrafiquants
(SenePlus) - Au Sénégal, les saisies de cocaïne se multiplient à un rythme effréné ces dernières semaines, révélant l'ampleur du trafic qui transite par ce pays d'Afrique de l'Ouest, rapporte La Croix Afrique. En moins d'une semaine, trois cargaisons représentant des centaines de kilos ont été récupérées par les autorités sénégalaises.
Ce phénomène n'est pas nouveau, mais prend une ampleur inédite. "Les saisies de cocaïne ont explosé ces dernières années au Sénégal. Alors qu'elles étaient quasi nulles entre 2016 et 2019, elles ont augmenté à partir de 2020 avec 120 kg saisis, puis à nouveau en 2021 avec 2 706 kg", indique la base de données de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
Face à l'intensification des contrôles sur les routes maritimes traditionnelles reliant l'Amérique latine à l'Europe, les trafiquants se tournent de plus en plus vers l'Afrique de l'Ouest comme zone de transit. Comme l'explique La Croix Afrique, "Ils passent notamment par des groupes criminels brésiliens, qui acheminent la drogue vers l'Afrique de l'Ouest. Elle est ensuite récupérée par des organisations criminelles africaines, qui s'occupent de la livrer à la 'Ndrangheta, la mafia calabraise."
L'essor de ce trafic s'explique par plusieurs facteurs selon l'ONUDC : "L'expansion de la culture de la coca, et des progrès dans les méthodes de transformation ont entraîné une augmentation de la consommation mondiale au cours de la dernière décennie." Un marché de la cocaïne en plein boom que note aussi l'Observatoire français des drogues dans un rapport de mars 2023.
Des chiffres éloquents illustrent cette hausse fulgurante de la consommation. L'ONUDC estime qu'en Europe, 0,5% des 15-64 ans consommaient de la cocaïne en 2000, contre 1% en 2020. Sur la même période, le nombre de consommateurs mondiaux est passé de 13,4 à 21,5 millions.
Pour répondre à cette demande croissante, la diversification des routes d'acheminement devient "un enjeu important pour les trafiquants" analysent les experts onusiens. Le rapport mondial sur les drogues 2023 de l'ONUDC décrit ainsi les nouveaux circuits :
"La cocaïne atteint les deux zones d'arrivée : celle de la côte ouest de l'Afrique et le golfe de Guinée. Ensuite, une partie de la cocaïne poursuit sa route vers le nord, le long des côtes de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique du Nord. Une autre partie est envoyée par voie terrestre sur la côte méditerranéenne, via le Sahel, et de là probablement vers l'Europe ou peut-être le Moyen-Orient."
Si le Sénégal constitue une plaque tournante, la consommation locale n'est pas en reste. "Il y a quelques années, seulement 5% à 8% de cette drogue entrant au Sénégal restaient dans le pays. Ce taux se situait entre 10% et 17% en 2022", révèle à La Croix Afrique Amado Philip d'Andrés, responsable de l'ONUDC à Dakar.
Le rapport 2023 de l'ONUDC sur la cocaïne souligne qu'au Sénégal, "des mules seraient utilisées pour importer de petites quantités par voie terrestre pour le marché local, afin de conditionner ou transformer la cocaïne en crack, revendu à une clientèle majoritairement urbaine". Une tendance qui gagnerait désormais l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest et australe.
Face à cette menace multiforme, les défis sécuritaires et sanitaires à relever sont de taille pour les autorités sénégalaises et la communauté internationale.