DANS L'ANTRE DES SHOWRUNNER
A cheval entre plusieurs métiers dans la production audiovisuelle, notamment les séries, le showrunner est considéré comme le chef d’orchestre. Il est à la fois le bras administratif et technique.

A cheval entre plusieurs métiers dans la production audiovisuelle, notamment les séries, le showrunner est considéré comme le chef d’orchestre. Il est à la fois le bras administratif et technique. Durant toute la réalisation, il veille à garder une cohérence. Incursion dans l’univers de ce métier en pleine expansion…
Avec le développement de l’industrie cinématographique, de nouveaux métiers voient le jour. A côté des réalisateurs, producteurs, scénaristes, scripteurs entre autres, celui de showrunner a fait son apparition depuis quelques années. Par la force des choses et des exigences de plus en plus présentes dans le monde du septième art, le showrunner occupe une place particulière dans la production d'une série. De par son rôle transversal et de son importance, il peut épouser le rôle d'un autre au-delà de sa fonction.
Élaboration des arches narratives, direction d’écriture, direction artistique, collaboration avec le réalisateur : le showrunner intervient à presque tous les niveaux de la production d’une série. En France comme au Sénégal, ce métier ne fonctionne pas comme aux États-Unis, le pays d’origine. Sous nos cieux, il tend à se développer en raison de la profusion de séries ces dernières années. Il y a un vrai engouement autour, ce qui a permis de mettre sur le devant de la scène les showrunners. Le milieu s’est rendu compte qu’un chef d’orchestre était nécessaire pour garder la mémoire de la série et répondre à tous les interlocuteurs impliqués dans sa fabrication.
Cerveau de la production
Le showrunner est donc chargé de créer l'intrigue de la série avant l'intervention des scénaristes. En d'autres termes, il lui revient de faire les premières propositions pour la conception de l'intrigue. Dans son travail, le showrunner a la responsabilité de faire évoluer les personnages dans leur rôle. Son travail va se sentir du début et à la fin de la production. Il collabore en parfaite harmonie avec le producteur et le réalisateur de la série, surtout lorsque celle-ci demande beaucoup d'investissement humain et intellectuel.
“Le showrunner est un terme anglo-saxon qui nous vient des États-Unis. Ce terme n'existe pas dans le monde cinématographique francophone. Je dirais que le showrunner est comme le réalisateur d'un film, mais dans une série. Il est celui qui va poser une vision à la série, il est le maître à bord. On peut se tromper en désignant le showrunner comme le créateur de la série, alors qu'il ne l'est pas. Dans une série, il peut y avoir deux showrunner. Celui qui écrit la série et celui qui sera chargé de transformer le scénario en série”, explique Jean Luc Herbulot Franco-congolais établi au Sénégal showrunner dans la célèbre série Sakho et Mangane.
Véritable homme du sérail, ce dernier assimile le showrunner non pas à l'architecte de la série, mais au maître d'œuvre. “Entre l'idée de quelqu'un, série créée par, les noms peuvent différer. Un showrunner est beaucoup plus proche d'un producteur que d'un réalisateur, dans la mesure où il peut prendre des décisions que le producteur peut prendre. C'est un rôle qui est plus à cheval entre le producteur et le réalisateur” ajoute-t-il. ElHadji Cissokho, un autre virtuose du milieu, showrunner dans plusieurs séries sénégalaises à succès, pousse lui la réflexion plus loin. À l’en croire, le métier de showrunner peut être mal défini ou mal cerné dans la mesure où des personnes qui exercent une partie du métier de showrunner, sont considérés comme tel. Il fait savoir que le showrunner est la personne garante de la cohérence dans une série où il y peut y avoir plusieurs réalisateurs ou scénaristes.
Le showrunner est au-dessus de tous ceux-ci. Par exemple, dans les séries policières, il y a plusieurs réalisateurs, mais derrière, il y a un showrunner qui va faire de tel sorte que chaque réalisateur va avoir, un cahier de charges pour la cohérence de la série. En général, le showrunner peut être comparé à un directeur de création dans une agence de communication. «Le showrunner est aussi quelqu'un qui a une solide expérience en écriture. Il a aussi une expérience dans d'autres métiers comme le réalisateur, le directeur artistique, le monteur», soutient-il…
Le plus gros poste et le mieux rémunéré
“Il n'y a pas de formation pour être showrunner. C'est l'expérience qui fait de vous un showrunner contrairement aux autres métiers de l'audiovisuel”, confie Elhadji Cissokho. Il est joint dans cette remarque par son collègue Jean Luc Herbulot. Ce dernier informe qu'il s'est formé au fil des années lors des différentes productions dans lesquelles il officiait en tant que réalisateur.
“J'ai eu à collaborer avec des showrunners. Je connaissais leur travail et ce qu'ils faisaient. Au début, je pensais que la conception d'un film se limitait entre le producteur, le réalisateur et le directeur d'écriture. Dans une série qui fait 20 a 40 épisodes par saison, il faut nécessairement quelqu'un qui maintient le style. J'ai été showrunner dans deux séries. Une au Maroc et l'autre ici au Sénégal. Mais c'est au Sénégal où j'ai eu les pleins pouvoirs. Pour mon cas, je suis devenu showrunner par la force des choses. Je produisais beaucoup ce que je faisais au-delà d'être réalisateur. Quand on est réalisateur, on n'a pas forcément de rapports avec les clients, les chaînes. J'ai toujours été entre la production et la réalisation. C'est une position qui vous permet d'être toujours entre la chaîne et les techniciens. Pour être showrunner, il faut d'abord maîtriser les outils de la réalisation. Il revient au showrunner de trouver une adéquation entre le budget et la production de la série. Dans une série, le showrunner rend compte à la fois à la chaîne et au producteur, contrairement à ce dernier qui ne rend compte qu'à la chaîne. C'est le plus gros poste qu'on peut avoir en terme de boulot dans une série. Il est là du début à la fin”, fait savoir Jean Luc Herbulot.
Elhadji Cissokho lui emboîte le pas en soutenant la nécessité d'avoir une bonne connaissance des autres métiers de la production. “Le showrunner est quelqu'un qui a une solide expérience en écriture. Il a aussi une expérience dans d'autres métiers comme le réalisateur, le directeur artistique, le monteur. Il n'y a pas de formation pour être showrunner. C'est l'expérience qui fait de vous un showrunner contrairement aux autres métiers de l'audiovisuel. La transversalité du personnage peut lui conférer le mérite d'être showrunner. Mais l'un de ces rôles principaux reste sa capacité managériale. Il est en contact avec tous les maillons de la chaine. Pour le cas du Sénégal, le tournage et la réalisation des série se fait simultanément. Donc le showrunner regarde les rushs afin d'apporter des ajustements.»
Un lourd investissement intellectuel
Jean Luc Herbulot renseigne que le showrunner est mieux rémunéré que les autres qui interviennent dans la production. Mais cela s'explique du fait que le showrunner reste plus longtemps dans une série. “Les artistes sont plus ou moins mieux payés car il ne sont pas certains de trouver du travail après ou ils sont employés temporairement. Le showrunner gagne plus parce qu'il reste plus longtemps dans la série. Il est en amont et en aval de celle-ci. Je ne sais si c'est un avantage ou pas”, s'interroge-t-il. Pour lui, la satisfaction provient essentiellement du projet qu'on a porté.
“Sur le plan technique et artistique, vous imposez votre vision”, argumente Jean Luc Herbulot. Selon Elhadji Cissokho, il est nécessaire d'être un bon scénariste pour être showrunner, même si cela va avec une dose de pression. “De mon expérience personnelle, être showrunner et réalisateur peut être problématique. Certes, les deux, me donnent une position avantageuse par rapport à beaucoup de choses. Seulement, je n'ai pas le recul nécessaire par rapport à mon travail. Le showrunner doit avoir une retenue par rapport aux autres pour ne pas créer des conflits. C'est en somme, un boulot délicat”, conclut-il.