LE DG MAMADOU DJIGO EXPLIQUE LES CONTOURS DE CE JOYAU
Le Directeur général de l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (ANAT) sort de l’ombre
Le Directeur général de l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (ANAT) sort de l’ombre. Ingénieur de formation, Mamadou Djigo s’était fixé un objectif de doter le Sénégal d’un plan national d’aménagement du territoire en six ans. Faisant partie des expatriés qui ont décidé de rentrer pour booster l’économie du pays auprès du nouveau président Macky Sall, Mamadou Djigo s’était emmuré dans un silence assourdissant depuis na nomination. Malgré les crocs-en-jambe de certains de ses anciens ministres, il a résisté aux coups de boutoirs. C’est seulement sous Oumar Guèye qu’il atteindra l’Himalaya avec l’adoption de ce plan qui s’étend jusqu’en 2035, par un conseil présidentiel. Dans cet entretien avec «L’As», il décline les grands axes du nouveau Plan. Le responsable Apr de Koungheul confie que le document renseigne sur les disparités territoriales, les causes des inondations et des mauvais découpages administratifs. D’ailleurs, il informe qu’une stratégie de correction des incohérences des découpages administratifs est mise en place. Mamadou Djigo annonce le vote de la loi d’orientation du plan national d’aménagement du territoire au mois d’avril pour la mise en œuvre du plan.
«Le plan national d’aménagement et de développement territorial (PNADT) est un plan d’organisation intelligente de l’espace. L’aménagement du territoire n’est rien d’autre qu’un ensemble de dispositifs de techniques, d’actions et d’interventions afin d’assurer une bonne réponse à la demande de la population etc. Un plan d’aménagement, c’est en réalité la planification spatiale. Maintenant, lorsqu’on a un territoire, il faut voir comment faire pour bien l’organiser, répartir les populations, les infrastructures, les hôpitaux, les rails, les routes et voir comment sécuriser le territoire etc. Ainsi le plan d’aménagement du territoire consiste à regarder le passé, faire avec le présent et s’orienter vers le futur. Puisque si on ne se projette pas vers le futur, on sera victime quasiment de toutes les tentations. Par exemple, si vous avez un espace et que vous laissez faire, les gens vont habiter dans des zones inondables. Mais si vous cartographiez les zones inondables et que vous interdisiez aux gens d’y habiter, ils vont forcément s’installer dans des zones propres à l’habitat.
LES INONDATIONS ET LES MAUVAIS DECOUPAGES S’EXPLIQUENT PAR L’ABSENCE D’UNE LOI D’ORIENTATION DU PLAN D’AMENAGEMENT DE 1997
Le Sénégal disposait d’un plan d’aménagement du territoire, mais malheureusement ce plan devrait être accompagné par un certain nombre d’outils, notamment la loi d’orientation, pour qu’il soit opposable au tiers. Mais ce plan de 1997 qui a été élaboré pendant 20 ans n’a pas été accompagné par une loi. Du coup, le déséquilibre entre Dakar et le reste du pays s’est accentué. Les gens sont allés s’installer dans des zones inondables alors qu’un bon plan pouvait nous éviter cela. Aussi les problèmes des découpages administratifs des territoires s’expliquent par l’absence de la mise en œuvre de l’ancien plan parce qu’il n’y avait pas de lois et d’observatoire. On avait même demandé à l’époque un fonds d’impulsion pour la mise en œuvre de ce plan, mais le fonds n’a jamais été disponible. Le plan de 1997 devait aller jusqu’au 2021, mais le président de la République était obligé de mettre en place un nouveau plan parce que nous avons accumulé un retard de 12 à 15 ans. Du coup, il fallait faire un nouveau plan d’aménagement. La réalisation du nouveau plan a pris 6 ans.
BEAUCOUP DE DISPARITES ENTRE LES TERRITOIRES
Dans le diagnostic, nous avons constaté que le Sénégal dispose énormément d’eau. Nous avons des eaux souterraines, des eaux de surface et des eaux pluviales. Malgré cela, nous avons des difficultés dans l’agriculture et plusieurs localités ne disposent pas de l’eau potable. Pourtant, il fallait faire une petite gymnastique pour que les populations aient partout de l’eau potable. Nous avons constaté aussi la dégradation de l’environnement, l’avancée du désert, la perte de la biodiversité, l’exode rural et les systèmes productifs locaux sont restés traditionnels. Nous avons relevé l’avancée de l’érosion côtière, la disparition du couvert végétal, l’exode rural qui accentue le déséquilibre. On m’interpellait souvent sur la suppression des conseils régionaux et je répondais : parce que le système mis en place ne fonctionne pas. La preuve, la solde migratoire des régions du Sénégal était négative sur les régions de Dakar et de Diourbel. Cela veut dire que les entrées étaient supérieures aux sorties. Autrement dit, les autres régions n’étaient pas attractives. Cela continue d’accentuer la population à Dakar et crée l’insécurité, l’installation des populations dans des zones inondables, des embouteillages etc.
LE PLAN D’AMENAGEMENT PREND EN COMPTE L’ACTE III ET LE PSE
Non ! En fait, il ne s’agit pas de changer les choses automatiquement. La gestion d’un territoire est un processus. Le rythme n’est pas lent, mais il est bien soutenu. Je suis convaincu que d’ici 5 ans, les collectivités territoriales n’auront plus besoin de l’Etat. Avec l’Acte III de la Décentralisation, on aura des territoires viables et durables. Le président Macky Sall ne pouvait pas attendre le plan d’aménagement du territoire pour lancer l’Acte III de la décentralisation. Maintenant le plan tient compte de l’Acte III, du PSE et de sa vision. C’est la raison pour laquelle, il l’a validé le 24 janvier dernier. Maintenant, ce plan ambitionne de développer le Sénégal à partir de ses territoires par une bonne structuration de l’espace et une valorisation de ses ressources et potentialités.
STRATEGIE DE CORRECTION DES INCOHERENCES DES DECOUPAGES ADMINISTRATIFS
Pour élaborer le plan d’aménagement, nous avons tenu 14 comités régionaux de développement et après le diagnostic, nous avons encore tenu 14 autres réunions. Il y a eu énormément de difficultés liées aux découpages administratifs. En réalité, il y a des découpages qui n’étaient pas motivés par le développement, mais plutôt par la politique politicienne. On a fait des découpages sans aucune étude et sans une base technique. Ce qui a enfanté des territoires qui ne sont pas viables. Il faut reconnaître aussi que dans les anciennes communautés rurales, il n’y avait pas de limites. Sur ce plan, nous avons proposé dans le cadre de la gouvernance territoriale, la correction de toutes les incohérences. Le Ministère des Collectivités territoriales, en collaboration avec le Ministère de l’Intérieur à travers l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (Anat) et la Direction générale de l’administration territoriale (DGAT), a mis en place une stratégie de correction des incohérences. Il y aura de nouveaux découpages et la métropolisation. Mais sur les limites des anciennes communautés rurales, les difficultés sont liées à la rédaction des décrets. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu de rédiger tous les décrets. Ainsi au lieu d’utiliser des marqueurs qui peuvent disparaître, nous allons mettre des points géographiques. Nous avons même commencé à mettre en œuvre le plan d’aménagement national du territoire. Car dans les recommandations du plan, il est prévu de rédiger tous les décrets. Nous avons proposé cinq niveaux dans le cadre de la hiérarchie fonctionnelle des établissements humains. Dakar sera une métropole internationale. Il est prévu 10 métropoles d’équilibre et des métropoles régionales. Il y aura aussi des centres secondaires stratégiques et des centres relais. Et c’est à partir des centres relais qu’il faut développer le territoire. En fait, des remodelages sont en train d’être faits parce que la gouvernance de certaines de nos grandes villes n’est plus adaptée ; par exemple : le continuum Dakar-Pikine-Guédiawaye jusqu’à Diamniadio.
LA LOI D’ORIENTATION DU PLAN NATIONAL D’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE SERA VOTEE AU MOIS D’AVRIL
Les grandes affectations sont au nombre de quatorze. On a divisé le territoire national en quatorze zones et chaque grande affectation a une vocation dédiée. C’est une manière de territorialiser l’ensemble des politiques publiques. Il y a aussi la structuration du territoire par rapport à un transport multimodal. Pour la réalisation du plan, on a impliqué toutes les structures de l’Etat, mobilisé toutes les universités et recruté trois bureaux d’études. J’ai rencontré en dehors des équipes, plus de 200 personnalités. Maintenant, la loi d’orientation du plan national d’aménagement et du développement territoire sera votée au mois d’avril prochain. Après le vote de la loi, tout se fera en conformité avec ce plan. L’Etat se battra pour mettre en place les infrastructures qui figurent dans le plan. Le plan devait coûter 2,5 milliards mais on a dépensé moins. Il s’étale jusqu’en 2035, mais il est révisable chaque année. Aussi nous avons développé un outil qu’on appelle observatoire national pour le développement des territoires. Il va évaluer le plan.