L'IVG EN DÉBAT
Tandis qu’une frange de la société milite pour des avancées en la matière, une autre s’arc-boute sur le statu quo, invoquant les traditions du pays et la religion. Pour JA, deux personnalités aux opinions divergentes, ont accepté d’en débattre
Dans un pays musulman à 90 % et religieux à 99,99 %, l’interruption volontaire de grossesse a-t-elle sa place ? Depuis plusieurs mois, la question de l’avortement thérapeutique fait débat. « Jeune Afrique » a réuni les représentants d’une association féministe et d’une association islamique pour confronter leurs points de vue.
République laïque d’après la Constitution, mais imprégnée de religion, société moderne où le conservatisme n’a toutefois pas dit son dernier mot, le Sénégal a vu ressurgir au cours des derniers mois le débat sur l’avortement. Et, comme tout sujet touchant aux mœurs, celui-ci a déchaîné les passions. Tandis qu’une frange de la société milite pour des avancées en la matière, une autre s’arc-boute sur le statu quo, invoquant les traditions du pays et la religion. Pour Jeune Afrique, deux personnalités mobilisées sur la question, aux opinions divergentes, ont accepté d’en débattre.
D’un côté, Aïssatou Ndiaye, présidente de Youth Women for Action-Sénégal, une association qu’elle a contribué à créer en 2013 et qui travaille sur les questions de violences fondées sur le genre et le droit à la santé sexuelle et reproductive. De l’autre, Mame Mactar Guèye, porte-parole de l’association islamique Jamra, qui surveille sans relâche les entorses présumées à l’ordre moral et religieux au Sénégal et multiplie les actions de plaidoyer sur la question.
Pour Jeune Afrique, tous deux ont confronté leurs points de vue sur ce sujet hautement sensible qu’est l’avortement.
Jeune Afrique : Une polémique a récemment émergé autour de l’avortement médicalisé. Comment est-elle apparue ?
Mame Mactar Guèye : Le débat a surgi à l’initiative d’associations soucieuses de préserver l’intérêt des femmes et de lutter contre les violences qui leur sont faites – démarche que nous avons toujours saluée. En mai 2019, la responsable d’une de ces associations, Amy Sakho, porte-parole du Comité de plaidoyer pour le droit à l’avortement médicalisé, en cas de viol ou d’inceste, m’avait contacté. Elle demandait à Jamra un soutien dans le cadre d’une campagne visant à ce que le viol soit criminalisé.
Nous avons donc accompagné nos sœurs des mouvements féministes dans ce combat, avec comme mot d’ordre l’accentuation des sanctions pénales contre ce fléau, afin d’en finir avec l’impunité – relative – des auteurs de viols. Quelques mois plus tard, le 10 janvier 2020, l’Assemblée nationale a voté la loi 2020-2005 portant criminalisation du viol.
Nous ne sommes pas dans une adversité tranchée : nous avons des points de convergence, même s’il est vrai que nous ne sommes pas d’accord sur tout. D’ailleurs, depuis lors, le viol est puni d’un minimum de dix ans de prison, pouvant aller jusqu’à la perpétuité s’il est assorti d’un meurtre.
Quand vous parlez de vos « sœurs », voulez-vous dire qu’il y a une collaboration entre Jamra et les mouvements féministes ?
Mame Mactar Guèye : Nous avons des relations régulières avec plusieurs mouvements. Outre celui d’Aïssatou Ndiaye, il y a aussi l’Association des juristes sénégalaises (AJS), d’Amy Sakho, et bien d’autres.