LE COSKAS, CHEVILLE OUVRIÈRE DU GAMOU ET IDENTITÉ REMARQUABLE À TIVAOUANE
Le Comité d’organisation au service de Khalifa Ababacar Sy joue un rôle central dans l’organisation du maouloud. Reconnaissables à leurs tenues vertes, ces bénévoles veillent à la sécurité et à la gestion logistique de cet important événement religieux.
Tivaouane,13 sept (APS) – A Tivaouane, fief de la confrérie tidiane, le Comité d’organisation au service de Khalifa Ababacar Sy (Coskas), cheville ouvrière du Gamou, l’événement religieux commémorant la naissance du prophète de l’Islam, Mohamed (PSL), fait figure d’une véritable identité remarquable.
Reconnaissables à leurs tenues de couleur verte souvent assorties de chaussettes, les membres du COSKAS sont déployés dans toute la cité religieuse onze jours avant le Gamou. Et leur tenue ne passe pas inaperçu.
La ville de Tivaouane, à l’instar des autres foyers religieux soufis du pays, célèbre depuis plus d’un siècle (122e édition) le Maouloud, communément appelé Gamou au Sénégal. Cet événement religieux draine des milliers de fidèles qui viennent du Sénégal et de l’étranger.
Au-delà des services de l’Etat qui se mobilisent pour gérer la forte concentration humaine, les autorités religieuses, en collaboration avec les services étatiques, mettent en place des dispositifs pour la prise en charge les questions de sécurité, d’hygiène, d’orientation, de santé, d’eau et d’électricité.
A Tivaouane, des membres du Coskas assurent l’organisation interne des mosquées et des mausolées. Ils travaillent aussi en bonne entente avec les forces de l’ordre pour rendre fluide la circulation des disciples à l’entrée et aux alentours d’autres lieux d’affluence, comme les domiciles des marabouts.
Mis en place en 1968, ce comité compte divers profils dans ses rangs : des agents des sapeurs-pompiers, des médecins, des enseignants, des commerçants, des opérateurs économiques, des chefs de service, entre autres. Tous se portent volontaires pour œuvrer à la réussite de l’événement religieux phare de Tivaouane.
La grève des étudiants de 1968 comme point de départ
En 1938, un cercle restreint d’hommes engagés auprès du khalife d’alors, Serigne Babacar Sy, fils d’El Hadj Malick Sy, l’initiateur du Gamou de Tivaouane, s’étaient chargés d’organiser la célébration de la naissance du prophète Mohamed (PSL).
Sous le khalifat de Serigne Abdou Aziz Sy ‘’Dabakh’’, ce comité devint plus actif en 1968, l’année de la grève fameuse déclenchée par les étudiants sénégalais.
A l’occasion de cette édition, seuls 25 policiers avaient été mobilisés pour sécuriser le Gamou. La raison était liée à un manque d’effectif, la police étant plus occupée à venir à bout du mouvement estudiantin.
C’est alors que Serigne Cheikh Tidiane Sy demanda à Serigne Mansour de recourir à de jeunes pensionnaires de “daara’’ (écoles coraniques), pour épauler les 25 agents de police déployés à Tivaouane, raconte Serigne Babou, secrétaire à l’organisation d’Ahlou Soufa, une section du Coskas.
Au début, seules 71 personnes furent sélectionnées. Elles étaient toutes originaires de Thiès, à l’exception de l’une d’entre elles qui était d’un âge avancé et qui venait de la ville de Rufisque. Au fil des ans, le comité atteignit plus de 5.000 membres.
Le gonflement de ses rangs lui impose alors une plus grande organisation interne, à travers la mise en place de plusieurs commissions. Elles sont dédiées à la manutention, aux tentes, aux bâches, à la plomberie, aux équipements, sans compter les commissions chargées des différents compartiments des mosquées, dont les mausolées des défunts khalifes et de leurs proches.
‘’La foi, la discipline et la discrétion’’ comme devise
S’ils savent à quelle heure ils commencent leurs activités, les membres du Coskas ne se fixent en revanche aucune limite de temps pour leur achèvement. Tant qu’il y a des tâches à accomplir, ils restent sur le terrain, et sont visibles dans les mosquées, les mausolées, les rues menant au cœur de la ville, les édifices accueillant du monde. Ils orientent les fidèles, organisent les files dans les mosquées, distribuent les mets aux fidèles et escortent les autorités religieuses de la ville.
Ici, la discipline et discrétion sont les deux maîtres mots. La foi en bandoulière, les membres du Coskas accomplissent, sans grande difficulté, leurs tâches.
Elimane Niang, un résident de Thiès membre du Coskas, indique que pour intégrer le comité, il faut de prime abord ‘’être tidiane, être membre d’un dahira et se conformer à la devise qu’est la foi, la discipline et la discrétion’’.
Aucune distinction de sexe ni d’âge n’est faite au sein du comité, où enfants, jeunes et vieux sont traités de façon identique.
Pour eux, la retraite n’existe pas en religion. ‘’Il y a des personnes âgées à qui on demande de rester à la maison, mais elles refusent en disant que tant qu’elles seront en vie, elles accompliront la volonté de Serigne Babacar Sy’’, dit-il, pour justifier la présence de personnes âgées parmi les membres du Coskas.
Pour ce disciple, le comité, comme son nom l’indique, est une marque identitaire de la famille d’El Hadj Malick Sy. ‘’On ne le retrouve qu’à Tivaouane. Il s’agit d’un legs de nos grands-pères, de nos pères et aujourd’hui, nous sommes fiers d’œuvrer pour le khalife actuel’’.
Il y a une quarantaine de commissions : ordre, réserve, réception, entre autres. Rien que la commission ordre compte 600 membres.
Une source de financement du Maouloud
En plus de s’investir pour le bon déroulement du Gamou, les membres du Coskas, par leurs cotisations, financent des activités menées durant cet événement religieux.
‘’Avant, les membres déboursaient 1.000 francs CFA, en guise de cotisation annuelle. Nous nous sommes rendu compte que les temps ont changé. Sous l’égide de Serigne Abdou Aziz Sy Al Amine, il a été décidé que tout membre actif versera désormais 10 000 francs par an’’, confie Alassane Niang, vice-président de Ahlou Soufa.
La symbolique et l’historique de la couleur
Cette contribution pécuniaire concerne les membres en tenue, sur le terrain. Ce qui n’a rien à voir avec les membres de soutien au Coskas. Cet argent, en plus des contributions des sections régionales, constitue le budget du COSKAS.
Toute une symbolique entoure le choix des couleurs des tenues du Coskas. Le marron était choisi par les membres fondateurs du Coskas, pour les uniformes. Elle a dû céder la place au fil des ans, au bleu.
‘’Après la mise en place du Coskas, les responsables morales avaient porté leur choix sur le marron. Le choix de la couleur bleue a été en vogue, s’en est suivi le vert clair qui a fini par marquer les esprits. Si on dit vert, on évoque le vert du Coskas’’, explique le vice-président de la commission ordre dudit comité.
Beaucoup de gens ont fini par penser que c’était la ‘’marque déposée du Coskas, renvoyant à la couleur de l’Islam’’, ajoute-t-il.
Cette année, avec l’accord de leur responsable moral Moustapha Sy Al Amine, petit-fils de Serigne Babacar Sy, il a été commandé des tenues de couleur marron, assortie de d’images de parapluies de couleur verte.
L’exigence qui accompagne ce choix est qu’il est formellement interdit de garnir les tenues et que les parapluies miniaturisés ne doivent pas être couchés. Tout membre qui enfreint cette consigne se verra privé de badge, prévient le responsable de l’ordre. Une sanction lourde pour ces sentinelles de la Tjaniyya qui, sans relâche, œuvrent avec passion et fierté, n’espérant que la reconnaissance du khalife.