METSU QUITTE DEFINITIVEMENT LE BANC DES LIONS
APRES AVOIR PERDU SON DERNIER MATCH CONTRE LE CANCER
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C'était en 2001 ! Le Sénégal à la cherche d’un coach croise sur son chemin Bruno Metsu. L’homme à la crinière hollywoodienne venait juste de quitter la Guinée, après un échec. Inconnu au bataillon, ce « sorcier blanc » au palmarès vierge trouve un accord avec El Hadji Malick Sy «Souris», alors président de la Fédération sénégalaise de football. Et c’est parti pour une idylle qui va déboucher sur deux inoubliables lunes de miel, au Mali et en Asie (Corée du Sud et Japon).
D’abord, c’est par une brillante qualification à la Coupe d’Afrique des nations, en 2002, dans une poule de feu pour ne pas dire de la mort, avec trois pays du Nord (Egypte, Algérie et Maroc) qui ont tous goûté aux délices d’une coupe du monde, qu’il va marquer les esprits. La Namibie qui faisait office de petit poucet complétait la liste de la poule.
Metsu qui disposait d’une base assez convaincante née de la CAN 2000 avec Peter Snitger, apporte sa touche personnelle. Défensivement, l’Allemand avait fini de rassurer le public. Mais, il fallait trouver d’autres équilibres, notamment en milieu de terrain et en attaque.
Malgré son statut de «smicard» des techniciens européens sur le continent, Metsu joue sur l’affection et l’audace pour réussir son coup.
A Rabat, au Maroc, il tient tête (0-0). Ferdinand Coly réussit même à inscrire un but valable qui sera refusé par l’arbitre. A Dakar, devant un stade Léopold Sédar Senghor plein comme un œuf, les «Lions» s’imposent (1-0). Auparavant, l’Algérie avait fini de prendre une raclée (3-0). Seul l’Egypte réussira à tenir tête aux «Lions».
Alors que le Maroc avait épuisé ses cartouches, Metsu se rend à Windhoek (Namibie) avec une obligation de s’imposer par trois buts d’écart. Ils en mettront cinq (5-0). En infériorité numérique, s’il vous plait, après l’expulsion de Pape Sarr.
Un retour triomphal leur sera réservé à Dakar. Les «Lions» impressionnent déjà l’Afrique.
Au Mali, Bruno Metsu s’attaque à d’autres challenges. Vaincre les signes égyptien et zambien. 16 ans après le Caire en 1986, Metsu réussit à battre l’Egypte (1-0) grâce à Lamine Diatta.
Face aux Chipolopolos (Mozambique), c’est Souleymane Camara, entré en cours de jeu (coaching de Bruno) qui va surgir comme un aigle pour catapulter le cuir au fond des filets.
La qualification acquise, Metsu se permet de mettre une équipe-bis face à la Tunisie. Pourtant, il y avait un risque énorme de croiser l’ogre camerounais avec sa kyrielle de stars. Mais avec Bruno Metsu, la peur n’existait pas. D’ailleurs, il sera le seul coach à avoir fait jouer tous ses joueurs (sauf Kalidou Cissokho, unique local du groupe) dans ce tournoi. Amara Traoré et compagnie décrochent un nul blanc pour ce match de …gala. Le Sénégal s’offre la Rd Congo (2-0) en quarts de finale avant de faire face au Nigeria. Nouveau challenge ! Deux ans après le fameux match de Surrulere. Il y avait forcément de la revanche dans l’air. Mais là également, les «Lions» ne vont pas trembler. Ni après l’égalisation des Super Eagles, ni suite à l’expulsion de Pape Sarr. Salif Diao, sur une contre-attaque rondement menée, va libérer le public. Quant à la finale, elle va s’achever à la loterie. Le Cameroun repart avec le tout nouveau trophée et conserve l’ancien. Le Sénégal place cinq Lions dans l’équipe-type dont Tony Sylva, Salif Diao, Bouba Diop, Fadiga et El Hadji Diouf (élu meilleur joueur de la Can 2002). L’Etat du Sénégal comblé par la performance inédite, décide alors de payer les primes de victoire aux «Lions».
Cap sur le Mondial asiatique ! Alors que les observateurs voyaient le Sénégal terminer à la 32ème place, Bruno Metsu, à la surprise générale, projette le Sénégal dans la lumière. Face à une France championne du monde en titre, dotés de trois meilleurs buteurs de Ligue 1 (Djibril Cissé), d’Italie (David Trézéguet) et d’Angleterre (Thierry Henry), Metsu réussit, grâce à un dispositif tactique impressionnant, à contrecarrer toutes les velléités offensives des Bleus. Son 4-5-1 fonctionne à merveille. Ce 31 mai 2002 restera dans les annales. Onze Jambars, illuminent the Seoul Stadium et propulsent le Sénégal en tête de la poule A. Le 6 juin, ils remettent ça face au Danemark (1-1), grâce à un but, suite à une contre-attaque éclair qui a permis à Salif Diao de sauver son match. Responsable d’un penalty, buteur puis carton rouge, Diao s’était autoproclamé Homme du match, mais la Fifa avait attribué ce titre honorifique à Fadiga. Comme elle l’a fait pour Diouf face à la France et à Henri Camara contre la Suède en 8èmes de finale.
Pour le coup d’essai, Metsu réussit un coup de maître en atteignant les quarts de finale.
Retour manqué
Auréolé de gloire, le Sénégal ne pouvait plus garder son Bruno Metsu, comme la France n’a pas pu maintenir en Ligue 1, Diouf, Fadiga, Henry, Diao et autres Aliou Cissé. Son envie de rester au Sénégal se heurte aux pétrodollars du Golfe. «On ne peut pas vivre d’amour et d’eau fraîche», dit l’adage. Metsu qui émargeait à cinq briques au Sénégal, qui s’est battu pour que Jules François Bocandé, qui travaillait bénévolement, soit rémunéré, ne pouvait pas ne pas répondre aux sirènes du Golfe où les Cheik dépensent sans compter. Mais son amour pour le Sénégal va le pousser à proposer un «deal», à la limite loufoque. Aux dirigeants d’alors, il demande une «permission» d’aller renflouer ses comptes et de revenir achever son boulot. Nonobstant le refus des Fédéraux, Metsu continue à suivre le Sénégal. Un pays qu’il a fini d’adopter. Un pays auquel, il est lié pour la vie et la mort, pour y avoir trouvé une épouse et donné naissance à des Franco-Sénégalais.
D’ailleurs, ni Guy Stephan, ni Amara Traoré, ni Lamine Ndiaye, encore moins Henry Kasperszak et aujourd’hui Alain Giresse, ne parviendront à faire oublier au public sénégalais, Metsu. Ovationné à chacune de ses apparitions au stade Léopold Sédar Senghor, il a encore tenté de reprendre les commandes après le bide de Bata. Mais, Pierre Lechantre va lui «voler» le poste, sans pourtant tenir son banc. Mais Metsu n’abdique pas. Son dernier match, il va le livrer contre trois cancers. Mercredi 15 octobre 2013, à la veille de la Tabaski 2013, Abdou Karim (son nom musulman) va rendre l’âme à 59 ans, à Dunkerque (France). Bruno s’en va, mais Metsu lui, reste éternel.
En ces douloureuses circonstances, le groupe Sud Communication présente ses sincères condoléances à sa famille, à son épouse Daba et à ses enfants.