QUAND LA SOLIDARITE SE VIT AU CŒUR DES QUARTIERS !
Le mois béni de Ramadan rime avec solidarité et partage, en plus d’un jeûne, des prières et autres actes d’adoration. Et cela se matérialise, entre autres, par la distribution de «ndogu» gratuits dans plusieurs quartiers, espaces publics et coins de rues

Le mois béni de Ramadan rime avec solidarité et partage, en plus d’un jeûne, des prières et autres actes d’adoration. Et cela se matérialise, entre autres, par la distribution de «ndogu» gratuits dans plusieurs quartiers, espaces publics et coins de rues de Dakar. Une l’initiative de jeunes qui permet de faire vivre la solidarité et le partage au cœur des quartiers
18h32 au quartier Niary Tally, à la rue «Kognou Bagarre», l’air est chargé des arômes du «kinkéliba» en ébullition, du sucre qui se dissout dans le café Touba chaud. Amadou Sambou surveille la marmite fumante, pendant que Younouss Traoré s’occupe du «majjaal» (une quête, en wolof), récoltant les contributions des habitants, des passants et autres bonnes volontés. Autour d’eux, des éclats de rire fusent, des cris d’enfants résonnent : ici, le «ndogu» n’est pas juste un moment de rupture du jeûne, c’est un véritable rituel de quartier.
Dans cette partie de Niary Tally, ce ne sont pas des bénévoles venus de l’extérieur qui organisent le «ndogu», mais bien les enfants du quartier. «Le mois de Ramadan est un mois béni, un mois de partage», expliquent-ils. «Nous avons décidé de distribuer du café Touba et du «kinkéliba» pour aider ceux qui rentrent tard. Avant d’arriver chez eux, ils peuvent au moins couper leur jeûne ici, avec nous».
LE «NDOGU SUR LE FIL» ET LE COUP D’ACCELERATEUR
A l’image de Niary Tally, le Ramadan étant une période par excellence de partage et de solidarité, des actions similaires sont constatées un peu partout dans des quartiers de Dakar notamment en banlieue. Désormais elles ne sont plus l’apanage des «Baye-Fall» qui, à l’origine, étaient connus pour la distribution de «ndogu» dans des rues.
Avant que l’ancienne ministre Fatou Bintou Taya Ndiaye, sous le régime de l’ancien président Abdoulaye Wade, ne formalise cette approche de solidarité durant le mois béni de jeûne à travers le concept «Ndogu sur le Fil», lancé avec la participation de partenaires industriels et de l’agro-alimentaire. Le temps de son passage à la tête du département en charge de la Solidarité nationale, en 2008. Malgré son passage éphémère au ministère de la Solidarité nationale (cinq mois) le phénomène de la distribution de «ndogu» gratuits prendra de l’ampleur d’année en année suivantes, sous forme de bénévolat toujours, dans les quartiers et coins de rues
Loin d’être une action organisée, comme une association caritative, l’initiative repose sur la spontanéité et la solidarité de quartier. «Avant le Ramadan, on se réunit pour en parler. Ça demande un peu d’argent, alors chacun aide comme il peut et en fonction de ses moyens. Certains apportent du sucre tous les jours ou tous les deux jours, d’autres donnent du café. On fait aussi des petites cotisations entre nous pour compléter», confient-ils.
UNE AMBIANCE UNIQUE
Mais plus qu’un simple geste de générosité, ce moment est surtout un temps fort de la vie du quartier. «On rigole, on s’amuse, en préparant. C’est une vraie ambiance familiale», raconte Pape Sambou Ndour, en remplissant les gobelets fumants.
L’excitation monte à l’approche de la coupure du jeûne : les plus jeunes courent dans tous les sens, d’autres s’assoient en attendant que le café soit prêt. «On ne donne pas juste du café, on partage un moment ensemble», ajoute Korka. «On se connaît tous ici, et voir les sourires des gens qui viennent prendre leur ‘’ndogu’’, ça fait plaisir», explique Amadou Sambou.
LE «MAJJAAL», ENTRE NECESSITE ET INCOMPREHENSIONS
Pour financer ces soirées de distribution de «ndogu», les jeunes s’appuient sur le «majjaal», une quête de fonds locale. Mais cette pratique ne fait pas toujours l’unanimité. «Certains trouvent que ce n’est pas bien de demander pour financer les «ndogu» que nous distribuons gratuitement ; mais on ne force personne» à donner ou participer, explique Younous Traoré, qui s’occupe de la collecte. «Si quelqu’un ne veut pas participer, ce n’est pas grave ! Mais sans cette aide, on ne pourrait pas acheter tout ce qu’il faut», ajoute Amadou Sambou. Si, aujourd’hui, les jeunes du quartier se concentrent sur la distribution de café et de «kinkéliba», ils rêvent d’aller plus loin : «On aimerait pouvoir offrir plus de choses, peut-être du pain, des dattes… Mais on fait avec les moyens du quartier», notifient-ils.
À Niary Tally, comme partout dans d’autres quartiers de la capitale sénégalaise, chaque soir de Ramadan, l’esprit de solidarité se vit dans la rue, autour d’une grande marmite de «kinkéliba», de café Touba et des rires des enfants. Une tradition qui, bien plus qu’un simple acte de générosité,renforce les liens entre voisins et fait du «ndogu» un moment unique.