VIDEOLE PARADOXE DES MIGRATIONS SÉNÉGALAISES
Mouhamed monte dans sa pirogue vers l'Europe, pendant que Menka quitte Paris pour le Sénégal. L'un fuit la pauvreté, l'autre cherche ses racines. Leurs trajectoires opposées illustrent la complexité des flux migratoires entre l'Afrique et l'Europe
(SenePlus) - L'océan Atlantique est devenu le théâtre d'un double mouvement migratoire aux contrastes saisissants. Comme le rapporte Mehdi Ba dans Jeune Afrique, deux documentaires récents de la BBC illustrent ce phénomène : d'un côté, des milliers de Sénégalais risquant leur vie pour rejoindre l'Europe, de l'autre, des "repats" français d'origine africaine cherchant à renouer avec leurs racines.
Les chiffres sont vertigineux : "40 000 migrants en 2023 et 70 000 en 2024" ont tenté la traversée vers les îles Canaries, générant un trafic estimé à "150 millions d'euros" pour les passeurs. Le documentaire "Eaux troubles" suit l'un d'eux, Mouhamed Oualy, un trentenaire du Sénégal oriental dont les derniers mots avant le départ résonnent comme un testament : "S'il vous plaît, priez pour moi. Le moment est venu."
À l'inverse, "Le Retour au pays" dépeint le parcours de Français d'origine africaine choisissant de s'installer au Sénégal. Menka Gomis, 39 ans, né à Paris, incarne cette tendance : "Moi, j'ai beau être Français, je viens aussi d'ailleurs", confie-t-il à la BBC. Après une carrière d'ingénieur en France, il voit dans l'Afrique "un continent d'avenir" où il y aurait "tout à construire."
Le contraste entre ces deux réalités est frappant. Pendant que certains risquent leur vie sur des embarcations de fortune, d'autres, comme Marie D'Almeida, accompagnent les "repats" dans leur installation au Sénégal. "Les gens ne se retrouvent plus dans le modèle social de la France", explique-t-elle, ajoutant que "plus de 90 de ses clients ont d'ores et déjà franchi le cap."
Mais ces retours aux sources ne sont pas sans désillusions. Salamata Konté, ancienne cadre bancaire, témoigne : "J'étais rejetée en France, et ici aussi je suis rejetée ?!", s'indignant d'être surnommée "Sala la Française" à Dakar.
Le bilan humain de la traversée maritime est, lui, dramatique. Selon l'ONG Caminando Fronteras, citée par Jeune Afrique, "plus de 18 000 migrants auraient perdu la vie lors de la traversée depuis 2018, dont 2 000 femmes et enfants." Dans le cimetière d'El Hierro, aux Canaries, des tombes anonymes accueillent les corps non identifiés des naufragés, derniers témoins d'un drame qui continue de se jouer sur les eaux de l'Atlantique.